Chapitre 5 : Tentative

La chaleur des explosions semblait emplir les couloirs, vibrante et oppressante. Thalia inspira profondément, cherchant à calmer son cœur affolé. L'écho des paroles de l'homme résonnait encore dans son esprit. "Penser avant d'agir. Sinon, tout cela n'aura servi à rien."

Elle se redressa péniblement, la poussière lui collant à la peau, et tendit l'oreille. Les hurlements étaient proches, mais elle ne pouvait pas retourner en arrière. Pas maintenant. Elle n'allait pas simplement obéir à un inconnu mystérieux qui apparaissait et disparaissait comme une ombre.

Elle déglutit, sa gorge sèche la brûlant, et s'élança dans le couloir. L'air était lourd de cendres, et chaque pas résonnait contre les murs. Mais au-delà de la peur, une pensée lui revenait sans cesse : si elle restait, elle mourrait.

Le chemin qu'elle avait emprunté se rétrécissait, les galeries devenant plus étroites et sombres. Une faible lueur dansait au loin ; une sortie, ou un leurre ? Elle n'avait pas d'autre choix que de le découvrir.

Thalia s'élança dans le couloir, son cœur tambourinant dans sa poitrine. Mais à peine avait-elle tourné à l'angle qu'une silhouette familière surgit devant elle. Korin. Il se tenait là, immobile, comme une statue sculptée dans l'ombre, ses yeux perçants la transperçant d'un regard glacial.

— Où comptes-tu aller ? lança-t-il d'une voix basse, mais chargée de menace.

Elle s'arrêta net, le souffle court, le dos raide. Ses pensées s'embrouillaient, cherchant une explication, une issue. Mais face à lui, son instinct lui hurlait qu'aucune excuse ne suffirait.

— J'entendais... des bruits d'explosion. Je voulais m'assurer que tout allait bien, répondit-elle finalement, essayant de garder une voix calme.

Korin resta silencieux un instant, scrutant son visage comme s'il cherchait à y lire la vérité. Puis, lentement, il s'avança, ses bottes claquant sur le sol de pierre. À chaque pas, Thalia reculait, jusqu'à sentir le mur froid contre son dos.

— Tu mens, dit-il enfin, sa voix tranchante comme une lame. Tu pensais fuir.

Thalia sentit son cœur se figer, mais elle soutint son regard avec défi.

— Et si c'était vrai ? cracha-t-elle. Vous ne m'avez rien dit. Vous m'avez arrachée à ma vie, enfermée ici, utilisée pour... quoi, au juste ? Vous attendez que je reste docile ?

Un rictus amer se dessina sur les lèvres de Korin, mais ce n'était pas un sourire. Il s'approcha encore, jusqu'à ce que son visage soit à quelques centimètres du sien.

— Tu crois que tu as le luxe de poser des questions, Kaida ? Que ton petit acte de rébellion va changer quoi que ce soit ?

Elle déglutit, luttant pour ne pas détourner les yeux. Mais Korin recula légèrement, croisant les bras, son expression toujours aussi dure.

— Tu as été choisie pour une raison. C'est tout ce que tu as besoin de savoir. Maintenant, rentre.

Le ton ne souffrait aucune contestation. Pourtant, Thalia ne bougea pas, ancrée sur place par un mélange de peur et de colère.

— Et si je refuse ? murmura-t-elle.

Korin ne répondit pas immédiatement. Il la fixa un moment, et quelque chose de plus sombre passa dans son regard. Une menace implicite, mais bien réelle. Puis il se pencha légèrement, sa voix réduite à un murmure glacial.

— Tu ferais mieux de ne pas essayer, car je te retrouverai. Toujours.

Elle frissonna, incapable de répondre. La tension entre eux était palpable, un équilibre précaire prêt à se briser au moindre geste. Mais Korin se redressa enfin, un soupir exaspéré s'échappant de ses lèvres.

— Maintenant, avance. Les autres se regroupent dans la salle des archives.

Thalia hésita. Elle savait qu'elle n'avait pas le choix : tenter de fuir à nouveau, ici et maintenant, serait un suicide. Elle hocha la tête à contrecœur, serrant les poings pour contenir sa frustration.

— Bien.

Korin la dépassa, mais son attitude demeurait vigilante. Chaque mouvement qu'elle faisait semblait scruté, analysé. Comme s'il attendait qu'elle tente encore quelque chose.

