Chapitre 9
Une journée entière passa et Geralt ne trouva personne pour l'aider dans son contrat. Ewelina semblait avoir assez d'influence à l'université pour démotiver toutes personnes qui pourrait être intéressées par les propositions du sorceleur. Il ne lui restait que deux jours avant que son armure soit prête et il avait espéré pouvoir partir dès le moment où il enfilerait ses protections. Malheureusement, s'il avait réussi à corrompre le forgeron à lui fabriquer les pièges dont il avait besoin, il ne réussissait pas à faire fabriquer ses potions. Il décida donc qu'il les ferait de lui-même, quitte à prendre quelques jours de retard.
Du myrte blanc, de la ginatia, de l'anthocérote et de la bryone, sont les plantes dont Geralt avait besoin pour concocter une huile contre les monstres hybrides assez puissante pour lui donner un avantage face aux trois griffons. Il ne lui manquait que de la graisse d'ours et un œil d'erynia et il aurait rassemblé l'ensemble des ingrédients nécessaires. S'il était simple pour le sorceleur de chasser un ours, il n'oubliait pas qu'Oxenfurt se situant à la frontière entre la Rédanie et la Téméria, les hybrides comme les erynia étaient très rares. Ressemblant en plus grands et plus intelligents à des harpies, ces mutants se trouvaient particulièrement dans les espaces montagneux comme l'archipel de Skellige. Les environs plats d'une grande ville comme Oxenfurt n'attiraient aucuns monstres de ce type, c'est pourquoi Geralt ne pouvait pas en chasser un.
La situation commençait à énerver Geralt, quand le sorceleur n'arriva pas à trouver cet œil auprès des marchands de la région, même en s'éloignant de la ville, l'ingrédient semblait aussi rare que les monstres en eux-mêmes et il dut se résoudre à retourner à l'académie pour trouver de l'aide.
En arrivant devant le département d'alchimie et de chimie, Geralt s'imagina qu'il devrait à nouveau faire face à cette assistante, avant d'attendre plusieurs heures le retour de La Voisier pour lui demander son aide. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'en entrant il trouva une dizaine d'étudiants dans le foyer. Certains étaient en train de lire allongés sur les canapés, d'autre discutaient entre eux et enfin il y avait le groupe d'Ewelina, le même qu'il avait aperçu à la taverne il y a deux jours.
Le groupe semblait réaliser une concoction, tous rassemblés autour d'une même table. Le bruit de la porte qui s'ouvre attira l'attention des étudiants, le sorceleur vit l'homme le plus jeune du groupe d'Ewelina se lever avant que cette dernière n'attrape son bras. Elle murmura quelque chose en agitant frénétiquement sa tête de gauche à droite, l'homme se stoppa et repris sa place initiale. Geralt se décida alors à demander à l'ensemble des personnes présentes où se trouvait le conférencier.
« Il s'est absenté pour plusieurs jours » annonça une étudiante assise dans un coin. « Lena, son assistante, est à l'étage, elle devrait pouvoir vous aider. » Le sorceleur n'attendit pas plus longtemps et se dirigea dans la direction indiquée, attirée par le bruit, Lena s'était approchée de l'escalier et tomba nez à nez avec Geralt.
« J'ai besoin de votre aide, je cherche un œil d'erynia. » fit-il devant l'assistante qui roula des yeux. « Suivez-moi »
Geralt arriva dans une grande pièce de bois ciré, de larges bibliothèques entouraient un bureau en chêne massif, une table de travail encombrée de fioles et d'instrument se trouvait sur la droite en entrant et de nombreuses plantes étaient dispersées dans l'endroit. L'assistante s'avança vers la vitrine au fond de la pièce et la déverrouilla, elle chercha un moment avant de se tourner.
̶ J'ai donné les derniers à un groupe d'étudiant, est-ce que je peux vous donner autre chose pour remplacer ?
̶ Je ne pense pas, je fais une huile contre les hybrides. J'ai besoin de l'œil d'un hybride puissant. Une recommandation ?
̶ Ugh, non. Un œil de succube ou d'échidnas aurait pu faire l'affaire mais les créatures chimériques sont étudiées en cette période, mon stock est vide.
Elle lança un regard désolé au sorceleur avant de froncer les sourcils, songeuse. « Mais j'ai donné le dernier œil d'échidnas, à l'instant, à des élèves, en bas. Suivez-moi. »
Elle se dirigea rapidement vers les escaliers qu'elle descendit, deux par deux, elle s'approcha de la table d'Ewelina avant de parler à l'homme le plus vieux du groupe.
