Chapitre 9 : Venandi 2/2
Le temps s'était comme figé dans la maison, depuis le départ de Kaeden. Il n'avait ni appelé ni envoyé de message, ce qui redoublait l'angoisse que ressentaient Max et Riley. Moi, j'étais toujours profondément endormi. Les deux avaient veillé toute la nuit, et avaient fini par tomber de fatigue dans en fin de matinée.
Edward avait été averti de ce qu'il s'était passé, du départ de Kaeden et de la venue de William, puis s'était mis en route pour arriver à Glasgow au plus vite. Avant tout, il voulait être près de son frère pour le soutenir. Celui-ci lui avait reproché de ne pas directement aller chercher et aider Kaeden... Et le Chef de meute avait répondu la même chose que William : Kaeden suivait son instinct, il savait ce qu'il faisait.
C'était difficile à concevoir pour eux parce qu'ils étaient – trop – impliqués émotionnellement pour prendre du recul. Puis, ils ne « pouvaient pas comprendre » ce qui guidait Kaeden. Personne ne pouvait le comprendre, en dehors d'Edward. On ne pouvait qu'avoir confiance en lui, en son jugement et en celui de sa Bête.
Ses paroles avaient mis Max hors de lui, plus angoissé encore Riley, mais le Chef de Meute n'avait pas changé son discours. C'était difficile à entendre, mais c'était comme ça.
Les deux s'étaient endormis dans la chambre de Max et Kaeden, au milieu de l'après-midi. Riley ne voulait pas me déranger dans mon sommeil, et préférait ne pas rester seul dans une pièce...
Pour la première fois depuis un moment, je m'étais réveillé sereinement. J'avais ouvert les yeux doucement, vite identifié que j'étais dans notre chambre, lavé et soigné. Malgré la bagarre, je n'étais pas trop courbaturé ou blessé. Je récupérais vite, spécificité familiale.
Après m'être sommairement habillé, passé par la salle d'eau pour me débarbouiller, je descendais pour rejoindre la cuisine où...
– Hey, déjà debout Oliver ?
Kaeden mangeait une pizza.
Le t-shirt tâché de sang, tout comme son visage, le regard d'un prédateur en chasse et le sourire du vainqueur qui fêtait sa conquête. J'aurais pu me sentir intimidé, quelques semaines en arrière, de le croiser dans cet état, vu notre relation tendue d'alors... Mais maintenant, ça m'intriguait plus que ça ne m'intimidait.
Une partie de moi était également admirative. Celle qui était la Bête en premier lieu, que je sentais frémir sous ma peau, et aussi de moi-même... Tenir tête à une Meute, seul, ce n'était pas rien. Surtout l'état dans lequel j'avais fini en me battant avec un seul de ses membres.
– Je, hm... Qu'est-ce qu'il s'est passé, exactement ?
Je rattrapais tout ce que j'avais loupé pendant mon petit somme, abasourdi par tout ce que j'apprenais. Enfin, surtout, ce qui m'importait, c'était ce qui concernait Riley.
– Il va bien, il se repose avec Max dans ma chambre.
– La porte était entrouverte, j'ai jeté un œil... Juste pour être sûr qu'il était encore là.
Max dormait sous sa forme de loup d'un côté du lit, tel un gardien incorruptible de son sommeil... Et je me surprenais à le jalouser. D'habitude, c'était moi qui veillais sur Riley la nuit.
– Et donc... Il s'est passé quoi chez... ehm... La Meute de Riley ?
– L'ex-Meute de Riley, corrigea-t-il, soudainement plus sérieux. Bien, j'y suis allé, j'ai déposé Reese dans un sale état – au passage, c'est vraiment impressionnant que tu sois autant en forme après avoir affronté un molosse pareil...
Personnellement, je me sentais diminué. Inutile. Incompétent. J'avais échoué à protéger Riley. J'avais eu besoin de l'intervention d'autrui pour qu'il soit hors de danger, et c'était tout bonnement insupportable ! Cela l'était d'autant plus que Kaeden comptait sur moi pour veiller sur lui en son absence, que lui n'avait eu aucun mal à soumettre un Lycan mieux portant que celui qui m'avait mit au tapis...
J'avais honte de moi, de ne pas être assez fort, et je redoutais que Kaeden soit déçu de moi. Quand bien même il n'était pas mon Chef de Meute et n'avait aucune attente légitime à avoir de moi... Ça me dérangeait qu'il puisse le penser. Et j'étais le seul responsable de ça, j'avais failli, je méritais qu'il soit déçu.
– J'ai demandé à voir Randy, l'aîné et l'actuel Chef de Meute, enchaîna-t-il alors.
D'après ce que Riley m'avait confié, son aîné était vraiment le cliché du Chef de Meute dominant physiquement ses congénères et les soumettant par la peur et la violence physique... Qu'importe la subtilité et le dialogue, tant que l'on avait la force et la peur de son côté.
Il passait son temps à l'éviter et à prier la Lune de ne pas s'attirer ses foudres, avec plus ou moins de réussite...
– On a parlé le même langage quand je l'ai soumis.
Et j'en restais sans voix, l'air idiot à le regarder avec mes gros yeux surpris.
– Moi-même je ne pensais pas y arriver, mais... Elle, elle savait pour moi. Pour nous.
Elle, sa Bête, avec qui il ne formait qu'Un maintenant.
– Enfin, je te passe les détails, j'ai revendiqué la tête de leur Meute, puis nous avons pu négocier ; tant que je n'entends plus parler d'eux, qu'ils n'entrent pas en contact de quelque manière que ce soit avec Riley, et qu'aucun d'eux ne cherche à m'affronter à nouveau, je laisse sa Meute à Randy.
– Alors ça veut dire que Riley est sans Meute ?
Il haussa les épaules :
– ll reste sous ma responsabilité et... Je pense qu'Edward le Marquera quand il estimera que le moment sera venu pour lui.
Tandis qu'il me proposait une part de pizza, du bruit se fit entendre à l'étage, des tap-tap dans l'escalier, puis Riley nous apparut, soulagé de nous voir tous les deux debout. Il fonça sur Kaeden pour le prendre dans ses bras, son cousin le réceptionna avec un large sourire.
Nos regards se croisèrent, Riley dévia le regard presqu'immédiatement, l'expression étrange. Je ne savais pas trop ce que ça voulait dire, s'il m'en voulait encore pour notre dispute ou non... Et ça ne me plaisait pas vraiment. Je préférerais qu'il me crie dessus une bonne fois plutôt que de m'éviter ou m'ignorer.
