Chapitre huit.

  Le temps passait et repassait, le téléphone à côté de lui vibrait pendant une minute pour s'éteindre et recommencer ce manège un nombre incalculable de fois. Mais il ne voulait pas répondre, il n'avait pas l'envie de parler. Il fixait l'écran de son téléphone, restait allumé sur le numéro de son psychologue qui avait dû l'appeler à une bonne dizaine de reprise. Pour la première fois depuis le commencement de leurs consultations il avait enfreint la règle qu'ils s'étaient fixé tous les deux. Règle qui stipulait qu'ils devaient se téléphoner tous les soirs sans exceptions. Aujourd'hui, il n'avait pas répondu. Même si il se faisait violence à lui-même en choisissant de ne pas le faire. Il ne voulait pas qu'il l'entende pleurer, il ne voulait pas paraître faible, qu'on prenne pitié de lui. Tant pis.... Ses yeux rougis se fermèrent, et plus tôt que prévu –en partie à cause des larmes- il tomba dans un sommeil profond. Tellement profond qu'il n'en émergea que le lendemain aux alentours de quatorze heures. Son esprit, encore meurtrit, lui criait de rester confortablement allongé dans ce lit. Il ne bougea donc pas et se contenta de saisir son portable. Douze appels manqués et trois messages vocaux. Du regret, du regret et toujours du regret. Il aurait peut-être dû répondre hier soir finalement, non ? Mais il comptait bien se rattraper aujourd'hui étant donné que le Samedi Louis ne travaillait pas. Du moins que pour lui. Il tritura son téléphone entre ses doigts un long moment avant de soupirer puis composer le numéro. Une intonation, un battement de cœur, une intonation, un battement de cœur, une voix, le soulagement.
 
«  Harry... Tu m'as fichu une de ces peurs. »
«  Désolé. Renifla-t-il, les larmes commençant à revenir de plus belle. »
«  Tu pleures ? »
«  Non. »
«  Ça va ? S'inquiéta-t-il en remarquant la voix faible du brun. »
«  Oui, c'est juste que... Que je.... »
«  Qu'est-ce qui se passe, Harry ? » 
«  Rien. »
«  Ecoute t'as intérêt de me répondre sinon je débarque chez toi pour te secouer jusqu'à ce que tu craches le morceau. »
 
  Harry avait besoin que quelqu'un vienne le rassurer, qu'on passe des bras autour de son corps secoué par les tremblements et qu'on le berce jusqu'à ce qu'il s'endorme. Que le matin il ne trouve pas une place vide et froide à côté de lui. Il avait besoin de quelqu'un pour le sauver. Quelqu'un qui plongerait la tête la première dans un bain d'eau bouillante pour lui pour l'empêcher de se noyer. Il lui fallait un ange gardien.
 
«   Harry.... ? Murmura le mécheux à l'autre bout du fil. »
«  Il m'a... Abandonné. Comme tout le monde s'évertue à le faire depuis des années. »
«  Qui donc ? »
«  Mon meilleur ami. »
«  Tu lui as parlé ? »
«  Oui. »
«  Quand ça ? »
«  Hier midi. Il me l'a dit Louis... Il m'a dit qu'il avait honte de moi. Je ne pensais pas que ce serait à cause de ça. Il a honte depuis le début que son meilleur ami soit gay et il... Il n'a même pas eu le cran de venir me le dire plus tôt. Je ne suis pas assez bien, je ne suis pas conforme, je ne suis pas comme tout le monde le voudrait. Je savais que c'était moi le problème. »
«  Je t'interdis de penser une chose pareille. Tu es très bien comme tu es. »
«  Non justement. C'est tout l'inverse. Je suis trop ci et pas assez ça tu vois. Il y aura toujours un truc qui fera barrage. »
«  Si ton meilleur ami t'a lâché pour ça c'est que ce n'était qu'un sombre crétin. »
«  Peut- être bien, mais j'en suis un aussi.... J'ai envie d'en finir Louis, maintenant, de ne plus penser à rien. De tout oublier, tout laisser tomber. Lâcher prise une bonne fois pour toute et alors peut-être que je serais tranquille là-haut. Peut-être qu'on m'acceptera enfin comme je suis. »
«  Tu ne peux pas partir Harry, tu peux ne pas me laisser. Jamais. Je te promets que si tu fais ça je viendrais te coller des claques jusqu'à ce que tu hurles, que tu ouvres enfin les yeux. Mais ne te laisse pas couler. Tu me l'avais promis putain ! Tu n'as pas le droit ! .... Je suis encore là, je suis présent pour te maintenir debout. »
«  Non Louis, tu n'es pas là. »
«  Quoi ? »
«  Tu es simplement à l'autre bout de ce téléphone, surement à des milliers de kilomètres d'ici. Je ne sais pas où tu te trouves, je ne sais pas à quoi tu ressembles... Alors non, tu n'existes pas. Tu n'as jamais existé. »
«  Mais je... »
 
  Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que le bouclé lui raccrocha au nez, il resta quelques instants le cellulaire près de son oreille avant de le balancer à l'opposé de la pièce dans un excès de colère dont il ne se savait même pas capable. Sa journée n'avait pas été des plus belles mais là c'était l'apothéose. Son cœur semblait pouvoir exploser à n'importe quel moment tellement son courroux était intense, et la peur remplissait petit à petit ses veines. Peur que Harry ne mette fin à ses jours, peur qu'il ne se retrouve à l'hôpital, peur qu'il ne tombe dans ce cercle vicieux appelé la dépression. Même si il n'en avait jamais été très loin. Le vide s'était toujours trouvé à un pas devant lui et là il s'en rapprochait dangereusement. Mais que faire pour y remédier ? Louis était un psychologue tout ce qu'il y a de plus normal mais sa relation avec le brun était vraiment ambiguë, d'une part parce que ce dernier refusé catégoriquement de se rendre au bureau pour consulter parce qu'il ne voulait pas que sa mère le sache, et d'autre part il avait fait des pieds et des mains pour que le médecin veuille bien entretenir les rendez-vous par téléphone.

  D'une certaine manière c'était plus simple pour le cadet de ne pas voir le voir, il se sentait plus en confiance que s'il se trouvait devant lui. Et ce fut comme ça durant deux ans, deux années durant lesquels leur liens s'était resserré, au début ils ne consultaient que durant une heure et demi et se vouvoyaient mais très vite il n'y eut plus de limite de temps – il était même arrivé qu'une fois leur conversation ne se vit prendre fin qu'aux alentours d'une heure du matin- et ils commencèrent à se dire « tu ». Maintenant.... Maintenant ils étaient comme des frères, deux personnes qui se comprenaient et se complétaient. Et justement Louis avait compris que son patient était au bord du gouffre. Un gouffre sans fin qui le mènerait tout droit à sa perte. Mais il refusait par-dessus tout de le laisser partir, il n'y survivrait pas. Il le savait. Il ne pouvait pas se résoudre à se rendre chez son patient. Premièrement parce qu'il ne lui ouvrirait pas, qu'il lui en voudrait surement pour être venu sans le prévenir, et... Que dirait-il à sa mère si jamais c'était face à elle qui se retrouvait ? Qu'il était le psychologue de son fils et que celui-ci était à la limite du suicide ? Que c'était un ami qui venait lui rendre visite alors que ce garçon ne voyait jamais personne ? Harry le détesterait à vie pour ça. Impuissant, apeuré, en colère, et inquiet. Tous ces sentiments se bousculaient douloureusement en lui.

  *   *   *    

La mère du bouclé avait insisté pour qu'il retourne en cours du lendemain malgré les poches violettes qui se dessinaient sous ses yeux à cause des larmes qu'il avait versées en abondance cette nuit. Contre Zayn et contre lui-même. Il s'était comporté comme un idiot avec son psychologue, qui était la seule personne qui ne l'avait pas abandonné lâchement. Et il s'en voulait encore atrocement. Midi venait tout juste de sonner et il ne s'était concentré sur aucun cours durant sa matinée, pourtant la littérature était de loin sa matière favorite mais durant trois heures il n'avait fait que regarder par la fenêtre donnant sur l'extérieur. Seul, au fond de la classe. Un livre sous les bras et le sac en bandoulière sur une de ces épaules il se dirigeait vers son casier, n'ayant aucunement l'intention d'aller manger. Son ventre rejetterait toute forme de nourriture, il n'était pas apte à avaler quoi que ce soit. D'une main il déverrouilla son cadenas pour pouvoir ranger son livre et s'en procurer un autre, histoire de faire passer le temps qui semblait se rallonger un peu plus chaque seconde.
 
