Chapitre deux.

Parfois quand Harry ne se sentait pas en forme, ou justement un peu trop, il venait dans ce café, cet endroit bien précis qui signifiait beaucoup pour lui. Tout d'abord parce que c'était le seul où il n'y avait pas trop de monde mais aussi parce qu'il possédait la plus belle vue sur la ville et le parc qu'il n'ait jamais vu. C'était d'avantage plus resplendissant les soirs d'hivers lorsque tous les immeubles se voyaient allumés leurs lumières et aligner au loin des faisceaux de couleur blanche envoutante. Les guirlandes dans les sapins pour inaugurer l'arrivée prochaine de la fête que tout le monde, aussi bien enfants qu'adultes, attendaient. La neige qui tombait comme un enchantement du ciel et venait recouvrir de son manteau blanc le sol. Mais ce qu'il adorait par-dessous du c'était observer le déroulement de la vie autour de lui, absorber cette essence si pure et rare à la fois. Les hommes qui se précipitent pour rentrer chez eux avant que la nuit ne tombe, les mères qui trainent leurs enfants avec difficultés à travers la neige, les couples âgés qui se promènent tranquillement et qui profitent de leurs derniers instants d'existence avant que la mort n'y mette fin, pour la remplacer par un repos calme et éternel. Il y a donc des jours où il venait simplement se réfugier dans ce café, toujours à la même place autrement dit près de la grande baie vitrée de façon à être spectateur du monde. Bien souvent il ne commandait rien de plus qu'un chocolat chaud qu'il prenait le temps de savourer comme si ça allait être le dernier. Les employés le connaissait bien, du moins certains de visage, pour le nombre de fois incalculables où il se rendait ici des heures durant. Directement après le lycée et étant donné l'atmosphère sereine du petit commerce il pouvait y faire ses devoirs, ou alors le Vendredi soir pour commencer le week-end agréablement.

Ce fut donc un soir comme les autres durant lequel il se rendit au café sans même prendre la peine de prévenir sa mère, qui elle le pensait avec son meilleur ami ou d'autres camarades de sa classe, alors que non il venait se vider la tête dans le seul refuge qu'il eut trouvé jusqu'à présent. Cela devait donc faire une heure qu'il se trouvait là, assit, à ne rien faire si ce n'est observer par la fenêtre les passages des gens tout en appréciant un vieux morceau de Jazz qui passait à la radio du petit restaurant. Son sac posé sur la banquette à côté de lui, un chocolat presque terminé sur la table en bois et les mains jointes sur ses fines cuisses. Malgré le peu d'argent qu'il avait emmené, et donc l'incapacité de se payer une autre collation, il soupira. Il ne voulait pas encore rentrer chez lui, c'était beaucoup trop tôt, il se retrouverait seul parce que sa génitrice ne serait pas encore de retour du travail et ce sentiment de solitude serait encore pire une fois qu'il aurait fini de téléphoner à Louis... D'ailleurs en jetant un coup d'œil à sa montre, le bouclé se rendit compte que leur consultation avait lieu dans moins d'une heure. Finalement, il était peut-être temps pour lui de se mettre en route.

« - Harry ? »

Le dit Harry sursauta à l'entente de son prénom et releva la tête vers la jeune serveuse qui venait de le sortir de sa rêverie. Amélia. Qu'il ne connaissait que de visage et également grâce à l'étiquette qui se trouvait sur son tee-shirt à l'effigie du café. Il ne lui avait parlé qu'à de rares occasions et jamais très longuement mais il appréciait son sourire toujours présent. Ses cheveux roux étaient rattachés en un chignon exécuté à la perfection, les tâches de rousseurs sur ses joues étaient encore plus flagrantes à la lumière, ses iris vertes brillaient de mille feux à chaque fois. Elle était toujours joyeuse, mais sans trop d'excès, souriante, attentive et chaleureuse.