« Filip, s'il vous plaît, j'aurais besoin de récupérer les yeux d'échidnas que je vous ai passé. » l'homme la regarda incrédule avant de répondre.
̶ Oh, euh. Lena, nous en avons besoin pour étudier.
̶ Je comprends, simplement ce sorceleur en a besoin. J'en aviserai Jean La Voisier, afin qu'il se montre indulgent.
Alors que le dénommé Filip alla se résigner et tendre le bocal remplit, encore intact, les mains d'Ewelina vinrent attraper le récipient qu'elle tenu contre sa poitrine. Elle dévisagea Geralt du regard avant de se tourner vers l'assistante.
̶ Je pense que le sorceleur est suffisamment capable d'aller chasser de lui-même ces bêtes pour récupérer cet ingrédient, nous en avons plus besoin que lui.
̶ Ce n'est pas ce que vous pensez, Ewelina, c'est ce que monsieur La Voisier m'a demandé. J'ai une note écrite de sa main, me demandant de fournir à ce sorceleur les ingrédients dont il pourrait avoir besoin.
Lena tendit le document, signé et cacheté par le conférencier, le visage d'Ewelina se durcit alors qu'elle le parcourait découvrant qu'effectivement, son professeur avait demandé que tout soit fait en mesure pour aider Geralt dans son contrat. Elle rendit le contrat à l'assistante avant de se positionner face au sorceleur.
̶ Pourquoi est-ce que tu en a besoin, tu crois pouvoir attirer les griffons avec des yeux ?
̶ J'ai besoin de faire une huile puissante, à défaut d'œil d'erynia, je vais prendre ceux-là.
̶ L'alchimie, ce n'est pas de la cuisine, Geralt. Tu ne peux pas remplacer un ingrédient et espérer que ta mixture soit stable.
̶ Je n'aurais pas ce problème si tu avais accepté de m'aider.
« Alors le problème est résolu, Ewelina, vous aiderez Geralt dans sa préparation » intervint Lena, avant de reprendre la parole rapidement pour ne pas laisser la jeune alchimiste intervenir « en échange vous garderez le reste des yeux. Bien évidemment si vous voulez vous opposer à mes décisions, nous pouvons attendre que monsieur La Voisier revienne, nous verrons alors s'il estime votre comportement convenable » Lena se retira du groupe et fit mention à Geralt de la suivre un instant. « J'espère que vous avez conscience que rien n'est gratuit, lorsqu'il fera appel à vous, monsieur La Voisier espère que vous répondrez favorablement à sa demande. »
Geralt n'ajouta rien et regarda l'assistante partir, il n'était pas rare pour un sorceleur de payer ses dettes en faveur, bien qu'il aurait préféré en être avertis avant. Parfois, il était bien plus simple de payer en couronne, qu'en faveur. Cependant, Geralt ne s'attarda pas plus longtemps là-dessus lorsqu'Ewelina le sortit de ses pensées.
« Quitte à être obligé de t'aider, autant faire ça dans un bureau convenable » dit-elle avant de monter les escaliers. Arrivé en haut, ils se dirigèrent au bout du couloir et rentrèrent dans une pièce, là, elle emprunta un corridor et ils arrivèrent tous deux dans une officine.
De nombreuses boîtes et des bocaux étaient stockés dans cette pièce, un petit bureau ressemblant plus à une écritoire se tenait dans un coin de la pièce, de nombreux sacs étaient négligemment disposés à même le sol et une large table de travail était installée au milieu. L'alchimiste se dirigea au milieu afin de débarrasser son plan de travail. De manière très formelle, elle indiqua à Geralt qu'elle s'occuperait seule de la fabrication de ses potions et qu'il pouvait faire ce que bon lui semblait en attendant.
Le sorceleur ne comptait pas rentrer en conflit avec la jeune femme, et après avoir annoncé qu'il reviendrait demain matin avec les pièges, il prit congé de l'académie et se dirigea vers le forgeron. Avec les beaux jours qui revenait, les rues d'Oxenfurt étaient bondées, qu'ils soient marchands, nobles, artisans... Tous prenaient le temps de savourer les premiers rayons du soleil.
Il passa devant la boutique de l'armurier et vit celui-ci lui faire signe. En s'approchant il l'invita à entrer, mentionnant qu'il avait déjà fini son armure
̶ J'ai été tellement inspiré, je ne pensais pas que j'irais si vite.
̶ Vous avez fait un excellent travail à ce que je vois. Comme convenu je vous rapporterai les poils de crinière une fois les griffons abattus.
