Chapitre 13: Un dîner foireux
Jessica
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Je rigole à pleins poumons. Je n'aurai jamais pensé pouvoir passer une soirée comme ça avec lui. Nous sommes assis à une table de restaurant, plutôt chic, et je me suis préparée spécialement pour l'occasion. J'ai voulu me faire belle pour une fois. Il est vrai qu'avec le boulot, la fatigue et le manque de temps, je n'ai pas vraiment d'occasions pour me mettre sur mon trente-et-un et me pomponner.
Il est plutôt pas mal, je dois l'avouer. Ses yeux verts ressortent grâce à son costume bleu marine. Il est vraiment classe. Je peux apercevoir des traits de fatigue sur son visage, malgré ça, il a fait l'effort de venir. Je doutais de lui, mais j'ai voulu aller de l'avant et écouter ce qu'il avait à me dire. Comment j'en suis arrivée là, vous vous demandez? Voici la réponse.
L'autre jour, après avoir posté ma lettre devant l'hôpital, je suis aller prendre mon service, comme à mon habitude. Je me suis changée dans les vestiaires, et quand je suis sortie pour me diriger vers le tableau des plannings, William était debout devant, entrain d'examiner son contenu. J'ai hésité à faire demi-tour, mais j'avais besoin de savoir où je devais me rendre. Alors je me suis avancée, en espérant qu'il parte avant que j'arrive devant. Et bingo, il est parti, mais dans la direction où je venais. Du coup il s'est arrêté net, me voyant. Il a posé sa tête dans sa main, l'air de dire un "Merde" silencieux. J'ai baissé les yeux, et j'ai décidé de l'ignorer. Je suis quelqu'un de trop gentil, alors j'aurai été capable d'aller le voir et de lui demander des explications, pour voir s'il avait une excuse valable, et lui pardonner si tel est le cas. Mais cette fois-ci, je n'ai pas voulu. S'il ne m'avait pas attraper le bras, je ne me serais pas retourné vers lui.
-"Jessica, attends! Je suis désolé pour la dernière fois, vraiment. Tu as deux minutes à m'accorder? Laisse-moi t'expliquer."
J'ai hoché la tête, en attendant de voir ce qu'il avait à me dire.
-"J'avais fini mon service, j'étais entrain de me changer dans les vestiaires, j'avais même lu ton message où tu me disais que tu étais arrivée chez Jimmy. Mais on m'a appelé pour une opération d'urgence, alors j'ai du me re-changer rapidement, j'ai commencé à t'écrire un message mais je n'ai pas eu le temps de finir ni de t'appeler. J'ai mis mon téléphone dans ma poche haute, et quand je me suis laver les mains avant l'opération, il est tombé dans le bac d'eau. Je l'ai retiré aussi vite que j'ai pu, mais ça l'a fichu en l'air. Même ma puce est devenue illisible, alors j'ai perdu tous mes contacts. L'opération à durée 5 heures, quand j'ai fini, je suis parti au restaurant, mais tu n'étais pas là. Je n'avais pas de moyen de te contacter, et les jours suivants, j'ai été appelé en déplacement dans un autre hôpital. Je ne suis revenu que hier, mais je ne t'ai pas croisée. Crois-moi, je n'aurai pas posé de lapin à une si jolie fille. Excuses-moi. Pour me faire pardonner, je te proposes un vrai dîner, en tête à tête, rien que toi et moi, dans un restaurant chic. Est-ce que ça te dis?"
Moi qui pensais qu'il m'avait snobé, j'avais tord. Je me suis sentie rougir de honte. Je ne savais pas quoi dire. En même temps, ce n'était pas de sa faute, je ne pouvais pas lui en vouloir. C'est un enchaînement de choses qui a amené à cette situation. Quelle poisse. Alors je me suis mise à sourire. Je me suis immédiatement sentie soulagée. Je secouais la tête timidement.
-"Je... Oui. Oui, ok."
-"Merci. Tu peux pas savoir comme je suis soulagé, Jess. Je te jure, ça ne se reproduira pas. Je te propose de faire ça demain soir? Je suis en week-end demain, et je te promets que je serai là, cette fois-ci. Il y aura quatre chirurgiens présents, alors je ne serai pas appelé."
Nous sourions et rions ensemble. Je crois que c'est la tension qui s'évacue.
-"On dit demain soir, alors."
-"Je passerai te prendre. Tu me donnes ton adresse?"
Je lui est alors indiqué mon domicile, et nous avons convenu de l'heure où il passerait me prendre. Et voilà, mes deux journées de travail sont passées assez rapidement, et le lendemain, j'ai fini mon poste à dix-sept heures.
J'ai jusqu'à vingt heures pour rentrer, prendre une douche et me préparer. Une fois chez moi, j'ai tout enchaîné. Je me suis lavée, puis j'ai fouillé dans mon armoire. J'ai enfilé une robe noire, chic et sexy, mêlant dentelle et dos nu, qui arrive au dessus des genoux, ainsi qu'une paire d'escarpins noirs. J'ai remonté mes cheveux bouclés en une queue de cheval haute, je me suis fais un maquillage simple et assez naturel, même si j'avoue avoir passé au moins une demi-heure à mettre mes faux-cils, quelle galère! Mais au final, je suis assez satisfaite du résultat. Un peu de rouge sur mes lèvres, et le tour était joué.
