20.
Les deux aventuriers avaient avancé rapidement dans la journée. Varyan avait donné rendez-vous à son cousin à la tombée de la nuit et le jour perçait encore à l'horizon. Alors, ils en profitèrent pour déposer leurs deux chevaux à l'écurie et s'occuper d'eux. Ils les pansèrent avec attention, soignèrent les sabots endoloris et les nourrirent, assurant ainsi une nuit confortable et reposante aux fidèles compagnons. Dispenser les soins adéquats aux deux animaux était indispensable s'ils voulaient passer une route sans encombre. Une fois terminé, ils purent quitter les écuries et la nuit avait déjà enveloppé le paysage lorsqu'ils traversèrent la cour de l'auberge pour pénétrer à l'intérieur.
Dès qu'ils entrèrent dans la salle principale, elle était déjà bondée. Ils furent happés par le bruit et l'agitation. Varyan se tourna naturellement vers Harry, comme pour le rassurer en un regard, sachant que ça allait forcément le stresser de se retrouver ainsi, au milieu de tout ce monde et qu'Isil n'était pas là pour l'aider à passer inaperçu. Astaldo avait choisi le pire endroit pour eux. Sentant le corps de son compagnon se tendre sous l'angoisse, Varyan lui envoya une vague d'apaisement avant de murmurer de façon à ce qu'il soit le seul à entendre :
"Détends-toi... comporte-toi comme si tu avais toujours eu l'habitude de venir ici, lui conseilla Varyan d'une voix réconfortante.
- Plus facile à dire qu'à faire..." souffla-t-il.
L'elfe se rapprocha de lui et glissa une main contre sa joue avant de murmurer en le regardant droit dans les yeux.
"Ais confiance en toi, ça va aller."
Harry soutint son regard avant de hocher lentement la tête. Ils échangèrent un sourire, puis Varyan s'éloigna de lui. Le prince sonda la pièce à la recherche de son cousin. Il retrouva son essence magique dans le fond de la salle. Il releva la tête et le découvrit, déjà attablé, une pinte de bière entre les mains.
"Ton cousin est déjà là ?" Demanda le jeune prince des humains.
-Oui. Là-bas" Répondit-il d'un signe de tête en désignant la table où Astaldo était installé, d'un geste de la main.
L'homme acquiesça d'un signe de tête et emboîta le pas à son compagnon qui se fraya un chemin à travers la foule jusqu'à rejoindre la table de son cousin. Harry était tendu comme un arc, prêt à se défendre au moindre signe. Il avait la sensation que tous les regards étaient braqués sur lui, même si en réalité, peu de gens semblaient vraiment remarquer leur arrivée. Si des yeux s'étaient tournés, c'était uniquement en direction de Varyan, peut-être parce qu'il avait été reconnu. Quoi qu'il en soit, Harry suivit le prince en silence, scrutant chaque personne présente, bien que son attention se fixât naturellement sur Astaldo.
Le cousin princier se démarquait des autres elfes présents dans la salle par son élégance naturelle et son visage harmonieux avec des traits fins et des lèvres délicates. Ses longs cheveux châtains, d'une teinte plus profonde que celle de son cousin, étaient méticuleusement tressés en une natte qui reposait sur l'une de ses épaules. Cette coiffure rappela à Harry la façon qu'avait Varyan de se coiffer avant de couper ses cheveux lors de sa fuite du château. Ses yeux étaient d'un bleu profond et pénétrant, un miroir parfait de ceux de Varyan et Olwë. Il ne faisait aucun doute qu'ils faisaient partie de la même famille.
Lorsque les deux aventuriers arrivèrent à la hauteur d'Astaldo, celui-ci se leva avec la grâce et la souplesse propres à tous les elfes. Il prit tout de suite son cousin dans ses bras. Son étreinte témoignant de toute la tendresse et la bienveillance qu'il pouvait voir pour son cousin. Harry, observateur attentif de cette scène, ressenti toute la sincérité d'Astaldo dans ses gestes. Et, bien qu'il ne puisse expliquer précisément pourquoi, il se sentit immédiatement en sécurité, en présence de cet elfe.
Varyan n'hésita pas une seconde avant de répondre à l'étreinte de son cousin. Puis, ils se détachèrent l'un de l'autre et Astaldo se tourna vers Harry. Il l'étudia un court instant, avant de lui serrer la main avec un sourire cordial.
Ils purent ensuite s'installer à table et ce fut Varyan qui commença par des remerciements.
"Je ne sais pas comment te remercier Astaldo... amorça Varyan après que la serveuse ne soit passée pour prendre leurs commandes avec Harry.