Mais Thalia avait appris une chose essentielle à cet instant : Korin était plus qu'un simple bourreau ou un surveillant. Il savait des choses. Des choses qu'on lui cachait à elle. Et si elle voulait comprendre ce qui se passait réellement ici, si elle voulait reprendre le contrôle, il lui faudrait attendre. Observer. Découvrir par elle-même.

Alors, elle obéit. Pour l'instant.

Thalia suivit Korin à contrecœur, ses pas lourds résonnant dans les couloirs sombres. L'air semblait s'alourdir à chaque instant, chargé de poussière et d'une tension électrique. Des échos de voix et des bruits lointains d'effondrements se mêlaient au crépitement persistant des flammes, rendant l'atmosphère suffocante.

Ils arrivèrent bientôt devant une porte massive, ornée de gravures énigmatiques qui luisaient faiblement dans la pénombre. Korin s'arrêta, son regard perçant scannant les environs avant de poser sa main sur la surface gravée.

La porte émit un grondement sourd avant de s'ouvrir lentement, dévoilant une vaste salle faiblement éclairée. C'était la salle des archives, une pièce monumentale où des étagères surchargées de livres anciens et de parchemins semblaient s'étendre à l'infini. Au centre, un groupe de disciples était chuchotaient autour d'une grande table de pierre, leurs visages tendus illuminés par une lueur bleutée provenant d'un bouclier posé au centre.

— Ils ont atteint l'aile ouest, Revor s'en charge mais ce n'est que temporaire, il vont fini-

Ils furent interrompu par Korin.

— Elle est là, annonça t'il d'une voix sèche en poussant Thalia à l'intérieur.

Tous les regards se tournèrent vers elle. Certains étaient empreints de méfiance, d'autres semblaient indifférents, comme si sa présence ne les concernait pas. Une femme en robe noire se détacha du groupe et s'approcha. Raina.

— Tu es revenue, dit-elle simplement, mais son ton portait une note d'avertissement. Peut-être que tu as plus de bon sens que je ne le pensais.

Thalia serra les dents, mais se força à garder le silence. Elle sentait que parler maintenant ne ferait qu'empirer sa situation.

La femme la scruta un moment avant de se tourner vers Korin.

— Emmène-la dans ses quartiers, ordonna-t-elle. Je ne veux pas qu'elle traîne ici pour l'instant.

Korin hésita une fraction de seconde, comme s'il s'apprêtait à protester, mais il se contenta d'un signe de tête.

— Suis-moi, lâcha-t-il à Thalia.

Elle obéit sans un mot, jetant un dernier coup d'œil à la salle avant que la porte ne se referme derrière elle.

De retour dans sa chambre austère, Thalia sentit la frustration et la colère monter en elle. Elle était revenue au point de départ, prisonnière une fois de plus. Mais quelque chose avait changé.

En traversant la salle des archives, elle avait remarqué plusieurs détails qui n'avaient rien d'anodin. Les gravures sur la table, les murmures pressés des disciples, et surtout ce bouclier bleu brillant... Tout cela avait une importance qu'on lui cachait.

Elle s'assit sur le lit de pierre, les jambes repliées contre elle, ses pensées tournant en boucle. L'homme qui l'avait interpellée pendant l'attaque, les mots de Korin, et Raina... Tout indiquait qu'un puzzle bien plus complexe se jouait ici.

Elle inspira profondément et serra les poings.

— Très bien, murmura-t-elle pour elle-même. Si je ne peux pas fuir maintenant, alors je trouverai un autre moyen.

Son plan était clair : elle allait rester discrète, feindre l'obéissance, et utiliser chaque instant pour rassembler des informations. Elle n'avait plus confiance en personne, mais elle avait une arme que ses geôliers sous-estimaient encore : sa détermination.

Thalia était assise sur le bord de son lit de pierre, ses mains tremblant légèrement tandis qu'elle les pressait contre ses genoux. Ses pensées tournaient en boucle, alimentées par la colère, la frustration, et une peur qu'elle ne voulait pas reconnaître.

Un bruit à la porte la fit sursauter. Elle se leva instinctivement, prête à réagir, mais c'était lui.

L'homme entra doucement, refermant la porte derrière lui. Il la regarda un instant, son expression indéchiffrable, avant de s'adosser au mur, croisant les bras.

— Tu es bien rentrée.

Sa voix était calme, presque douce, mais cela ne fit qu'accentuer la méfiance de Thalia.

