(1) L'arrivée
Théo regardait les champs défiler par la fenêtre de son train. Le tout formait un paysage plat et répétitif. Il regrettait déjà les grands immeubles et les tours en béton de sa ville.
Un monsieur, assit en face de lui, lisait le journal. Habillé d'un costard cravate, il n'avait pas l'allure d'un homme se rendant à la campagne. Peut être était-ce un avocat venant régler une bonne fois pour toute une affaire qui n'avait que trop duré.
Dans les sièges d'à côté on ne trouvait pas des choses aussi atypiques que Théo et l'avocat. Ce qui dominait c'était des gens mal habillés, du moins si l'on se fiait à la mode de nos jours, et des enfants excités comme des fauves, car ils allaient enfin revoir mamie et papi.
Une voix nasillarde sortit des haut parleurs pour crier le nom du coin paumé de l'oncle Jacques. Saluant d'un sourire désolé le-dit avocat, Théo souleva sa valise et enfila son sac. C'était maintenant que commençait réellement l'enfer campagnard.
– Et bah alors, la dernière fois que je t'ai vu tu étais haut comme trois pommes !
Un homme d'une quarantaine d'années, les épaules carrées et la peau tannée venait d'empoigner sa valise avec une énergie qui impressionna grandement Théo. Jacques était bien plus grand que dans ses souvenirs. Sa chemise rouge un peu délavée démontrait une certaine volonté de chic pour recevoir son neveu, mais c'était raté.
– Ton voyage s'est bien passé ?
– Oui, merci.
Théo ne savait vraiment pas quoi dire d'autres. Au fond, Jacques était son oncle, mais il ne le connaissait pas bien. Tout juste s'ils se parlaient pendant le repas de Noël quand la dinde aux marrons était servie. Certes, il savait que Jacques avait un humour loufoque et que son rire gras animait le réveillon. Il était difficile de ne pas le remarquer d'ailleurs.
L'oncle beauf, l'oncle du nord, l'oncle relou, voilà tous les adjectifs qu'il pouvait placer sur ce personnage, et maintenant il allait se retrouver chez lui pendant deux semaines entières.
L'oncle de Théo trimballait la valise avec une poigne digne d'un paysan. Il se dirigea vers la sortie de la petite gare avec une démarche qu'il voulait enjoué mais qui était seulement lourde. Jacques n'avait pas eut de nouvelles de son frère tout au long de l'année, et voilà qu'il y a deux jours son téléphone fixe s'était réveillé. 'allo ? oui, c'est pour ton neveu, que dis tu de deux semaines entière avec lui ? C'est que... Bon et bien tout est réglé'.
aujourd'hui, à la gare, il avait compris. En voyant l'adolescent avec ses pompes adidas et son allure de rappeur mal assuré, Jacques avait compris qu'il s'agissait d'un cas de dernière chance. La campagne était le plan de secours que son frère avait trouvé. Il n'avait pas plus envie d'accueillir son neveu que Théo n'avait envi de passer ses vacances à la campagne, mais les choses étaient tels qu'elles étaient.
Devant la vieille caisse de Jacques, le jeune garçon pensa que celle ci était à l'image de son propriétaire. Imposant, le camion avait une allure de géant mais sa couleur vert criard un peu délavé lui donnait un air de beaufitude maîtrisé. Il suffisait de rajouter des petites têtes de morts roses et le tour était joué.
Jetant sans ménagement la valise à l'arrière du camion qui était à ciel ouvert, Jacques invita Théo à s'assoir sur la seule place passager. Le garçon grimpa dans l'engin, et durant un instant il se cru dans un mad max version cheap. Les ressorts défoncés du fauteuil avaient finit par sortir au travers du tissu. De la paille et des outils de torture occupait la plupart des espaces libres et le cœur de l'adolescent se serra. Allait-il même survivre à ces deux semaines ?
