* Chapitre 19 *
La porte s'ouvrit sur un petit couloir sombre. Plusieurs pièces y êtaient connectées, à en croire la pâle lumière qui s'écoulait depuis les montants de porte qui perçaient les murs : c'était peu, juste assez pour appréhender les formes de l'endroit, mais pas assez pour impressionner Keyros. Elle se faufila à côté de Tom et ouvrit la marche en silence.
̶ - Viens. Ne perdons pas de temps.
Elle s'avança à pas lents et calmes, suivie de près par son compagnon. L'endroit paraissait tout aussi décrépit que la pièce dans laquelle ils s'étaient réveillés, exceptées les petites lumières rouges qui brillaient au quatre coins du plafond. Des caméras. Le MJ les surveillait en permanence. Tom jeta un rapide coup d'œil à l'objectif qui luisait au dessus de sa tête et continua d'avancer, anxieux. Keyros avait définitivement raison : le cadeau du MJ de les laisser en vie était loin d'en être un. Ce n'était qu'un prétexte pour s'amuser encore un peu avec leurs nerfs, pour les voir se laisser lentement corrompre par l'horreur et la folie. Tom se promit de résister. Jamais il n'offrirait ce plaisir au Meneur.
Les pièces attenantes au couloir étaient toutes les mêmes : petites, vides, insalubres et dépourvues de porte d'entrée. De petites fenêtres y vomissaient la clarté fantomatique d'un extérieur indéfinissable, recouvertes d'un film opaque qui réduisait tout repaire chronologique et spatial à un gros point d'interrogation. Keyros s'était arrêtée devant chacune d'elle, cherchant désespérément le moyen de les transformer en porte de sortie : Tom, pendant ce temps, en avait trouvé une vraie. La seule, pour être plus précis.
Elle était tout au fond du couloir, presque invisible tant son état de décrépitude se fondait avec celui du mur. Tom passa l'inspection des autres pièces à la trappe et se dirigea vers elle, la main en avant pour en saisir la poignée. Celle de Keyros le stoppa avant qu'il ne l'atteigne, douce et prévoyante :
̶ - Fais attention... murmura-t-elle. On ne sait pas ce qu'il y a de l'autre côté.
Tom sentait sa main trembler sur son poignet. Il acquiesça. La force de Keyros était rassurante, certes, mais la savoir tout aussi terrifiée que lui l'était tout autant. Le jeune homme n'était pas seul dans sa galère et ceci lui donnait la foi nécessaire pour avancer. Si lui n'avait pas assez de caractère pour prendre les choses en mains, au moins avait-il la volonté de les faire sortir, lui et sa camarade, vivants et sains d'esprit... Alors il suivit son conseil et baissa la poignée lentement, sans un bruit.
Le coin d'une pièce immense apparut dans l'embrasure de la porte. Au premier abord, rien de dangereux ne les y attendait, Tom poussa donc le battant avec précaution pour révéler le reste de la salle : elle était bien plus grande que les autres, deux ou trois fois même, éclairée de ces mêmes fenêtres opaques et de centaines de petites lumières clignotant dans l'obscurité. Elles provenaient d'un grand tableau de contrôle poussé contre le mur opposé, relié à un complexe réseau de câbles et d'écrans d'ordinateurs. Il n'y avait cependant pas la moindre trace de clavier, juste de petits leviers et boutons chacun estampillé d'une lettre ou d'un chiffre différent.
̶ - Qu'est-ce que c'est ? demanda Tom.
̶ - Un panneau de contrôle.
̶ - Je sais bien, mais... Pour contrôler quoi ?
̶ - Si je le savais, crois moi que je te l'aurais dit.
̶ - Tu penses que tu peux le hacker ?
̶ - Non. Je ne sais pas comment ça fonctionne.
Tom balaya la pièce du regard. Outre le panneau de contrôle, quelques meubles et une table ronde habillaient la pièce : les étagères tombaient en ruine, complètement vides, et les deux chaises qui entouraient la table étaient rafistolées à grand coup de clous et de ruban adhésif brun. Seule la table était encore en état, mais aussi la carte magnétique qui avait été abandonnée dessus : Tom s'en empara et alla la montrer à Keyros, fier de sa découverte. La jeune fille pointa alors du doigt une grande porte en fer, que Tom n'avait évidemment pas vue, au dessus de laquelle brillait une petite lumière rouge.
̶ - Essaye là-bas.
̶ - Et le panneau de contrôle ? Tu ne veux pas le tester ?
̶ - Si je peux éviter de faire une connerie maintenant, autant m'abstenir de toucher à ce truc.
Elle marquait un point. Tom se rapprocha de la porte et brandit sa carte devant le petit boîtier intégré à la poignée : il y eut un bip, un déclic, puis la lumière passa au vert. Le jeune homme poussa le battant avec douceur et s'engouffra dans la nouvelle pièce.
C'était une petite salle sombre dont un pan entier de mur était vitré. Une autre salle aux dimensions semblables était visible de l'autre côté du verre fissuré, éclairée d'un vieux néon et d'un signal pour sortie de secours. Les morceaux d'une chaise cassée jonchaient le sol à la moquette moisie, arrachée aux endroits où reposait jadis une grande table. Tom eut un brusque sursaut.
̶ - Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Keyros.
̶ - Je... Je crois savoir où on est...
̶ - Dis moi.
̶ - Dans l'ancien commissariat de la ville.
S'ils s'étaient trouvés de l'autre côté de la vitre, les deux compagnons auraient sans doute pensé faire face à un miroir : ce genre de pièce apparaissait toujours dans les séries policière et, pour une fois, n'avait rien d'un élément ajouté pour rendre le scénario plus épiques.
̶ - Tu sais comment sortir ? s'enquit Keyros.
̶ - Je ne crois pas... Je connais très mal cet endroit.
Il y eut un gros blanc, soudain brisé par le sursaut de la jeune fille.
̶ - ... Attends ! s'exclama-t-elle. Comment ça se fait que tu connaisses ce commissariat ? Tu y as séjourné, ou bien...?
̶ - Non ! Euh... Non... la rassura Tom. Ma mère y travaillait il y a quelques années, peu de temps avant qu'il ferme.
̶ - Elle était flic ?
̶ - Pas vraiment... C'était une espèce de secrétaire-surveillante pour les archives, ou un truc dans le genre...
̶ - Et si on retrouve son bureau, tu saurais nous mener jusqu'à la sortie ?
̶ - Si la sortie du MJ est aussi celle du commissariat, oui.
̶ - Parfait.
Elle désigna l'autre côté de la pièce d'un mouvement de tête : une nouvelle porte à carte leur bloquait le passage. Il ne leur restait plus qu'a la franchir, en espérant que la mémoire de Tom puisse leur être utile... Il soupira et répéta l'opération, libérant l'accès à une nouvelle portion du bâtiment.
La porte blindée claqua derrière eux, abandonnant au silence la double pièce d'interrogatoire. De l'autre côté de la vitre, deux portes se faisaient face : la première s'ouvrit soudain sur une jeune femme aux cheveux roses qui referma prestement le loquet d'un geste tremblant. Elle jeta un coup d'œil par la serrure puis, avisant les restes de la chaise, s'empara d'un pied aux bords déchiquetés. Alors seulement elle s'accorda une courte seconde pour reprendre son souffle, juste un instant avant de reprendre sa course effrénée contre la mort.
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