LES AUTRE TIRADE

  1. JEAN (Garçon)  

 Envoie-donc, Marie... Je me ronge les sangs, puis ça fait un bon bout de temps, à cause de toi. Tu le sais là. Je devrais pas te le dire, tu vas rire de moi. Je mets peut-être la charrie devant les boeufs en te disant ça, mais... Ah ! je dois être rouge comme une tomate... tu dois me trouver niaiseux, hein ? En tout cas, c'est clair comme de l'eau de roche.. puis, c'est pas te conter fleurette si je te dis que... que... J'ai les deux pieds dans la même bottine, bonyenne !... Je te cours après, Marie. Je pense à toi et c'est pas d'hier. Gêne-toi pas, ris-moi ne pleine face, j'ai le dos large.  

2. Antigone (fille)

Comprendre... Vous n'avez que ce mot-là à la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne peut toucher à l'eau, à la belle eau fuyante parce que ça mouille les dalles, à la terre parce que ça tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans les poches au premier mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre.. Moi, je ne veux pas comprendre, Je comprendrai quand je serai vieille... Pas maintenant.

Jean Anouilh, ANTIGONE

3. Paolino (sous menace de mort) (Garçon)

Vous m'insultez ! Je suis un homme honnête, moi ! Je suis un homme de conscience, moi ! Je suis un homme, sachez-le, qui peut arriver à se trouver, bien sûr –sans le vouloir- dans une situation désespérée. Oui ! Mais ce n'est pas vrai, pas vrai que je voudrais me servir des femmes des autres. Parce que s'il en était ainsi, je ne vous aurais pas dit ce que je viens de vous dire, qu'un mari ne devrait jamais négliger sa femme. Et j'ajoute maintenant qu'un mari qui néglige sa femme comment, selon moi, un crime ! Et pas rien qu'un ! Plusieurs crimes ! Oui parce que non seulement il oblige sa femme à manquer à ses devoirs en envers elle-même, envers son honnêteté, mais parce qu'il peut aussi obliger un homme, un autre homme, à être malheureux toute sa vie. Eh oui !

Luigi Pirandello, L'HOMME LA BÊTE ET LA VERTUE

4. Électre (Fille)

C'es justement ce que je ne peux pas supporter d'elle, qu'elle m'ait mis au monde. C'est là ma honte. Il me semble que par elle, je suis entrée dans la vie d'une façon équivoque et que sa maternité m'est qu'une complicité qui nous lie. J'aime tout ce qui, dans ma naissance revient à mon père. J'aime à ses yeux son cerne de futur père, j'aime cette surprise qui le remua le jour où je suis née, à peine perceptible, mais d'où je me sens issue plus que des souffrances et des efforts de ma mère. Je suis née la nuit d'un profond sommeil, de sa maigreur de neuf mois, des consolations qu'il prit avec d'autres femmes pendant que ma mère me portait, du sourire paternel qui suivit ma naissance. Tout ce qui est de cette naissance du côté de ma mère, je le hais.

 5.BERTHA(FILLE)

Si c'est une chance qui s'offre à toi, ma p'tite fille, manque-la pas ! Ton Bonheur c'est toi qui le fais. Moi, si ma vie était à recommencer, j'y penserais deux fois... Ma vie,,, Je suis encore bonne d'appeler ça une vie. J'aurais pas du me remarier. Je l'ai fait parce que j'avais pas envie d'être obligée à laver des planchers d'un bord pis de l'autre de la ville. Je l'ai fait pour être capable de vous faire vivre, Armand pis toi. J'ai accroché le premier veuf qui m'est tombé sous la main. Il m'a rien donné. A part fleurette, rien... Pour les enfants, sont toujours là. Tu vieillis pus t'engraisse, les enfants t'insultent dans la rue, mais t'as pas les moyens de te défendre... Même si tu voulais te défendre, tu sais à l'avance que c'est inutile. T'es pas plus qu'un chien, tu vis comme un chien pis tu meurs comme un chien. Je te le dis, Marguerite, lasse-toi pas prendre comme moi.

Marcel Dubé, UN SIMPLE SOLDAT

                                                                                                                                                                                               6. Cécile (fille)

Mais, on ne me dit rien, de sorte que, dans l'ignorance où je suis, je commets bien des gaucheries. Mais oui : Ainsi hier, maman m'a dit de passer chez elle. Si c'était le monsieur, me dis-je ! La main me tremblait et le coeur me battait ; en entrant chez maman, j'ai vu le monsieur en noir, debout près d'elle. Toute tremblante, j'ai trouvé un fauteuil et je me suis assise, bien rouge et bien déconcertée. J'y étais à peine que voilà cet homme à mes genoux. J'ai alors perdu la tête. Je me suis levée en jetant un cri perçant... comme lorsqu'il fait tonnerre. Maman est partie d'un éclat de rire en me disant : « eh bien, qu'avez-vous ? Donnez votre pied à monsieur... » Le monsieur était cordonnier. Je ne peux pas vous rendre combien j'ai été honteuse.

