Chapitre 11 : Fuite

Le trio courait à travers les tunnels, leurs pas éclaboussant les flaques d'eau stagnante qui parsemaient le sol. L'air était lourd, saturé d'humidité, et chaque respiration semblait plus difficile que la précédente. Thalia peinait à suivre le rythme imposé par Elian, qui ouvrait la marche, son visage tendu et ses mains illuminées par une faible flamme. Derrière elle, Moor fermait la marche, jetant des regards nerveux derrière eux à chaque instant.

— Plus vite, grogna Elian sans se retourner. Ils ne sont pas loin.

Thalia serra les dents, son corps criant de douleur à chaque pas. Elle n'avait plus d'énergie, mais l'écho distant de pas lourds et réguliers la poussait à avancer. Cette chose... elle pouvait presque sentir ses vibrations dans le sol.

— C'était quoi, ce truc ? demanda-t-elle entre deux souffles, jetant un regard à Moor.

— Un golem, répondit cette dernière, sa voix tendue. Une création brute de pierre et de magie. Et vu le bruit qu'il fait, ce n'est pas un petit.

Thalia sentit une vague de panique monter, mais elle la réprima. Elle était fatiguée, dépassée, et complètement perdue dans cet endroit qu'elle ne comprenait pas. Chaque tunnel qu'ils traversaient semblait identique au précédent, et l'idée qu'ils tournaient en rond s'insinuait dans son esprit comme un poison.

— Elian, tu sais vraiment où tu vas ?

Il ne répondit pas tout de suite, accélérant même l'allure. Quand il parla enfin, sa voix était froide et concentrée.

— Oui. Mais pas si on ralentit. Alors bougez.

Moor restait silencieuse, mais Thalia pouvait sentir sa nervosité. Elle jetait constamment des regards en arrière, ses sourcils froncés. Thalia remarqua qu'elle avait le regard plus fuyant que d'habitude. Une tension palpable flottait entre eux, mais Moor ne disait rien.

— Pourquoi est-ce que tu es venue ? finit par demander Elian en ralentissant légèrement, sans se retourner.

Moor hésita, comme si elle cherchait les mots justes. Lorsqu'elle parla, sa voix était basse, presque contrite.

— Je ne pouvais pas la laisser seule. Pas après...

Elian s'arrêta brièvement, se retournant pour croiser son regard. Ses yeux brillaient d'une lueur étrange, mélange d'intrigue et de reproche.

— Après quoi ?

Moor serra les lèvres, visiblement mal à l'aise. Thalia sentit une boule se former dans son estomac. Elle comprenait ce qui allait suivre.

— C'est moi qui lui ai parlé de la réunion, dit finalement Moor, presque à contrecœur. Je ne pensais pas qu'elle... qu'elle irait aussi loin.

Un silence tendu s'installa, seulement brisé par le grondement lointain du golem. Elian fixait Moor avec intensité, mais ce n'était pas de la colère qui émanait de lui. Plutôt une forme de déception contenue, mêlée à une profonde réflexion.

— Tu savais que c'était dangereux, dit-il finalement, sa voix calme mais lourde de sous-entendus.

— Je sais, murmura Moor, baissant les yeux. Et je m'en veux. Mais je ne pouvais pas la laisser payer seule pour mon erreur.

Thalia ouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot ne vint. Elle sentait la culpabilité de Moor, et cela la déstabilisait. Elle ne savait pas quoi dire, quoi penser. Elian, quant à lui, inspira profondément et se tourna de nouveau vers l'avant.

— On en reparlera plus tard, dit-il simplement. Pour l'instant, on doit sortir d'ici.

Moor hocha la tête, bien qu'elle semblait toujours tendue. Thalia sentit un poids sur ses épaules, une pression qu'elle ne pouvait expliquer. Elle accéléra le pas pour rattraper Elian, mais son esprit était ailleurs.

Ils débouchèrent finalement dans une vaste salle, illuminée par des cristaux incrustés dans les parois. Le plafond était si haut qu'il disparaissait dans l'obscurité, et le sol était jonché de débris. Elian s'arrêta au centre, balayant l'espace du regard.

— Ça devrait nous donner un peu de répit, murmura-t-il.

Moor observait les environs avec nervosité, ses yeux sautant d'un détail à l'autre.