Lorsque le moteur crapota, Théo eut sa première grosse déprime de la journée. Jusqu'ici un mince espoir l'avait accompagné. Tout ça pouvait n'être qu'une farce, son oncle avait peut être une ferrari à la campagne, mais vu l'état de sa chemise et de sa caisse, la désillusion était raide.
Théo s'enfonça un peu plus dans le fauteuil très inconfortable et regarda encore une fois les mêmes champs défiler. Décidément le monde agricole était sacrément plat. Plat plat plat.
– Je dois passer chez mon voisin, il a besoin d'un bout de grillage pour compléter son poulailler.
L'adolescent se contenta d'aquiescer. Décidément si Jacques avait eu peur que l'enfant lui sabotte son précieux silence c'était tout le contraire. Maintenant, il trouvait que l'absence de mots était pesante. Peut-être que sa langue se délierai au fil du temps, en tout cas il l'espérait fortement. Passer une semaine avec un muet ça allait lui pomper l'air.
Il prît un chemin de terre assez cabossé, le outils de la voitures rebondirent sur les pieds de Théo. Celui-ci se reteint de justesse de lâcher tout un tas de juron. Quelle déchèterie la caisse de l'oncle Jacques quand même.
Une première maison apparu à l'horizon. Ses murs de briques lui donnait une allure de dessin animé proche de l'histoire des trois petits cochons. Une deuxième maison était cachée derrière et ses murs, eux, étaient en béton. Comme quoi, la campagne était pleine de surprises pensa avec ironie Théo.
– Ici, c'est les espagnols. Ils ont racheté il n'y a pas longtemps et ils ont rajouté une extension en béton. Très moche si tu veux mon avis, mais qu'est ce que tu veux ? On allait pas les empêcher de construire.
– Ce sont aussi des paysans ?
Jacques s'esclaffa bruyamment. Théo prit ça pour un oui. Ici on était paysan et rien d'autre, sa question avait sûrement dû paraître stupide.
Quelque minutes plus tard une plus grande maison apparut. Elle était très grande et ses murs de pierres avaient un certain cachet. Une immense grange s'appuyait sur tout son côté gauche et la classait directement dans la catégorie ferme de playmobil.
– Ici, c'est chez Hans.
Et sans attendre de réponse, Jacques coupa le moteur. Le camion s'ébroua comme pour montrer son soulagement de faire une pause après un si long trajet.
Comme il ne savait pas si son oncle avait besoin d'aide, Théo se contenta d'entrouvrir la portière et d'observer la maison. La porte en bois s'ouvrit et un homme avec une dégaine similaire à celle de Jacques vint les accueillir.
– Alors c'est toi le fameux neveu tout droit sorti de la ville ?
– Oui, je suis là pour deux semaines...
Il était facile d'entendre tout l'ennui que ses paroles sous-entendaient rien qu'au ton de sa voix, c'est pourquoi le supposé Hans ne répliqua rien. D'un sourire fin il se détourna de Théo pour décharger le grillage à l'arrière avec Jacques. Et, pendant que les deux hommes échangeaient quelques banalités, les yeux de Théo s'accrochèrent à un point blanc.
Au bord de la fenêtre une jeune fille avait élu domicile avec un roman dans les mains. Sa robe blanche bougeait avec le vent et renvoyait les rayons du soleil. Son sourire rêveur lui donnait un air angélique. Théo ne put s'empêchait de penser, que, pour une paysanne, elle était sacrément belle.
– Si tu veux passer pendant ton séjour, Blanche sera ravie de faire ta connaissance.
Hans venait de couper court à sa contemplation. Ainsi, même à la campagne, la jeunesse existait. L'espoir n'avait pas encore totalement disparu, peut-être que Blanche avait une antenne spéciale pour capter du wifi ? Peut être même qu'un vieil ordinateur trainait dans leur salon.
– Allez, à plus mon vieux !
Jacques redémarra l'engin qui cracha quelques fumées avant de reprendre tristement la route. La maison de Jacques était vraiment pas loin à présent.
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