Choderlos de Laclos, Paul Achard, LES LIAISONS DANGEREUSES

7. Judith (Fille)

Non, non, Jacqueline. Chus pas venue pour ça, pis tu l'sais. Ça fait longtemps que j'te l'ai écrit d'la mettre dans une place où on s'occuperait d'elle. Ça fait longtemps que j'tai dit que j'm'en occuperais pas, pis qu'tu pouvais prendre toute son argent pour qu'elle aye les meilleurs soins, le meilleur personnel. C'est son argent, c'est sa maladie, c'est sa vie pis sa mort. Je l'vivrai pas pour elle, certain. Y a quat'. Cinq ans, quand tu m'as écrit qu'a était Alzeimer, c'est ça que j't'ai dit. Rien d'autre. C'tu vrai ou ben c'pas vrai ? Tu veux sauver ta mère comme si c'était ta vie qu'tu sauvais. C'est d'tes affaires. Mais moi, c'est pas ma game. Pis arrête de vouloir toutes nos enrôles dans l'opération sauvetage. T'es comme elle. Quand t'as quelle chose dans la t^te, faut qu'tout le monde fasse comme t'as décidé, pis tu nous tuerais pour avoir c'que tu veux. Sauve-la si tu peux, mais embarque mois pas l'a-d'dans. Ni moi, ni Micheline, as-tu compris ?

Marie Laberge, OUBLIER


9. Anne (Fille)

Écoute moi un peu, Télesphore Archambault. Si je me suis embarquée sur le plus beau bateau du monde, le plus grand, la merveille technique moderne, c'est quand même pas pour m'en sauver dans un canot à rame avec la ceinture pneumatique accrochée au cou comme une bavette de bébé. Et puis, veux-tu que je te dise, « Les femmes et les enfants d'abord », je trouve ça niaiseux. Devant la mort, tout le monde a le même poids, le même âge, le même sexe. Personne n'y comprend rien et surtout pas les humains. Un chien, une fourmi, une plante savent autant là-dessus et peut-être même plus que n'importe quel humain... Me sauver ? Pour quoi faire ? Pour préserver tout ça, toutes ces catégories ? Ces casiers à remplir comme dans ton épicerie. Ça n'aurait pas d'allure. Ça n'aurais aucun sens.

Jean-Pierre Ronfard, LE TITANIC

10. Francine (Fille)

Bon écoutez ! On peut pas dire que je suis venue en thérapie parce que j'étais en dépression profonde, hein ? Claudette tantôt, elle disait : « Si toi t'es déprimée, moi je suis au bord du suicide. » (elle ricane) Je veux dire que je suis ici parce que, à un moment donné, ben, y'a trois mois, à peu près, j'ai réalisé qu'effectivement y'étais peut-être temps que j'envisage le paradoxe de ma vie, vous savez ? Ben, j'aime ma job au journal, j'ai des projets, j'ai des amis, j'ai une vie sociale assez intéressante, c'est un peu comme si mon seul problème dans la vie c'est d'être « grasse », mais j'veux dire... à un moment donné, ça m'a comme sauté aux yeux.. que .. ben, mon problème de poids avait pas grand-chose à voir avec ma volonté. J'veux dire, comment ça se fait que je réussis dans tout, pis ce que je désire le plus au monde, être mince, j'y arrive pas ? C'est à peu près ça que je vous avais dit le première fois, hein ?

Jacqueline Barrette, LES LARMES VOLÉES

11. Léna (Fille)

Mon père ? Il était au travail pendant huit heure, de huit à quatre, de quatre à minuit ou de minuit à huit. Il était sur les « chiffres ». C'est ce mot que j'entendais du moins. mais je crois que c'est une déformation française du mot « shift » qui veut dire roulement. Mon père ne parlait pas un mot d'anglais. Mais quand il était en congé, il était en « loafage » et quand il attendait en chèque de rétroactivité, il attendait son « backtime ». Moi, j'entendais « bactême » comme « baptême ». Et comme ce mot provoquait beaucoup de joie chez mon père et me mère, je l'associait à une fête comme on en fait pour les baptêmes. Ma logique comprenait tout. Tous les boss étaient anglais chez Price Brother's, dans une région francophone à 99%. Ma logique comprenait ça aussi. Quand mon père ne travaillait pas, il dormait beaucoup. Il dormait surtout en fait. Ou il bricolait, il lisait, il allait à la chasse, à la pèche, et aux pratiques de la fanfare de Jonquière. Il jouait du saxophone et de la clarinette. Quand je n'étais pas avec ma tante, j'étais avec lui. Il m'emmenait partout. Avec lui. J'étais le garçon qu'il n'avait pas. J'ai des photos de ça.