– Je peux savoir ce qu'il t'a pris de faire ça ? Lui reprocha Riley, on était morts d'inquiétude, Max et moi !
Kaeden roula des yeux en poussant un soupir.
Max avait tendance à le surprotéger, et si au début de leur relation ça lui avait plu et lui avait donné en confiance en lui, depuis quelque temps, il trouvait son attitude étouffante. Il ne pouvait pas faire quoique ce soit sans que son Uni s'inquiète, qu'il soit obligé de le rassurer, et c'était lourd d'avoir à le faire à tout bout de champ.
Kaeden ressentait le besoin de tenter de nouvelles expériences, voir du monde, de nouveaux endroits, et Max avait énormément de mal à ne pas montrer qu'il était inquiet pour lui.
Cependant, concernant Riley, il ferait une exception. Après tout, il venait à peine d'arriver, et c'était compréhensible qu'il s'angoisse pour ce genre de situation... Surtout vu le contexte. Puis, il était un Omega, il ne fallait pas l'oublier. Il avait besoin qu'on le protège et qu'on l'entoure, qui plus était un membre de sa famille.
Mais probablement que voir Kaeden à peine égratigné après avoir soumis le Chef de Meute qui lui servait de frère le tranquilliserait...
– Je t'ai dit que tes problèmes seraient les miens, non ? Murmura Kaeden, tout est réglé maintenant... On ne va plus entendre parler d'eux, et si jamais c'est le cas, ça ne va pas être une partie de plaisir pour eux.
Riley s'éloigna un peu pour l'interroger du regard :
– C'est vrai ? Ils ont... Laissé tomber ? Mais comment t'as fait ça ?
Ils s'étaient lâchés et installés à table, pendant que Kaeden résumait ce qu'il s'était passé à Riley. On vit clairement le soulagement sur son visage, même s'il n'était pas total, il était tout de même bien présent. Déjà, rien que de savoir que Kaeden était capable de tenir tête à son frère aîné et d'imposer ses conditions, ça devait grandement le rassurer.
– Personne ne va plus essayer de te contacter ou de te voir, puisque tu ne fais plus partie de leur Meute... Tu vas rester avec moi comme on l'avait convenu, que tu fasses partie de la Meute d'Edward ou pas.
– Il va vouloir me Marquer, hein ?
– Pas tant que toi et moi on ne l'aura pas décidé, d'accord ? Et si on ne le décide pas, il ne se passera rien.
Riley retourna dans ses bras et ne bougea pas pendant un moment.
– J'ai aussi récupéré quelques affaires à toi, murmura Kaeden au bout de plusieurs secondes, je me suis dit que ça te revenait de toute façon. Le sac dans le salon.
Sans attendre, Riley alla le chercher, déballa le contenu sur la table : quelques vêtements, des photos de lui plus jeune, seul ou avec son père – à qui il ressemblait beaucoup au niveau du visage – des bibelots avec une certaine valeur sentimentale qui l'avait fait sourire...
– Je ne me souviens pas de celle-là, murmura-t-il, quand on l'a prise, je veux dire...
Il observait une vieille photo où il devait avoir trois ou quatre ans, où il posait à côté de Kaeden, qui était âgé d'environ huit ou neuf ans. Ils se ressemblaient beaucoup, on aurait dit des frères plus que des cousins...
– Pour être honnête, je ne me souviens pas du tout non plus, souffla Kaeden, et j'avais totalement oublié ton existence jusqu'à cette que tu débarques ici... On ne parlait jamais de la Meute et de tout ce qu'il s'y rapportait avec mon père, alors... j'imagine que c'est normal.
– Moi, j'avais cette photo, et P'pa me parlait souvent de toi. Il disait que... que même si t'étais loin et qu'on ne se connaissait pas vraiment, tu restais un membre de la famille et...
Il marqua un temps de pause, l'expression douloureuse, hésitante, avant de lâcher finalement ces quelques mots :
– Je crois qu'il savait qu'un jour je partirais loin de la maison.
Il avait l'air soulagé comme si c'était un secret insupportable qu'il devait nous partager depuis un moment.
– Pourquoi aurait-il pensé ça ? Tu es celui qui était le moins susceptible de quitter la maison... Ce n'est pas dans l'ordre des choses qu'un Omega quitte sa Meute.
Même si Kaeden avait raison, Riley et moi savions qu'il n'était pas un Omega comme les autres.
Vu le contexte et l'ambiance dans lequel il avait vécu là-bas, ça ne m'étonnait pas qu'il se soit enfui. N'importe qui aurait quitté cet endroit s'il avait été à sa place.
Riley haussa les épaules, l'expression vague :
– Une sensation, c'est tout... Des fois il disait des trucs bizarres, et c'était toujours à moi, jamais aux autres, du coup... Il disait souvent que je ne devais pas avoir peur de l'inconnu, que je devais prendre des décisions radicales, même si ça me semblait compliqué et intimidant... C'est bizarre de dire ça à un Omega, non ?
Kaeden et moi changions un regard.
Effectivement, ce n'était pas vraiment des choses à dire à un Omega, quel que soit son âge. Peut-être qu'à force d'élever des Alphas, il en avait oublié que Riley n'en était pas un ? Même si ça semblait difficile, vu sa carrure.
Peut-être que cela expliquait en partie pourquoi Riley n'avait pas ces réflexes d'Omega... On ne lui avait jamais appris à agir comme tel – pire encore, on l'avait encouragé à lutter contre.
– Quand j'ai pris la décision de partir, murmura-t-il, j'étais terrifié... C'était dur de quitter le Territoire, j'étais vraiment pas bien mentalement et moralement les premières heures, mais... Je pensais sans arrêt à ce qu'il me disait, j'espérais que ça se calmerait quand je serais près de toi.
– Peut-être qu'il ne savait juste pas comment élever un Omega, voilà tout, tempéra Kaeden, c'est compliqué pour un Alpha de se mettre à la place d'un statut inférieur... Et puis tu as trois frères aînés qui sont des Alphas, ça doit jouer aussi.
Riley n'avait pas du tout l'air convaincu, comme s'il était totalement sûr que ce n'était pas une explication valable. Il connaissait son père mieux que personne. Celui-ci savait parfaitement distinguer ses fils et s'adapter à eux, surtout en ce qui concernait Riley, qui passait presque tout son temps avec lui.
– Oh, bon sang, c'est quoi ça ? S'étonna-t-il soudainement.