Un quart d'heure plus tard, la sonnette retentissait. C'était William, avec un bouquet de magnifiques roses blanches. Je l'ai remercié, je les aient mises dans un vase, j'ai pris ma pochette et nous sommes sortis. Et nous voilà dans ce restaurant étoilé, à manger des plats succulents, à apprendre à nous connaître et à plaisanter de tout et de rien. Vous savez pourquoi, maintenant.
Puis est venu la question des loisirs, même si nous n'avons pas énormément de temps libre en dehors de l'hôpital.
-"Alors, William. Tu fais quoi de ton temps libre?"
-"J'adore le tennis, alors quand j'ai l'occasion de pratiquer, je le fais. Sinon, j'aime bien regarder des films. Je joue un peu de guitare aussi. Pas grand chose, quoi. Je n'ai pas énormément de temps. C'est ça, le "problème", même si c'est un travail passionnant. Et toi?"
-"Moi... J'adore les séries. J'aime bien le sport aussi, mais ce n'est pas une passion non plus. Mais, mes vrais loisirs, c'est surtout de lire, et écrire."
-"Ah oui? Et quels genres de livre tu lis? Qu'est-ce que tu écris?"
-"Je lis un peu de tout, je n'ai pas un genre particulier de lecture. J'écris ce qui me passe par la tête, depuis toute petite. Des choses que j'invente, des histoires, des choses que je pense. Des choses personnelles. Un peu de tout, en fait. Et en ce moment, j'écris à quelqu'un aussi."
-"Tu écris à quelqu'un? C'est-à-dire?"
-"Je sais que ça peut paraître fou, et je n'aurai jamais pensé faire ça un jour, mais je suis dans un programme de correspondance avec un détenu de Floride."
Je vois ses yeux se figer, et une expression d'incompréhension, puis de colère se plaque sur son visage instantanément.
-"Un détenu? Mais pourquoi faire? Qu'est-ce que ça t'apportes..? Tu devrai arrêter, il n'y a que des malades dans les prisons, des gens qui te veulent du mal! Tu imagines, si ils viennent à ton domicile pour te cambrioler, te tuer, ou même te violer? Tu risques ta vie, et pour quelle raison? Parler avec un prisonnier? Est-ce qu'ils ont ton nom, ton adresse?"
Je suis resté choquée par tant de méfiance et de jugements de sa part. De par ses propos, j'ai l'impression d'être la pire des idiotes. Je sais que ce que je fais n'est pas très rassurant, mais je n'ai vraiment ressentie aucun comportement malsain de la part Alec. Et si c'était les cas, j'aurai stoppé la discussion depuis les premiers signes de danger. Je suis tout de même une grande fille, pas une gamine, comme le transmettent ses mots.
-"Ne t'inquiètes pas pour moi, tout va bien. Alec est quelqu'un de sain, je ne suis pas en danger, il n'est pas un "taré". Et les détenus ne peuvent pas voir nos adresses, ni nos noms de famille. Les lettres sont vérifiées par des agents pour qu'il n'y ai pas d'informations dangereuses, avant d'être transmises. Donc, il n'y a pas de soucis. Puis, ça permet qu'il ait un lien avec les gens de l'extérieur, pour leur éviter la totale solitude. C'est une bonne action."
-"Alec? Tu appelles ce mec par son prénom, comme-ci c'était ton ami? Tu sais, ce comportement que tu as, c'est naïf. Tu penses voir du bien en eux, qu'il n'y a aucun danger avec cette démarche, mais il n'en est rien. Tu devrai arrêter ces échanges, c'est trop dangereux. Les prisonniers sont là où ils devraient être, et ils méritent ce qui leurs arrivent. Ils n'ont pas à avoir la change de communiquer avec quelqu'un de l'extérieur, et encore moins avec une femme aussi belle et gentille que toi. Arrêtes ça, je t'en prie. C'est mieux pour toi et ta sécurité."
Naïf?! Ses paroles me rendent folle de rage. Comment peut-il juger les gens comme ça, sans même avoir eu l'occasion de vivre l'expérience que je vis actuellement? Il parle sans savoir, il ne connaît même pas les circonstances! De plus, c'est par sa faute, si j'ai commencé ces échanges! Je pense qu'il doit voir mon mécontentement, car il me prend mon menton dans sa main, et me regarde droit dans les yeux.
-"Jessica, je ne dis pas ça pour te sous-estimer. Je dis ça pour ta sécurité. Je ne veux pas qu'il t'arrives quelque chose de mal."
Je dégage mon menton au contact de sa main.
-"Merci, mais je sais me débrouiller seule. Je sais prendre mes précautions. Je n'ai pas besoin de quelqu'un qui me dise si ce que je fais est bien ou pas."
Il semble assez surpris de mon répondant. Je vois une gêne s'installer. Un silence pesant s'installe. L'ambiance à totalement changée.