-Avant de me remercier, il faut que tu saches que la ville est gardée et que trouver Gil-Galad va être compliqué. Quelque chose se trame, Varyan. Souffla-t-il tout bas en observant autour de lui, s'assurant que personne ne les écoute. Sais-tu que tu es recherché à travers tout le pays ?"
Varyan hocha la tête, ne pouvant pas nier l'évidence. Il reprit finalement en le regardant, d'un air désolé :
"Je sais ce qu'il se trame, Astaldo. Et je me sens honteux de t'embarquer là-dedans... dit-il en se pinçant les lèvres avant de continuer, mais je n'ai pas eu d'autre choix que de te contacter. Crois-moi, si j'avais eu une autre solution, je ne t'aurais pas impliqué.
-Ton frère est arrivé au palais tôt ce matin. Ils sont à ta recherche ainsi que celle de ton compagnon." Ajouta Astaldo en tournant le regard vers Harry.
Le prince opina. Il était bien curieux de connaître l'excuse que son père et Olwë avaient élaborée pour justifier cette recherche. Plus important encore, il se questionna sur la décision qu'ils avaient prise quant à révéler la véritable nature de Harry au peuple. Mais Varyan n'avait pas trop de doutes là-dessus. Astaldo ne semblait pas se douter qu'Harry était un humain.
"Que se dit-il à mon encontre ?
-Que tu as disparu aux côtés d'un sorcier, répondit Astaldo.
-Bien.
-Ce qui me paraît plutôt vrai, vu la grande magie que je ressens en toi, étranger." ajouta le cousin du prince en observant Harry.
Et l'humain ne put s'empêcher de jeter un regard vers son compagnon. Je pensais qu'il n'était pas assez doué en magie pour sentir ce genre de chose. Fit-il raisonner dans l'esprit du prince. Et Varyan leva les yeux au ciel en lui répondant mentalement qu'il pouvait bien déceler sa magie, mais pas sa nature humaine.
Pendant cet échange silencieux, Astaldo observa son jeune cousin pendant un instant. Malheureusement, les deux jeunes elfes ne se connaissaient pas aussi bien qu'il l'aurait voulu. Si ça avait été le cas, dans une situation comme celle-ci, ils auraient pu tout se dire et avoir une confiance aveugle l'un envers l'autre. Mais que ce soit Varyan ou Astaldo, ils restaient sur leurs gardes. Car le prince n'était peut-être pas le seul à avoir des révélations à faire cette nuit-là.
Varyan avait souvent regretté que son cousin vive aussi loin de chez lui. Évidemment, le cousin du prince était souvent venu au palais pour rendre visite à la famille, ils s'envoyaient des lettres très régulièrement et Varyan pouvait être certain qu'il s'agissait d'une des personnes en qui il avait le plus confiance dans sa famille... mais il ne pouvait pas lui dire la vérité. Et maintenant que la situation était critique, il marchait sur des œufs.
Ce fut Astaldo qui reprit la parole, passant son regard de son cousin à son compagnon de voyage :
"Je dois donc en conclure que vous ne m'expliquerez pas pourquoi vous recherchez mon ancien maître en magie."
Harry fronça les sourcils, relevant alors le regard vers le cousin de Varyan. Il ouvrit la bouche, hésitant à parler avant de finalement se jeter à l'eau, le coeur battant.
"Vous connaissez Gil-Galad ?"
Astaldo l'observa un instant, comme happé par ses mots, et à son regard suspicieux, Harry regretta presque d'avoir ouvert la bouche. Il sentit une vague d'apaisement de la part de Varyan, qui le détendit aussitôt, et Astaldo reprit finalement la parole :
"Tout le monde le connait ici.
-Je ne puis te dire les raisons qui nous poussent à le rechercher, ni pourquoi nous sommes poursuivis, mais sache que c'est une mission de la plus haute importance, Astaldo, repris Varyan avec sérieux. Je ne me serais pas permis de te demander de l'aide sinon. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer"
Astaldo hocha la tête en se pinçant les lèvres. Évidemment, il aurait bien voulu connaître ce qu'il se tramait et ainsi peut-être les aider à la hauteur des événements, mais il comprenait le silence de son cher cousin.
