Chapitre 15
Le prochain chapitre est le dernier !
Le printemps s'installa alors qu'Ewelina ne s'était toujours pas éveillée, Geralt l'avait amenée à sa chambre et forcée à boire une infusion avant de la laisser sans soins pendant plusieurs jours. Pensant qu'elle était simplement en train de se reposer et non pas de combattre une infection, les sorceleurs l'avaient laissé dans son lit plusieurs jours, ne venant la voir que pour s'assurer qu'elle était hydratée. Cependant, quelques semaines étaient passée depuis son effondrement et Geralt n'avait plus la patience des premiers jours.
Après avoir fouillé dans tous les manuels dont il disposait, il avait rédigé une liste d'herbe à essayer afin de tenter de lui refaire prendre connaissance ; aubépine, achillée millefeuille, cannelle... Tout était passé dans les mains du sorceleur pour sortir Ewelina du sommeil dans lequel elle était tombée.
La vie à Kaer Morhen tournait au ralenti ; dans un premier temps, Gwen et Vesemir s'était chargé ensemble de s'occuper des jeunes recrues pendant que Geralt et Gweld parcourait la région à la recherche de remède, désespérés, ils s'étaient retrouvés dans l'académie d'Oxenfurt. Devant La Voisier, Geralt retenait difficilement son calme en lui expliquant la situation.
̶ Vous voulez me dire qu'une de nos élèves venues chez vous est tombée malade ?
̶ C'est plus compliqué que ça, elle avait déjà subi une mutilation qui s'est infectée une fois à Kaer Morhen.
̶ Vous savez, sorceleur, nous n'acceptons pas n'importe qui, avec cette histoire de disparition nous n'avons plus le nombre d'élèves ni de candidatures qu'autrefois. Aujourd'hui vous venez me voir et m'annoncer qu'une autre est en train de mourir ?
̶ Nous sommes venus vous demander de l'aide concernant sa guérison pas faire des courbettes.
̶ Faîtes attention, sorceleur. Parce que vous nous avez aidé cela ne veut pas dire que je vais me laisser insulter. J'ai demandé à Vesemir de prendre soin d'elle et voilà le résultat.
̶ Nous vous demandons qu'une potion, une infusion, quelque chose.
̶ Hm... J'ai bien quelque chose qui pourrait suffire mais il faut espérer que vous ne l'ayez pas laissé sans soins trop longtemps.
De retour à Kaer Morhen, la tension était palpable, cela faisait plusieurs heures que Geralt attendait que la poudre d'herbes fasse effet. Il s'occupait en changeant le pansement de la jeune femme sur son abdomen tout en songeant aux conséquences des actes passés.
Dans sa vie, le sorceleur n'avait pas eu beaucoup de choses à regretter. Il n'était, ou pas responsable ou il agissait en connaissance de causes, mais cette fois-ci c'était différent. Il était responsable du sort de la jeune femme, la pensant sensible à la température il ne s'était pas inquiétée lorsqu'elle lui avait parlé de ses douleurs, connaissant sa mutilation il n'avait jamais été doux avec elle lorsqu'il partageait son lit et si on en revient au fondement de leur relation, il ne s'était pas inquiété du sort des personnes qui l'avaient côtoyé lorsqu'il choisi le mauvais parti à Blaviken. En un sens, il ne se sentait pas légitime à être ici, auprès d'elle, et ne pouvait rien faire qu'attendre.
Eskel vint le retrouver dans la chambre de la jeune femme afin de lui dire aurevoir, il devait retourner sur la route maintenant que le printemps était revenu. La vie de sorceleur est jonchée de malades, de mourants et de morts mais Eskel tentait de rester aussi loin d'eux que possible. Il chercha dans les gestes de Geralt, une invitation à rester mais il ne semblait rien vouloir et Eskel partit.
C'était au tour de Gwen de venir et d'annoncer son départ, le sorceleur, du même âge que Geralt, avait avoué son amour à la jeune femme plus tôt dans l'année et n'avait jamais reçu de réponse, mais c'était bien avant de se rendre compte que l'alchimiste avait déjà quelqu'un et bien avant encore de savoir qu'il s'agissait de Geralt. Il fut rapide et n'attendit pas de retour de la part du sorceleur avant de fermer la porte et de partir.
Vint alors Gweld et Geralt se demanda s'il allait un jour pouvoir être seul avec elle mais au lieu de lui annoncer son départ, son ami sortit don paquet de carte et s'attabla. Il lui tendit un autre paquet et le sorceleur le remercia silencieusement. Il traîna sa chaise jusqu'à Gweld et se positionna de façon à voir la jeune femme en même qu'ils jouaient.
- Comment ça se présente ?
- Elle a repris des couleurs, ses paupières bougent, son rythme cardiaque s'est accéléré. Je pense qu'elle se réveillera bientôt.