Il sortit une liasse de billets du sac, puis une seconde et une troisième, incrédule.
– Ta part de l'héritage, lui répondit Kaeden. On ira t'ouvrir un compte dans une banque dans quelques jours, on y mettra cet argent, comme ça tu auras de quoi voir venir quand tu en auras besoin.
– Randy m'a dit que je n'avais rien, que P'pa n'avait rien laissé pour moi...
Ce fut au tour de Kaeden de hausser les épaules avec le même air vague :
– En tout cas, c'est ce que Ronan m'a donné, il m'a dit qu'il avait mis ta part de côté. Il y a une sacrée somme, je ne pense pas qu'il m'ait menti là-dessus. Pas au risque de me remettre en colère. Et puis... Je suis là, moi aussi, en cas de besoin.
Riley reposa l'argent dans le sac :
– Tu peux reprendre ce que je te dois, il doit y avoir assez... Je crois ?
– Ce n'est pas important que tu me rembourses, d'accord ? Et puis je pense que ton père voudrait que tu en fasses quelque chose d'utile...
Les deux échangeaient un long regard, avant que Riley ne se retrouve dans ses bras à nouveau.
Il avait besoin de contacts physiques, on l'avait tous remarqué, et on avait tous tacitement convenu de ne pas le repousser. Ça pouvait paraître idiot vu de l'extérieur, mais ni moi ni Kaeden n'étions très habitués à ça, et on avait facilement un mouvement de recul réflexe si on ne s'en empêchait pas... Et Riley n'allait pas forcément vers Max pour le moment, alors, on devait bien faire quelques efforts pour qu'il se sente bien parmi nous.
Kaeden changea totalement de sujet au bout de quelques secondes, pas vraiment à l'aise dans cette conversation.
– Max dort encore ? Edward et Danny vont arriver bientôt et je ne sais pas où ils vont dormir...
Riley n'insista pas plus, le relâcha, referma son sac et le posa à ses pieds, avant de prendre à son tour une part de pizza.
– Au fait, je... Ton chef, ce William, là... Il m'a donné une carte avec une adresse et compagnie. Il veut qu'on aille le voir, toi et moi, pour discuter ou je ne sais quoi...
– À propos de quoi ?
Riley haussa les épaules :
– Des trucs sur moi. Je crois.
De toute façon, Kaeden devait rendre son 4X4 à William. Dans le feu de l'action, il n'avait même pas vu qu'il avait pris sa voiture...
– Je vais réveiller Max, qu'on trouve une solution pour Edward et Danny, toi tu te prépares pendant que je prends une douche. Et toi, m'adressa-t-il, tu te reposes. T'as une sale mine.
Ce qui n'était pas faux. J'avais perdu du sang et mon corps était éprouvé, bien que mon esprit soit totalement alerte.
Je n'aurais pas été contre quelques heures de repos en plus, mais je voulais quand même savoir si Riley allait bien avant. Et ce qu'il s'était passé après ma perte de conscience.
Les iris de Riley trouvèrent les miens, il avait l'air toujours aussi gêné et fuyant qu'avant.
– En fait, je... Je voudrais qu'Oliver vienne avec nous... Si tu veux bien, venir... ?
Surpris, je hochais la tête positivement. Ça me touchait qu'il voulait que je sois de la partie, surtout, vu qu'on s'était disputé juste avant l'attaque... Et qu'il aurait pu m'en vouloir ou m'éviter encore un moment.
– Comme vous voulez, conclut Kaeden, ce sera l'occasion de lui parler de Luther un peu plus en détail au passage... Je vais prendre une douche et on y va.
Une fois Kaeden monté à l'étage, Riley plongea son regard dans le mien, ne sachant pas trop comment j'allais l'accueillir. J'aurais bien pu lui en vouloir de son comportement, d'avoir fini dans cet état à cause de lui... Mais en réalité j'étais surtout inquiet qu'il m'en veuille pour ce que j'avais dit.
– Merci de m'avoir sauvé, murmura-t-il, les joues rougies, t'aurais pu m'envoyer chier comme moi je l'ai fait, mais... T'es plus intelligent que ça... Et sans toi, va savoir dans quel état je serais et où... Désolé de t'avoir crié dessus...
– C'est moi qui n'aurais pas dû te dire des choses pareilles, je suis désolé... J'ai pas été très malin et je... Je sais que c'est pas une excuse, mais... J'étais pas vraiment moi-même.
Il m'étudia de longues secondes, l'expression de quelqu'un désirant dire quelque chose, mais sans oser le faire.
La Défaillance c'était tout nouveau pour lui, et même si Kaeden essayait de lui expliquer le plus clairement possible, il ne pouvait pas tout comprendre sans le voir... Et pour être honnête, tout le monde sous ce toit préférerait qu'il ne le voie pas souvent – ou tout court.
Sans prévenir et sans que je ne m'y attende, il s'approcha de moi et m'enserra la taille avec ses bras, posant sa tête contre mon torse. Il était un peu tendu, ne sachant probablement pas comment j'allais réagir, mais il se relâcha quand j'avais refermé mes bras sur lui.
Je me sentais bizarre, tout chaud à l'intérieur, un peu déstabilisé et totalement gauche... Je n'avais aucune idée de si je devais dire ou faire quelque chose, ou si c'était mieux que je me taise au risque de gâcher ce moment.
C'était aussi agréable qu'inattendu, je ne voulais pas que ça s'arrête trop vite, voire jamais... Si on pouvait éviter de se disputer souvent, ce serait bien, même si les retrouvailles étaient plus qu'agréables.
– J'ai vraiment eu super peur, murmura-t-il, la voix tremblante.
– Je sais, je sais... Je suis désolé de ne pas t'avoir cru, c'est juste que... mes sens sont tellement sensibles d'habitude, je me fie tellement à eux et je... Je n'ai rien senti, rien vu, rien entendu.
Et ça me travaillait tout de même grandement.
J'avais tellement confiance en mes sens que ça me paraissait impossible qu'ils me trahissent... Et pourtant, le constat était là ! Riley avait eu plus d'instinct que moi sur ce coup-là, alors qu'il n'était qu'un Omega et avait donc les sens bien moins développés – du moins, en théorie.
Peut-être qu'ils les avaient développés avec le temps, forcé par le contexte dans lequel il avait grandi, pour se protéger, mais cela ne pouvait tout de même pas égaler ceux qu'un presqu'Alpha avaient. Surtout un presqu'Alpha avec une sensibilité comme la mienne, affûtés par des années d'apprentissage supervisées par mon père...