"Quoi qu'il se passe Varyan, je n'ai jamais vu autant d'agitation dans ma ville, expliqua Astaldo en fixant son cousin. Les gardes ont commencé à passer les rues au peigne fin et ils vont tout mettre en place pour vous retrouver ! C'est intolérable de voir tout ce qui se fait sans que la population soit mise au courant. J'ai compris que les mots de ton frère étaient emplis de sornettes ! Vous voir ici ne fait que le confirmer et j'espère que ce pour quoi vous êtes venus ici en vaut la peine" souffla Astaldo en plongeant son regard dans celui de son cousin.
Varyan apaisa rapidement la tension qui montait petit à petit et murmura alors en fixant son cousin :
"Tu seras mis au courant en temps voulu, Astaldo, lui affirma Varyan. Viendra un moment où nous aurons besoin de soutien. Si tu me prouves cette nuit que je peux te faire confiance, tu as ma parole que tu seras impliqué dans tout ce qui nous anime depuis quelques semaines. Crois-moi. Mais... pour l'heure, tout doit rester secret, lui demanda-t-il sans le quitter des yeux.
-Je sais que les plus grandes conquêtes se préparent dans l'ombre, se méditent et surtout se travaillent, répondit Astaldo en lui offrant un sourire bienveillant. Si vous avez besoin de moi pour quoi que ce soit, tu sauras où me trouver quand tu le voudras Varyan. Pour l'heure, je m'en tiendrais au rôle que tu veux bien me donner."
Varyan soupira de soulagement face à la réaction de son cousin, mais surtout en comprenant qu'il pouvait lui faire confiance. Si en arrivant dans l'auberge, il avait eu des doutes, il allait la quitter avec des certitudes. Avant même qu'il n'ait le temps de reprendre la parole pour le remercier, Astaldo reprit la parole :
"Je pense que nous devrions tenter de rejoindre Gil-Galad dès cette nuit. Nous ne pouvons nous permettre d'attendre, au risque que la garde ne soit renforcée dans les jours à venir après l'arrivée de ton frère, affirma Astaldo.
Les deux voyageurs hochèrent la tête à ses paroles et Astaldo enchaîna.
"J'ai essayé d'envoyer un message télépathique à mon ancien maître, pour entrer en contact avec lui et ainsi lui demander de rester dans son échoppe en attente de notre arrivée. Il a parfois l'habitude de se retirer dans la forêt noire. Et quand il part là-bas, nous savons qu'il sera absent pendant de longues journées. Je n'ai malheureusement pas eu de réponse. J'ai peur que mon père l'ait appelé vis-à-vis de l'arrivée d'Olwë. J'espère qu'il aurait tout de même reçu mon message.
-Tu as fait ce qu'il fallait, assura Varyan.
-Bien. Nous devrions manger maintenant. Nous allons attendre que la soirée soit plus avancée et la ville plus calme pour y pénétrer. Nous ne sommes qu'à quelques lieux. En une heure environ à cheval, nous y serons.
-Alors mangeons. Une longue nuit nous attend" conclut Varyan.
Une fois leur repas avalé, la lune montée à son zénith, ils purent récupérer leurs chevaux et quitter les écuries de l'auberge. La route qu'ils entreprirent était plongée dans un silence presque irréel. Les voyageurs se faisaient rares à cette heure avancée de la nuit, probablement dissuadés par le froid glacial qui régnait. La morsure du gel était perceptible dans l'air, mais il n'y avait pas de vent et aucune neige ne tombait. La tranquillité de la nuit offrait une certaine solennité au trajet, le stress des voyageurs montant en rythme avec le pas de leurs chevaux.
Astaldo et Varyan chevauchaient à l'avant pendant que Harry faisait son chemin à l'arrière, désirant leur laisser un petit peu d'intimité. Le jeune humain avait rapidement compris, au cours du repas, que le cousin du prince avait voulu parler de différents points à Varyan. Mais sa présence l'avait freiné. Il l'avait vu retenir ses mots, les chercher et les laisser mourir contre ses lèvres.
Bien qu'à l'arrière, il essayait de tendre l'oreille pour écouter ce qu'ils se disaient. Il était peut-être prêt à leur laisser un semblant d'intimité pour discuter, mais cela qu'en théorie. Il était bien trop curieux pour ne pas écouter aux portes. Il fut donc plutôt intéressé par ce qu'ils se racontaient puisque Astaldo expliquait à son cousin les conditions de vie de la ville frontalière.
Les révélations d'Astaldo plongea Varyan dans un mélange d'effarement et de choc, à mesure qu'il exposait les détails de la situation. Il lui avoua la répression militaire sévèrement orchestrée par le gouvernement et les hausses incessantes des taxes semestrielles. En plus d'un climat météorologique loin d'être agréable, la température politique ne laissait présager aucune amélioration à la qualité de vie du peuple.