Hélène Pednault, LA DÉPOSITION

12. Dona Francisca

Tout ce que j'apprenais de lui me le faisait aimer chaque jours d'avantage. J'étais sûre qu'il m'aimait. Toutefois il se faisait un scrupule de m'avouer sa passion. Je résolus donc à lui parler la première et de s'obliger de se déclarer. Souvent, j'amenais une conversation détournée, afin d'amener de bien loin le mot amour et quand venait le moment de prononcer le mot magique, je manquais de courage et je n'osais. Enfin, un coir, nous dansions dans le jardin, et lui, debout, adossé contre un arbre nous regardait. En tournant devant lui. Une fleur qui était dans mes cheveux tomba à ses pieds. D'abord il ne fit pas semblant de s'en apercevoir, mais il laissa tomber son mouchoir négligemment sur la fleur, puis il se baissa pour le ramasser et il ramassa la fleur en même temps.

Prosper Mérimé, L'OCCASION

13. Lucy (fille)

C'est du baratin, tout ça. Quand tu voulais me séduire, au début, tu ne parlais pas comme ça. J'allais faire renaître ton espoir, j'allais te régénérer, inaugurer pour toi une vie nouvelle. Tu n'es pas une épave, Léopold, tu es un vulgaire démagogue. Tu dirais n'importe quoi, tout ce qui t'arrange. Tu as eu tout ce que tu voulais et maintenant tu veux te débarrasser de moi. Tu me parles de ton désarroi ! Foutaises, oui ! Tu veux me faire comprendre que j'ai rien à attendre de toi et en plus, tu veux te faire plaindre. C'est malhonnête. Ce sont des grands mots, mais tu ne m'auras pas comme ça. Oh !, comme j'ai été bête, bête à pleurer. Croire que je pourrais te faire partager mes sentiments, te redonner goût à la vie ? Tu parles ! Tu es un cas désespéré. C'est bien fait pour moi. Une illusion de moins.

Vaclav Havel, LARGO DESOLATO

14. L'infirmière (fille)

J'en ai assez qu'on se moque de moi. J'en ai plein le dos de vos propositions ridicules. À quoi bon persister quand vous savez très bien que c'est impossible ? Pourquoi poser toujours et sans fin la même question, quand vous connaissez parfaitement la réponse ? Est-ce vraiment ça qui vous amuse ? Je ne vois pas quel genre de plaisir vous pouvez trouver à vous obstiner comme ça ! Vous m'aimez ? Et que voulez-vous que ça change ? Même si c'est vrai ! Le preux chevalier amoureux brandit sa lance et la triste réalité doit ramasser ses jupes en glapissant et prendre ses jambes à son cou ? Mon preux chevalier, dont la seule véritable intention dans toute cette affaire, si l'on y songe bien, et comme il l'a avoué lui-même dès le début, est et a toujours été de pouvoir m'attirer facilement dans son lit ?

Edward Albee, LA MORT DE BESSIE SMITH

15. Maria

N'avancez pas ! (elle tend la main pour que Chino lui donne le fusil) Chino, comment est-ce qu'on s'en sert ? (en disant ce dernier mot, elle pointe vers Chino et les autres) Combien de balles reste-t-il Chino... Assez pour vous... vous... et vous tous ! C'est vous tous qui l'avez tué.... Et mon frère aussi et Riff ! Pas avec des revolvers et des balles... mais avec de la haine ! Moi aussi je tuerai par ce que j'ai la haine à présent. Combien est-ce que je peux en tuer Chino ? Combien ? Et garder une balle pour moi... (elle continu à pointer le fusil mais il devient trop lourd à porter... elle fond en larme)

16. Luke

Mon garçon, n'essaie pas de tourner le dos aux choses qui te font de la peine. Les choses qui t'font de la peine – y a des fois où c'est tout ce qu'on a au monde. I'faut apprendre à vivre avec ces choses là – et à s'en servir. J'ai vu des gens se torturer horriblement, et mourir, parce qu'ils avaient peur d'avoir mal. Je te tenais sur mes genoux quand tu n'étais rien qu'un tout petit. Tu n'avais même pas de dents, dans ce temps-là. Maintenant, je suppose que tu as déjà commencé à te les casser les dents, tes dents, sur les choses... j'm'rappelle que j'pensais qu'à nous deux on allait décrocher la lune, toi et moi, sitôt qu'tu serais un peu plus grand. J'ai fait toutes sortes de projets pour toi, mais i'n'en est rien sorti du tout.