Pourtant le constat était là, j'avais raté quelque chose, que Riley avait senti, et ça m'angoissait de me rendre compte de ça. Si je n'étais pas capable de compter sur mes sens, comment j'allais surveiller Riley, protéger Riley ?
Et surtout, comment sentirais-je la présence de Luther, le cas échéant ?
– Hé, ça va aller ? Me demanda-t-il en levant ses yeux vers mon visage, tu tires une de ses têtes...
Je hochais simplement la tête, ce qui n'avait pas l'air de le rassurer.
– T'as mal quelque part ?
– À mon ego principalement, avais-je soupiré, tu sais que mon père a passé des heures à m'enseigner et m'entraîner pour que je tire le meilleur de mes capacités... Et qu'au final ça n'a servi à rien ? Je n'ai pas senti qu'on nous suivait au centre commercial ni qu'il y avait un d'ange potentiel pratiquement dans le jardin... Je pensais que je pouvais au moins compter sur ça.
– Mais tu peux compter là-dessus ! S'exclama-t-il en s'éloignant un peu de mes bras, juste assez pour qu'on se regarde dans les yeux, je veux dire... T'avais pas l'avantage du tout sur Reese dès le départ et t'as bien tenu... T'es même en forme pour ce que tu as encaissé !
Ne pas penser à ses références, ne pas penser dans quel état lui finissait quand il n'arrivait pas à se mettre à l'abri, ne surtout pas y penser...
– Alors, d'accord t'as pas senti sa présence, mais... Tu sais, j'ai toujours un espèce de truc dans le ventre quand il y a un de mes frères dans le coin, ou quand il y a quelqu'un qui m'observe ou me suit, donc... Toi, t'es juste plus courageux que moi, c'est tout.
– Je ne suis pas sûr que ce soit une si bonne chose que ça... Imagine qu'il y ait un danger dans le coin – au hasard, mon frère – et que je ne sente rien du tout ? Je suis à peine arrivé à tenir tête à ton frère, il n'arrive même pas à la cheville du mien... Je ne tiendrais même pas une minute. Et s'il s'en prend à toi après, hein ?
Riley m'étudia avec une expression que je détestais voir. Il savait déjà tout ça et il avait aussi peur que moi. Même si, avec un jour de chance, Luther le laisserait tranquille, étant donné qu'il n'avait rien à voir dans nos histoires... On ne pouvait pas en être sûrs.
L'influence de sa Bête était palpable dans ce genre de moment, même s'iels ne formaient qu'Un, et ce n'était pas une bonne nouvelle pour Riley.
– Ben, va falloir qu'on fasse équipe alors, sourit-il, bien que ce soit maladroit, moi je le sens, et toi tu lui fiches la raclée de sa vie, d'acc' ? On est deux, il est tout seul, on va forcément s'en tirer...
Du moins, c'était ce qu'on pensait pour se rassurer. Bien sûr qu'on ne ferait pas le poids. Bien sûr qu'il serait plus fort. Bien sûr qu'on ne s'en sortirait pas indemne, si tenté que l'on s'en sorte.
– Riley, soufflais-je alors, si jamais il débarque ici, il faut que tu me promettes que tu te mettras à l'abri, d'accord ? Je n'exagère pas quand je dis qu'il est capable de te faire du mal... Sa Bête a une sale influence sur lui même s'il est Un, tu comprends ? Elle est brutale et violente, si tu lui tiens tête ou que tu la regardes dans les yeux, elle va tout faire pour te soumettre, que tu sois de sa Meute ou pas... Alors, tu utilises toutes tes ressources pour échapper à ça, tu me le promets ?
Il hésita.
Après tout, moi, je n'étais pas resté en dehors de ses problèmes, je l'avais aidé et probablement que je lui avais sauvé la vie, alors que ça ne me concernait pas... Il se devait de me rendre la pareille, non ? Cependant, il restait lucide sur sa force et les capacités limitées qu'un Omega avait face à un Alpha...
– Riley, promets-le-moi... Je ne veux pas qu'il te fasse du mal, d'accord ? T'as rien à voir dans nos histoires, toi... Et tu n'as pas de quoi te défendre face à lui.
Il inspira profondément, avant de soupirer :
– Bien, d'accord... Je te promets que je ferais ce qu'il faut, si jamais ça arrive. Promis, juré.
– Merci, avais-je alors souri, sans me douter un seul instant que l'on pouvait interpréter cela tout autrement que « je me mettrais à l'abri » quand on s'appelait Riley.
– De toute façon, j'ai pas le choix, ça me ferait mal d'avoir à lui mettre la pâté, rit-il alors, t'imagines la honte pour lui ? Il y survivrait pas...
Je partageais son rire en imaginant parfaitement la scène, bien que cela soit totalement impossible et improbable... Je trouvais l'idée que Riley me sorte de ma galère séduisante, même si je savais parfaitement qu'il ne pouvait pas régler mes problèmes à ma place – personne ne pouvait les régler à ma place, pas même Max ou Edward. J'en étais sur et certain. Nous en étions sûr-e-s et certain-e-s.
Une autre chose dont on était sûr-e et certain-e, tous-tes les deux, c'était qu'on voulait Riley près de nous et nulle part ailleurs. Que c'était dur de se réveiller sans lui à nos côtés. Que nous avions vraiment eu peur de le perdre, qu'il soit blessé, qu'il m'en veuille à mort pour ce que nous avions dit – même si on le pensait...
Avec un geste sûr, mais doux, je passais ma main dans ses cheveux, pour caresser sa joue... Le tout en ayant le regard plongé droit dans le sien. Je devais dégageait quelque chose de perturbant, parce que Riley était totalement déstabilisé. Il m'interrogeait du regard, intimidé, le visage tout rouge, ne sachant probablement plus comment aligner ses pensées...
J'avais pris mon temps pour attirer son visage près du mien, histoire qu'il ait le temps de réagir, de me repousser, ne serait-ce que de lâcher un son, pour que je ne le fasse pas...
Mais il n'avait pas réagi, simplement fermer les paupières, un peu avant que je pose mes lèvres sur les siennes.
Ça n'avait duré qu'une seconde ou deux avant qu'il ne réagisse, que sa langue passe la barrière de nos lèvres pour caresser la mienne, que ses mains se retrouvent sur mes hanches, possessives, et... Étonnamment chaudes.
