Chapitre 14: Sauve-moi

Jessica 

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Mais... Qu'est ce que... Où est-ce que je suis? Je me trouve sur le côté d'une route de montagne, en pleins dans un virage. Il fait nuit... Une nuit éclairée seulement par la lumière de la lune. Tout est... vide. Il n'y a personne aux alentours. J'entends les bruits des animaux, des grillons, parfois des chouettes. Je suis debout, observant la vue que j'ai depuis les barrières de sécurités du virage. Une vue impressionnante, donnant sur l'étendue de la végétation, et sur un fossé. 

Je n'ai aucune idée de ce que je fais là, je suis totalement perdue... Seule, au milieu de nulle part. Aucun nuage à l'horizon, c'est une nuit paisible. Un bruit inhabituel vient perturber ce silence... quelque chose ne va pas. Je me retrouve projetée plusieurs mètres plus loin. Une voiture arrive et à son bord, deux passagers. C'est un couple, d'une trentaine d'années. Ils vont si bien ensemble... Ils ont l'air de s'entendre à merveille. Ils rigolent, se sourient... L'homme caresse le visage de sa femme. Tout à l'air d'aller pour le mieux. Ils approchent du virage, rapidement... trop rapidement. 

L'homme se raidit tout à coup. Il essaye de freiner, mais les freins ne répondent plus. Sa femme comprend, alors, ils paniquent. Le virage est de plus en plus près. Il tente le tout pour le tout. Il enclenche le frein à main, et essaye de suivre la trajectoire de la route. Mais rien y fait. Malgré tous ses efforts, le véhicule file tout droit et défonce la rambarde de sécurité. Les amants ont tout juste le temps de se dire une dernier "je t'aime", que la voiture tombe dans le précipice, faisant des tonneaux à tout va, et alors qu'elle percute de pleins fouet un arbre plusieurs dizaines de mètres plus bas, elle s'embrase dans un bruit assourdissant. Des éclairs de feu jaillissent du véhicule, ne laissant aucune chance aux victimes... Dans ses derniers moments, alors que les flammes consument son corps et celui de son mari décédé sur le coup; alors que la douleur se fait de plus en plus intense... J'entends ses dernières paroles.

-"Ma chérie, nous t'aimons! JESSICA! Jessi...ca... Jess..."

-"MAMAN!!!!!!!"

Mon cri me réveille en sursaut. Mon corps est trempé de sueur et mon visage est couvert de larmes salées. Ma respiration est complètement saccadée et j'essaye de reprendre mon souffle tant bien que mal. Après quelques secondes, je réussi à reprendre une respiration normale. Ma chambre est plongée dans l'obscurité. Quelques rayons de lumières filtrent à travers mon store. Je regarde le réveille, il est quatre heures du matin. Je me sens mal... vraiment mal. Et je n'ai personne à mes côtés pour me rassurer et pour me changer les idées. J'ai l'impression de devenir folle.

Je refais encore ce satané cauchemar... D'autant plus que je n'ai jamais eu les détails de la mort de mes parents... Je ne l'avais plus fait depuis que j'avais réussi à me reprendre en mains, depuis que j'avais touché le fond... Est-ce que je suis entrain d'y retomber doucement? Peut-être que je me voile la face, et que je ne veux pas l'admettre. Je me lève et allume la lumière de ma chambre. J'enfile mon peignoir, je rentre dans ma salle de bain, et constate l'étendu des dégâts: mes cheveux sont en pagaille, mes yeux sont rougis et gonflés, mon visage est légèrement bouffis... Une vrai sorcière. J'y passe un coup d'eau, histoire de nettoyer tout ce sel et espérant que tout dégonfle rapidement. J'inspire profondément et expire fortement, ça me donne l'impression de me libérer de ce poids invisible. Je reste ainsi quelques minutes, parce qu'en réalité, je n'ai plus sommeil et je ne sais pas quoi faire. 

Je sors de la pièce et je me place à mon bureau, en allumant la petite lampe. Je réajuste mon peignoir, avant de poser mes deux mains à plat sur le bois. Je suis un peu perdue dans mes pensées. Je ne sais pas ce que je dois faire, ou ne pas faire. Presque instinctivement, j'ouvre un de mes tiroirs. Celui où se trouvent nos lettres. Je souris toute seule... Je parle de nos échanges comme si je le connaissais réellement. Mais en réalité, nous ne nous connaissons que par des mots. Rien ne nous dit, l'un comme l'autre, que nous disons la vérité sur qui nous sommes. Il n'y a rien qui nous certifie que nous sommes sains d'esprit, sincères ou honorables... Peut-être que William a raison, sur ces points. 