James Baldwin, le coin des « amen »

17. Sonia (seule)

Il ne m'a rien dit... Son âme et son coeur me sont encore fermés, mais pourquoi alors est-ce que je me sens tellement heureuse ? (elle rit de bonheur) Je lui ai dit : Vous êtes séduisant, généreux, votre voix est douce... Est-ce déplacé ? Sa voix vibre et caresse... la voilà, je la sens dans l'air... Et quand je lui ai parlé d'une jeune soeur, il n'a pas compris... Oh, comme il est atroce d'être laide ! Comme c'est atroce ! Et je sais que je suis laide, je le sais, je le sais... L'autre dimanche, comme nous sortions de l'église, j'ai entendu qu'on parlait de moi, une femme disait : « Elle est bonne, généreuse, comme c'est dommage qu'elle ne soit pas jolie »... Je suis laide !...

18. Rose-aimée

Ne riez pas, c'est sérieux. Maurice fait de moi une sorte de madone juchée sur un piédestal. Je ne suis plus une femme, mais une muse, une colombe, une fée, du genre de la Dame Blanche des chutes Montmorency. Je ne veux pas rester pour lui un pur esprit qui devra surnager au courant du mariage. La vie de ménage, pour moi, est terrifiante à envisager... Si j'allais me fatiguer de son amour ! Si j'allais me sentir encombré de ses attentions et de ses prévoyances ! L'engrenage des mêmes gestes, de la même routine, du même traint-train, avec le même homme, me terrorise. La monotonie des couples installés, cousine, me terrorise.

19. Martha (après un silence, avec une passion croissante)

Tout ce que la vie peut donner à un homme lui a été donné. Il a quitté ce pays. Il a connu d'autres espaces, la mer, des êtres libres. Moi, je suis restée ici. Je suis restée, petite et sombre, dans l'ennui, enfoncée au coeur du continent et j'ai grandi dans l'épaisseur des terres. Personne n'a embrassé ma bouche. Mère, je vous le jure, cela doit se payer. Et sous le vain prétexte qu'un homme est mort, vous ne pouvez vous dérober au moment où j'allais recevoir ce qui m'est dû. Comprenez donc que, pour un homme qui a vécu, la mort est une petite affaire. Nous pouvons oublier votre fils et mon frère. Ce qui lui est arrivé est sans importance : il n'avait plus rien à connaître. Mais moi, vous me frustrez de tout et cous m'ôtez de tout ce qu'il a eu ! Faut-il donc qu'il m'enlève encore l'amour de ma mère et qu'il vous emène pour toujours dans sa rivière glacée.

20. Truffaldin, seul

Je n'en peux plus, j'en au par-dessus la tête d'attendre. Avec ce maître qui est le mien, on mange peu, et ce peu, il vous le fait soupirer après. Il y a une demi-heure que midi a sonné au carillon mais il doit bien avoir deux heures qu'il a sonné au carillon de mon estomac. Si seulement je savais où nous allons loger. La première chose que font les autres, dès qu'ils arrivent en ville, c'est d'aller à l'auberge. Mais lui, non ! Il laisse ses bagages à la fontaine, il va faire des visites et il ne pense pas à son pauvre valet ! Quand on nous a dit qu'il faut servir son maître avec amour, on devrait bien dire aussi aux maîtres d'avoir un peu de pitié pour leurs serviteurs. Tiens ! une hôtellerie ! Pou un peu, j'irai voir si dans cette hôtellerie il n'y aurait pas quelque chose à se mettre sous la dent. Mais si mon maître me cherche ? Tant pis pour lui, ça lui apprendra un peu à se conduire de la sorte. Oui, je vais y aller... mais j'y pense... il y a une petite difficulté : J'oubliais que je n'ai même pas un petit sou. Oh pauvre truffaldin !