«  Salut Styles ! »
 
  Pas ça. Pas eux. Pas maintenant. Il soupira en fermant la porte de son casier sans même leur adresser un seul regard. Depuis son entrée au lycée, ces trois jeunes lui faisaient la misère. Logiquement aucun d'eux n'auraient dû être là cette année, mais doués et attentifs comme ils étaient en cours ils avait redoublé. C'était eux, les « nouveaux amis » de Zayn. Et plus d'un an les harcèlements étaient de pires en pires. Entre les mots de haine dans son casier, ses livres de cours déchirés et certaines de ses affaires volés il ne savait plus quoi faire. D'ailleurs, Harry ne s'était jamais vraiment défendu, il laissait passer. Il ne répondait pas. Jamais. Il restait passif. Et ils finissaient par le laisser tranquille mais là... C'était différent.... Alors qu'il commençait à partir dans le sens opposé pour rejoindre les jardins, l'un deux –le plus grand- lui attrapa le poignet pour qu'il se retourne.
 
«  C'est pas très poli d'ignorer les gens comme ça.... Ton père ne t'a pas appris le respect ? Rit-il, accompagné de ses acolytes. »
 
 Sa poitrine fit un bond. L'évocation de son père était toujours difficile. Encore plus de la part de purs inconnus qui ne connaissaient rien à son histoire. Il serra les poings et essaya de se dégager pour pouvoir partir au plus vite.
 
«  Foutez- moi la paix ! » 
«  Ne sois pas si mauvais. On veut juste parler avec toi... Entre amis. »
«  Entre amis ? Mon cul ouais, plutôt crevé que de trainer avec des connards dans votre genre. »
«  Si c'est toi qui le demande. »
 
  Un coup dans son estomac. Il ne le vit pas partir. Sans même se soucier de ce qu'il y avait autour, de ses affaires qui s'échappèrent d'entre ses mains. Il retint un gémissement de douleur et s'écroula au sol sous un deuxième coup au même endroit. Son corps n'était pas résistant malgré sa grande taille. Le bouclé eu à peine le temps de reprendre sa respiration qu'un pied percuta durement ses hanches, puis un autre au visage. Ça continuait. Sans fin. Mais personne ne viendrait l'aider, parce que les couloirs étaient vides à l'heure du midi. Les pions surveillaient le réfectoire ou les salles d'études mais surement pas un couloir aussi perdu que celui-ci. Il aurait très bien pu crier, quémander de l'aide à en perdre la voix. Mais pourtant il ne disait rien, il encaissait les coups comme si il les méritait. Des larmes perlaient aux coins de ses yeux, son visage étaient parsemé de sang, ses côtes le faisaient souffrir. Il aurait des bleus, des hématomes, il le savait. Tous les trois s'acharnaient sur lui, sur son corps frêle et bientôt en lambeau. Partout. Aucun membre n'était oublié.
 
«  T'as pas intérêt de nous balancer sale ordure ou dire quoi que ce soit sur ce qui s'est passé aujourd'hui ou sinon en fera en sorte que ta misérable vie se transforme en cauchemar ! »
 
  Mais ce qu'ils ne savaient pas c'est que c'était déjà le cas. Ils riaient, ils frappaient, ils aimaient le voir morfler. Ne sentant même plus ses jambes, ses mains ou quoi que ce soit d'autre il lui fallut une bonne minute pour se rendre compte que le chef de la bande venait de le saisir par le col pour le relever à sa hauteur. Un sourire malsain collé sur les lèvres. Son regard sombre encré dans le sien, vide.
 