— Que faites-vous ici ? lança-t-elle, la mâchoire serrée.

Il haussa légèrement les épaules, comme s'il trouvait la question inutile.

— Je voulais m'assurer que tu allais bien.

Elle écarquilla les yeux, incrédule.

— Que je vais bien ? Vous avez une drôle de façon de vous soucier des gens. Vous apparaissez, vous lancez des avertissements cryptiques, et ensuite vous disparaissez !

Il laissa échapper un léger rire, un son qui semblait presque sincère.

— Je suppose que je mérite ça.

Elle croisa les bras, son regard brûlant de défi.

— Alors, pourquoi vraiment ? Vous ne faites pas ça par gentillesse.

Il sembla hésiter un instant, comme s'il pesait ses mots.

— Disons que je vois des choses que d'autres ne voient pas. Et que je sais reconnaître quelqu'un qui n'est pas à sa place ici.

Thalia plissa les yeux, essayant de discerner ses véritables intentions.

— Vous ne me connaissez pas.

— Pas encore, répondit-il simplement. Mais je connais la situation dans laquelle tu te trouves. Cette tension constante, ces regards qui te jugent, ces secrets qui t'entourent...

Elle détourna le regard, sentant ses mots toucher juste malgré elle.

— Pourquoi ça vous importe ? murmura-t-elle.

Il s'approcha légèrement, gardant néanmoins une certaine distance, comme pour ne pas l'effrayer.

— Parce que je crois que tu mérites mieux que ça.

Thalia leva les yeux vers lui, son cœur battant plus vite. Ses paroles sonnaient sincères, mais elle se méfiait encore.

— Pourquoi moi ? insista-t-elle. Pourquoi pas les autres ?

Un léger sourire joua sur ses lèvres.

— Parce que toi, tu ne baisses pas la tête. Pas vraiment. Tu questionnes, tu doutes, tu cherches des réponses. Et ça, ici... c'est rare.

Un silence tendu s'installa. Thalia sentait un nœud se former dans sa gorge, comme si ses défenses s'effritaient peu à peu.

— Ce que je veux te dire, reprit-il après un moment, c'est que tu n'es pas seule. Même si tout ici te pousse à le croire.

Elle fronça les sourcils, cherchant une faille dans ses paroles.

— Si vous croyez vraiment que je ne suis pas seule, alors pourquoi ne faites-vous rien pour m'aider ?

Il la fixa, son regard plus sérieux que jamais.

— Parce que l'aide qui compte le plus, c'est celle qu'on décide d'accepter. Et je ne peux pas te forcer à me faire confiance.

Ses mots la frappèrent comme une évidence, et elle se sentit presque vulnérable sous son regard.

— Alors, pourquoi êtes-vous là ?

Il esquissa un sourire en coin, comme s'il savait qu'elle ne serait pas satisfaite de sa réponse.

— Parce que parfois, on a juste besoin d'un rappel. Que même dans l'obscurité, il y a toujours une sortie... Il suffit d'être prêt à la voir.

Avant qu'elle ne puisse répondre, elle demanda brusquement, sa voix teintée d'une curiosité sincère :

— Pourquoi êtes-vous si différent ?

Son regard s'assombrit légèrement, et il répondit, presque à voix basse :

— Parce que nous sommes toujours observés.

Elle sentit un frisson parcourir son échine, mais avant qu'elle ne puisse poser d'autres questions, il recula d'un pas, sa main effleurant la poignée de la porte.

Mais avant qu'il ne puisse partir, elle tenta une autre approche.

— Vous venez toujours sans vous présenter, murmura-t-elle. Si vous voulez que je vous fasse confiance, il faudrait peut-être commencer par là.

Il hésita, mais finit par sourire légèrement.

— Je m'appelle Elian.

— Elian, répéta-t-elle doucement, comme pour s'assurer qu'elle ne l'oublierait pas.

Il hocha la tête.

— Tu n'es pas obligée de me croire. Mais si tu veux des réponses... je serai là.

Puis, il ouvrit la porte et sortit sans un bruit, laissant Thalia seule dans la pénombre.

Elle resta immobile un moment, ses pensées agitées. Ses mots résonnaient encore dans son esprit, une étrange chaleur apaisant brièvement son angoisse. Peut-être, juste peut-être, n'était-elle pas aussi seule qu'elle le pensait.

La nuit tomba doucement sur le sanctuaire, mais pour Thalia, ce n'était qu'un début.

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