Pendant que nos langues dansaient un ballet endiablé, que nos visages s'empourpraient de plus belle et qu'aucun de nous deux n'osait vraiment caresser l'autre, une drôle de sensation nous envahissait. Un mélange entre la joie et l'excitation, une sorte de plénitude chaleureuse teintée d'un désir naissant... Tout du moins, pour ma part. Riley avait envie de moi et je le savais depuis un moment... Mais moi, c'était tout nouveau que j'ai envie de...
Il brisa notre baiser, comme s'il venait à peine de se rendre compte de ce que nous faisions et que c'était l'exact opposé de ce que nous avions décidé il y a peu...
– Je, hm, désolé... Je me suis un peu emballé, marmonna-t-il, le regard fuyant et les joues rougies. C'est de ta faute aussi, à m'embrasser comme ça, sans prévenir...
Je souriais, amusé, avant de déposer un baiser sur sa joue.
– Désolé, je n'ai pas pu résister, soufflais-je alors, j'avais très envie de... De t'embrasser.
– Je croyais qu'on devait... Rien changer et que tu avais pas envie de...
– Là, j'en avais envie. J'ai envie de t'embrasser.
Il me toisait sans comprendre. J'étais difficile à suivre, j'imagine, même si pour moi tout était parfaitement clair... Je voulais Riley près de moi, je voulais Riley pour moi, je refusais que qui que ce soit d'autre soit plus proche de lui que moi, et encore moins qu'on s'en prenne à lui sous mes yeux...
– Oli...
– J'ai cru que j'allais te perdre, avouais-je alors, et ça, c'est insupportable... Ça m'a mis hors de moi – véritablement hors de moi – qu'il essaye de s'en prendre à toi. Et je... Je sais que c'est stupide maintenant, mais sur le coup, j'ai cru que... Je ne te reverrais jamais, et... Et cette idée m'a brisé le cœur.
Et c'était sincère. J'avais plus eu peur qu'on s'en prenne à lui et qu'il meure que de mourir moi-même... Mon angoisse première était que Riley ne s'en sorte pas, ou qu'il disparaisse, et que je ne puisse rien faire pour l'en empêcher.
C'était à moi de protéger Riley, donc ce serait de ma faute s'il lui arrivait quelque chose. De ma faute s'il était blessé ou mourrait. De ma faute si je le perdais.
– Ça m'a fait me rendre compte que... Que je ne pouvais pas envisager de vivre si tu n'es pas dans le coin. Enfin, que je n'ai pas envie de vivre si tu n'es pas près de moi, ce serait plus juste. Et pour te garder, je suis prêt à tout faire.
Et j'étais totalement sérieux. Je n'étais pas le seul à l'être, d'ailleurs. Ma Bête frémissait sous ma peau, elle aussi elle trouvait que sa place était auprès de nous, et pour cela, elle était prête à tout faire, limite à tout lui passer !
– ... Moi aussi j'ai eu peur de te perdre, murmura-t-il, quand t'as perdu connaissance, j'ai cru que t'étais mort, et je... J'ai cru qu'on m'avait arraché une partie de moi, et que les derniers moments qu'on aurait passés ensemble ce serait... Une dispute débile. Et je veux pas que...
Ses mots se perdirent dans le silence. Sa gorge était nouée et je voyais ses yeux briller un peu plus que d'habitude...
Par instinct, je l'avais serré contre moi, ma main caressant son dos pour l'encourager, le réconforter. Il avait lâché quelques larmes, avant de se reprendre, de quitter mes bras pour me regarder droit dans les yeux :
– Q-Qu'est-ce qu'on fait, alors ? Au final, rien n'a vraiment changé depuis...
– Si, le coupais-je alors, si, il y a quelque chose qui a changé... J'ai vraiment cru que j'allais te perdre. Et je... Je ne veux pas que si ça arrive, je regrette de ne pas avoir été avec toi, de ne pas t'avoir dit des choses et... De ne pas t'avoir assez embrassé, et toutes ses choses.
Il restait silencieux, les choses fusaient dans son esprit et je voyais le tout s'agiter à travers ses iris... J'avais peur qu'il me repousse. Qu'entre temps, il se soit rendu compte que je n'étais pas celui qu'il pensait, que je n'étais pas à la hauteur, que ce soit pour le rendre heureux ou le protéger. Qu'au final, rien n'ait changé de son côté et que moi je me retrouve comme un idiot à avoir changé d'avis.
– Tu es... sérieux, quand tu dis ça... ?
Je hochais la tête avec conviction, avant que mes doigts ne caressent sa joue :
– Tu ne sais pas ce que je ferais pour toi, murmurais-je, ce que nous ferions pour toi...
– Elle aussi, elle...
– On te veut pour nous Riley, murmurais-je, le souffle rauque de ma Bête se mêlant au mien.
La voir ne semblait pas l'intimider ni même l'inquiéter. Pourtant, il y aurait eu de quoi... Quand elle était là, il y avait une lueur inquiétante dans mes yeux. Une sorte de lueur mortelle, sanguinaire, celle d'une Bête capable de pourchasser ses proies, de donner la mort le cas échéant, et surtout, de se satisfaire de cela jour après jour.
Même des Alphas pouvaient se retrouver mal à l'aise de voir cela, surtout sachant que j'étais Défaillant, mais Riley n'avait pas l'air d'avoir d'alarme « attention danger » résonnant en lui... Ce qui m'arrangeait bien, au final. Je ne voulais pas qu'il ait peur de moi, qu'il s'oblige à céder à tout ce que je voulais, alors que cela ne le mettait pas forcément à l'aise...
Un peu brusquement, il s'approcha de moi, pour plaquer ses lèvres sur les miennes sans la moindre douceur, avant de s'éloigner un peu, pour souffler, son ton trahissant clairement le même désir que son odeur... Et ça me plaisait bien.
– Ça tombe plutôt bien, susurra-t-il à mon oreille, parce que moi aussi je vous veux, toi et elle...
Il mordilla légèrement mon oreille, avant de déposer des baisers dans mon cou, pour finir par retrouver mes lèvres, reprendre possession de ma bouche... Mes mains atterrirent sur ses hanches, les siennes ébouriffant mes cheveux. Je me surprenais à bien aimer ça, finalement.
Pas que j'ai extrêmement envie d'aller plus loin, mais disons que ce n'était pas si rebutant que ça, finalement. Et puis, c'était Riley. Il pouvait bien me faire ce qu'il voulait, j'étais à peu près sûr que j'allais passer un bon moment, quand bien même ça ne m'emballait pas au début.