« - Tu en reprends un peu ? »

D'un geste délicat de la main, accompagné de sa douce voix, elle montra sa tasse presque vide du brun. Ce dernier secoua timidement la tête sachant qu'il n'aurait pas les moyens de payer autre chose, étant donné qu'il avait tout dépensé ce midi pour un sandwich, qu'il n'avait même pas touché d'ailleurs.

« - Je n'ai plus d'argent sur moi.
- La dernière fois tu nous as laissé un gros pourboire alors je t'offre celui-là d'accord ? Je suis sûr que Garth sera d'accord, il t'adore tu sais. Comme tout le monde ici en fait.
- C'est gentil mais je... Je ne peux pas accepter.
- Ne crois pas que c'était une proposition, c'est un cadeau de la maison compris ?
- Mais...
- Avec ou sans sucre ? Le coupa-t-elle, gentiment. »

Comprenant bien qu'il n'arriverait pas à avoir le dernier mot cette fois ci il lâcha un soupir et murmura un faible « sans sucre ». Il se sentait presque honteux d'accepter mais Amélia ne lâcherait pas prise et il ne désirait pas tellement se prendre la tête ce soir, elle repartit un sourire aux lèvres. Satisfaite de son action. Le temps qu'elle lui prépare sa collation, Harry reporta ses yeux sur le spectacle qui se déroulait dehors, mis à part les embouteillages incessant il n'y avait pas grand-chose à voir et les gens ne sortait plus tellement à cause du froid qui leur gelait la peau jusqu'aux os. Décembre approchait à grand pas, et il n'avait absolument aucune idée du présent qu'il offrirait à sa mère pour cette occasion, elle avait déjà tous les ustensiles de cuisine qui pouvait exister sur Terre, des tas d'écharpes et de bonnets qui accumulaient la poussière au fond d'un placard qu'on ne prenait même plus la peine d'ouvrir, des chocolats dont on ne savourait même plus la saveur tellement on en a mangé pour cette fête. Chaque année il essayait toujours de trouver quelque chose à la fois original et qui resterait dans ses moyens, mais il finissait toujours pas dégoter -au dernier moment- un bouquet de fleur qui finissait par faner au bout d'une semaine à peine, ou un autre cadeau banal. Alors que sa génitrice arrivait toujours à lui offrir ce qu'il désirait. L'année précédente elle lui avait trouvé un appareil photo d'une très haute qualité et étonnement performant que le bouclé chérissait plus que tout, ainsi qu'une collection de livre inédit qu'il avait dévoré en moins de deux semaines. Au final, il ne se considérait pas comme un fils modèle, loin de là même, il passait son temps à éviter les questions de sa mère, à rester constamment enfermé dans sa chambre, loupait souvent les repas du soir et prétextait ne pas avoir de temps le matin pour avaler son petit déjeuner et en conclusion il ne mangeait donc presque pas de la journée, pour ne pas dire pas du tout. Son corps squelettique le démontrait bien, mais le fait qu'il portait d'assez ample tee-shirt faisait que cela passait inaperçu aux yeux de sa seule parente. On posa une tasse sur la table en bois ce qui le fit revenir à la réalité, Amélia était de retour et -à la grande surprise du bouclé- vint s'assoir sur la banquette en face de lui, au bout de quelques secondes d'hésitations.

« - Ça te dérange si je reste un peu ici avec toi ?... Y'a pas tellement de clients ce soir et faut dire que je ne vois pas souvent des jeunes de ton âge franchir cette porte, alors pour une fois que ça arrive. Et puis tu viens toujours seul, tu n'as pas d'amis qui aiment ce genre d'endroit ? »