-"Excuses-moi. Je ne devrai pas te dire ce que tu dois faire. Je ne suis que ton collègue, après tout. Je voulais simplement que tu soi en sécurité, et qu'il n'y est aucun risque pour toi. Tu es libre de faire ce que bon te semble. Ce n'est pas à moi de te faire une remarque."
Je le vois se pincer les lèvres. Puis il prend une grande inspiration.
-"Jessica... Tu es splendide."
Je suis totalement déstabilisée. Il renverse la situation en une phrase. Je croise son regard, puis baisse les yeux. Je n'ai pas l'habitude de ce genre de remarque, et ça me flatte. Peut-être un peu trop même.
-"Merci..."
Il me sourit en retour. Alors, ses yeux se plongent dans les miens. Son sourire disparaît. Sa main vient se poser derrière mon cou, tandis que ses lèvres approchent dangereusement les miennes. Je panique... Il compte m'embrasser? Je... Non, je ne peux pas.
-"Je dois aller aux toilettes."
Je parle sèchement, puis me lève précipitamment pour me rendre aux toilettes. Je l'ai laissé planté là, en pleine action. Je sais que ça ne se fait pas, mais je ne pouvais pas. Je rentre dans les toilettes des femmes. Un grand miroir entouré d'arabesques se dresse à l'opposé des cabines. Je m'appuie contre le lavabo après avoir posé ma pochette sur le côte. Je regarde devant moi: mon reflet me perturbe. Je ne sais quoi penser. Pourquoi est-ce que j'ai refusé ses avances? Pourtant, il me plaît. Mais je n'ai pas été capable de prendre la perche qu'il m'a tendue. Ce baiser aurait peut-être pu devenir le début d'une relation. Mais j'ai été bloqué. Je crois que je n'en avais pas envie. J'ai été frustrée de ses paroles envers Alec. Je regarde mon reflet une dernière fois, me questionnant sur mon propre état: est-ce qu'il est possible d'avoir des sentiments pour quelqu'un qu'on a jamais vu?
Je prends ma pochette et sors. Lorsque j'arrive à la table, William est entrain de payer l'addition. Lorsqu'il me voit, il se lève, me signifiant silencieusement que le repas est fini, et que nous partons. Alors, nous attendons le voiturier dans le silence. Une fois la voiture à notre hauteur, nous rentrons dedans, et le trajet se fait également en silence. William conduit et est concentré sur la route. Cette situation est pesante. Lorsque nous arrivons devant chez moi, je décide de prendre la parole.
-"Merci pour ce dîner et pour m'avoir raccompagnée."
Je prends la poignée et commence à l'abaisser.
-"Jessica... Excuses-moi d'avoir tenté de t'embrasser. C'est vrai que j'en avais extrêmement envie, mais je n'aurai pas dû le faire dans une situation pareille. Je t'ai vexée, et malgré ça, j'ai tout de même pensé que je pourrai t'embrasser comme si de rien était. J'enchaîne les gaffes, je crois que je suis nerveux. Tu m'as toujours plu, et tu le sais. Alors, j'ai tenté de passer à une étape supérieure avec toi, mais trop rapidement. J'en suis désolé."
Il est vrai qu'il a tenté de m'inviter à des rendez-vous plusieurs fois auparavant, ce que j'ai toujours refusé, d'ailleurs. Alors, je peux comprendre qu'il ait voulut tenté de faire avancer les choses. Mais je n'en suis pas capable, du moins pas à l'heure actuelle.
-"Merci de ta franchise et de tes excuses. J'ai vraiment apprécié notre rendez-vous. Même si la fin n'était pas comme je l'aurai imaginée. Je ne suis pas capable de plus pour le moment. Je suis désolée, William. Au revoir, et merci pour cette soirée."
Je sors de la voiture et marche en direction de ma porte. J'en profite pour sortir les clés de ma pochette, puis les insère dans la serrure. Je me retourne, et je vois William qui m'observe depuis le côté conducteur. Il baisse les yeux avant de démarrer sa voiture, puis prend la route. Je rentre chez moi, ferme à double tour, puis monte dans ma chambre. Je me déshabille, vais dans la salle de bain afin de me démaquiller et me mettre en pyjama. Je regarde une nouvelle fois le reflet qui se dresse devant moi, cette fois-ci en larmes. J'ai l'impression d'être perdue. Je pense à mes parents. Au mal que m'a fait subir Jordan. Je pense a cette perte de confiance qui s'en est suivie. Je me sens de nouveau enfermée dans cette solitude, dans l'incompréhension et dans le doute. Je ne sais plus quoi faire. Je me retrouve encore seule avec moi-même. Je suis entrain de pleurer comme je n'ai plus pleuré depuis des lustres. Je me dirige vers les toilettes, sachant pourtant que je vais commettre une erreur. J'ouvre la cuvette et je me place devant. Je me fais vomir. Et ça me soulage quelques instants. Mais le mal revient aussi vite. Alors je m'adosse à la paroi de ma baignoire, la tête au creux de mes bras, repliés sur mes genoux.
Je n'ai pas encore reçu de réponse d'Alec. J'espère que sa lettre va arrivée vite. Assez vite pour me sauver.
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