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Plongée dans le silence le plus complet, dans l'épaisse pénombre de ma torpeur, je suis doucement réveillée par le bruit d'un goutte-à-goutte incessant. Lorsque tous mes sens se mettent enfin en éveil, soit environ treize secondes plus tard, je me mets à crier follement. Je ne vois plus rien ! Je suis devenue aveugle. Je me lève et cours dans tous les sens jusqu'à ce que je me prenne un mur plus près que je n'aurais cru. Le coup sur ma tête me rappelle soudainement que je ne suis pas aveugle mais simplement enfermée dans une cave. C'est pourquoi je me mets à crier encore plus fort. Mes yeux finissant par s'accommoder à la pénombre, je vois un peu mieux le lieu où je me trouve: c'est bien une cave. Je sais que le goutte-à-goutte provient du plafond car l'une d'elles s'écrase grossièrement sur ma joue. Seul un rai de lumière très fin éclaire la pièce, il provient du bas de la porte qui, évidemment est fermée. Je me souviens enfin des faits précédant mon arrivée dans ce lieu: je me promenais paisiblement le long de la plage, seule avec mes pensées. Il devait être trois heures du matin, j'étais quelque peu déprimée. C'est ainsi que j'ai senti une présence derrière mon dos puis un mouchoir embaumer mes voies respiratoires, puis... Trou noir.

Tout s'explique alors: je viens d'être kidnappée. Tout mon être se met à trembler tandis qu'un mal de ventre s'installe en moi. Je me mets à faire les cents pas, méditant intérieurement sur mon futur sort, relativisant. Après tout, que va-t-il me faire ? J'ai une mycose de toute façon. Je me laisse tomber sur le sol, dos au mur, genoux contre la poitrine et c'est ainsi que je reste pendant au moins une heure.

Je me mets soudainement à sursauter lorsque j'entends des bruits de pas lourds se rapprocher progressivement de moi. Un fort cliquetis se fait ensuite entendre. Je me relève tout en restant le plus au fond possible de la pièce. Une intense lumière m'éblouit lorsque la porte s'ouvre, me donnant uniquement vue sur une grande silhouette masculine. Surement mon kidnappeur. La silhouette est imposante, je ne peux voir le visage de la personne mais je devine qu'il doit être musclé. Un sourire se dessine sur ses lèvres, ne me demandez pas comment j'ai remarqué ça. Puis il se met à ricaner devant ma pitoyable allure. Je croise alors les bras et fronce les sourcils même si intérieurement je suis dans la panique la plus totale. Il s'approche doucement de moi tandis que je ne vois que la sortie, grande devant moi, laissant vue sur un long couloir de pierre éclairé par des néons. De là je me mets à courir en essayant de le contourner pour m'en aller.
- Putain ! murmure-t-il. Ce n'était pas dans le script.
Il se retourne et m'attrape par le bras au dernier moment.
- Si tu croyais t'en aller aussi facilement, ricane-t-il amèrement. Tu vas être punie pour ça, Anastasia.

Vient-il de m'appeler Anastasia ? Cet homme doit être complètement fou étant donné que je ne m'appelle pas comme ça. Je me retourne brusquement, retenue par la force de sa poigne et vois enfin son visage. Son regard semble profond, ses iris luisants sont d'un bleu-gris perçant. Il a de soyeux cheveux noirs ébène montés en bataille tandis qu'il a une légère barbe soulignant sa mâchoire de la plus séduisante des manières. Alors que je suis perdue dans son regard, troublée par son charme, je me sens obligée de répondre:
- Anastasia ? Je m'appelle Théa... Théa Cartier.

Il secoue la tête puis rougit, apparemment dépassé par ce lapsus. Mais son air renfrogné revient en force. Sans que je ne m'y attende, il m'envoie une gifle franche qui m'amène au sol. Je ne peux m'empêcher de lâcher un cri de surprise et de douleur.
- La prochaine fois que tu parles sans mon autorisation, ce sera balayette manchette et tout ce qui va avec. C'est compris ?
Je me contente de hocher la tête, terrifiée et tremblante. Aussitôt il me relève brutalement et me traine avec force le long de ce couloir. Couloir interminable, d'ailleurs.

Une fois arrivée au bout de ce couloir de malheur, un escalier de trente-six marches se dresse devant nous. Il me somme de monter devant lui, étant donné le passage trop étroit. Ça me gêne puisque je sais qu'il va en profiter pour mater l'arrière-train volumineux que j'ai. Mais je m'en fous, j'ai une mycose. Une fois au bout de cet escalier fatigant mes pauvres jambes flétries, il me pousse contre la porte pour l'ouvrir. Je m'écrase dessus et elle s'ouvre effectivement, d'ailleurs la porte tombe en même temps que moi. J'ai l'air d'une crêpe.
- Allez debout, on n'est pas au club Med Caca !

