* Chapitre 14 *
Monsieur Granval était un professeur très appliqué dans sa tache d'enseignant. Pour lui, être professeur allait plus loin que de noter des corpus et des contrôles de connaissance : il était aussi là pour enrichir la culture de se élèves, leur sens critique, leur apprendre à se battre face aux difficultés et à les épauler dans leur parcours scolaire. Alors Monsieur Granval restait toujours disponible à la fin de ses cours pour les élèves qui avaient besoin de conseils, ce qui lui valait la réputation du plus grand retardataire de l'établissement.
Ce soir là ne faisait pas exception à la règle. C'était une femme de ménage qui l'avait fait fuir de sa salle de classe, lui grognant de sortir ses fesses du lycée avant qu'il ne ferme. Ni une ni deux, il avait attrapé ses affaires et courut jusqu'à la salle des professeurs dans l'espoir de ne pas se faire enfermer avec cette vieille mégère de technicienne de surface.
Il pensait que seuls les internes avaient la foi de s'attarder au lycée après la fin des cours, tout comme jeune garçon qu'il venait de recevoir ; mais il fut surprit de constater le contraire. Un dernier élève patientait devant la salle des professeurs : un des siens, évidemment...
̶ Tom ! s'étonna le professeur. Tu voulais me voir ? Rah, si j'avais su... Je suis vraiment désolé de t'avoir fait attendre...
L'adolescent retira ses écouteurs et lui adressa un sourire fatigué. Ce pauvre garçon semblait épuisé : il avait le teint pâle, le regard terne, l'allure fantomatique. Mais il était toujours là. Sa force de caractère était vraiment remarquable ! Avec tout ce qui se passait dans la commune, continuer à vivre normalement demandait une sacré dose de courage...
Et pourtant Tom n'avait jamais discuté des derniers événements avec Monsieur Granval. Il était bien le seul. Ce détachement inquiétait beaucoup son professeur. Ce dernier avait bien essayé de faire comprendre à son élève que discuter l'aiderait beaucoup, en vain. Le jeune homme semblait incapable de délivrer ses peurs à qui que ce soit.
̶ Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? l'interrogea Granval. ATTEND ! J'espère que je ne t'ai pas fait rater ton bus ?!
̶ Ne vous inquiétez pas, Monsieur, le rassura Tom. La police me ramènera.
Granval soupira de soulagement.
̶ D'accord ! Donc ? Tu as besoin de quelque chose ?
̶ Euh...J'ai...perdu mon sac de cours... expliqua l'étudiant avec gène. Beaucoup de mes études de texte ont disparu avec... Du coup, je voulais savoir si vous les aviez toujours...
̶ Mais bien sûr !Tu as une liste ?
Tom sortit une feuille double de son sac et la lui tendit.
̶ J'ai juste écrit ce que j'ai toujours. Je ne me souviens pas vraiment de tout le reste...
̶ Je me débrouille, ne t'en fais pas !
Granval rangea la feuille dans ses affaires, salua son élève et se jeta dans la salle des professeurs pour récupérer ses clefs de voiture. Il sprinta jusqu'au portail qu'il traversa plutôt tranquillement, comme toujours, car les surveillants, trop habitués, ne se fiaient plus qu'à son retard pour fermer l'établissement. Il marcha jusqu'à sa voiture et prit le volant tout en songeant à la journée suivante, roulant calmement à travers la ville jusqu'à son appartement. Alors il put enfin souffler. La journée était terminée.
Il trouva la clef de sa porte d'entrée au fond de sa poche et l'ouvrit à la volée, chargé de sacs et de copies jusqu'au cou. Il ne daigna même pas laisser ses chaussures à l'entrée et se dirigea immédiatement vers son bureau, se promettant d'y abandonner son barda et de le trier plus tard. D'abord, repos.
Son pied attrapa quelque chose : Granval trébucha et laissa tomber une partie de ses affaires par terre, dont un beau tas de feuilles et de copies qui se mélangèrent sur le sol.
̶ Et merde, la poubelle ! jura-t-il. Mais quel CON !
Il s'accroupit devant les documents qu'il venait de faire tomber en râlant. Il ne lui restait plus qu'à tout trier, maintenant... Il ne savait même pas ce qu'il avait fait tomber : copies ? Courriers administratifs ? Messages de collègues ? Un peu de tout, car il trouva nombre de devoirs et de mails imprimés qu'il commença à ranger en deux petits tas distincts, non sans grommeler tout son mécontentement.
Il tomba soudain sur une petite lettre blanche. Quelque chose y était écrit : Erkez4r. Granval pâlit brusquement. Il n'y avait qu'une seule personne susceptible de lui envoyer une telle chose. La lettre tremblait dans ses mains. Il hésita longuement. Puis finalement, il l'ouvrit.
« Vous jouez bien, Erkez4r. Protégez votre semblable cette Nuit et je vous offrirai un cadeau. »
Un autre pseudo était inscrit à la fin du message. En tant que Salvateur, Granval avait le pouvoir de protéger ce joueur pendant la Nuit : plus que cela, il devait le faire. C'était un ordre du MJ. Granval n'avait pas son mot à dire. Déjà avait-il pu voter librement au dernier lynchage et provoquer un match nul... Mais la liberté ne pouvait pas durer. Pas dans ce jeu.
On sonna à la porte. Granval n'était pas du tout en confiance. Il n'avait pas envie de savoir qui se trouvait devant chez lui. Alors il resta prostré devant ses feuilles et attendit.
On sonna de nouveau. Granval se redressa lentement. Il s'empara du couteau de poche qu'il cachait dans son sac et s'avança lentement vers la porte. Il se figea à un pas du seuil, le front perlé de sueur.
On sonna encore.
̶ Monsieur Granval ? appela une voix étouffée, familière.
Le professeur soupira. Il rangea son couteau dans sa poche et ouvrit la porte à Delmes, encore frissonnant d'angoisse.
̶ Je ne vous dérange pas, j'espère...? s'inquiéta l'inspecteur.
̶ Absolument pas ! s'exclama Granval. Que puis-je pour vous ?
̶ J'aimerais discuter avec vous de l'un de vos élèves de première. Tom. Vous voyez de qui il s'agit...?
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