La répression exercée et les contraintes économiques croissantes semblaient avoir engendré des comportements anti-royalistes au sein de la population. Varyan réalisa l'urgence d'une intervention pour éviter une escalade des tensions. La conscience des enjeux politiques et sociaux pesa lourdement sur lui, car il percevait les prémices d'une situation qui risquait de dégénérer.
"Le peuple est à deux doigts de se révolter ici, lui confirma Astaldo. Je me suis rendu à l'une de ses réunions qui se trame dans le noir et crois-moi, ce n'est pas beau à voir, lui avoua-t-il. Je sais que je peux te faire confiance en te racontant tout cela, parce que tu n'as jamais été en accord avec les idéaux de ton père. Sinon, tu ne serais sûrement pas en fuite. Mais, il faut que tu saches une chose, une révolution commence. Lentement, mais sûrement. Les elfes frontaliers ont envie de liberté. Si on ne la ne leur accorde pas, ils risquent de la prendre, par la force.
-Tu penses que ton peuple serait capable de se révolter et de porter à bout de bras un fardeau aussi lourd ? Ne crois-tu pas que la terreur qui règne les empêchera de monter au créneau ?"
Astaldo haussa les épaules avant de tourner le regard vers son cousin. Il reprit alors d'une voix lourde et grave :
"Les plus défavorisés sont en train de mourir de faim. Nous sommes face à une situation que nous n'avons jamais vécue ici, Varyan. La famine frappe les bas quartiers.
-Je te demande pardon ?
-Nos réserves sont pleines ! Mais les taxes sont tellement élevées que certains n'ont plus de quoi s'offrir à manger après les avoir payées. L'heure est vraiment grave."
Le prince le regarda avec de grands yeux, plus choqué que jamais. Comment était-il passé à côté d'une situation pareille ? Si les choses se déroulaient ainsi, ici, en était-il de même à Pharélis, la capitale, ou dans les autres grandes villes du pays ? L'avait-on emprisonné dans une prison dorée au palais, loin de la réalité et de la gravité de la situation du peuple ? Varyan connaissait son père, mais il ne le pensait pas capable d'agir de la sorte. Laisser son peuple mourir de faim pour le maintenir dans la terreur ?
"Je n'arrive pas à croire que mon père puisse nous cacher des horreurs pareilles à la cour. C'est indéfinissable, s'insurgea le prince, n'en croyant pas ses oreilles.
-Les temps sont terriblement difficiles ici. Je sais, de source sûre, qu'il n'y a pas qu'ici que la répression frappe. C'est le royaume tout entier qui se meurt. Il ne fait pas bon vivre pour nous non plus. Mon père ne peut plus sortir du palais sans protection rapprochée. Mes sœurs et ma mère ne peuvent plus sortir sans autorisation et ne peuvent quitter la ville.
-Et toi ? s'inquiéta alors Varyan. Tu as pris un risque immense en venant nous chercher et nous aider jusqu'ici ! As-tu perdu la tête ? s'emporta le prince.
-Ne t'en fais pas pour moi, Varyan. Je sais me défendre tout seul." assura Astaldo avec un sourire en coin en hochant la tête.
Varyan soupira largement en réalisant l'erreur qu'il avait faite en restant au palais. Il aurait dû voler de ses propres ailes depuis longtemps et apprendre tout cela. Lui qui s'était toujours senti à contre-courant des idées et des décisions de son père, il ne se doutait pas que ça allait jusque-là. Jamais il n'aurait non plus imaginé que le peuple ait trouvé la force, petit à petit, de se lever et de comploter, dans l'attente d'une faiblesse du roi, pour frapper. Son peuple avait des envies de liberté, que Varyan lui pensait acquise.
Il n'osait imaginer la réaction de sa pauvre mère lorsqu'il lui apprendrait la vérité. Elle qui avait toujours tout fait pour être au plus proche de son peuple, risquait d'être brisée en apprenant tout cela.
"Les gens se demandent bien pourquoi tu es recherché, Varyan. Vos têtes, avec Harry, ont été mises à prix. L'ordre est de vous ramener vivants, quel que soit votre état... mais sache une chose : ici, personne ne te dénoncera, à part les gardes. Certains seraient même capables de t'accueillir les bras grands ouverts."
Le prince fronça les sourcils et Harry s'intéressa un petit peu plus à la conversation, intéressé par la tournure qu'elle prenait. Astaldo sourit et Varyan l'interrogea :
"Mais... pourquoi ? Je suis le fils de l'empereur détesté !