 «  Personne ne t'as jamais aimé ici Harry, même pas Zayn. Il te hait depuis le début. Avant même que tu lui ai annoncé que tu étais une tapette. Il parlait d'une voix basse, calme, qui effrayait le bouclé. . Au fait, c'était un bon coup Sam ou pas? Non parce que vous aviez l'air de pas mal vous éclater à la fête l'autre soir! Je paris que tu rêves de te taper la moitié des gars de ce lycée mais ouvre les yeux ! Ils sont tous hétéros, toi t'es qu'une tâche. T'as rien à faire dans cet endroit. Puis...T'es tellement débile que t'es obligé de consulter un psy. »
 
 Son monde semblait avoir arrêté de tourner durant de longues minutes. Comment savaient-ils ? Le seul au courant était.... Zayn. Même s'il lui en avait juste parlé en surface, et n'était jamais rentré dans les détails. Son ex meilleur ami avait révélé aux pires personnes existant sur Terre un secret qu'il essayait –tant bien que mal- de garder pour lui. Personne n'aurait dû le savoir, et à cette heure-ci tout le lycée devait connaître cette partie de sa vie sensé être intime. Il se sentait trahis, faible, mort.
 
« C'est pitoyable. De toutes manières, répugnant comme tu es tu dois l'avoir baisé lui aussi non ? Tu lui demanderas ce que ça fait d'être considéré comme une pute l'espace d'un soir ? »
 
 L'entendez-vous ce bruit assourdissant ? Celui d'un cœur qui vient tout juste de se briser ? D'une vie qui venait de s'écrouler ? Eh bien Harry lui le ressentait exploser au plus profond de son être. La tristesse fit place à la colère qui affluait dans ses veines à une vitesse incomparable. De la seule force qui lui restait-il administra un coup de poing dans le visage du garçon qui le tenait auparavant fermement par le col. Ils pouvaient s'attaquer à tout ce qu'ils voulaient, son père, lui, son corps mais jamais... Jamais Louis. C'était la limite à ne pas franchir. A peine avait-il frappé le chef de la bande que deux mains virent enserrés fermement chacun de ses bras et ses épaules. Tandis que les acolytes le tenaient sans relâche, lui se débattant pour pouvoir s'enfuir, le plus grand releva la tête. Son nez saignait quelque peu mais les dommages seraient nettement moins grave que ceux que venaient de subir le bouclé. Son torse montait et descendait au rythme de sa respiration colérique, les dernières paroles qu'il avait entendu venait de le mettre dans une rage folle. Un sentiment incontrôlable. Quelque chose de fort qui lui avait retourné littéralement le corps. Le grand blond revint devant lui, et tira la tête du plus jeune en arrière à l'aide ses boucles –dont certaines étaient recouvertes de sang- il gémit avant de fermer les yeux.
 
«  Tu refais encore une fois ça petit merdeux et je te promets que si je te croise un de ces jours tu repartira avec un ou deux membres en moins. »
«  Allez-vous faire foutre ! »
«  Je crois que tu inverses les rôles mon petit. »
 
  Suite à ses paroles il le harcela du plusieurs coups dans l'estomac et le visage. Le brun sentait sa tête tournait, il crachait du sang et manquait de tomber à chaque contact de main ou de pied sur son corps meurtrit mais il ne bronchait pas. Ses yeux étaient fermés et il ne pensait qu'à une seule chose, sa seule force : Louis. Les coups pleuvaient, encore et encore, ne semblant jamais vouloir se finir. Pourtant un sourire se dessina presque sur ses lèvres alors qu'il imaginait ce à quoi devait ressembler l'homme qu'il aimait, derrière ça il pleurait. Les larmes coulaient parce qu'au fond il était énervé par les récentes paroles des trois garçons qui faisait de lui un martyr.
 
« Tu sais ce que tu es Harry ? Tu es un raté, un moins que rien. Si ton père s'est tiré une balle dans le crâne c'est parce qu'il n'a jamais voulu avoir un gosse, tu étais la pire chose qui lui soit arrivé. Si tes amis te lâchent c'est aussi pour ça, parce que tu ne vaux rien. Tu n'es qu'un lâche, un minable. »
 
  Ne pas l'écouter. Ne pas l'écouter. Ne pas l'écouter. Ces phrases tournaient dans la tête du cadet qui essayait tant bien que mal de garder l'image sereine de Louis en lui, mais elle s'estompait. Elle disparaissait, au loin.

 Et le pire c'était qu'il avait raison sur toute la ligne. Il n'était plus rien. Il n'avait plus rien. Le cœur au bord des lèvres il tomba dans un sanglot qui lui comprima la gorge, il savait qu'il disait ça uniquement pour lui faire du mal, pour qu'il souffre. Mais il était tombé dans le piège. Parce qu'il était au bout de ses forces. Il ne croyait plus en rien, même pas en lui-même et ce depuis longtemps. Tous les trois ricanaient, ils avaient réussis leur coup. Ils l'avaient détruit à jamais. Ne faisant plus de lui qu'un vulgaire fantôme.
 