Super le surnom... Je me relève une nouvelle fois alors que cet affreux goujat rit comme un idiot devant la honte qu'il n'hésite pas à me faire subir. Dès que je suis de nouveau debout, je reste statique tant je suis pétrifiée: autour de moi se trouve un très large couloir longé d'une moquette rouge luxuriante tandis que les murs sont ornés de piliers en marbre. Tout semble opulent, luxueux, même cette porte devant moi sur laquelle est écrit "WC" en lettres d'or. Je me mets à sourire bêtement et, me tournant vers mon agresseur, je remarque avec stupéfaction qu'il sourit aussi.
- Toi, t'as lâché une caisse ? s'amuse-t-il.
Comment a-t-il deviné ça ? Ah oui, l'odeur. Dernière fois que je mange des flageolets. Je feins l'ignorance même si intérieurement je suis morte de rire. Son air amusé disparait de plus belle pour retrouver cet éternel regard perçant. Il me prend par l'arrière de la nuque et me traine avec lui de nouveau.

Au bout de sept minutes de marche, nous arrivons dans une chambre somptueuse. Un grand dressing se laisse entrevoir au fond de la pièce. Étant une fan inconditionnelle de shopping, je me laisse involontairement dépasser par mes émotions et c'est ainsi que je me mets à courir pour m'en approcher. Et ce, sans son autorisation... Il me fait immédiatement part de son mécontentement en me faisant un croche-pied. De ce fait, je m'écrase négligemment de tout mon long sur le sol, la tête la première sur la moquette. Elle a un gout de thé au gingembre, c'est excitant. Il éclate de rire environ six nanosecondes puis m'attrape par les cheveux pour me relever et me pousse violemment sur le lit sept places au centre de la pièce.
- Ecoute-moi bien, je ne vais pas le répéter deux fois. Tu es sous mes ordres à partir d'aujourd'hui. Tu ne pourras jamais t'en aller puisque des gardes de sécurité ont bloqué toutes les sorties. Si tu veux que tout se passe bien, il te suffira de m'obéir au doigt et à l'œil. C'est aussi simple que ça. Si tu n'obéis pas, je n'hésiterai pas à te torturer. Cette chambre t'appartient désormais, tout comme le dressing et la salle de bain. D'ailleurs va te doucher, tu pues.

Je hoche la tête puis je me dirige vers la salle de bain. Le problème, c'est qu'il me suit. Je lui ferme la porte au nez mais il la rouvre.
- Tu as désormais le droit de me parler mais si tu oses rouspéter, je te jure que tu vas le regretter. Je me prénomme Jake, mais appelle-moi "Maitre".
- Ok.
- Ok qui ?
- Ok Mait... Mais t'es pas là ? Mais t'es où ? Mais t'es où ? Pas là, pas là, pas là. Je te remplaaaace, comme je le p...
Il s'avance rapidement vers moi en levant sa main vers moi, ce qui m'interrompt instantanément dans ma chanson. Je recule maladroitement et mets mes mains devant moi en signe de reddition.
- Pardon, je voulais juste te faire rire, détends-toi du slip... me défendé-je.

Et là, il voit rouge. Il me prend par le cou et me plaque contre le mur, me soulevant et m'étouffant. Dans la panique, des larmes se mettent à couler le long de mes joues. Il se rapproche à quelques centimètres de moi, laissant planer son haleine sauce tartare dans mes narines.

- C'est la dernière fois que tu dis une connerie de ce genre, me menace-t-il. Tu me vouvoie et tu m'appelle Maitre, ou sinon, tu diras bonjour à tes défunts grands-parents.
Je suis tellement traumatisée que je ne réponds rien. Il me relâche et je mets automatiquement mes mains là où il m'a étranglée. Je pleure. Je pleure beaucoup. Ce qui a le don de le faire sourire. Pauvre sadique, je te hais, toi et ta somptueuse baraque.
- Au fait, dans deux heures, je reviendrai pour te donner ta punition, m'informe-t-il avec un clin d'œil subtil. Tu ferais mieux de te dévêtir avant que j'arrive, ça me fera moins de boulot... Mais lave-toi avant, par pitié.

Je lui esquisse aussitôt un franc sourire, imaginant déjà ma vengeance. S'il savait que j'avais une mycose. Je me languis déjà de voir sa réaction.

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