Depuis notre rendez-vous, il y a quatre jours, plus rien ne va. Il a essayé de m'appeler, mais je n'ai jamais décroché. Il m'a laissé quelques messages vocaux et sms, m'expliquant qu'il était désolé de son comportement, qu'il regrettait vraiment et qu'il voulait qu'on reparte sur de bonnes bases. Il m'a aussi annoncé qu'il était de nouveau en déplacement professionnel, et qu'il reviendrait dans quelques jours, que nous pourrions parler à ce moment là. Mais je n'ai même pas eu la force de lui répondre. J'ai simplement enchaîné le travail, essayé de me reposer et me vider la tête quand je pouvais... Ce dont je suis sûre, c'est qu'au final, même si Alec n'est qu'un personnage, un mensonge inventé de toutes pièces, lui, au moins, ne me déçoit pas. Il est là, sans être vraiment là. Il est dans un coin de ma tête, et je suis à chaque fois impatiente de recevoir sa prochaine lettre pour enfin lire ce qu'il m'a adressé. Il me fait rire, réfléchir et m'aide dans mon quotidien, même si je ne le connais pas, et même si je ne sais pas vraiment à quoi il ressemble. Alors, même s'il n'était pas celui qu'il est censé être, je remercie cette personne, peu importe qui elle est, pour ce qu'elle fait pour moi, et pour son aide qui m'est si précieuse. Parce que je pense qu'à cette heure-ci, c'est bien la seule qui me permet de tenir le coup et de ne pas rechuter dans les ténèbres. 

Je prends les quelques feuilles volantes dans ma main, que j'ai classées de manière décroissante: les plus anciennes derrière, les nouvelles devant. Le papier se froisse sous mes doigts lorsque je tourne les pages. Je me mets à relire ses lettres. Il n'y en a que deux, pourtant, c'est comme si je le connaissait bien plus que ça... J'espère pouvoir en recevoir encore et encore. Au fond, je n'ai pas envie qu'il me laisse seule... Jamais. Mais il le faudra bien. Parce qu'un jour, soit il se lassera de cette situation, soit il sera libéré, et à ce moment précis, nous serons redevenus comme deux étrangers... Chacun reprenant sa vie et son quotidien. Je relis ces lignes sans cesse, encore et encore, comme pour m'en imprégner. C'est comme si elles me donnaient de la force. C'est si facile d'accorder sa confiance à quelqu'un lorsqu'on a l'impression que c'est "irréel", et pourtant, tout est vrai. Quand je me décide à lever les yeux sur mon réveil, il est déjà six heures. Je vais alors ouvrir mes stores, et un agréable levé de soleil se dessine devant mes yeux. L'espoir... Voilà ce que je ressens actuellement au fond de moi. Je sens que cette journée sera meilleure. Je suis de repos aujourd'hui, alors je n'ai pas à me soucier de ma fatigue, et encore moins de ma faim, malheureusement. Je bois un grand verre d'eau et je fais l'effort d'attraper un fruit et de l'ingurgiter, ce qui n'est pas chose facile. Je décide d'enfiler une tenue de sport, et d'aller courir, le temps est parfait: pas de pluie, peu de vent et le jour qui se lève. Je vais faire le tour du quartier, plus si j'en ressens le besoin.

Alors je sors et commence à parcourir le béton des rues. Je vois des gens sortir de chez eux, certains y rentre. Beaucoup sont encore entrain de dormir, ou simplement déjà debout. Parfois, je vois des lumières s'allumer et s'éteindre. Je me concentre sur ma respiration, histoire de ne pas manquer d'air et de ne pas avoir un point de côté. Je me sens assez faible, mais j'avais besoin de me libérer l'esprit et le corps avec du sport. C'est une des seules choses qui me permets de me changer les idées avec l'écriture. Une nouvelle fois, mais pour des raisons différentes, la sueur perle le long de mon front. Mon corps, lui aussi, commence à être trempé dans mes vêtements. Je cours sans m'arrêter et sans prêter attention à l'heure. Je me suis aventurée bien plus loin que ce que j'avais pensé faire. J'arrive en plein centre-ville à une heure de course de chez moi. Alors que je me stoppe à un feu, je sens un vertige me prendre. Je manque de tomber sur un monsieur d'une quarantaines d'années. 

-"Mademoiselle, vous allez bien?"

-"Oui, merci... je vais bien..."

-"Vous en êtes sûre?"

-"Oui, ça va aller... merci."

Mais mon corps trahit mes propos. Je fais à peine deux pas que je sens un nouveau tournis me prendre. Je ne me rends pas compte de ce qui se passe, jusqu'à que je vois une foule s'attrouper autour de moi. J'entends des gens dire d'appeler les pompiers, je vois une personne au téléphone, des regards inquiets posés sur moi. L'homme de tout à l'heure est devant moi et me fait de l'air. Je ne tombe pas dans les pommes, mais je sens ma tête qui tourne sans cesse. Quelques minutes plus tard, j'entends des sirènes et la foule se sépare en deux. Trois hommes en uniforme arrivent et prennent le relais. Ils me posent des questions basiques, pour s'assurer que je suis encore bien consciente, auxquelles j'essaye de répondre au mieux. Puis, ils me soulèvent et m'aident à marcher jusqu'à leur camion. Ils m'allongent ensuite, sur le brancard et l'un d'entre eux reste, tandis que les deux autres passent devant. Je reste aussi calme que je peux durant le voyage. Je me retrouve avec une perfusion dans le bras, à l'hôpital, qui n'est pas celui où je travaille. Je suis à présent dans une chambre. Un docteur entre quasi-immédiatement.