«  Qu'est-ce qui passe ici ?! »
 
 Le miracle semblait, enfin, s'abattre sur le brun qui remerciait ces deux surveillants d'être arrivés au bon moment sinon il ne serait jamais sorti d'ici vivant. Ils lui auraient infligé pire que ce qu'il engendrait déjà. Sans même qu'ils n'aient eu le temps de courir les deux acolytes se firent attraper par les deux hommes. L'un d'eux se pencha sur Harry, inquiet, il s'était écroulé au sol. Les yeux mi-clos et la respiration haletante. 
 
«  Suis moi, je vais t'emmener à l'infirmerie. »
 
  Mais il ne voulait pas. Il se releva avec difficultés puis s'appuya contre les casiers. Tant pis si son visage étaient couvert de sang, tant pis si il ne tenait pas droit, tant pis si ses jambes ne le portait plus, tant pis ses côtes le faisaient souffrir. Il ne voulait pas rester ici. Il suffoquait.
 
«  N... Non, je... »
 
  Et il ne prit pas le temps de finir sa phrase que déjà il s'enfuyait du couloir. Ne laissant le temps à personne de réagir. Avant de sortir du lycée, il se rendit dans un des toilettes et rinça le visage et appliquer un mouchoir sur son nez qui saignait abondamment. Une fois chose faite il courut hors du bâtiment bien que ses jambes ne tarderaient pas à lâcher. Il courait encore et encore, manquant de souffle. Pour aller où ? Nulle part justement. Ou si... Là où il se sentirait mieux. Son paradis à lui. Au bout d'une dizaine de minute il arriva à destination, sa respiration n'avait plus aucune structure, mais qu'importe. D'une main tremblante, le jeune homme sortit de son sac –qu'il avait ramassé à la va vite au sol avant de quitter son école- son cellulaire heureusement intact. Il devait faire une dernière chose avant d'en finir. Il composa le numéro de son médecin, espérant au plus profond de lui qu'il répondrait. Plusieurs intonations interminables se firent entendre avant que l'on ne décroche. Son cœur rata un battement, il souffla.
 
«  Harry ? Tu ne devrais pas être en cours actuel... »
«  Tu veux savoir à quoi je ressemble ? Le coupa-t-il subitement. Je suis brun aux cheveux bouclés, plutôt grand, assez maigre. Beaucoup trop à mon gout. C'est affreux. J'ai les yeux verts mais ça tu le sais, je ne porte pratiquement que du noir et si on fait abstraction du sang et des bleus que me recouvre le corps un peu partout actuellement et bien j'ai la peau pâle, très blanche. »
«  Du... Du sang ? De quoi tu me parles là, pourquoi tu me dis ça maintenant ? Qu'est-ce qui t'arrive ?! Demanda Louis, paniqué. »
 
  A l'aide d'un de ces bras, le bouclé monta sur le rebord en bois devant lui. Il avait du mal mais il se forçait. Une fois qu'il fut debout, le vent se mit à souffler agréablement dans ses boucles folles, il inspira un grand coup. Serein, pour une fois. Il avait tout ce qu'il voulait. Son jardin secret, l'homme qu'il aimait au bout du téléphone. La situation parfaite avant de mourir.
 
«  C'est quoi ce bruissement Harry ?.... Tu es là ?... Harry répond merde ! »
 
  Un sourire se dessina sur ses lèvres. A ce moment même il se disait que même énervé Louis possédait l'une des voix les plus magnifiques qu'il lui ai été donné d'écouter.
 