Elle parlait excessivement vite et passait d'un sujet à un autre tandis que ses yeux ne cessaient d'être en mouvements. Harry l'aurait presque trouvé amusante mais il y a des jours, comme celui-ci, où il n'est pas d'humeur à sourire à quoique ce soit alors il haussa les épaules en guise de réponse, même si il aurait plutôt voulu lui dire qu'il n'avait pas d'amis tout court. Que si il venait seul ici c'était parce qu'il était rejeté en permanence, qu'on le blâmait parce qu'il était un peu différent, mais qu'était-ce vraiment... La différence ? Lui, en tout cas, n'en voyait pas. Il mangeait, respirait, dormait, pleurait, riait, vivait comme les autres. Bien sûr il y avait son meilleur ami, Zayn, mais ces derniers temps celui-ci ne lui accordait plus vraiment de temps, ne lui parlait que lorsqu'il en avait l'occasion -c'est-à-dire rarement- et le saluait d'un simple signe de main, même plus d'accolade comme avant. Harry se rendait compte que tout changeait autour de lui. Le monde vacillait et lui essayait tant bien que mal, de le rattraper.

« - Tu es au lycée du coin non ? Il hocha la tête positivement. Ah, je me disais bien. Il est réputé pour être très stricte et il y a un assez bon niveau aussi. Plutôt élevé.
- Faut s'accrocher.
- Tu es en quelle section ?
- Littéraire.
- Et ça te plait ?
- Évidemment, sinon je n'y serais pas entré. Si je pouvais je passerais ma vie le nez plongé dans les livres.
- C'est rare de voir des garçons aussi passionné par la littérature de nos jours. Tu m'as l'air très intelligent en plus.
- Je ne pense pas que je le sois, je me cultive simplement. Disons que lire m'aide à me créer un monde que je n'ai pas à ma disposition. Un monde idéal. Le mien.
- Oh, le monde dans lequel tu vis ne te plait pas assez c'est ça ? Questionna-t-elle, la mine inquiète. »

Harry la trouvait presque adorable, elle avait toujours cet air innocent et un peu idiot qui faisait d'elle une personne à part. D'apparence, elle ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans, ses cheveux roux lui donnaient une personnalité sérieuse mais c'était totalement le contraire. Elle riait toujours pour rien, souriait à longueur de temps et disait parfois des idioties pourtant le bouclé l'appréciait presque.

« - Je ne m'y sens pas vraiment à ma place, je ne la trouve pas du moins.
- Peut-être que si tu cherches bien tu la trouveras. Ne laisses pas le monde te changer Harry. »

Il fut sur le point de répliquer mais son cellulaire vibra dans sa poche, au moment où il vu le numéro s'afficher son visage s'illumina et sembla retrouver de la couleur. Un détail qui n'échappa pas aux yeux d'Amélia qui le questionna du regard, il marmonna une brève excuse et lui demanda de donner son chocolat chaud -auquel il n'avait pas touché- à quelqu'un qui en serait plus dans le besoin puis, tout en saisissant son sac et sa veste, il sortit. L'air frais lui frappa de plein fouet le visage mais tout ce qui lui importait était le portable vibrant entre ses mains. Il décrocha, et se surprit lui-même à sourire lorsqu'il prononça sa première phrase.

« - Bonsoir Louis.
- Harry, comment vas-tu ?
- Plutôt bien. Tu m'appelles tôt aujourd'hui.
- Oui je sais, j'espère que ça ne te dérange pas mais j'attends quelqu'un dans moins d'une heure alors je n'aurais plus le temps de te parler une fois que cette personne sera arrivé et je ne veux pas te faire louper une conversation. Et puis, étant donné, que tu finis plus tôt le Vendredi je me suis dit... Pourquoi pas maintenant ?
- Et tu as bien fait... Je ne t'en aurais pas voulu si tu annulais notre consultation, et je comprends tout à fait que tu n'as pas à veiller que sur moi dans ton travail.
- Non mais ce n'est pas du tout pour un patient.
- Ah bon. C'est qui alors ?
- Je... Euh et bien... Sa voix dérailla légèrement. C'est un peu compliqué.
- Expliques moi. Il secoua la tête. Enfin si ce n'est pas trop indiscret bien sûr. »

Louis avait avoué, depuis près de deux ans, des tas de secrets, de détails sur sa vie personnelle au plus jeune. La maladie de sa mère. Son adolescence. Son séjour à l'hôpital où il avait frôlé la mort de près. Mais il y avait un sujet dont il ne lui avait encore jamais jusqu'à présent, qu'il gardait pour lui-même. Pourquoi ? Il ne savait pas vraiment, il n'y avait pas d'explication. Ou si, peut-être une...