- Et comment tu te sens ?
- Mal.
- Tu sais que tu n'y es pour rien ?
- Je pense le contraire, j'ai mal jugé ce qui pourrait lui arriver en me rendant sur ce marché.
- Tu as choisi de sauver ces personnes d'une menace qui pesait sur eux.
- C'est toujours plus compliqué que ce qui est raconté.
- Parce que tu choisis d'omettre des détails pour te faire culpabiliser. Tu sais ce qui ne fait pas culpabiliser ? Sonnerie de charge, bim, je gagne la partie.
Geralt sourit devant le comportement presque enfantin de son ami, attitude qu'il prenait sans doute pour lui remonter le moral. Il récupéra ses cartes et les mélangea avant de retirer une main pour la prochaine partie, à ce moment, ils entendirent du mouvement dans le lit.
Ewelina avait ouvert les yeux, son corps entier s'était crispé instantanément et il lui semblait que tout son être lui faisait mal. Elle ne savait pas exactement ce qui lui était arrivé ni même où elle se trouvait, mais elle vit Geralt et ne put s'empêcher de sourire. Au fond d'elle, elle savait et elle avait accepté mais pour autant elle lisait dans les yeux du sorceleur une détermination à toute épreuve et elle se rendit compte que son dernier combat à mener serait de lui faire lâcher prise. Sa vie serait si longue, alors que la sienne se terminait et finalement ce n'était pas si mal, non ?
Elle avait fait tout ce qu'elle désirait, elle avait ris, pleuré, ressentit toutes sortes d'émotions étranges, elle avait vécu dans une belle maison puis dans un dortoir, elle avait fait l'université mais elle avait également travaillé, elle se rassurait de savoir qu'elle avait aidé tant de gens grâce à sa petite boutique à Blaviken. Au fil des années, elle s'était faite des amis, des ennemis, avait été jalouse et avait rendu jalouse. Elle avait fait l'amour, avait baisé et était tombée amoureuse, plusieurs fois, pas toujours des bonnes personnes mais elle les avait tous aimés. Et Geralt, elle l'avait aimé profondément.
En un sens elle se remerciait de mourir heureuse car la vie aurait pu lui réserver tant de retournements, tant de problèmes et de moments triste. Elle avait déjà tant vécu malgré son jeune âge mais elle n'y penserait pas maintenant, pas alors qu'elle avait le sorceleur en face d'elle.
Gweld quitta la pièce afin de leur laisser un moment seul, mais il resta devant porte un moment au cas où Geralt aurait besoin de lui. Quant à ce-dernier, il avait bondi de sa chaise pour se positionner au chevet d'Ewelina, les cartes de Gwynt longtemps oubliées par terre. Il l'analysait dans les moindres détails, son cœur s'accélérait tout comme sa respiration, la fièvre revenait de plus belle et c'est alors que le sorceleur compris que la poudre n'avait eu effet que peu de temps et que désormais la maladie revenait. Elle ouvra la bouche pour parler mais encore une fois elle n'arriva pas à émettre autre chose que des sons, pour autant, elle garda son sourire.
« Je vais m'occuper de toi, Ewa, mais il faut que tu te laisses te reposer et prendre ton temps pour guérir. Mais tu vas y arriver. » la jeune femme fit non de la tête pour exprimer son désaccord, sa tête était lourde et ses membres lui faisait mal, elle se sentait tachycarde et haletante. Elle puisa dans son reste d'énergie pour porter sa main dans les cheveux de Geralt et sourit en s'apercevant qu'il avait gardé la coupe de cheveux qu'elle lui avait faite des mois auparavant pour le soigner, la ligne rasée était bien plus propre certes mais les proportions étaient les mêmes.
Le sorceleur fronça les sourcils devant les agissements délirants de la jeune femme, elle avait un sourire béant, les yeux minuscules et s'agitait bizarrement. Il lui prit les mains pour la calmer alors que celle-ci laissait ses yeux se fermer, immédiatement il attrapa sa tête de ses deux mains afin de la regarder, elle leva légèrement le regard avant de s'avancer vers Geralt pour un dernier baiser, plus tendre et prévenant que tous ceux qu'elle lui avait donné jusqu'à présent. Le baiser devint rapidement furieux et demandant, mêlé de soupirs alors qu'il la rapprochait de lui.
Mais les forces d'Ewelina s'envolèrent et elle se laissa tomber sur son oreiller dans une dernière caresse, les lèvres rougies par la force de leur baiser, elle gardait son sourire aux lèvres. Avant de les fermer, elle supplia Geralt avec ses yeux afin qu'il la laisse partir, se promettant à elle-même qu'elle veillerait sur lui. Geralt rabattu sa tête sur le corps de la jeune afin d'écouter son rythme cardiaque agité et sa respiration frénétique, étonnamment, les deux se calmèrent jusqu'à devenir un bruit de fond alors qu'Ewelina sombrait à nouveau. Au bout de quelques heures seulement, sa respiration s'arrêta.