-Il se dit que tu aurais trahi ton père. Une rumeur est arrivée il y a quelques semaines depuis la capitale. Il se dit que tu aurais fui le palais royal et que tu aurais emporté un lourd secret. Des oiseaux nous ont amené la nouvelle" expliqua Astaldo en posant son regard sur Harry en se retournant sur sa selle.
Le jeune humain frissonna, réalisant que le cousin de son amant avait compris que sa présence n'avait rien d'un hasard et qu'il était à la source de tout. Mais avant qu'il ne s'exprime, Varyan reprit la parole pour couper court à la discussion :
"Nous ne pouvons rien te dire Astaldo. Mais je sais maintenant que je peux te faire confiance. Et je saurai te quérir en cas de besoin.
-Tu peux compter sur moi." lui confirma-t-il.
*
Après avoir chevauché dans le froid pendant une bonne heure, l'immense mur d'enceinte de la ville commença à apparaître au loin. Astaldo stoppa son cheval à distance pour que les gardes ne puissent les voir. L'édifice était tout simplement impressionnant. Harry se rappelait l'avoir vu depuis l'autre côté de la frontière. Mais depuis le royaume des elfes, il semblait encore plus imposant.
Le cousin princier prit alors la parole une fois que les deux voyageurs se furent arrêtés à sa hauteur, de part et autre de sa monture.
"Nous allons passer par la porte Est. Celle que nous voyons en face de nous est la principale. Elle est bien trop gardée pour que nous prenions le risque de passer par là. Celle que je veux utiliser est la moins fréquentée. J'ai pris soin de vérifier qui prenait le tour de nuit et il n'y aura, normalement, qu'un ou deux frontaliers seulement, expliqua Astaldo avant de se tourner vers Varyan, réajuste ton capuchon pour couvrir ton visage. Personne ne doit le voir, surtout pas les gardes que nous risquons de croiser."
Varyan lâcha les rênes et rabattit son capuchon sur son nez. Astaldo vérifia son geste avant d'ajouter, en regardant le prince et Harry, tour à tour :
"Nous pouvons y aller. Si nous croisons qui que ce soit, surtout ne parlez pas et laissez-moi faire !"
Les deux voyageurs approuvèrent d'un signe de tête et Astaldo pressa son cheval pour reprendre sa route. Varyan chercha le regard de Harry, ce dernier lui envoya un sourire crispé et le prince des elfes lui envoya une vague d'apaisement pour le détendre. Harry le remercia d'un signe de tête et ils suivirent silencieusement Astaldo, qui était, lui aussi, tout de même plutôt stressé.
Varyan n'était venu que de rares fois, et comme dans son souvenir, les murailles de la ville frontière étaient immenses. Le château, en surplomb, dominait le reste de la ville. De jour, les pierres grises et les fenêtres sombres donnaient un air lugubre à l'endroit dès qu'il y avait du mauvais temps. Et même par beau temps, en plein été, l'atmosphère des lieux restait assez déstabilisante. Le jeune prince n'avait jamais apprécié l'ambiance de cet endroit. Ce château tranchait avec l'ambiance enchanteresse qu'avait tout leur royaume. Il n'avait jamais compris comment il avait pu pousser au milieu d'une ville tout de même si féérique.
Le jeune humain, lui, avançait au rythme imposé par Astaldo. Il laissait son regard vagabonder sur les grandes fortifications qui s'étendaient devant lui. Il avait rarement vu un édifice pareil. Un mur de plus de dix mètres de hauts, des miradors avec de grands feux ainsi qu'un chemin de ronde, éclairé par des torches. Varyan n'avait pas menti, la citadelle semblait réellement infranchissable et ultra-gardée. Rien qu'à l'idée de passer derrière ces pierres, Harry frissonnait déjà, de peur de ne jamais pouvoir en ressortir.
Astaldo arrêta finalement son cheval quand ils arrivèrent dans l'ombre d'une des grandes portes. Il vit un oiseau perché qui paraissait les observer. Varyan fronça le sourcils face à l'apparition de cet animal qui n'aurait normalement pas dû sortir de nuit. Il s'apprêtait à faire la remarque quand il vit son cousin prononcer quelques paroles dans un vieil elfique qu'il comprit à peine. L'animal s'envola pour venir se poser sur le bras levé de son cousin. Il attrapa une de ses pattes, pour récupérer le petit rouleau qui y était attaché. Il le déroula, le parcourut rapidement du regard et retourna son attention sur les deux voyageurs.
"Gil-Galad nous attend."