— Je n'aime pas cet endroit, dit-elle. Trop ouvert. Si le golem arrive ici...

Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'un craquement assourdissant retentit. Une partie du mur s'effondra, révélant une masse de pierre mouvante. Le golem était gigantesque, ses bras aussi larges que des troncs d'arbres, et ses yeux brillaient d'une lumière crépitante.

— Courez ! cria Elian.

Mais il était trop tard. Le golem chargea, sa lourdeur faisant trembler le sol. Elian leva une main, projetant une vague de flammes pour ralentir la créature, mais cela ne fit que l'énerver davantage. Moor, sans hésiter, tendit une main vers une flaque d'eau proche. La surface de l'eau se souleva soudain, formant un fouet liquide qu'elle lança sur le golem. La créature tituba légèrement, mais ne ralentit pas pour autant.

— On ne peut pas le battre ici, dit Elian, sa voix forte mais teintée d'une certaine urgence. On doit trouver un moyen de fuir.

Thalia regarda autour d'elle, désespérée. Une idée lui vint soudain.

— Les cristaux ! hurla-t-elle. Si on les fait tomber...

Elian comprit aussitôt. Il leva ses mains, une flamme intense jaillissant pour frapper la paroi supérieure. Moor, à ses côtés, dirigea une vague d'eau vers les fissures créées par l'impact. La combinaison des deux forces provoqua un éboulement soudain, une pluie de cristaux et de pierres s'écrasant sur le golem.

La créature rugit, tentant de se relever sous les débris. Mais le trio n'attendit pas pour voir si elle y parviendrait. Ils s'élancèrent dans un tunnel latéral, leurs corps poussés par l'adrénaline.

Le bruit de l'éboulement s'estompait derrière eux alors qu'ils continuaient à courir. L'air devenait plus frais, signe qu'ils approchaient de la sortie. Mais Elian vacillait de plus en plus, sa blessure le ralentissant visiblement.

— Donne-moi ton bras, ordonna Thalia en passant sous son épaule pour le soutenir.

Elian protesta faiblement, mais il se laissa faire. Moor se retourna brièvement, s'assurant que personne ne les poursuivait, avant de reprendre la tête du groupe.

— La sortie est proche, dit-elle. On y est presque.

Mais à peine avait-elle prononcé ces mots qu'une nouvelle secousse fit trembler le sol. Thalia et Elian vacillèrent, manquant de tomber, tandis qu'un grondement sourd retentissait derrière eux.

— Il revient... murmura Moor, son visage blême.

Elian, malgré sa fatigue évidente, se redressa autant qu'il le pouvait.

— Continuez sans moi, dit-il, sa voix ferme. Je vais le retenir.

— Pas question, rétorqua Moor, ses yeux brillants d'une colère contenue. On sort d'ici tous ensemble.

Elle tendit une main et fit jaillir une nouvelle vague d'eau, créant une barrière temporaire pour ralentir le golem. Elian hocha la tête, un faible sourire sur les lèvres.

— Alors bougez, dit-il. Et vite.

Le trio reprit sa course.

Le tunnel semblait s'étendre à l'infini, un gouffre d'ombres ponctué par les échos de leurs pas pressés. Moor, à l'arrière, jetait sans cesse des regards nerveux par-dessus son épaule. Le grondement du golem se faisait de plus en plus proche, chaque vibration dans le sol rendant sa présence plus palpable.

— On doit aller plus vite, grogna Moor, l'impatience et la nervosité transparaissant dans sa voix.

— Il ne peut pas, rétorqua Thalia en soutenant Elian, dont le pas devenait de plus en plus lourd. Ça ne sert à rien de le presser.

Moor se pinça l'arête du nez, frustrée, mais elle se ravisa. Elle savait que Thalia avait raison. Elian, déjà affaibli et blessé, peinait à avancer, même avec le soutien de Thalia. Mais chaque seconde perdue laissait le golem gagner du terrain. Elle inspira profondément, tentant de réprimer la panique qui menaçait de la submerger.

— On doit trouver un passage plus étroit, dit-elle, essayant de garder une voix posée. S'il y a un moyen de ralentir cette chose...

— Encore faut-il le trouver, murmura Thalia, le souffle court.

Le trio continua leur progression, éclairé par la faible lumière des cristaux incrustés dans les parois. L'air devenait plus frais, un signe que la sortie n'était peut-être plus très loin. Mais le bruit sourd des pas du golem était un rappel constant de leur danger imminent.