̶ J'espère que vous allez me donner une caution quand même, au cas où vous ne reviendriez pas. Disons cinquante couronnes, prix d'amis.
̶ Si c'est un prix d'amis alors.
Le sorceleur glissa la monnaie vers l'artisan et scella sa nouvelle armure sur Ablette avant de trotter jusqu'au forgeron.
Geralt avait eu du mal à convaincre le forgeron de lui faire des pièges, mais heureusement à Oxenfurt un peu de couronnes règle rapidement le problème. Les mécanismes qu'il souhaitait utiliser contre les griffons étaient simples, des pièges à loup ordinaires : un cercle métallique cranté s'actionnant en exerçant une pression au centre, à ceci près que ceux-ci disposés également de longues piques montées sur quatre bars de fer qui viendraient perforer les bêtes dans les cuisses ou le ventre. Geralt avait également choisis le nerpun pour les attirer dans ces pièges, une plante trouvable dans l'eau qui, une fois à l'extérieur, sentait le cadavre en putréfaction.
Son plan était simple, il allait se rendre au petit matin sur les lieux et disposer ses pièges à quelques mètres les uns des autres, là, Geralt poserait un morceau de la plante au centre du mécanisme. Il savait que les trois adultes ne se dirigeraient pas tous ensemble sur les pièges, il aurait au mieux un ou deux d'entre eux, c'est pourquoi lorsqu'il se positionnerait bien plus loin afin d'attirer puis d'attaquer les bêtes qui ne seraient pas prises. Quant aux petits, il les tuerait avant de mettre le feu au nid.
Le sorceleur décida de retourner à l'académie afin de partir le plus tôt possible, la nuit allait tomber dans quelques heures et il serait temps de partir. Il ne toqua pas à la porte et rentra directement dans le bâtiment du département d'alchimie et de chimie, avec la même attitude, il grimpa les escaliers et entra dans la salle que Lena leurs avait laissé. Il tomba nez à nez avec Ewelina, toujours assise tandis qu'une concoction bouillonnée sur sa paillasse, elle avait un livre sur les mutagènes à la main et semblait prendre des notes. À l'entrée bruyante de Geralt, elle leva les yeux vers lui et arqua un sourcil avant de parler :
̶ Déjà de retour ?
̶ Tout est prêt, il ne manque plus que mes potions.
̶ Elles sont prêtes, mais l'huiles n'a finit d'infuser. J'ai rajouté une potion d'hirondelle, elle est légèrement modifiée et sera plus performante que celle que tu as.
̶ Est-ce que l'huile peut terminer son infusion sur le trajet ?
̶ Bien entendu, mais je devrais la filtrer dans un autre récipient.
̶ Je le ferais, toi, tu restes ici.
̶ Non je ne crois pas. Je ne reste pas ici alors que j'ai la possibilité d'observer un nid de griffons à quelques lieux d'ici. Vois ça comme ma contrepartie, je t'aide et en échange j'ai le droit de ramasser ce que je veux sur les bêtes.
Geralt se résigna, bien trop facilement et rapidement, et annonça à Ewelina qu'elle pourrait venir mais que les poils de crinière étaient déjà réservés.
Durant notre discussion, mon ami a éludé la vraie raison pour laquelle il avait laissé la jeune femme partir avec lui. Il prétexta qu'il était jeune, fatigué de se battre contre le genre féminin et qu'à l'époque il n'était pas dérangé d'emmener quiconque voulait venir avec lui. L'avis de votre humble serviteur, c'est qu'en plus d'être effectivement inconscient, Geralt souhaitait simplement passer du temps avec Ewelina, loin des hommes. À l'époque il n'avait pas l'habitude de se sentir coupable de quelque chose, il n'avait pas l'habitude d'être injustement accusé non plus, et c'est pourquoi s'il avait Ewelina seule, il pourrait s'expliquer.
Maintenant, bien entendu, tout ne se passa pas comme prévu, mais on est bien loin du catastrophique. Perchés sur leurs chevaux, il avait traversé Oxenfurt, sa banlieue et sa forêt en quelques heures et alors que la lune était déjà haute dans le ciel, ils étaient arrivé au pied de la colline où se trouvait le nid. Peu de mots avait été échangé entre eux et ils sentaient tout deux que les heures à attendre l'aube seraient longues.
Le campement pour la nuit avait été monté dans l'obscurité et le silence, les pièges laissés près des chevaux afin de ne pas capturer un animal par mégarde et les deux anciens amants s'étaient assis à deux mètre d'écart, les yeux rivés sur le nid difficilement visible. La lourdeur de la situation sembla peser sur Ewelina qui prit la parole.
