Chapitre 3: Le déclic
Jessica
--------------------
Je suis dans les vestiaires en train de me changer pour commencer mon service. Aujourd'hui, je dois assister le docteur Wyatt dans une opération chirurgicale. Dans ce milieu, il n'y a pas intérêt à avoir peur du sang, ou même des organes. Lorsque j'ai commencé, j'ai failli arrêter plusieurs fois avec tout ce que j'ai pu voir. Rien qu'une simple fracture ouverte menaçait de me faire tourner de l'œil. Mais en réalité, ce qu'il faut, c'est passer au dessus de tout ça et faire comme ci ça n'était pas réel. Il faut prendre sur soi et ne pas se laisser impressionner, il faut être fort. Oui, j'ai réussi cet exploit. Mais je dois quand même avouer que ça reste un travail quotidien et que la chute dans la dépression est parfois très proche. Cette saleté menace chacun d'entre nous, à tout moment. Quand vous avez à faire à des enfants, c'est encore pire... Si vous n'êtes pas dans le milieu médicale, vous n'imaginez pas toutes les horreurs et les situations que l'on peut voir tous les jours. En plus de ça, ajoutez la fatigue intense, le stress, les doutes, la faim... Car oui, parfois vous n'avez pas le temps ne serait-ce que de grignoter. Quand vous êtes vidé de toute énergie, c'est difficile. Je dois avouer que étant plus jeune, j'étais une grande mangeuse. Fast food, mal-bouffe, sucreries... J'avais empiler les kilos sans m'en rendre compte durant mes études. Bon, je n'étais pas non plus énorme.
Mais quand je suis rentré dans la vie active, ça a été un changement radical: non seulement je n'avais plus trop le temps de manger, dans ce milieu où tout va à cent à l'heure, mais aussi, avec ce qui c'était passé avec Jordan, je suis entrée dans une période sombre de ma vie. J'ai subi une forte perte de poids. Peut-être même un peu trop, car les gens autours de moi me faisaient des réflexions sur mon physique et s'inquiétaient de mon état. Mon médecin personnel me disait qu'il fallait que je reprenne du poids, car j'étais à la limite de l'anorexie. Je ne me voyais pas changer, je ne voulais sûrement pas le voir, aussi. Je commençais à voir chacune de mes cotes, mais pour moi, j'étais toujours comme avant... Alors que c'était complètement faux. Je sautais beaucoup de repas, je mangeais peu, je n'avais plus d'appétit. Il m'est même parfois arrivé d'être au bord du malaise. Tout ça était pourtant normal pour moi, jusqu'au jour où mon chef de service m'a convoqué et m'a ouvert les yeux: "Si vous ne reprenez pas de poids et que votre état de santé ne s'améliore pas, vous ne pourrez plus travailler ici. Vous devenez un danger pour les autres et pour vous-même. Nous avons besoin d'avoir un personnel performant et en bonne santé, pour que tout se déroule bien. Jessica, vous êtes un excellent élément, vous vous investissez beaucoup ici, mais vous m'inquiétez. Tout le monde s'inquiète pour vous. Si vous avez besoin de parler, je suis là. Mais s'il-vous-plaît, prenez soin de vous. C'est une priorité. Pour le moment, je voudrai que vous rentriez chez vous, reposez-vous et surtout nourrissez-vous." Je ne savais pas quoi dire. J'ai hoché la tête et je suis sorti de son bureau. J'ai pris mes affaires et je suis rentré chez moi. Je suis resté deux jours sans rien faire, rien manger et sans donner de signe de vie à qui que ce soit. Monica était venue me voir. Elle avait mis ma tante au courant. C'était compliqué, mais j'ai vite remonté la pente, grâce à elles. Après trois longues semaines de combat, une tonne de nourriture et de compléments, j'avais déjà réussi à regagner presque dix kilos, et j'étais prête à retourner travailler et aider à nouveau les gens sans les mettre en danger. Et je me suis rendu compte de l'état dans lequel j'étais à ce moment là.
Mais maintenant, j'ai peur de retomber dedans. Je n'ai pas vraiment de vie sociale extérieure à mon travail. Je côtoie des collègues à l'hôpital, mais pas en dehors. Je ne suis pas du genre à être très sociable. Donc je refuse quand on me propose quoi que ce soit. Je ne mange pas énormément avec tous les décalages, la fatigue... Je ne veux pas que ça recommence, non. J'aime mon travail. Je veux être utile, et aider les gens. C'est ma vocation, c'est l'unique chose qui me fait sentir en vie.
Je dois me reprendre en main. Sortir, accepter des invitations... Même avec des hommes. Il ne faut plus jamais que je retombe dans un état pareil. Il faut que je change mon quotidien, j'en est besoin. Et comme un coup du destin, quand je sors du vestiaire, j'aperçois William entrain de discuter avec un autre médecin. Je m'approche et lorsqu'il finit sa conversation, il se dirige vers moi.
William est grand, brun avec de beaux yeux clairs. C'est vrai qu'il est vraiment pas mal. Il est médecin chirurgien au service de cardiologie. Plusieurs fois, il m'a proposé d'aller boire un verre après le boulot ou d'aller manger. J'ai toujours décliné. Mais aujourd'hui, ça va changer. Lorsqu'il arrive devant moi, je me lance.
-"Euh salut..." Aller, tu peux le faire, non?
-"Salut Jess. Tu vas bien?"
Aller!!!! 3,2,1...
-"Oui, ça va, merci. Dis moi... Tu voudrais pas qu'on aille manger quelque chose après le boulot?"
-"Euh ouais, super, ça me va! Envoi moi un message quand tu as finis, ok?" Il me sourit, avec un air gêné, les mains dans les poches en se balançant sur ses pieds. Il est trop mignon. Je ne peux pas m'empêcher de sourire à mon tour, avant de lui faire un signe de la main et de partir. J'y crois pas, je l'ai fait.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top