Quand l'air nous avait manqué, on s'était séparé, pour se bouffer des yeux, aussi éméché et rougi l'un que l'autre. Je me sentais flatté de sentir et voir à quel point il pouvait me désirer... Et aussi un peu mal de ne pas le désirer autant. Physiquement tel qu'il l'entendait lui, du moins.
Je voulais l'avoir dans mes bras et l'embrasser encore et encore, me satisfaire de ça... Cependant, je savais bien que lui en attendrait plus. Si ce n'était pas maintenant, cela arriverait bien un jour prochain.
Et je ne savais pas forcément comme m'y prendre, si j'étais réellement prêt à faire ça, si j'étais apte à lui apporter ce dont il avait besoin... À vraiment pouvoir le protéger et le rendre heureux.
– Oli, murmura-t-il alors, je sais que tu le sens, mais... Je suis très sérieux quand je te dis que je... que je te veux pour moi.
J'en étais parfaitement conscient, et même si je ne savais pas comment le lui dire, je l'étais également.
– Je n'ai aucune idée de ce qu'il faut faire ou dire... Va falloir que tu m'apprennes tout ça... Tout ce qu'on fait quand on... sort ensemble... je veux dire.
La surprise se lut sur son visage, et je m'étais surpris à aimer voir cela... Même si ça me déstabilisait un peu aussi d'avoir cette conversation. Je n'étais pas à l'aise du tout, je n'avais aucune idée de ce que je devais dire, si ce n'était pas trop tôt pour dire ceci ou cela... Et je n'avais pas envie de me planter, que Riley me trouve ridicule ou ce genre de choses.
– C'est vraiment ce que tu veux... ?
Je hochais la tête, ne sachant pas vraiment où je mettais les pieds, mais sûr et certain que c'était ce que je voulais et devais faire. C'était une conviction profonde que ma Bête partageait, comment cela pourrait-il être une erreur ?
– D'accord, donc... Leçon numéro une, dans ce cas...
Avec une délicatesse qui ne le caractérisait pas vraiment, il m'embrassa à nouveau. Sa langue caressa la mienne un long moment, je profitais pleinement de cela, surtout de sentir son corps collé au mien, ses mains dans mes cheveux... Ça me faisait frissonner d'aise.
On avait fini par devoir se séparer, à contrecœur. On avait beau avoir cédé à cette douce sirène qu'était notre rapprochement, nous restions lucides sur les doutes que nous avions...
Est-ce qu'on était réellement fait pour être l'un avec l'autre ? Était-ce réellement une bonne idée de se mettre ensemble, vu le contexte compliqué ? Est-ce que Kaeden et Max l'accepteraient, ou s'y opposeraient ?
En tout cas, on n'avait pas eu de mal à se mettre d'accord sur une certaine discrétion... Surtout au début. Je ne voulais pas qu'on nous sépare parce qu'on s'inquiétait pour Riley... Ou parce qu'on n'estimait pas que j'étais une bonne personne pour lui...
Et j'étais presque sûr que Kaeden ne penserait pas une seule seconde que Riley et moi étions faits pour être ensemble, que je sois capable de gérer notre relation en plus de ma Défaillance, que ma Bête soit apte à prendre soin de Riley, qui était, disons... Parfois difficile à suivre ou à gérer...
Sans compter que j'exposais Riley au danger que représentait Luther, et que, même si je le voulais très fort et que je donnais ma vie pour, je ne serais jamais sûr et certain que mon frère ne s'en prendrait jamais à lui.
🌕 🐺 🌕 🐺 🌕
Kaeden stoppa la voiture devant une grille en fer forgé noir, qui donnait sur un vaste domaine dissimulé derrière des arbres et autres fourrés.
Le silence était de mise dans la voiture, entre moi et Riley qui n'osions pas nous parler, encore moins nous regarder, de peur de trahir notre « rapprochement »... Kaeden avait l'esprit ailleurs et ne parlait pas vraiment, mais cela ne nous empêchait pas d'être un peu nerveux.
Une fois passé le portail, un petit chemin de terre serpentant entre des arbres et une végétation sauvage nous menait à une villa moderne et luxueuse. Des fleurs envahissaient les abords du bâtiment, embaumant l'air agréablement, surtout en cette fin d'après-midi chaude et agréable.
Un profond sentiment de sérénité nous avait envahis depuis que nous avions passé le portail, on s'y sentait chez soi, en sécurité, loin des angoisses, et du reste. C'était vraiment agréable d'être ici. Riley aussi semblait plus serein que jamais.
C'était tout à fait normal que nous soyons tous calmes, c'était l'effet qu'avait le Sanctuaire sur nous. C'était un savant mélange de Magie, sortilèges de défenses et autres mystères impénétrables gardés secrets, qui donnait cette impression de sécurité et de sérénité...
Le rôle d'un Sanctuaire était simple ; héberger, protéger et venir en aide aux Surnaturels qui en avaient besoin, quel qu'iel soit, et quel que soit son ou ses problème-s. N'importe quel Surnaturel pouvait s'occuper d'un Sanctuaire, même si principalement, c'étaient des affaires de Venandi, Sorciers et autres Mages...
Les Lycanthropes comme nous n'avaient pas besoin de sanctuaire ; enfin, à proprement parler, notre « Sanctuaire » était notre Territoire tout entier, et personne extérieure à la Meute n'avait rien à y faire.
Ce Sanctuaire était probablement l'endroit le plus sûr de tout Glasgow et ses alentours, et c'était plutôt une bonne chose de savoir qu'un endroit pareil était « proche » de nous.
Proche de Riley en cas de besoin, surtout...
Même si Luther ne respecterait que peu l'autorité d'un Venandi, il respecterait la sacralité d'un Sanctuaire... Peut-être même que son influence serait assez forte pour le calmer – l'espoir me faisait vivre, mais il avait au moins le mérite d'exister.
– J'imagine qu'on doit sonner, spécula Kaeden une fois devant l'entrée.
Il n'eut pas le temps d'appuyer sur la sonnette que la porte s'ouvrit, Angelo nous accueillit avec un sourire courtois, bien qu'un peu intimidé, avant de nous laisser entrer dans la villa.
L'endroit était gigantesque, l'ambiance moderne, un peu froide pour ce qui me concernait... Mais ce n'était pas forcément très étonnant.
Kaeden nous avait dit que William était issu d'une famille plus qu'aisée et ne s'en cachait pas vraiment. Même s'il restait toujours accessible et conscient de son statut privilégié, il mettait toujours un point d'honneur à s'habiller avec de beaux vêtements à la dernière mode, à déjeuner dans des restaurants de prestiges et à s'adonner à des activités que Riley qualifiait d'« activités de petit bourge plein aux as qui sait pas quoi faire de sa thune ».