« - Je présume que je n'ai pas le choix? Demanda le mécheux, souhaitant changer de sujet.
- Chacun son tour. Je pense que je te dis assez de choses sur moi, sur ma vie, pour que tu m'accordes ça.
- Je... D'accord mais... J'ai.... Normalement je dois retrouver mon... Mon copain ce week-end. Pour passer du temps avec lui. C'est le cas depuis trois ans d'ailleurs.
- Par copain tu veux dire.... Ses sourcils se froncèrent.
- Je veux dire l'homme qui partage ma vie, oui.
- Oh... D'accord. »

Le brun ne savait pas tellement pour quelle raison mais son estomac se comprima et sa main qui tenait le combiné le surprit à trembler. Il mit ça sur le dos du vent glacial qui lui laminait son corps mal couvert. Un soupir se fit entendre de l'autre côté de l'appareil, qui l'empêcha de raccrocher immédiatement.

« - Tu vois c'est pour ça que je ne voulais pas te le dire. Je savais que tu te braquerais de cette manière. Je... Je voulais garder ça pour moi, ne pas te le dire, du moins jusqu'à ce que tu ailles mieux parce que... Parce que tu es fragile, instable et tu n'as pas besoin que ton psychologue t'étale ses relations amoureuses, la vie de couple, et tout ce bazar, alors que toi...
- Alors que moi je n'ai personne. J'ai compris le message t'inquiètes pas. Mais c'est gentil de me ménager autant en tout cas. Ça me fait plaisir.
- Harry je t'en prie ne.... »

Mais ce fut trop tard, à l'instant même, des intonations résonnaient déjà signe qu'il venait de raccrocher violemment. En effet, le cadet rangeait déjà son cellulaire, sous un excès de hargne, dans sa poche. Son cœur brûlait dans sa poitrine, se consumait, non pas parce qu'il était jaloux mais parce qu'on lui cachait quelque chose avec la peur que s'il l'apprenne cela finisse par l'achever. Mais il n'était pas dupe. Des couples il en voyait partout, en permanence, à chaque coin de rue, au lycée et il était toujours en vie. De l'air sortait encore d'entre ses lèvres, il ne pleurait pas à la vue de moindre personnes qui s'embrassaient passionnément. Et là, Harry se sentait blessé. Blessé qu'on le prenne pour un enfant, qu'on essaye de le ménager puis le pire était surement que ce geste venait de Louis. La seule personne qui ne lui avait jamais fait du mal jusqu'à maintenant. Son visage perdit le moindre éclat, ses pupilles ne brillaient plus, aucune étincelle n'y résidait. Il venait de s'éteindre en totalité. Au final, le bouclé ne décida pas de prendre la route pour rentrer chez lui mais une autre. Peu importe laquelle, où elle le mènerait, qui il y rencontrerait, si il passerait la nuit dans son lit ou pas. Il souhaitait simplement oublier, souffler, respirer un autre air que celui comprimant de sa chambre. Être proche de la mort, sentir cette sensation lui envahir les veines et lui tordre l'estomac, la voir lui tendre les bras... Pour qu'il puisse enfin lâcher prise et se vider la tête.