Les funérailles furent organisées par Gweld, il sculpta une pierre tombée de la forteresse et prépara un chariot pour transporter le corps. Geralt semblait distant, presque absent de ce qu'il vivait et pourtant il y mettait du sien mais tout était allé trop vite. En se réveillant le lendemain matin, Gweld et Vesemir emmenaient le corps d'Ewelina. Quelques heures plus tard, Geralt se trouvait devant sa tombe tandis que Gweld lui demandait s'il souhaitait dire quelque chose. Timide et secret sur ses sentiments il ne dit pas grand-chose si ce n'est que la jeune femme était chérie et une bonne personne, il clôtura en exprimant son regret face sa disparition et alluma le bûcher.
Il partit immédiatement, sans récupérer ses affaires et en laissant le soin à Berengar de trier celles de l'alchimiste, il monta Ablette et s'en alla. Il se dirigea le plus au sud possible, loin du froid qu'Ewelina détestait tant sans avoir d'objectif autre que de continuer ce qu'il sait faire. Comme Eskel l'avait dit, le printemps était de retour.
En cette fin d'automne où Geralt m'a retrouvé pour me conter sa dernière aventure, je n'ai pas tout de suite saisie l'importance de la mission qui m'était confié. Mon ami n'avait jamais été bavard sur ses sentiments et seuls les plus visibles et rudimentaires pouvaient être décelés sur lui. Avait-il fait un effort ou avait-il fait une rétrospective sur lui ? Je ne sais pas tant et si bien que l'ami qui j'avais devant moi était boulversé.
̶ Tu veux te confier je le comprends, mais pourquoi maintenant après tant d'années ?
̶ Est-ce qu'il me faut une raison ?
̶ J'ai simplement toujours cru que les personnes auxquelles tu tenais se comptaient sur les doigts d'une main. Et maintenant j'apprends presque que tu as eu une autre vie avant nous.
̶ Tu exagères.
̶ Ok, peut-être. Et maintenant ?
̶ J'ai pris conscience de certaines choses. Notamment qu'il faut savoir apprécier ce l'on a vécu. Je pense j'en ai eu assez.
̶ J'ai du mal à y croire, j'ai toujours cru que je partirai avant toi.
̶ Moi aussi, je ne sais pas comment tu as survécu jusque-là.
̶ J'ai mes secrets, ahah. Et Ciri ?
̶ Je l'ai déjà vu, c'est la première que je suis allé voir. Tu es le dernier à qui je fais mes adieux.
̶ Je suis honoré.
Nous venions de terminer notre boisson, et je savourais ces derniers moments passés avec Geralt. Notre amitié a toujours été comme ça, il disparait puis réapparait pour me sauver la vie et on finit dans une taverne ou un bordel pendant une semaine. J'ai été si content à ses côtés et aujourd'hui je suis fière de lui et de ce qu'il a fait.
Mais je dois avouer que le voir si vulnérable et prêt à partir pour toujours me fend le cœur. Je me souviendrai de lui comme le sorceleur chasseur de monstres que j'ai connu.
̶ Alors l'aventure est finie ?
̶ J'en ai bien peur.
̶ Dans ce cas, à la tienne, Geralt, mon ami.
̶ À la tienne, mon frère.
Je ne le revis plus jamais, je sais simplement qu'il est parti pour Kaer Morhen, surement pour y finir ses jours.
La forteresse a été laissé à l'abandon après la grande bataille contre la Traque Sauvage. Trop de dégâts et plus aucun sorceleur pour s'en occuper, la forteresse avait été délaissé. Désormais en ruines, la nature avait repris son cours, non-seulement à Kaer Morhen mais également dans toute la région.
Beaucoup de monstres s'y été réfugiés, les nids y étaient nombreux et il serait dangereux de s'y promener seul.
Parfois, assis au bar de mon cabaret, je me souviens de cette époque où nous étions tous ensemble, j'ai parfois l'impression que c'était il y a plusieurs siècles, alors qu'il ne s'agissait que de plusieurs décennies. En un sens je comprends Ewelina qui s'est sentit si petite dans la vie d'un sorceleur, j'aurais pu l'être également si je n'avais pas survécu toutes ces fois où il m'a sauvé. Geralt a eu tant de vies à vivre, tant de choix à prendre, que d'imaginer mon ami mourir ne me semble être que la juste fin de son parcours.
J'espère, mais finalement, je sais, qu'il a fait ce qu'il voulait faire durant toutes ces années, et que, comme Ewelina, il part heureux de ce qu'il laisse derrière lui.
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