Chapitre 5 : Riley 1/2
Hello tout le monde !
Petite pause d'une semaine et on repars sur la publication de TWW - Oliver !
Il me fallait un peu de temps pour d'autres trucs dans mon planning, et comme je ne voulais pas foirer cette partie de chapitre, valait mieux décalé la publi à aujourd'hui !
Bonne lecture à vous !
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Après quelques jours passés sur l'île, nous étions rentrés à Glasgow, reprendre le cours normal de nos vies. Enfin, le cours plus ou moins normal de ma vie pour ma part.
Danny m'avait appelé dès le lendemain de la Lune Pleine, encore un peu sous les effets des calmants, pour me dire que tout allait bien et prendre de mes nouvelles. Je m'en voulais encore terriblement, et ce bien qu'il ait passé une bonne heure à essayer de me rassurer.
Pour le moment, Max préférait qu'aucun de nous ne parle des étrangetés de mon cas, pour ne pas les inquiéter... Mais cela ne changeait pas le fait que ce soit la réalité. Quelque chose clochait chez moi, quelque chose qui me rendait encore plus dangereux qu'un Défaillant normal – comme si cela ne suffisait pas que je le sois.
Max ne voulait pas inquiéter son frère plus qu'il ne l'était déjà. Peut-être qu'il avait peur qu'Edward appelle Luther, en désespoir de cause... Et ça, c'était exactement ce qu'il ne fallait pas faire. On le savait tous les deux, Max et moi, mais peut-être qu'Edward serait plus enclin à l'appeler pour qu'il règle mon problème si cela mettait Danny en danger.
Pour le moment, il restait vague, assurait que tout allait bien, et priait la Lune pour que son jumeau ne se méfie pas trop de ses petits mensonges par omission... Et que ça ne nous retombe pas dessus bientôt.
On espérait tous les deux que, quelque part dans ma mémoire, étaient enfouies des petites bribes de souvenirs de cas comme le mien, des choses capables de nous aider.
Après tout, j'avais passé ma vie dans les pattes de mon père, qui passait les deux tiers de son temps à gérer les Défaillants de l'Institut... Alors peut-être qu'il y avait des choses que je savais déjà, mais qui étaient profondément dissimulées dans ma mémoire ? Je n'avais qu'à m'en souvenir pour toucher du doigt la solution...
C'était si facile à imaginer – tellement plus dur à réaliser.
Durant les quelques jours de « vacances » sur l'île, j'étais resté dans ma chambre, prétextant avoir besoin de me reposer, alors qu'en réalité, je passais des heures à la recherche de mes souvenirs. Je somnolais quelques heures par-ci par-là, me réveillant presque toujours en sursaut, mais je passais le reste du temps penché sur un petit carnet, stylo à la main, à griffonner tout ce qui me passait par la tête qui concernait la Défaillance – de près ou de loin.
J'avais besoin de comprendre ce que j'avais, de mettre les pièces du puzzle dans l'ordre, et cela commençait par tout mettre à plat. C'était un joyeux bordel de notes, mots, morceaux de phrases, petits dessins parfois illisibles... Il n'y avait pas grand-chose de cohérent, mais au moins, c'était sous mes yeux.
Et depuis que j'avais fait le plus gros, je passais des heures à lire et relire ces mots qui cohabitaient et s'enchaînaient sans queue ni tête, juste dans l'espoir que cela ravive ma mémoire.
J'avais besoin de réponses à mes questions. Pourquoi étais-je aussi différent que les autres Défaillants que j'avais côtoyer ? Qu'est-ce qui clochait chez moi ? Est-ce que ma Défaillance particulière trahissait que j'avais un problème sous-jacent, du genre mental ?
Aucune idée.
Et ça finirait par me rendre fou de ne pas savoir. De me triturer les méninges toute la journée et toute la nuit comme ça, cela aurait raison de moi...
Le sommeil me fuyait à cause de cette tempête de pensées qu'il y avait dans mon crâne... et ça commençait à se voir sous mes yeux.
Une fois rentré à Glasgow, j'avais continué à lire et relire ce carnet, obsédé par l'idée que je savais forcément ce que j'avais, que c'était juste là, que je n'avais qu'à retrouver mes pensées pour me libérer de tout ça.