* * *


Une heure que son patient lui avait raccroché au nez sans donner la moindre nouvelle par la suite, et il le connaissait assez pour savoir qu'il tenterait de se faire du mal ce soir même. Louis paniquait et se maudissait également à la fois, d'avoir dévoilé ce détail de sa vie à Harry qui devait maintenant avoir la sensation d'être trahit, et dans son état actuel, il ne devait surtout pas vivre avec ce sentiment. Ou ça le détruirait. Cela faisait une demie heure que le mécheux attendait à la sortie de la gare, appuyé sur le capot de sa voiture, son petit ami qui ne devrait plus tarder à franchir les portes, et pourtant il semblait que des heures venait de défiler. Chaque seconde il regardait son téléphone avec l'espoir d'y voir affiché le numéro du plus jeune, mais il soupirait en voyant qu'il n'y avait strictement rien d'autre que son fond d'écran représentant une plage qu'il avait photographié durant ses vacances de l'année précédente. Il hésitait parfois même à le rappeler lui-même, mais il savait pertinemment qu'il tomberait sur sa boite vocale et il ne le supporterait pas. Pas encore. Son cœur battait à tout rompre d'abord par peur qu'il ne décide de mettre fin à ses jours mais également parce que sa réaction impulsive était entière de sa faute. Alors que le châtain s'apprêtait à laisser un message vocale à Harry, des bras vinrent enserrer sa taille subitement ce qui le fit sursauter juste avant qu'il ne frissonne de plaisir en sentant des lèvres froides venir caresser la peau délicate de son cou. Il soupira en rangeant son téléphone puis se retourna pour faire face à cette personne qui n'était autre que le garçon qui partageait sa vie depuis trois longues années.

« - Lou, j'espère que je ne t'ai pas trop fait attendre ? »

Ce dernier secoua la tête avant d'afficher une petite moue boudeuse qui fut avalée par des lèvres glacées qui vinrent se délecter tendrement des siennes. A présent la température extérieure, devant surement frôler les zéro degrés, n'avait plus aucune importance pour lui, étant donné qu'il venait de trouver des bras dans lesquelles se réfugier. Et même si il ne pouvait se réjouir de la chaleur du corps d'Ethan que durant les deux jours qui composaient son court weekend, il se sentait libre et heureux à chaque fois. Cela faisait trois ans qu'ils entretenaient cette relation à distance, qui les rongeait parfois, mais ce n'était pas non plus comme si ils ne s'étaient jamais rencontrés. Généralement, ils passaient leur temps ensemble du Vendredi soir au Dimanche après-midi, une fois que le plus vieux avait enduré une heure trente de trajet en train. Sinon, ils essayaient de s'arranger pour se voir une semaine complète durant les rares vacances qu'avaient Louis. Ils avaient déjà envisagés d'emménager ensemble mais étant donné que le brun avait eu une promotion exceptionnelle pour son travail en tant que barman réputé, il ne pouvait pas refuser une telle opportunité qui -en premier lieu- lui rapportait une somme colossale. Et le cadet ne souhaitait pas -lui non plus- quitter son cabinet, et abandonner ses patients habituels pour aller vivre dans un endroit où il ne pourrait surement plus exercer sa passion. Alors ils se contentaient de ces weekend.

« - J'ai une bonne nouvelle à t'annoncer bébé. Susurra Ethan en replaçant une de ses mèches châtain rebelles derrière son oreille. La semaine prochaine je ne travaille pas de Samedi à Jeudi, et je me disais que - vu qu'on n'a pas vraiment eu le temps de se voir ce mois-ci- on pourrait peut-être.... Faire un petit voyage rien que tous les deux.
- Un voyage ? Où ça ?
- Ça... Il l'embrassa une nouvelle fois. C'est une surprise. »

Une surprise ? C'était bien la seule fois qu'il entendait ce mot sortir de la bouche de son petit ami. D'habitude, à chacun de ses anniversaires ou aux diverses fêtes il venait lui demander ce qui lui ferait plaisir, ou alors l'emmenait dans une galerie commerciale pour qu'il puisse choisir ce qui lui plaisait. Ce fut, ce soir, la première fois qu'il sentait son cœur s'emballait si agréablement. Un voyage rien qu'à eux. Ce cadeau dépassait tous les autres, et la surprise rendait les choses encore plus intenses. Pourtant, il n'insista pas pour savoir, non, il se contenterait de découvrir sur les moments. Après avoir serré la main du brun dans la sienne et lui accordé son plus beau sourire, ce dernier qu'il avait cru perdu, il monta au volant du véhicule. Vivant. C'était exactement l'adjectif qui le qualifiait le mieux à cet instant. Ou bien se sentait-il renaître. Son esprit avait laissé son patient, qui se trouvait dieu ne sait où, s'échapper. Mais pour un temps seulement.