Goldoni, Le valet de deux maîtres

21. Hamlet

Être ou ne pas être, telle est la question. Y a-t-il pour l'âme plus de noblesse à endurer les coups et les revers d'une injurieuse fortune, ou s'armer contre elle pour mettre frein à une marée de douleurs ? Mourir : Dormir; c'est tout. Calmer enfin, dit-on, dans le sommeil les affreux battements de mon coeur; quelle conclusion des maux héréditaires serait plus dévotement souhaitée ? Mourir, dormir; dormir... rêver peut-être. C'est là le hic ! Car, échappés des liens charnels, si, dans ce sommeil du trépas, il nous vient des songes... halte-là ! Cette considération prolonge la calamité de la vis. Car, sinon, qui supporterait du sort les soufflets et les avanies, les torts de l'oppresseur, les outrages de l'orgueilleux, les affres de l'amour dédaigné, les remises de la justice, l'insolence des gens officiels, les rebuffades que les méritants rencontrent auprès des indignes, alors qu'un petit coup de pointe viendrait à bout de tout cela !

Shakespeare, Hamlet

22. Magnolia

Pourtant je me souviens (très affirmative) très précisément de cette robe avec une grosse boucle de ruban rose dans le dos, comme des ailes de papillon. Je me souviens de l'odeur de la goutte de parfum que ma grand-mère m'étendait sur le menton avec son vieux doigt, celui qui donnait des conseils. Je me souviens très bien de cette grande peur quand la terre, soudain, s'était esquivée sous mes pieds et quand j'avais vu le ciel basculer. Le cri que j'avais poussé m'avait brûlé la gorge. Je pensais avoir été attirée dans les entrailles de la terre par le Diable. Ce n'était qu'un oncle barbu qui avait voulu d'amuser à me faire peur en me tirant par les épaules. Cette peur ne s'est jamais évanouie. Jamais je n'ai osé faire la moindre culbute ou la plus simple pirouette.

23. Fanny

Tu étais le père d'un petit bâtard dont la naissance était un désastre pour la famille. Le père d'un enfant sans nom, porté par une pauvre fille dans la honte et le désespoir.. un pauvre enfant de dispensaire ou d'hôpital. Où est-il cet enfant ? Il n'existe plus, ce n'est pas le mien. Le mien, il est né dans un grand lit de toile fine, entre les grands-mères et les grande-tantes, un beau-frère qui était venu tout juste exprès pour entendre le premier cri. De partout où vivaient les parents de mon mari, il y avait une grande joie dans trente maisons, parce que dans le lit de maître Pignon, un tout petit enfant venait de naître, tout juste à la pointe du jour, le matin de Pâques ! Va Marius Pignon, tu as les dents pointues, mais n'essaie pas de mordre la pierre. Cet enfant, tu ne l'auras pas. Il est planté en haut d'une famille comme une croix sur un clocher !

24. Dom juan

Quoi ? Tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui? La belle chose que d'être fidèle, et d'être mort à toutes les autres beautés qui peuvent frapper nos yeux : non, non, la constance n'est bonne que pour des ridicules, toutes les Belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première. J'aurais beau m'engager, l'amour que j'ai pour une belle, ne devrait pas m'empêcher de faire justice aux autres! Tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On se bat pour gagner leur coeur et lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien souhaiter. Je me sens un coeur à aimer toute la terre; et je souhaiterais qu'il y eut d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

25. Marie-Ange

Je voulais t'attendre, t'attendre tant qu'il faudrait, malgré le vide que j'avais dans la tête, à force d'âtre privée de te voir, d'entendre ta vois, de t'embrasser... Toi tu avais seulement à te battre contre toi-même. Tandis que moi, au lieu de m'aider à me tenir debout, tout le monde ici me poussait, m'étourdissait d'objections, me prouvais que j'avais tord de t'attendre, que j'étais trop jeune pour savoir si je t'aimais. Ils m'ont rendus malade à me répéter que tu m'oublierais à la guerre et que tu me reviendrais jamais... Il me l'ont répété, tellement, sur tous les tons et de tous les côtés, qu'à la fin, ils sont venus à bout de me faire douter de toi comme j'aurais douté du ciel. Je t'ai trompé, je ne suis plus digne de toi... mais tu sais que je t'aime ! tout ça est arrivé si vite...

26. Joanne

J's'rai même pas capable de faire une coiffeuse ! Chus trop narveuse ! J'étais trop narveuse pour continuer l'école, ça fait qu'y m'ont dit d'apprendre un métier... Mais chus pas capable de rien faire ! Ça sert à tien ! Chus pas capable de faire une coiffeuse ! J'peux pas me sarvir de mes deux mains, j'pense toujours à d'autre choses quand je travaille ! Chus pas capable de fixer mon attention sur c'que je fais ! Y'a quelque chose dans ma tête qui décroche tout le temps... Si au moins d'étais intelligente comme moman, j'essayerais de m'en sortir... Mais non, il fallait que l'aie la tête de mon père... Chus pus capable de rien faire !


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