Chapitre 12


« Mon cher ami, comment vas-tu ? J'espère que cette lettre te parviendra et que tu n'es pas enfoui sous trois mètres de neige dans ta montagne. Bien des saisons sont passées depuis que nous nous sommes entrevus et j'aimerais de toi que tu règles ta dette concernant ton affaire avec ta comtesse.

J'ai, dans ma classe, une alchimiste très douée qui s'intéresse à tes garçons et leurs mutations. Geralt lui a fait grande impression et je souhaiterais qu'elle vienne à Kaer Morhen pour quelques saisons afin de travailler sur ces mutagènes dont ils disposent.

En échange, tu pourras garder une copie de ses manuscrits et lui demander de t'aider dans la préparation d'herbes, de potions, d'élixirs et que sais-je encore ! Mais fait bien attention, elle vient apprendre et découvrir, ce n'est pas une distraction et encore moins un professeur d'alchimie.

Elle arrivera quelques jours après cette lettre, si elle a survécu au froid du grand Nord, c'est une vraie sudiste.

Tu me dois bien ça,

Ton ami, Lavoisier » conclu Vesemir dans sa lecture.

Le vieux sorceleur avait effectivement une dette envers le doyen, et bien qu'il n'ait jamais été pressé de la régler, il dut avouer être content de clôturer ce chapitre en acceptant la venue d'une alchimiste. Il appela un des sorceleur venu pour passer l'hiver afin de l'aider à préparer l'arrivée de la jeune femme.

Gweld était un des plus fidèles amis de Geralt, il était grand et longiligne, les cheveux roux coupés négligemment par ses soins et il s'habillait souvent d'orange et de vert. Rien ne pouvait le détourner d'une partie de cartes bien arrosée mais il préférait jouer pour le savoir, à savoir des ragots, plutôt que pour l'argent. Géralt trouvait en lui un bouffon divertissant et un camarade de combat talentueux, son espièglerie avait souvent amené les deux compagnons dans des contrats sous-estimés, coûtant quelques cicatrices à chacun mais le Loup Blanc apprenait sans cesse de ses aventures avec lui.

Et c'est Gweld qui fut choisi pour préparer l'arrivée d'Ewelina ; celui-là même qui lut la lettre de Vesemir afin « d'en apprendre plus » selon ses dires mais surtout afin de charrier son ami d'enfance. Le plus vieux des sorceleurs lui demanda de réhabiliter le laboratoire de la forteresse afin que celui-ci soit utilisable. N'ayant pas de dortoir pour femme, elle y dormirait également. Et c'est ainsi qu'il emmena une poignée de jeunes garçons à peine muté pour l'aider à faire ce boulot.

La pièce était plutôt sale car peu utilisée, elle était de forme rectangulaire avec un arche en pierres au milieu. Il décida que la partie de gauche qui comportait la porte d'entrée ainsi qu'une grande baie vitrée donnant sur la cour, servirait de laboratoire, tandis que la pièce de droite avec son petit vitrail serait la partie chambre et bibliothèque.

Les enfants prirent peu de temps pour retirer les toiles d'araignée, la poussière sur les étagères ou encore épousseter les tapis et les tentures. Les meubles en bois furent amenés dehors par un groupe afin d'être polis et repeints tandis que l'autre groupe rapiéçait le vieux matelas du lit et stockait les livres, vivres et parchemins vierges dont elle pourrait avoir besoin.

Geralt entra dans la cour et observa son ami au loin, assis sur une marche d'escalier en train d'entretenir son épée alors que ses élèves semblaient punis. Il s'approcha d'eux en ordonnant à ses trois garçons d'aller se laver et écouter Vesemir dans ses leçons du jour.

̶ Qu'ont fait ces quatre-là pour que tu les obliges à nettoyer cette salle ?

̶ Est-ce que tu ne veux pas plutôt me demander ce que tu as fait ?

̶ Je ne vois pas de quoi tu parles.

̶ Oxenfurt, tu n'aurais pas rencontré une jeune alchimiste.

̶ Je vois, et comment tu es au courant ?

̶ Elle a envoyé une lettre, ta demoiselle arrive sous peu. Alors on a pris la liberté de s'occuper de sa nouvelle chambre.

̶ Donc elle a fini par accepter ma demande... Bonne nouvelle.

̶ Visiblement, nous allons avoir notre propre faiseuse de potions en tous genres. J'ai hâte d'essayer tout ça.

̶ L'hiver s'installe à peine, nous sommes là depuis peu de temps. Je ne pense pas que tu auras à utiliser ce qu'elle va fabriquer avant un moment.

̶ Peu importe. Rabat joie.

Geralt suivit son camarade dans le corridor avant d'entrer dans le laboratoire fraîchement décoré. La cheminée en face de la porte était remplie de bois et arborée plusieurs buches sur le dessus, une large table se trouvait sur la gauche en entrant avec un matériel ancien mais nettoyé, enfin une paillasse sur laquelle avait été disposé la panoplie du bon jardinier se trouvait sur la droite. Lorsque Geralt s'avança, il observa la deuxième partie du laboratoire. Après l'arche, un lit avait été placé à droite et faisait presque tâche au milieu de grandes bibliothèques dépareillées, forte heureusement les tapis et les tentures donnaient un côté chaleureux à la pièce et permettraient à la pierre de rester chaude pendant l'hiver.

̶ Si je ne te connaissais pas, je dirais que c'est ton amie que nous attendons.