«  Est-ce qu'il t'es déjà arrivé, en venant à un endroit que tu apprécies, de te sentir libre ? Comme vivant ? » 
«  Je... Pourquoi tu me poses cette question ? Où est-ce que tu es ?! »
«  C'est exactement ce que je ressens en ce moment. J'ai l'impression de revivre. »
«  Quoi ? Cria-t-il, presque. Je t'entends mal putain, qu'est-ce que tu es entrain de foutre ?! »
«  Tu verrais ça, c'est tellement magnifique ici. Tout est saint. L'air est simple, pur. »
«  Écoute je ne sais pas où tu te trouves mais la liaison passe mal. J'ai du mal à te comprendre. »
«  C'est surement à cause du pont. »
«  Le pont ? Quel pont putain ?! »
«  Ne t'énerve pas Louis, s'il te plait. »
«  Tu rigole la ? Tu me dis que tu es un pont et je ne dois pas m'en faire ?... Je t'en supplie Harry, dis-moi où est-ce que tu te trouves ? »
«  Chez moi. »
 
  C'était faux bien sûr, il était au bord du vide. A quatre ou cinq mètres de hauteur sur la bordure d'un pont qui passait au-dessus d'un courant d'eau claire. Il était au bord du gouffre, simplement. Le pont dont il avait tant de fois rêvé pour en finir. Le lieu de la fin de son histoire. En bas, il trouverait la paix, il en était certain. Son chez lui.
 
«  Putain, c'est quoi ce sifflement ? Je sais que tu n'es pas chez toi, ne me mens pas. Tu sais que je ne supporte pas ça. »
«  Je voudrais te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi, Louis. Tu m'as aidé comme jamais personne ne l'a fait. »
«  Qu'est-ce que tu racontes encore ?! »
«  Tu as toujours été présent, même si tu ne devais pas forcement l'être, tu m'as sauvé de la chute à plusieurs reprises mais celle-là c'est la dernière. Je te le promets. »
«  Harry je te préviens si tu fais une connerie je... Je n'y survivrais pas, tu le sais. Merde ! »
«  J'aurais tellement aimé revenir ici avec ma mère une dernière fois, elle adorait cet endroit. Juste pour la voir sourire, et les étoiles dans ses yeux. On y est venu tellement de fois, mais depuis que papa est mort elle n'y a jamais remis les pieds. J'ai tous mes souvenirs ici. Toute mon enfance. »
«  S'il te plait.... Le supplia-t-il, les larmes aux yeux à l'autre bout du téléphone, impuissant. »
«  Elle aurait été tellement heureuse de revoir ce pont, l'herbe verte où on pique-niquait. Rien n'a changé si tu savais. »
«  Tu crois qu'elle voudrait ça ? Tu crois qu'elle savoir son fils mort aussi ? Tu es tout ce qui lui reste. Et si tu sautes, vous n'aurez plus jamais l'occasion de revenir à cet endroit. »
«  C'est pour son bien que je fais ça, je suis un poids. Elle souffre à cause de moi, je le sais. Tu lui diras pardon de ma part ?
«  Arrête Harry, je t'en prie. J'ai... J'ai besoin de toi, tu ne peux pas m'abandonner. Ne fais pas ça. »
«  Je suis désolé, ce n'est pas ce que je voulais. »
«  Tu... Alors tu peux revenir en arrière et tout oublier. Pour moi. Ne fais pas ça. »
«  Non, c'est trop tard. »
«  Tu ne mérites pas une fin aussi tragique... Sa voix se brisa, secouée par l'angoisse. Qu'est-ce que je vais devenir sans toi ? »
«  Je t'aime Louis. »
 
  Puis il raccrocha et tendit son bras pour lâcher son portable dans l'eau, il tomba dans un « plouf » puis coula au fond de la rivière. Ça lui brûlait la poitrine, il se consumait de l'intérieur. Ses yeux se fermèrent sur ses émeraudes humides d'où s'écoulaient encore et toujours des perles salées. Entendre la voix brisée du médecin le supplier d'arrêter, de ne rien faire de mal, l'avait rendu encore plus faible. Ses jambes tremblaient, chaque battement de cœur lui arrachait la poitrine, et il ne souhaitait qu'une chose. Sauter. Ne plus jamais avoir à se soucier de celui qu'il était, même si il assumait parfaitement. Ne plus devoir se rendre malade pour les autres. Être heureux, rien que ça. C'était tout ce qu'il demandait. Juste pouvoir sourire. Le bouclé regrettait au plus profond de lui-même de laisser Louis, de le quitter alors qu'ils auraient pu continuer leur consultations journalières. Et peut-être même fonder un avenir ensemble. Mais il n'en avait plus la force. Il souffrait d'abandonner l'homme qu'il aimait, d'abandonner son ange gardien. Le seul qui avait toujours veillé sur lui.

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