Les deux jeunes gens hochèrent la tête en silence et Astaldo descendit alors de cheval. Il attrapa ses rênes, les passa par-dessus l'encolure de l'animal, et le guida jusqu'à la grande porte en fer forgé. Il la déverrouilla avec une clé, qu'il avait dû dérober à la garde de son père, et il fit signe à ses deux invités de passer. Les deux voyageurs talonnèrent alors leurs poneys, Astaldo se remit en selle et ils partirent en direction de l'échoppe du célèbre magicien.
Tout cela paraissait bien trop facile...
"Allons-nous mettre longtemps pour arriver jusqu'à son magasin ?" demanda le prince en se rapprochant de son cousin.
Astaldo haussa les épaules avant de répondre à voix basse, comme s'ils pouvaient être entendus.
"Je ne sais pas. Ça dépendra de qui nous croiserons sur le chemin. Restons sur nos gardes" déclara-t-il en regardant autour de lui avec prudence.
Varyan et Harry hochèrent la tête et le prince des elfes ajusta sa capuche sur son visage pour veiller à ce que personne ne puisse discerner ses traits. Astaldo talonna alors son cheval et ils partirent au pas dans les rues pavées de la ville.
Les grands réverbères alimentés avec des flammes magiques leur permettaient de voir assez aisément et ainsi de se repérer, bien que le jeune cousin du prince aurait pu se retrouver les yeux fermés dans cette ville où il avait grandi. Heureusement qu'il était là pour jouer le rôle de guide, car Varyan aurait été bien incapable de s'y retrouver là dedans, et cela même de jour.
Harry observait les lieux avec une grande admiration. La pierre semblait d'une étrange couleur glacée et translucide, de telle manière que l'on pouvait parfois voir l'intérieur des maisons à travers les murs. Comme si les pierres étaient directement taillées dans la glace. Les pavés de la ville étaient d'un blanc immaculé, sculpté à la main et retaillé avec soin pour former des allées magnifiques où la neige avait cristallisé par endroit. Tout ceci donnant une atmosphère féérique à la ville.
Jamais Harry n'avait pu voir une ville comme celle-ci. On lui avait souvent dit que les villes elfiques étaient de véritables œuvres d'art. Sauf que là, c'était bien au-delà de tout ce qu'il avait bien pu imaginer. C'était indescriptible. Mais le plus étonnant venait de la végétation. De grands arbres s'élevaient parfois çà et là, au milieu de magnifiques places où de belles fontaines gelées trônaient au milieu. La végétation semblait avoir été figée dans le temps, entourée de givre et de glace, les arbres fleuris emprisonnés dans l'eau gelée, donnant des airs de rêve à cette ville qui était vide de ses habitants à cette heure de la nuit.
L'humain n'avait jamais vu un si bel endroit.
"Qui va là ?"
Harry et Varyan sursautèrent en même temps l'un que l'autre quand ils entendirent la voix d'un inconnu retentir dans le silence de la nuit. Astaldo secoua la tête tout en leur lançant un regard pour les rassurer, avant de prendre la parole.
"Le prince Astaldo. Je me rends jusque chez moi avec des amis. Ils ont voyagé des jours durant pour arriver jusqu'ici... nous voudrions pouvoir rentrer au plus vite, soldat... Kirsan" expliqua Astaldo en lisant le nom du soldat sur la broderie de son tabard.
Le jeune soldat, qui ne devait pas être plus âgé que le cousin du prince, le regarda alors un instant avant que ses yeux n'aillent se promener sur les deux autres visiteurs. Varyan et Harry baissèrent instantanément la tête pour qu'il ne puisse pas voir leur visage pendant qu'Astaldo commençait à se demander quand est-ce qu'il s'en irait. Ils ne pouvaient pas prendre le risque de se faire découvrir maintenant alors qu'ils avaient déjà fait le plus difficile !
Il se racla la gorge, inspirant profondément, et s'approcha du garde tout en plongeant son regard azur dans le sien. Il essaya de lui faire comprendre qu'il était maintenant temps de s'effacer et de les laisser passer.
Mais le jeune garde ne semblait pas l'entendre de cette oreille-là.
"Vous savez que je dois normalement contrôler chaque nouvel arrivant dans notre belle cité, Prince Astaldo. La sécurité aux frontières a été décuplée depuis la disparition du prince.
-Kirsan... ce ne sont que des amis. Ne vous en faites pas. Je noterai leur venue dans le registre moi-même en rentrant au château" assura Astaldo avec un sourire légèrement crispé.