̶ Donc tu avoues qu'il y a quelque chose.

̶ Pas du tout, je constate.

̶ Eh bien dans ce cas, si je constate qu'il n'y a rien entre vous. Je tenterai ma chance.

Les deux amis retournèrent à leurs occupations habituelles de la saison froide. L'école du loup était depuis bien longtemps entretenue par Vesemir seul, et afin de soulager sa tâche, et en échange du couvert et de l'abris, quelques sorceleurs venaient chaque année durant l'hiver. Comme vous l'avez déjà lu plutôt par votre humble serviteur, Geralt appréciait venir ici car au-delà de retrouver la seule famille qu'il connaissait à ce moment, il pouvait s'assurer que la relève était là et prête ; les temps étaient de plus en plus durs et l'histoire prouvera qu'il n'avait pas tords.

Ewelina arriva, comme prévu, quelques jours plus tard. Vesemir l'avait attendu à l'entrée de la montagne, sur son cheval, tandis que les garçons avaient été laissés aux mains des sorceleurs plus âgés. Elle arriva avec deux passeurs engagés pour assurer sa protection, néanmoins, ils la quittèrent une fois qu'ils virent Vesemir. La jeune femme lui fit bonne impression, elle se présenta, le remercia de l'accueillir et offrit immédiatement ses services, le vieux sorceleur était ravi.

Ils arrivèrent tout deux alors que l'entraînement à l'épée se déroulait dans la cour. Moins d'une dizaine d'enfants et d'adolescents étaient présents en face de trois sorceleurs ; Geralt, Gweld et Eskel. Ce dernier, tout juste avertis de la venue de la jeune femme s'empressa de terminer le cours afin de la saluer d'un large sourire.

̶ Mademoiselle, c'est un plaisir. Je suis Eskel.

̶ De même, Eskel. Je suis Ewelina, je viens de l'académie, j'espère que vous ne prendrez pas mal mon indiscrétion durant mon séjour.

̶ Aucun problème.

̶ Ewelina, ravis de te revoir. Tu as fait bonne route ?

̶ Geralt, également, longue et douloureuse mais je suis bien arrivée comme tu peux le voir.

̶ Ok, il la tutoie. Laisse tomber Eskel, on fait pas le poids, il a trop d'avance.

Eskel regarda Gweld qui venait de parler avant de se tourner vers Geralt qui tentait de masquer un sourire en coin. Vesemir continua la visite seul avec la jeune alchimiste de sorte à garder le plus de calme possible. Il n'était pas au courant de la nature de la relation qu'elle entretenait avec Geralt mais il avait tout de même un doute. Rien ne changeait selon lui, toutefois il décida qu'il garderait un œil sur eux.

Le vieux sorceleur l'amena au laboratoire en dernier, il avait fait brûler la cheminée afin de réchauffer la pièce et avait demandé à un des élèves de chauffer de l'eau pour son bain pendant qu'il lui faisait faire le tour de la forteresse. Bien conscient que les premières nuits de la jeune femme seraient difficiles, il souhaita tout mettre en œuvre pour l'aider à s'acclimater au temps du grand Nord.

Une fois Ewelina seule dans sa nouvelle chambre, elle arpenta le mobilier qu'elle trouva pittoresque et charmant. Les ustensiles qui lui avaient été confié, feraient l'affaire pour son temps ici et elle n'oublia pas qu'elle pourrait toujours demander à la chair de l'académie de lui en envoyer des neufs. Elle s'assit un instant sur le fauteuil proche de la cheminée, en tentant de réchauffer ses extrémités, elle retira le surplus de vêtements humides et gelés. Avec le froid, les cicatrices de ses blessures tirées sur sa peau, et elle décida de retirer le reste de ses vêtements afin de se glisser dans le bain qui lui avait été préparé.

La proximité de la baignoire et de la cheminée gardait l'eau à bonne température et lui permettait de se relaxer un long moment. Alors qu'elle somnolait, elle entendit frapper à la porte et demanda qui se trouvait de l'autre côté. Geralt répondit et elle le laissa rentrer non pas sans se glisser plus profondément dans le bain pour se cacher. Le sorceleur ricana à la posture de la jeune alchimiste avant de lui dire :

« Ils ont souhaité célébrer ton arrivée, tout le monde boit et Gweld veut t'affronter au Gwynt. Tu souhaites venir ? » fit-il en s'approchant de la baignoire, l'éclaboussant légèrement en plaçant sa main dans l'eau.

« Est-ce que ce n'est pas un peu tôt pour boire ? » répondit-elle avant de placer ses cheveux sur son buste de manière à se cacher un peu plus.

̶ Ewa, il fait nuit dehors. Et puis un verre de vin chaud te réchauffera autant que ton bain.

̶ Dans ce cas, je viens pour le Gwynt et le vin chaud. Mais laisse-moi un peu de temps pour m'habiller.

̶ Comme tu veux, je t'attends devant.

Contrairement à ce qu'aurait pu croire Vesemir, Ewelina ne mit pas beaucoup de temps à s'acclimater à Kaer Morhen, à dire vrai, elle n'avait jamais connu d'endroit aussi chaleureux. Sa chambre et son bain était chaud, sa soirée fut animée par des parties de cartes enflammées et des verres de vins bouillonnants, quant à sa nuit, elle fut réchauffée par un certain sorceleur aux cheveux blancs.

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