Là, il n'y avait que l'homme à ses côtés qui comptait, et cette maison qui se dressait déjà deux eux. La sienne. Surement encore en désordre. Pourtant ça n'avait aucune sorte d'important pour eux, non, car à peine la porte fut-elle refermée derrière leurs dos que l'un attira le corps endoloris par le froid de l'autre, contre lui, et des lèvres vinrent s'échouer avec avidité sur les siennes. Il eut simplement le temps de poser le trousseau de clés sur le comptoir qu'on lui ôta sa veste et son bonnet fétiche. Peu importe qui était qui. Qui faisait quoi. Parce qu'ils étaient tous deux possédaient par le même besoin, par les mêmes sensations qui les retournaient. C'était presque vital. Les lumières n'étaient pas allumés, ils se dirigeaient à tâtons puis aussi grâce à la lumière de la lune qui traversait les vitres dont les rideaux n'étaient pas tirés. Et aucune ampoule n'éclaira la maison, même après plus de deux heures, lorsque leurs deux corps nus reposaient l'un contre l'autre, dans la chambre sombre du cadet. Avec pour seul protection une fine couverture qui les recouvraient jusqu'aux hanches. Le silence régnait en maitre, mais pas ce silence pesant non, plutôt celui apaisant, qui permettait de réfléchir. Louis sentait la respiration du plus vieux, qui avait la tête posé son torse, doucement ralentir. Signe qu'il n'allait pas tarder à sombrer dans un sommeil profond. Alors il passait une main douce dans ses cheveux bruns - à présent- en désordre. Sur la table basse juste à sa droite se trouvait une lampe qu'il ne prit pas la peine d'allumer et son portable qu'il avait enlevé avec précipitation de sa poche de slim. Son fin sourire de soulagement s'effaça instantanément. Tout sembla devenir noir. Harry... Il avait complètement oublié son existence durant plus de trois heures. Et maintenant qu'il se rappelait de quelle manière s'était terminée leur dernière conversation, il paniqua. Son sang ne fit qu'un tour. Son esprit imaginait déjà les pires scénarios. Sans même réfléchir, il se releva avec délicatesse tout en prenant soin de ne pas réveiller Ethan qui dormait à poing fermé. Une fois que le châtain fut libre de ses mouvements, il enfila ses vêtements jetés précédemment au sol et saisit son combiné.

« - Qu'est-ce que tu fiches Lou ? »

Il aurait bien répondu « Je vais sauver une vie » mais d'abord il n'était pas sûr d'y parvenir un jour, il se pencha au-dessus du lit pour embrasser le front de l'ainé qui fronça les sourcils malgré le fait que ses yeux soient presque clos.

« - Dors, je viens me coucher après. Je vais simplement ranger un peu le bazar en bas. »