Le prince et le jeune humain sentirent leurs cœurs s'accélérer simultanément. Varyan aurait dû accuser le coup et préparer de faux papiers pour ce genre de moment. Le jeune elfe inspira profondément avant de communiquer magiquement avec Harry pour lui dire de se calmer et qu'Astaldo allait gérer l'affaire. Il faisait confiance à son cousin. Il savait qu'il pouvait le laisser gérer. Sinon il ne lui aurait pas laissé leurs vies entre ses mains. Parce que c'était exactement ça. Les vies des deux jeunes voyageurs étaient entre les mains du prince des lieux.
"Je suis désolé, Prince Astaldo, mais je ne peux pas les laisser passer sans vous contrôler. Nous avons reçu des ordres très stricts de notre roi et je risquerais de perdre mon poste et ma vie si je ne le fais pas."
Le prince et Harry échangèrent alors un regard et le jeune humain secoua la tête. Astaldo tourna les yeux vers les deux compères et l'humain eu alors une idée. Il descendit de cheval, sous le regard effaré du prince qui s'apprêtait à lui dire de remonter sur son cheval. Mais le prince des humains lui fit un signe de la main pour lui intimer le silence et il s'approcha du jeune garde. Il posa ses deux mains sur ses épaules et plongea son regard dans le sien. Son apparence d'humain toujours dissimulée, il ressemblait toujours autant à un elfe, mais la magie que le prince et son cousin ressentirent n'avait rien d'elfique. Il avait tout intérêt à se dépêcher pour qu'ils ne se fassent pas repérer par d'autres.
"Tu ne nous as jamais vus, tu n'as aucun souvenir d'avoir vu ou entendu parler de deux jeunes voyageurs avec le Prince Astaldo. Tu vas continuer ta garde comme si tout allait bien.
-Je n'ai rien vu, je n'ai aucun souvenir ou entendu parler de deux voyageurs avec le prince Astaldo. Je vais continuer ma garde comme si tout allait bien.
-Parfait."
Harry rabattit son capuchon sur sa tête, se remit en selle et ils purent continuer leur route après que Kirsan leur ait laissé le champ libre. Varyan se mordit l'intérieur de la joue en sentant la fureur de son cousin lorsqu'ils furent éloignés. Astaldo se retourna sur Harry avec de grands yeux ronds.
Il avait comprit.
"-Vous allez m'expliquer pourquoi j'ai fait rentrer un humain dans ma cité ? chuchota-t-il avec colère.
-Je... commença le prince avant de se faire couper par le jeune humain.
-On doit retrouver Gil-Galad, Astaldo, répondit Harry avec conviction, c'est une question de vie ou de mort. Crois-moi que Varyan n'aurait pas pris autant de risques pour me faire rentrer ici si ce n'était pas si important.
-Vous êtes fous d'avoir fait cela ! Si nous sommes découverts, c'est la mort qui nous attend ! Nous..."
Mais avant même qu'Astaldo n'ait le temps de continuer quoi que ce soit, l'alarme de la ville retentit.
Ils venaient de se faire repérer.
Le prince des elfes fit marcher son cerveau rapidement et réalisa qu'il ne pouvait pas laisser Astaldo se faire prendre ! Il les avait déjà bien assez aidé et ils ne pouvaient pas prendre de risques ! S'ils devaient se faire attraper, alors ils se feraient attraper sans lui !
"Pars ! On trouvera l'échoppe de Gil-Galad Astaldo. Pars, vite ! cria Varyan à son cousin.
-Mais...
-PARS !"
Voyant son cousin hésiter, Varyan s'approcha de son cheval et lui donna un coup sur la croupe pour le faire démarrer. Astaldo se retourna d'un geste vers eux, étonné du geste de son cousin. Le prince secoua la tête, lui fit un signe de la main, et se retourna vers Harry. Ils échangèrent un regard mais avant même qu'ils n'aient le temps de se dire quelque chose, la voix du cousin princier retentit alors dans leur esprit et il leur donna la direction à suivre jusqu'à l'échoppe du maitre magicien. Le prince inspira profondément puis ils s'élancèrent, eux aussi, à travers la ville. Harry usa finalement de sa magie pour indiquer la route à leurs montures pour qu'ils puissent y arriver plus rapidement.
Ils ne tardèrent pas à entendre des cris et des ordres criés de part et d'autre autour d'eux. Ils étaient à deux doigts de se faire attraper. À ce rythme-là, ils n'allaient jamais réussir à atteindre l'échoppe de Gil-Galad à temps. Le prince réalisa qu'ils devaient peut-être se séparer pour donner plus de chance à Harry de retrouver le maitre magicien. Si Varyan se faisait prendre, il aurait bien plus de chance de rester en vie que le prince des humains. Il se tourna donc vers lui alors que leurs deux montures galopaient côte à côte, manquant de glisser sur la glace à chacune de leur foulée.