Je commençais à être à bout de force, et Max commençait à comprendre que quelque chose n'allait pas. Que ce n'était pas forcément uniquement la fatigue et le fait que je m'en veuille d'avoir blessé Danny qui me travaillait...
Depuis que je vivais ici, je n'osais pas aller en forêt comme je l'aurais fait chez moi ; je redoutais de tomber truffe à truffe avec un Lycan inconnu, de ne pas savoir quoi faire, que ça me retombe dessus – voir, de croiser Luther, totalement par hasard, au détour d'un buisson...
Max avait beau me répéter que Glasgow était une « zone neutre » et que je ne risquais rien à me promener en forêt, je me méfiais quand même ; le Territoire sur lequel on empiétait en sortant du jardin n'était pas le nôtre. Et même si la Meute concernée laissait un droit de passage, tant que l'on ne s'approchait pas de leurs habitations et que l'on ne chassait pas leur gibier, je ne croyais qu'à moitié la véracité des faits... Ce n'était pas quelque chose que je trouvais « normal » – ce n'était pas dans l'ordre des choses. Pas pour quelqu'un qui avait grandi au sein d'une Meute comme la mienne, en tout cas...
Mais surtout, ce que je redoutais le plus, c'était d'être intimidé en croisant un Alpha inconnu, de perdre le contrôle, que ça finisse mal, que ça retombe sur Max et qu'il ait des problèmes à cause de moi.
Aujourd'hui était différent.
Après des jours à me retourner le cerveau en fixant mon maudit carnet, j'avais besoin de prendre l'air, c'était vital. Je devais me vider la tête, de me dégourdir les pattes, quelque chose de ce genre. Du moins, ce fut ce que je m'étais dit en fixant le jardin depuis quelques dizaines de minutes, absent mentalement.
Le soleil brillait, la brise était légère et fraîche, j'entendais les oiseaux chanter même à l'intérieur... Et surtout, j'entendais en moi l'appel de la nature, l'appel de la liberté – ce besoin viscéral d'aller communier avec les éléments, dans cet environnement qui était le mien. Ça me semblait aussi vital que respirer et plus du tout intimidant.
C'était comme si mes angoisses avaient disparu, que cette terre était la mienne et considérée comme telle, alors que ce n'était pas du tout le cas... Comme si, d'un coup, j'avais décidé que quoi qu'il se passerait si je sortais, je serais capable d'y faire face. Ou pire ; je voulais y faire face.
Après avoir ouvert la porte-fenêtre machinalement, mon regard toujours perdu vers la forêt qui me faisait face, je traversais le jardin, suivi par les chiens. Ils n'avaient pas l'air de comprendre ce qu'il se passait – et pour être honnête, moi non plus.
Je me stoppais devant la petite porte qui séparait le jardin de la forêt – la maison du Territoire d'autrui, pour être tout à faire exact... Je ne réfléchissais plus du tout, je ressentais : je ressentais le besoin et l'envie d'aller courir cette terre inconnue, je ressentais que c'était la seule et unique chose que j'avais à faire. Tout me semblait sensoriel et non plus cérébral, c'était reposant, agréable. J'inspirais l'air à plein poumon en fermant les yeux... Quand je les rouvrit, je me sentais totalement serein, totalement sûr de moi. À ma place.
Dans un état second, j'enlevais mes vêtements, les laissant tomber au sol sans en tenir compte... Puis ma peau d'humain laissa place au poil blanc du loup.
J'avais l'impression d'être conscient et inconscient à la fois. Comme si mon esprit était présent, mais avait totalement renoncé aux réflexes instinctifs d'un Bêta ; se méfier, avoir peur, ne pas prendre trop de risque tout seul.
Une douce chaleur avait envahi mon corps, quelque chose d'apaisant, quelque chose qui me poussait à aller explorer, à prendre possession de cet espace et de tout ce qu'il s'y trouvait, peu importe que cela appartienne déjà à quelqu'un d'autre...
Mon cœur de loup battait d'une drôle de manière, pendant que la brise me caressait les poils.
Les effluves de la forêt me parvenaient plus nets que jamais ; ça sentait la terre, les fleurs, les feuilles et les plantes, la présence de proie il y a peu, les pierres réchauffées par le soleil... Tout comme les sons, allant du vent dans les feuilles aux chants des oiseaux, en passant par les craquements du sol sous les pattes des inconnus qui préféreraient ne pas croiser mon chemin...