Louis se releva et ne prêta pas la moindre attention à la main qui resserra doucement son poignet quand il quitta le lit froissé par les récents événements. D'ailleurs il ne se concentra que sur le téléphone entre ses mains tremblantes, tout autour de lui disparu dans un brouillard aveugle, et tant pis si il se cognait parfois le pied dans un mur. Lorsque enfin il tomba sur le numéro de son patient, il s'installa dans le canapé du salon -qui aurait très bien put aussi être une table, une chaise, le sol, qu'il n'y aurait pas accordé d'importance- et appuya sur la touche verte à gauche. L'un de ces jambes trembla d'elle-même, alors qu'il passait une main incertaine dans ses cheveux. Chacun des tonalités à l'autre bout du fil résonna comme un coup de marteau dans sa propre tête, mais il espérait entendre sa voix endormie qui lui certifierait que non, il n'avait pas tenté de mettre fin à ses jours. Pourtant, quand il tomba sur sa messagerie au bout d'une dizaine de «bip » assourdissant il grogna et envoya son portable se fracasser au sol. La peur rongeait son estomac. Mais il n'y avait pas que ça. La culpabilité également, le remord, la tristesse... Tout ça engendré dans son faible corps. Le supporterait-il ? Ça il n'en savait absolument rien. Par contre ce dont il était certain c'est qu'il ne tiendrait pas à la mort de Harry. A ses yeux ce n'était pas seulement un patient -plus ou moins- original, c'était un frère qu'il se devait de protéger, un meilleur ami qu'il était dans l'obligation d'aider et chaque seconde qui passait lui rappelait qu'il avait surement déjà échoué piteusement dans sa tâche. Le châtain ramena ses genoux contre son torse et posa sa lourde tête sur ses derniers, puis il sentit une goutte glacée s'échouer sur son bras gauche, dénudé, il frissonna. Sans même s'en être rendu compte, il se laissa emporter par les larmes. Tant pis si son copain qui dormait, à quelques mètres d'ici, l'entendait, tant pis si il passait pour un lâche, tant pis s'il ne dormait pas parce que ce soir il avait le sentiment d'avoir tout perdu. Des heures durant il essaya de contacter le bouclé, qui ne daigna jamais répondre, et ce fut seulement quand sonna cinq heures du matin qu'il prit conscience qu'il n'avait pas fermé l'œil de la nuit surement parce qu'il savait qu'une vie venait d'être arrêté avant même que ne sonne les coups de minuit.


* * *


Adrénaline. Ce fut le seul sentiment que ressentait Harry à cet instant. Le corps droit, le regard brillant, les bras tendus et alignés à la même hauteur que ses épaules, les lèvres retroussées en un sourire presque heureux, les boucles brunes de ses cheveux dansant au rythme du vent froid de l'hiver. Sa respiration était certaine, il ne tremblait pas, il ne vacillait pas, il ne pleurait pas, il se sentait simplement proche de la joie. Plus connu sous le nom de : la mort. Afin de mieux apprécier cette sensation de plénitude, il ferma les yeux. Serein il inspira un grand coup. S'il avançait d'un seul pas il tombait dans le vide, le gouffre immense de son paradis. L'endroit qui contenait sa lumière éteinte. Peut-être aurait-il dû faire ses adieux à sa mère avant, à cette brave femme qui l'a si longtemps chéri et soigné, ou alors avoir eu le cran de lui laisser une lettre dans laquelle il lui aurait tout expliqué. Absolument tout. Son mal être, les cicatrices dont elle ne connaissait pas l'existence sur son jeune corps, sa correspondance avec son psychologue. Ah et alors là il pourrait cracher l'essentiel de son venin sur cette feuille. Mais il n'y avait pas songé. Il voulait une fin tragique, une fin qui reste dans les mémoires et marque les esprits. Bien sûr il ne connaitrait pas les gens qui auront pleuré sur son sort ou ceux qui oublieront totalement son existence. Plusieurs fois il avait pensé en finir, mais il n'était jamais allé jusqu'au bout, et maintenant qu'il y parvenait il ne souhaitait plus reculer. Son cœur lui criait de le faire, son esprit s'était dissipé, des milliers de papillons volaient dans son estomac, le vent caressaient tendrement ses doigts. C'était le moment, la nature le lui soufflait à l'oreille, il chuchota un doux : « Au revoir maman. » et s'apprêtait à bougeait son pied droit mais soudainement des bras vinrent enserrer sa taille. Comme si on voulait le retenir. Ses yeux s'ouvrirent brusquement sur le vide en dessous de lui, il se retourna pour identifier la personne qui avait osé l'interrompre dans son acte, mais la silhouette semblait cacher dans l'ombre, il ne parvenait pas à discerner son visage. Elle se cachait sous la capuche d'un sweat beaucoup trop grand pour son corps. Une main saisit doucement la sienne, froide, et ce simple contact fit monter dans son corps une chaleur agréable.

