Chapitre 2 : Les ombres de l'inconnu

Thalia ouvrit les yeux dans une semi-obscurité étouffante, un froid glacial lui mordant la peau. La pièce exiguë autour d'elle semblait aspirer toute chaleur, renforçant l'impression oppressante d'être enfermée dans un lieu hostile. Les murs de pierre brute suintaient d'humidité, et chaque respiration semblait s'alourdir, rendant l'air encore plus difficile à avaler.

Une odeur rance flottait dans l'atmosphère, un mélange écœurant de moisissure et de métal, qui s'imposait à ses sens déjà en alerte. Une douleur sourde battait dans ses tempes, comme si elle avait été projetée dans cet endroit sans ménagement.

Elle cligna des yeux, tentant de s'adapter à la faible lueur vacillante émanant d'une petite lanterne posée au sol. Les ombres projetées dansaient sur les murs, leur mouvement chaotique amplifiant la sensation d'étouffement.

Le froid semblait s'infiltrer jusqu'à ses os, comme un avertissement silencieux que ce lieu n'était pas fait pour accueillir la vie. Elle se recroquevilla instinctivement, sa respiration s'accélérant.

L'absence de fenêtres la frappa brutalement. Pas de lumière naturelle, pas de vent, rien qui puisse lui donner un repère extérieur. Tout ici semblait conçu pour la priver de la moindre échappatoire.

Elle posa les mains sur les murs rugueux, cherchant désespérément une issue, mais tout semblait clos, hermétique.

— Non, non, non... Calme-toi, Lia... Respire... murmura-t-elle pour elle-même, sa voix brisant à peine le silence glaçant.

Ses mains tremblaient, ses pensées devenaient chaotiques. Le choc des événements revenait en vagues : l'incendie, Arlen, ses parents... les flammes qui dévoraient tout.

Son frère.

— Arlen ? souffla-t-elle, la voix tremblante, brisant le silence oppressant.

Personne ne répondit.

Elle recula jusqu'au lit en métal sur lequel elle avait été allongée, les jambes fléchissant sous son propre poids. Ses dents claquaient, non seulement à cause du froid, mais aussi sous l'effet de la peur.

Elle ferma les yeux, espérant se réveiller ailleurs, dans son lit, chez elle. Mais le froid de la pierre sous ses pieds, l'odeur âcre, la rugosité des murs confirmaient qu'elle était prisonnière d'une réalité qu'elle ne comprenait pas.

Le bruit d'une porte grinçante la tira brusquement de ses pensées. Elle ouvrit les yeux, sursautant.

Un homme entra. Grand et imposant, il portait une tunique noire, simple mais soigneusement taillée. Ses cheveux sombres encadraient un visage dur et fermé, marqué par une cicatrice qui partait de son front pour descendre jusqu'à sa mâchoire. Ses yeux, d'un gris froid, semblaient sonder son âme.

Il ne prononça pas un mot.

Thalia recula instinctivement, son cœur battant à tout rompre.

— Qui... qui êtes-vous ? Où suis-je ? demanda-t-elle, sa voix brisée par l'angoisse.

L'homme resta silencieux, son visage impassible. Il s'approcha, tendit la main et la força à se lever sans ménagement.

— Hé ! Lâchez-moi ! protesta-t-elle, se débattant faiblement.

Mais il ne lâcha pas prise, l'entraînant hors de la pièce sans un mot.

Les couloirs dans lesquels ils s'engouffrèrent étaient sombres et labyrinthiques, encore plus froids que la chambre où elle avait été enfermée. Taillés dans la pierre brute, ils semblaient appartenir à un réseau souterrain sans fin. Des torches accrochées aux murs projetaient une lumière vacillante, créant des ombres mouvantes qui donnaient l'impression que quelque chose ou quelqu'un les observait.

Chaque pas résonnait lourdement, amplifiant l'étrangeté du lieu.

Thalia marchait, contrainte par la poigne ferme de l'homme. Elle aurait voulu poser des questions, mais son silence glacial lui imposait la prudence.

Après ce qui lui sembla une éternité, ils débouchèrent dans une immense salle.

La lumière changea brusquement, plus vive, presque aveuglante après l'obscurité des couloirs. Thalia plissa les yeux pour distinguer les détails de la pièce.

Elle était vaste, ses murs ornés de gravures complexes représentant des scènes inconnues. Des colonnes de pierre s'élevaient jusqu'au plafond, soutenant une voûte ornée de symboles qu'elle ne comprenait pas.

Au centre, un autel monumental s'élevait, entouré de sept statues imposantes.

Les statues représentaient des figures divines, chacune semblant incarner un élément : l'eau ondulante, le vent tourbillonnant, la terre robuste, le feu déchaîné. Les deux autres, lumière et ténèbres, formaient un contraste saisissant, comme s'ils étaient à la fois opposés et complémentaires.

Mais la statue centrale attira toute son attention.

Elle représentait une silhouette encapuchonnée, une faux à la main, ses traits dissimulés dans l'ombre. La mort.

Un frisson lui parcourut l'échine, mais elle réalisa rapidement que ce n'était pas seulement la peur qui l'envahissait. C'était ce froid, toujours plus oppressant, qui semblait émaner de cette figure sombre et l'envelopper entièrement.