̶ Geralt ? Pourquoi est-ce que tu aides les humains ?
̶ C'est mon travail, je tue des monstres, je récupère l'argent et par la même occasion des gens sont sauvés.
̶ Dans ce cas pourquoi tu as accepté le travail de l'échevin à Blaviken, d'aller voir le prêtre ? Ça n'avait rien à voir avec un monstre.
̶ Parce que c'est un humain ça ne veut pas dire que ce n'est pas un monstre. Tu serais étonnée des horreurs que peuvent faire les humains.
̶ Je ne pense pas.
̶ Hm... Effectivement, tu as été aux premières loges pour le voir.
̶ Pourquoi tu n'es pas revenu ? Pourquoi tu ne t'es pas expliqué ? Tu aurais dû raconter la vérité.
̶ Les actes parlent d'eux-mêmes. J'ai tué Renfri parce qu'elle m'a avoué le massacre qu'elle souhaitait faire. Je n'avais pas imaginé qu'elle puisse mentir là-dessus.
̶ Je t'avais dit de ne pas t'en mêler... Ça t'aurait tué d'écouter une femme pour une fois.
̶ Et si tu avais été sur la place ?
̶ Geralt, j'aurais préféré qu'ils me tuent plutôt que de subir ce que j'ai subi.
̶ Serais-tu là si c'était le cas ?
Le silence s'installa et Ewelina soupira doucement. Tous deux réfléchissaient sur la portée de la situation et les propos échangés, pourtant aucun ne continua la conversation pendant le restant de la nuit. Le soleil se leva et ils s'agitèrent doucement dans l'optique de mettre en place les pièges à griffons.
Ils écartèrent chacun des six pièges de plusieurs centaines de mètres afin de couvrir une large parcelle de la forêt et éviter que les bêtes sentent la détresse des autres. Au loin, le nid semblait calme, le plus gros des griffons s'étaient posté à quelques mètres de la structure afin d'avoir une vue plongeante sur la vallée tandis que les autres étaient au-dessus, dormants. La bataille se déroula bien plus rapidement que ce qu'avait imaginé le sorceleur ; seule une des bêtes s'étaient approchées et prises dans le piège mais heureusement, Geralt se trouvait suffisamment loin pour s'occuper d'au moins une des deux bêtes. À cheval, Ewelina avait tenté de diriger le dernier griffon à l'intérieur d'un des mécanismes en l'attirant grâce au nerprun cependant le monstre ne semblant pas vouloir perdre de l'altitude, elle s'était rabattue à l'affaiblir avec son arc et ses flèches.
Geralt me raconta que ce combat avait surement était un des plus durs qu'il ait fait contre un griffon. Au-delà du nombre, Ewelina avait pris part au combat alors que le sorceleur lui avait recommandé de rester à l'arrière, cependant en voyant que seulement un des adversaires s'était pris dans les pièges, elle avait eu l'initiative de prendre part à la bataille sûre qu'elle pourrait fuir si la situation tournée mal. Il avait dû garder un œil sur le griffon et un sur son acolyte-malgré-lui.
Finalement, il réussit à maitriser celui qu'il avait attaqué avant de porter le coup fatal, il avait ensuite fini celui de l'alchimiste qui, épuisée, s'était allongée sous un arbre tandis que Geralt s'assurait que le griffon attrapé dans le piège était mort. Le combat avec ce dernier avait pu être évité, le cercle denté l'avait attrapé dans les pattes et les cuisses tandis que les longues tiges crantées l'avaient transpercé dans l'estomac, le dos et les côtes. Le temps du combat contre ses deux femelles et la bête s'était vidée de son sang.
La corvée du dépeçage fut répartie, Ewelina se chargerait de prendre tout ce dont elle avait besoin et Geralt récolterait les crinières pour l'armurier. La tâche était longue et fastidieuse mais Ewelina entama la conversation :
̶ J'ai conscience que j'ai été dure, je t'ai porté responsable de choses que tu n'aurais pas pu anticiper. Je suis désolée.
̶ Dans ce cas-là, j'accepte tes excuses.
̶ Je sais qu'on ne va pas se quitter en amis, mais sache que si tu as un jour besoin d'aide à nouveau, la porte de l'académie est ouverte.
̶ Alors estime que la porte de Kaer Morhem t'est également ouverte.
Loin d'être des paroles vides de sens, ils ne se doutaient pas, cependant, que ces portes seraient empruntées aussi rapidement.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top