Cependant, dans tout ce contexte très moderne auquel on n'était pas habitués tous les trois, il y avait une chose qui dénotait totalement... C'était les petits éléments tissés en macramé qui égayaient le tout, sur les murs ou les meubles. Les couleurs étaient bariolées, mais au moins ça apportait un peu de chaleur à cette décoration inspiration « intérieur d'hôpital », comme dirait Max.
On s'était installés dans le salon, où les canapés et les fauteuils en acier et cuir noir contrastaient fortement avec les coussins tissés aux couleurs criardes...
– Will ne devrait pas tarder, il termine son entraînement, nous adressa Angelo, une fois qu'on fut tous les trois assis, en attendant, vous désirez boire du thé ? Du café ?
– Du café, je pense qu'on en a tous les trois besoin, sourit Kaeden.
Angelo nous avait laissé quelques minutes, le temps d'aller préparer tout cela. On était restés silencieux comme dans la voiture en l'attendant, même si Riley était plus concentré à étudier les motifs de macramé des coussins...
William fit son apparition quelques minutes plus tard, en tenue d'entraînement ; un short noir, une serviette autour du cou, et surtout, plus de t-shirt.
Sa musculature était plus développée que son uniforme de la dernière fois laissait suggérer, sa peau était légèrement humide de sueur... Tout comme ses cheveux blonds étaient ramenés vers l'arrière.
– Ah, vous êtes là, constata-t-il, pas le moins du monde déstabilisé qu'on le voie à moitié nu.
– Dis, tu pourrais t'habiller un minimum, lui reprocha Angelo, déposant un plateau sur la table. C'est pas comme ça qu'on reçoit du monde...
William se contenta d'un sourire ravageur, un brin moqueur, s'empara d'une bouteille d'eau qui patientait sur un meuble, et en but le contenu en lui accordant toute son attention.
– Habille-toi, je te dis !
Angelo lui envoya un t-shirt dans les bras, contrarié, légèrement rosi au niveau des joues, avant de disparaître par la même porte que le Venandi avait empruntée pour nous trouver.
Il remarqua que Riley avait un coussin en main :
– C'est lui qui fait ses horreurs, lança William en s'installant sur un fauteuil en face de nous, il dit que ça rend la déco moins froide. Je crois que c'est plus une excuse pour marquer son Territoire. Enfin, vous voyez ce que je veux dire...
– Moi je trouve ça cool, lança Riley.
Kaeden sembla revenir sur terre :
– C'est pour parler déco que tu nous as fait venir ? On a pas vraiment le temps de discuter chiffon, Edward et Danny vont arriver dans une heure ou deux et je n'ai encore rien préparé...
William sourit, malicieux :
– Absolment pas... Je déteste parler chiffons et déco, tu le sais très bien... Je voulais qu'on parle de Riley officiellement, de Surnaturel à Surnaturel et pas d'employé à employeur.
– Je suis désolé pour les problèmes que j'ai causés, dit alors le concerné, je ne pensais pas qu'il viendrait jusqu'ici me chercher et... Je savais même pas ce que c'était un Venandi avant de, euh, ben... Qu'on m'explique ce que c'est ?
– C'est réglé, enchaîna Kaeden avec assurance, Riley ne fait plus partie de leur Meute, il va rester avec Max et moi, se tenir tranquille et tout va très bien se passer. Je suis aussi désolé pour ce qu'il s'est passé, je ne pensais pas qu'ils seraient assez malins pour le retrouver si loin de chez lui.
– J'ai pas été assez discret, je crois...
– Mais quoi qu'il en soit, ils ne risquent plus de venir sur ton Territoire pour y faire quoi que ce soit,que Riley soit là ou pas, donc...
– Hm, je vais te faire confiance... Mais ce n'est pas de ça que je veux parler, à vrai dire, mais je suis ravi de l'apprendre... je n'aime pas spécialement faire des heures supplémentaires.
Kaeden et Riley échangèrent un regard perplexe :
– Alors de quoi tu veux parler qui le concerne ?
– Pour être honnête avec vous, pendant la bagarre, j'ai tardé à intervenir sciemment. Je voulais observer ce qu'il se passait pour vérifier quelques petites choses. Angie m'a rapporté plusieurs éléments et j'ai trouvé certaines choses assez... parlantes.
Kaeden plissa le regard, intrigué, et aussi un peu inquiets pour Riley.
– Tu vois, Angie les surveillait depuis un petit moment, il est vraiment doué pour passer inaperçu, pister les gens, c'est son truc... C'est moi qui lui ai tout appris, mais il a un physique plus ordinaire et passe-partout que moi, et est donc bien plus efficace.
– Ouais, ben je l'ai vu, votre super pisteur et...
– Et c'est un exploit de taille, le coupa William, parfaitement sérieux, avant de boire de l'eau dans sa bouteille. Tu l'as prit de cours, il a paniqué et s'est enfui, mais... avant ça, tu l'as repéré. Tu l'as senti. Et ce bien qu'il soit très discret, à bonne distance – je sais exactement comment il piste quelqu'un.
Un silence s'installa.
– J'ai également noté que pendant la bagarre, tu ne t'es pas transformé une seule fois. Ce qui n'est pas naturel du tout pour un Lycan. Vous vous transformez par réflexe dès qu'un danger menace, parce que cette forme est la plus résistante, la moins vulnérable... C'est une question d'instinct de survie.
– Riley est un Omega, il tient plus de l'humain que du Lycan, et puis son instinct fonctionne un peu... Aléatoirement.
– Il y a cela aussi : tu as quoi, trois frères aînés, d'après ce que Max m'a dit ?
Riley hocha la tête positivement, ne voyant pas plus où il voulait en venir que nous.
– Tous des Alphas, je me trompe ? Sans doute aussi bien portant que celui que j'ai vu – si ce n'est plus, étant donné qu'il n'est pas à la tête de la Meute...
– C'est vrai, mais... ça peut arriver qu'un Chef de Meute ait des Bêtas ou des Omegas, non ? Regardez Kaeden, son père était un Alpha et il né Bêta...
William fit un oui de la tête, avant d'ajouter :
– Mais tu es un Omega. Ce n'est pas commun. Presque impossible qu'un couple d'Alpha donne naissance à un Omega. Un Bêta fragilisé, c'est toujours possible, mais... pas un Omega.