-"Bonjour, mademoiselle Evans. Je suis le docteur Ramos. Alors, qu'est-ce qui vous est arrivé?"

-"Bonjour... Je ne sais pas vraiment. J'étais entrain de faire un footing et je crois que j'ai fais comme une sorte de micro-malaise. Je ne m'en suis pas rendue compte. J'ai la tête qui tourne constamment."

-"Je vois. Est-ce que vous avez mangé ce matin?"

-"J'ai pris une banane."

-"Vous avez donc consommé du sucre. Très bien. Et la veille?"

Je ne sais pas quoi répondre. Je n'ai quasiment rien mangé. J'en est honte, mais je me dois de lui dire la vérité.

-"Pas grand chose."

Il semble étonné.

-"Pourquoi?"

-"Je suis infirmière, je n'ai pas beaucoup de temps pour moi, et pas beaucoup d'appétit non plus."

-"Je vois... Mais vous qui êtes dans le milieu médical, vous savez qu'il est important de se nourrir pour avoir de l'énergie. C'est sans doutes la cause de votre malaise."

Je baisse les yeux, sans réponses. Je le sais très bien que c'est une chose essentielle. Je ne peux pas passer outre: le corps humain à besoin d'énergie pour vivre et fonctionner. Si je n'ingurgite rien, alors il va y avoir des répercussions. 

-"Nous allons devoir vous garder pour le moment, le temps que vous vous remettiez et que vous vous nourrissiez." 

J'ai envie de protester pour pouvoir partir et rentrer chez moi, mais à quoi est-ce que ça servirait? Je n'ai rien qui m'attends à la maison, et j'ai besoin de manger, je ne peux pas le nier. Je n'ai simplement pas tout le temps la force de le faire seule. La perfusion à commencée à faire le travail, mais si je veux sortir d'ici au plus vite, me nourrir sera la solution la plus facile. Alors, je patiente. Je regarde les gouttes tombées petit à petit. Le temps passe, j'écoute l'environnement, et alors que tout semblait calme, le bruit d'un chariot se fait entendre: un jeune homme arrive avec un plateau en me saluant et me le sers sur la table roulante prévue à cet effet. Puis il tourne les talons pour sortir de la pièce et continue sa tournée.

Je regarde ce qui se trouve devant moi: pleins de nourriture. Je pense à mon chez moi, à ma maison. Je pense à mon courrier, parce qu'il peut y avoir ses lettres dedans... je pense à lire ce qu'il m'a envoyé, et à lui répondre. J'ai envie de rentrer chez moi, pour savoir si sa réponse est arrivée. Il est bientôt huit heures, et je vais me nourrir pour rentrer au plus vite chez moi. Je prends le muffin salé qui se trouve devant moi, et je le mange. Je bois le jus d'orange qui accompagne le plateau. Il y a un autre fruit, que j'engloutis et un yaourt, que je bois. En trente minutes, j'ai fini tout mon plateau. 

Le docteur vient me voir vers neuf heures. Il m'annonce qu'avant de partir, je vais devoir faire une prise de sang pour vérifier que tout va bien. Alors, j'attends de nouveau. Quelques temps après, une infirmière vient pour me prélever du sang. Elle m'annonce que je vais encore devoir patienter, et que je serai prévenue dès que ce sera bon. 

Deux heures plus tard, je suis enfin libre. Rien ne cloche, et mon taux de sucre dans le sang est remonté. J'étais en hypoglycémie, mais maintenant, tout est arrangé. J'appelle un taxi pour rentrer.

Quand je franchis la porte, le facteur est passé, mais aucune trace de lui...

Je passe le reste de la journée à m'occuper, mais rien de passionnant. Le soir, je me prépare un petit repas, de quoi me faire tenir. 

Le lendemain, je ne travaille pas. J'ai deux jours de repos consécutifs. Je fais l'effort de déjeuner à nouveau. J'attends le passage du facteur avec impatience. J'espère vraiment recevoir sa lettre... Le temps est beaucoup trop long. J'ai besoin de ses lettres. J'ai besoin de lui...

Alors, je me poste devant la télévision, en attente de sa venue. Et lorsque j'entends le bruit de ma porte, je m'y précipite comme une folle. Alors, je saisie le courrier, et j'aperçois instantanément l'enveloppe de la prison de Floride; mon cœur se met à battre fort, tandis que je respire la lettre et la serre dans mes bras. Mon sourire, qui avait disparut depuis quelques jours, est de retour.

Je m'empresse de m'asseoir afin de lire le contenue de cette enveloppe... Après la lecture, je me rends compte que j'aurai voulu recevoir cette lettre il y a bien longtemps, elle m'aurait été d'une grande utilité. Je descend de quoi répondre sur la table du salon et je me lance pour lui écrire ma réponse...

"Le 31 Mai,

Mon cher Alec..."


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