— On n'y arrivera pas si on traîne, marmonna Moor, parlant davantage à elle-même.

Thalia jeta un regard à Moor, voyant son visage tendu et son regard constamment en mouvement. Était-ce de la peur ou de la culpabilité qu'elle lisait dans ses yeux ? Peut-être un mélange des deux.

Soudain, le sol trembla plus violemment, les parois craquèrent, et une pluie de poussière tomba sur eux. Le grondement du golem était à présent beaucoup plus proche.

— Il arrive, dit Moor d'une voix tendue. On doit bouger !

— On fait ce qu'on peut ! répliqua Thalia, serrant plus fermement Elian. Ça ne sert à rien de crier.

Elian, bien qu'épuisé, murmura faiblement :

— Il y a... une caverne plus grande pas loin. Peut-être qu'on peut... l'éviter là-bas.

Moor hocha la tête, bien qu'elle paraissait loin d'être convaincue. Mais ils n'avaient pas d'autres options.

Ils atteignirent finalement une vaste caverne, illuminée par des cristaux scintillants accrochés aux parois. Le plafond était si haut qu'il disparaissait dans l'obscurité, et des racines pendaient, leurs extrémités touchant parfois le sol. La sortie était visible de l'autre côté, une lueur faible mais prometteuse.

— La lumière, dit Thalia, sa voix mêlant espoir et épuisement.

Mais Moor ne répondit pas. Son regard était fixé sur le tunnel qu'ils venaient de quitter, et son corps tendu comme une corde d'arc. Thalia suivit son regard et sentit son estomac se nouer. Le grondement était devenu un rugissement, et un craquement assourdissant leur confirma ce qu'elles redoutaient.

Le golem émergea du tunnel, sa silhouette massive éclipsant l'entrée. Ses yeux luisaient d'une lueur crépitante, et son bras énorme broya une stalagmite sur son passage. La créature était imposante, inarrêtable.

— Il faut le ralentir, dit Moor en se plaçant devant eux. Allez à la sortie. Maintenant.

— Non ! s'écria Thalia, son regard se remplissant de panique. Je ne te laisserai pas !

— Thalia, tu dois partir, gronda Moor, une émotion étrange dans la voix. Vous avez une chance de vous en sortir. Ne la gâchez pas.

Elian, malgré son état, posa une main sur le bras de Thalia.

— Elle a raison, murmura-t-il. C'est... la seule option.

— Non ! Je refuse... Je...

Moor coupa Thalia en posant ses mains sur ses épaules, son regard soudain plus doux.

— Tu es forte, Thalia. Tu dois continuer. Elian a besoin de toi.

Les larmes inondèrent le visage de Thalia, mais elle hocha lentement la tête. Moor lui adressa un faible sourire, puis recula.

— Va-t-en, dit-elle d'une voix ferme. Et ne regarde pas en arrière.

Avant que Thalia ne puisse protester davantage, Moor invoqua une vague d'eau massive qui se dressa entre elle et le golem. Les deux forces s'affrontèrent, l'eau éclatant en gouttelettes alors que le golem rugissait de frustration.

Elian tira doucement Thalia vers la sortie, son visage crispé par la douleur mais résolu. Elle résista un instant, mais finit par se laisser entraîner, son cœur brisé.

Lorsqu'ils émergèrent à l'extérieur, la lumière vive du jour les aveugla. L'air frais les enveloppa, un contraste violent avec l'oppression des souterrains. Thalia tomba à genoux, ses mains tremblantes s'agrippant à l'herbe humide.

— Moor... murmura-t-elle, le souffle haché. Elle... elle est encore là-dedans.

Elian s'adossa à un arbre, son visage marqué par la culpabilité.

— Elle savait ce qu'elle faisait, dit-il doucement. Mais on reviendra pour elle.

Thalia releva les yeux vers lui, les larmes roulant sur ses joues.

— Promets-le-moi, murmura-t-elle, une douleur évidente dans la voix.

Elian hocha la tête, ses yeux brillants d'une émotion contenue.

— Je te le promets.

Malgré la chaleur du soleil et la beauté de la clairière, Thalia ne ressentait qu'un vide immense. Leur fuite avait réussi, mais à quel prix ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top