« Tu ne voulais pas me dire au revoir Harry ? »

Cette voix le fit frissonner entièrement. Il ne la connaissait que trop bien pour l'avoir entendu un nombre incalculable de fois. Douce, penchée vers les aiguës, mélodieuse. Comment l'avait-il trouvé ? Pourquoi était-il venu le sauver ? Trop de questions sans réponses. Son souffle se coupa, son esprit vacilla, son ventre se retourna.

« L... Louis ? »

Mais l'inconnu en face de lui ne releva pas la tête, ne bougea pas d'un pouce, il lui fit simplement un fin sourire. Le brun ne pouvait voir que le bas de son visage, tout ce qui se trouvait au-dessus de son nez lui était totalement interdit. Une envie folle de lui ôter cette capuche le démangeait, mais il ne fit rien parce que déjà la main libre de Louis vint se poser sur sa joue, s'y attarder, la caresser. Harry ferma les yeux et inspira un grand coup, submergé par diverses sensations. Inconnues.

« - Dis-moi adieu et après tu pourras en finir.
- Q... Quoi ? »

S'il n'y avait pas le vide juste derrière lui il aurait reculé d'un pas. La situation devenait étrange, le bruit des voitures s'éloignait, les oiseaux ne chantaient plus, le soleil était sur le point de se coucher, les gens s'étaient arrêtés pour les regarder. Comme un spectacle de rue. Ses yeux cherchaient un point d'accrocher, il paniquait. Que se passait-il ici ? Instinctivement il attrapa la main de Louis pour s'y agripper fermement, comme son dernier fil avant de tomber dans les bras de la mort.

« N'ai pas peur Harry.... Je te rejoindrais très bientôt. C'est promis. »

Les doigts fins de son inconnu dérivèrent vers son menton, de cette manière à l'attirer un peu plus contre lui. Plus aucun son ne se fit entendre, même les gens autour d'eux avaient arrêté de respirer pour mieux les entendre. Harry ravala difficilement sa salive, son visage était seulement à quelques centimètres de celui de Louis, il pouvait sentir son souffle chaud s'écraser sur son visage, pourtant il ne voyait toujours pas le haut de sa tête. Leurs mains étaient toujours liés ensembles, inséparables. L'envie de connaître son visage était féroce, puissante. Mais il n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit que des lèvres vinrent emprisonner les siennes, doucement, comme pour ne pas le blesser et -bien à sa surprise- il se laissa emporter. Il n'y avait plus rien à part lui. Même les exclamations de surprise provenant des passants autour d'eux ne l'atteignaient pas, il profitait simplement. Ce n'était pas son premier baiser, mais ce fut presque semblable. Timide. Retournant. Agréable. Rassurant. Cet échange ne dura que quelques secondes, qui semblèrent pourtant éternités. Le front du psychologue se posa contre le sien, tendrement, tandis que les joues en feu et l'esprit ailleurs, Harry exprima son premier vrai sourire.

« Saute maintenant. »

Le brun écarquilla les yeux, incompris. Sauter ? Louis venait de l'embrasser à l'instant, comme jamais personne ne l'avait fait, et il voulait ensuite qu'il saute du pont ? Les choses prenaient une tournure vraiment étrange. Un gout amer se formait dans sa bouche, son ventre se tordait à cause de la crainte. Que se passait-il? Au ralentit, il sentit la main du jeune homme en face de lui lâcher la sienne, il secoua la tête, paniqué.... Mais c'était trop tard il tombait déjà. Plus bas encore. Une sensation de chute psychologique. Avec pour dernière image, le sourire angélique de son médecin dont il ne connaissait, en fin de compte, même pas le visage ou bien la couleur des yeux. Dire qu'il n'aura même pas eu le temps et la chance de découvrir ce quoi à ressemblait son si bel et si précieux inconnu qui l'avait sauvé tant de fois du cauchemar que fut sa vie.

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