Je trouvais le visage de Riley, il avait l'air intrigué, curieux, mais pas forcément déstabilisé. En tout cas, pas autant que ce à quoi on aurait pu s'attendre.
Kaeden non plus, d'ailleurs, comme s'ils s'attendaient tous les deux à cette révélation, sans savoir pour autant savoir ce que c'était réellement.
– Je te trouve également très assuré pour un Omega, enchaîna William, tu n'es pas du tout intimidé par les Alphas, quand bien même s'agit-il de ton cousin et de Max. Généralement, les gens te trouvent effronté, peu respectueux de la hiérarchie, ce qui est normal, étant donné que tu ne ressens pas – ou très peu – l'influence de la supériorité de tes congénères... N'hésite pas à m'interrompre si je me trompe, hein.
Ce qui résonnait en lui comme en Kaeden. Moi-même j'avais noté cela sans plus chercher. Je pensais que vu sa Meute d'origine, on avait dû lui apprendre à aboyer fort pour se défendre. Ce serait plausible, avec trois aînés Alphas...
– Tu as également sur toi – tout le temps, sinon tu te sens nu et vulnérable – une arme blanche. Un couteau, me semble-t-il. Celui qu'Angie t'a rendu quand tu l'as perdu dans la bagarre.
Kaeden l'avait regardé avec de grands yeux surpris, mais Riley n'y faisait pas attention. Il était concentré sur le Venandi.
Visiblement, il lisait en lui comme dans un livre ouvert... Et il espérait – comme nous – qu'il ait enfin des réponses à ces questions qui nous hantaient et auxquelles on ne pouvait répondre que par « tu ne fonctionnes pas correctement ».
Après une seconde de battement, il sortit un couteau de chasse de la poche de son jean et le déposa sur la table basse. Autant dire que Kaeden le toisait avec un mélange de surprise et de réprobation, mais n'intervint pas pour autant.
– C'est vrai. Je l'ai toujours sur moi. Même quand je dors. Et c'est aussi vrai que sans je me sens nu et vulnérable.
Le visage du Venandi n'afficha pas une once de surprise. Riley enchaîna, se tournant vers Kaeden :
– Mon père m'a dit, avant de mourir, que Randy, Ronan et Reese n'étaient que mes demi-frères, lâcha-t-il alors. Ils ne le savent pas, et je ne devais le dire à personne, pour ma sécurité. Il ne m'a pas dit qui était ma mère, parce qu'elle est morte peu après ma naissance, mais il a dit qu'elle comptait beaucoup pour lui. Que c'était impossible qu'ils soient ensemble, même s'ils s'aimaient beaucoup.
Ses révélations jetèrent un froid dans la pièce. Sa voix était neutre, son cœur battait normalement, juste un peu plus fort que d'habitude. Kaeden le toisait avec une expression figée, surpris d'apprendre ça dans un premier lieu, mais aussi que son cousin ne lui ait strictement jamais parlé de ça avant.
– Je savais pas si je devais te le dire ou pas, s'excusa-t-il, la mine basse, je sais que c'est stupide, mais j'avais peur que tu... Je sais pas, que tu me chasses d'ici ou que t'es honte de... Enfin, tu vois...
Riley était ce qu'on appelait un enfant illégitime, et chez nous, Lycanthrope, c'était l'équivalent d'une erreur de la nature.
Normalement, une fois Uni-e, on ne changeait pas de partenaire. On n'allait pas voir ailleurs. Et si cela arrivait, par malheur, il convenait de réparer la faute en... supprimant la faute. Autrement dit, en se débarrassant de l'enfant et du parent gênant définitivement, que ce soit en les reniant, ou en les tuant, dans les cas les plus extrêmes.
Grandir en tant qu'enfant illégitime n'était pas simple, surtout lorsqu'on était un-e Lycanthrope, espèce qui accordait à sa descendance une place centrale au sein de sa vie, ainsi que de la vie de la Meute...
C'était donc normal que son père le protège en gardant ce secret. Ça prouvait bien qu'il tenait à Riley... Il l'avait gardé près de lui malgré son illégitimité, l'avait élevé comme ses autres fils, avait tout fait pour qu'il grandisse et trouve une place au sein de sa Meute.
Même si, finalement, tout cela ne l'avait pas autant protégé que cela, au moins Riley était en vie et en bonne santé grâce à lui et à ses mensonges...
– Je sais qu'il y a quelque chose qui cloche chez moi, enchaîna-t-il, quelque chose qui m'empêche d'être comme les autres Omegas... Mais P'pa est mort avant de me dire ce que c'était. Il disait que je devais être en âge de comprendre pour entendre ça, mais il n'a pas eu le temps de... Enfin, vous voyez. Vous le savez, n'est-ce pas ? Ce qui cloche chez moi...
William opina du chef, l'expression grave, presqu'inquiétante :
– Ton père avait raison de ne rien te dire, de ne rien dire à personne d'ailleurs. Ce que tu es est extrêmement rare, généralement... on tue ce genre de cas dès la naissance, car ils représentent une union charnelle désapprouvée par les deux parties. En soi, c'est un vrai miracle que tu sois encore en vie avec tout ce qu'il aurait pu t'arriver...
– Les deux partis de quoi ? Demanda Kaeden, inquiet.
La main de Riley trouva la mienne discrètement, il la serra, sans même s'en rendre compte.
Le Venandi laissa planer un petit suspens insupportable, et je craignais déjà savoir ce qu'il allait dire...
Ce qui ne m'empêchait pas de nier mentalement les faits supposés.
🌕 🐺 🌕 🐺 🌕
Hello tout le monde !
J'espère que ça va pour vous, malgré le contexte un peu... Compliqué on va dire !
Je devais imprimer et mettre de la merch à la vente et du coup, comme tout est fermé depuis ce week-end, j'ai mis en place des précommandes !
Il suffit de m'envoyer un message privé pour passer commande, ça vous assure d'avoir la merch (sous réserve de paiement) 😊
Il y a toutes les infos sur mon insta (@ haydn_sh) !
Je vous mets ce qu'il est possible de commander là :
Des stickers de différents formats de ces couples-là 😊
Une carte A6 de cette illustration ! (C'est aussi l'illustration inédite que les vainqueureuses ont remporté-e-s lors du concours !)
Les prix et modalités diverses sont sur mon insta ! Et si vous avez des questions n'hésitez pas à me les poser !
Sinon, une idée sur de ce qu'est Riley ? 🤔😏
La réponse la semaine prochaine !
À bientôt et prenez soin de vous et des autres !
Haydn
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