"On doit se séparer, cria le prince.
-Pas question ! répliqua Harry.
-Ne t'inquiète pas pour moi. Retrouve Gil-Galad, je vous retrouverais !" assura le prince avant de stopper son cheval d'un geste et de voir Harry disparaître au détour d'une rue.
L'elfe inspira profondément avant de remettre son animal au pas, d'effacer sa mémoire pour qu'il ne cherche pas à retrouver l'échoppe du maître magicien, et il bifurqua sur un côté, à l'opposé de Harry. Il envoya un signal magique pour attirer les troupes de la garde frontalière vers lui et il ne mit pas bien longtemps avant d'entendre des bruits de galopade se rapprocher.
Il relança son cheval au galop, s'éloignant du point où ils venaient de se séparer pour essayer d'éloigner les troupes de Harry. S'il se faisait prendre, Varyan ne courait aucun risque, en théorie. Alors que si le prince des humains se retrouvait entre les mains d'un garde frontalier, la sentence serait terrible. Ils étaient si près du but qu'ils ne pouvaient pas prendre ce risque.
Remontant l'une des allées principales de la ville au grand galop, le prince se risqua à jeter un coup d'œil en arrière et réalisa qu'il était suivi. Les gardes avaient retrouvé sa trace. Il ferma les yeux, guidant son animal avec son esprit, puis essaya de semer le doute dans la tête des gardes pour qu'ils s'arrêtent et qu'il puisse se fondre dans la cité sans risquer de se faire attraper.
Un sifflement le sortit de sa méditation et il sentit une présence à ses côtés, Astaldo chevauchait à côté de lui.
"Les gardes sont après nous, ils ont perdu la trace de Harry ! Si on se débrouille bien on devrait les perdre. Fonce, je m'en occupe, retrouve l'échoppe de Gil-Galad. Je ne sais pas de quoi est faite votre quête, Varyan, mais je te promets de revenir vers toi pour en apprendre plus ! Courage et Honneur !"
Et Astaldo disparu aussi rapidement qu'il était apparu à côté de lui. Après réflexion, le prince récupéra les informations que son cousin lui avait données pour se diriger vers l'échoppe du maitre magicien.
Il traversa une petite ruelle au grand galop, essayant tant bien que mal d'aider sa monture à rester sur ses pattes magiquement, la glace et la neige n'étant pas réellement adaptée pour ce type de course poursuite.
Quand il vit au détour d'une petite rue un blason doré avec des lumières dansantes devant, il n'hésita pas une seconde, sauta de son cheval et courut jusqu'à la porte en bois massif. Il n'eut même pas le temps de l'approcher et d'y arriver qu'elle s'ouvrit seule, magiquement.
Varyan s'engouffra dans l'échoppe magique et se retrouva nez à nez avec un elfe, Harry et... Alanna ?
_Les ennuies continuent clairement dans ce chapitre ! Mais commençons d'abord avec la rencontre avec d'Astaldo. Visiblement, Varyan lui fait confiance et il lui dévoile beaucoup d'informations concernant le pays. Le prince découvre une vérité qui lui fait froid dans le dos et je le comprends. Peut-on lui faire confiance et croire tout ce qu'il raconte ? En tout cas, il a l'air de bonne foi. Pour quel serait son intérêt de mentir au prince ?
Puis ils arrivent finalement à la ville-frontière où tout ne se déroule pas vraiment comme ils l'auraient souhaité, ils se font repérer et s'en suit une course poursuite jusqu'à l'échoppe de Gil-Galad. J'avoue m'être amusé à écrire cette partie, cette histoire sort de mes habitudes d'écritures avec ses récits d'aventures ! Mais j'aime bien. En tout cas, ils arrivent finalement tous les deux là-bas, sain et sauf, mais... où est Astaldo ? A-t-il réussi à se mettre en sécurité ? et surtout que fait Alanna chez Gil-Galad ?
Je suis désolée pour le retard de la publication, j'ai pas eu le temps de reprendre de l'avance car j'ai eu moins de temps. J'espère pouvoir m'y remettre, je suis en vacances fin de semaine prochaine, peut-être que mon voyage me donnera un petit peu d'inspiration ? :)
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Merci à ma merveilleuse correctrice Amélie.
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