— Tu es enfin réveillée.

La voix douce mais autoritaire résonna dans la salle, rompant le silence glacial. Thalia se tourna, frissonnante, pour découvrir la femme aux cheveux blancs. Elle se tenait devant l'autel, imposante et élégante, enveloppée dans une cape épaisse d'un blanc immaculé bordée de fourrure, qui tombait sur ses épaules avec une majesté sereine.

Sa tenue, bien que adaptée à ce froid mordant, semblait soigneusement choisie pour refléter son autorité. Sous la cape, une robe blanche longue et ajustée dépassait légèrement, ses manches serrées protégeant ses bras du froid qui, à chaque instant, mordait Thalia jusqu'à l'os.

Sa voix, calme mais tranchante, semblait elle aussi glaciale, résonnant dans la salle avec une clarté presque surnaturelle.

Malgré sa peur, Thalia sentit une colère bouillonner en elle.

— Qui êtes-vous ? Pourquoi m'avez-vous amenée ici ? Et où est mon frère ? lança-t-elle, sa voix tremblante d'émotion.

La femme ne répondit pas immédiatement. Elle descendit lentement les marches de l'autel, ses yeux pâles fixant Thalia avec une intensité glaciale.

— Ton frère... murmura-t-elle, presque pour elle-même. Peut-être est-il vivant, peut-être pas. Ce n'est pas ce qui importe.

Thalia serra les poings, luttant contre les larmes qui montaient.

— Comment pouvez-vous dire ça ?! cria-t-elle.

La femme du nom de Raina s'arrêta à quelques pas d'elle, un sourire énigmatique sur les lèvres.

— Parce que tu es bien plus importante que lui, Thalia.

Elle s'avança encore, réduisant l'espace entre elles, tandis que le froid semblait s'intensifier autour d'eux.

— Tu ne comprends pas encore, mais tout ce qui s'est passé... l'incendie, les morts, tout est de ta faute.

Thalia recula, son cœur se serrant.

— Non... Non, ce n'est pas possible... murmura-t-elle, secouant la tête.

— C'est la vérité, répondit Raina, son ton implacable. Ton pouvoir s'est éveillé, et avec lui, ton véritable destin.

D'un geste lent, elle désigna la statue centrale de la Mort.

— Ton pouvoir est unique. Il est le don de Thanis, la déesse de la Mort elle-même. Et ce pouvoir, Thalia, est aussi magnifique que terrible.

Le froid sembla atteindre son apogée, glacial, cruel.

Thalia déglutit, incapable de détourner son regard.

— Quel pouvoir ? demanda-t-elle d'une voix tremblante.

La femme esquissa un sourire froid.

— Tu précipites la mort, expliqua-t-elle. Chaque personne plus faible que toi, chaque vie fragile que tu croises, est affectée par ta simple présence. Tu ne les tues pas directement, mais tu amplifies leurs faiblesses, tu accélères leur fin. Et ce n'est pas ton seul don.

Les souvenirs des dernières semaines s'imposèrent à Thalia comme une vague. Sana, sa meilleure amie, morte subitement. La copine de son frère, emportée par un accident incompréhensible. Ses parents, prisonniers des flammes.

— Non, balbutia-t-elle, sa voix se brisant. Non, ce n'est pas vrai...

Raina hocha lentement la tête.

— Tout est lié à toi, Thalia. Tu es un fléau pour les faibles. Mais ce n'est pas une malédiction... C'est un don. Et ici, sur Ethé, tu apprendras à l'embrasser.

Thalia sentit une vague de désespoir l'envahir. Mais sous cette détresse, une colère sourde commençait à gronder.

— Vous m'avez arrachée à ma vie... Vous avez tué ma famille, mon frère... Et vous osez appeler ça un don ? rugit-elle.

La femme resta impassible, son regard aussi tranchant qu'une lame.

— La Mort ne choisit pas ses serviteurs par hasard. Tu es ici parce que le destin l'a voulu. Tu seras formée, endurcie. Et quand le moment viendra, tu comprendras pourquoi tout cela devait arriver.

Elle leva une main, et un homme d'une trentaine d'année émergea des ombres, silencieux et imposant. Sa démarche était lente, calculée, et une aura sombre l'entourait.

— Voici ton maître, déclara la femme avec une solennité froide. Il t'entraînera. Tu apprendras à contrôler ton pouvoir et à l'utiliser pour le culte. Prépare-toi, car désormais, ta vie ne t'appartient plus.

Thalia sentit le sol se dérober sous elle. Tout dans ce monde semblait vouloir la broyer.

Mais au fond d'elle, sous le choc et la douleur, une étincelle de détermination brûlait encore.

Elle releva la tête, les yeux brillant d'une lueur mêlant défi et peur.

— Je n'ai peut-être plus rien, murmura-t-elle, mais je me battrai.

Raina eut un sourire satisfait, presque amusé.

— Nous verrons si tes mots tiennent sous l'épreuve, répondit-elle avant de tourner les talons.

Alors que son nouveau maitre posait une main ferme sur son épaule pour l'emmener, Thalia serra les dents. Son monde venait de s'effondrer, mais une promesse silencieuse naquit en elle.

Elle ne serait pas une victime. Pas cette fois.

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