Mon esprit était focalisé sur mes sens, mes instincts qui me poussaient à parcourir la terre, à m'en imprégner, à ne pas perdre une seconde à l'observer pour aller la vivre, la ressentir.
Bien. Je me sentais bien. De toute ma vie, je ne m'étais jamais senti aussi bien.
Après quelques secondes à profiter de cet instant, solennel, je me mettais en route. Je marchais çà et là, humant cette terre inconnue pour m'imprégner d'elle, l'écouter, la sentir, l'étudier, la comprendre. Je voulais identifier au maximum ce qui m'entourait, en faire mon environnement.
Ma terre.
De par mon éducation, j'avais des réflexes d'animal à demi sauvage, et une confiance inébranlable en ce que mon père m'avait appris depuis que j'étais en âge de me transformer... Ces enseignements qu'il tenait lui-même de son père, qui les tenait de son père avant lui et ainsi de suite, depuis des générations. Ces choses qui restaient et agissaient tels des phares en pleine tempête, à éclairer le chemin, et en lesquels j'avais une confiance aveugle.
C'était donc totalement confiant que je m'éloignais dans la forêt, sans regarder derrière moi une seule seconde.
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Ma balade dura des heures.
Je furetais çà et là, au gré des odeurs et bruits, suivant telle piste avant de bifurquer sur une autre, pour finalement trouver une chose, un endroit, qui n'avait rien à voir avec ce que je cherchais de base. J'avais totalement perdu la notion du temps et de l'espace, me laissant porter par mes instincts d'animal, sans laisser la moindre place à ma conscience humaine.
Quand je m'étais rendu compte de cela, le soleil se retirait pour peu à peu laisser place à la nuit. Il était tard, j'avais faim, soif, et j'étais fourbu par ces heures de marche.
Pendant que je lappais l'eau sur le bord d'un ruisseau, essayant de retracer mentalement le chemin du retour, un bruit attira mon attention.
Un craquement de branche, l'atterrissage d'un prédateur sur une pierre non loin de là.
J'observais le puissant Alpha au poil gris, dont les iris d'or ne me quittaient pas. Il ne semblait pas menaçant ou hostile, cependant je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir intimidé. Juste un peu pour ne pas attaquer frontalement ce type qui pourrait aisément se débarrasser de moi en quelques minutes – et définitivement.
Il s'approcha de moi, je ne savais pas trop comment réagir. Certes il n'avait pas l'air menaçant, mais il n'en était pas moins dangereux que ses dents s'approchent de ma gorge... Il aurait tous les droits de me l'ouvrir, après tout, j'étais chez lui.
Après de longues secondes insoutenables, il m'invita à le suivre. Ce que je fis. Je préférais qu'il me ramène chez lui et me fasse des remontrances sous forme humaine que de régler ça sous nos formes animales...
J'espérais aussi qu'il me laisserait appeler Max, parce que moi, je n'étais pas capable de rentrer tout seul.
Nous étions arrivés, quelques minutes plus tard, au milieu d'un village Lycan typique. Des chalets de bonnes tailles formaient un grand arc de cercle, au centre duquel était cultivé un grand potager. Il était possible de le traverser dans différents sens grâce à des ponts de bois, ce que nous avions fait afin de rejoindre la maison la plus imposante.
Celle juste en face de nous.
Des Bêtas sous forme humaine saluaient l'Alpha que je suivais, tout en arrosant ou récoltant les fruits de leur labeur commun. Tout le monde avait l'air parfaitement détendu, pas le moins du monde agressif, même s'ils posaient sur moi un regard curieux... Probablement dû à la couleur de mon poil.
Sur le perron de la plus grande maison, un Louveteau attendait, agité, assis sur la rambarde. Il devait avoir une dizaine d'années, les cheveux bruns foncés, le visage malin parsemé de taches de rousseurs... À côté de lui patientaient quelques vêtements trop grands pour lui.
Dès qu'il vit l'Alpha, il bondit de la rambarde, visiblement soulagé, et se retrouva dans les bras de celui-ci dès qu'il retrouva des traits humains...
Pendant qu'il s'habillait, le petit m'observait avec curiosité et méfiance mêlée.
– Tout va bien, dit alors l'Alpha – probablement son père, va aider ta mère et ta tante avec le dîner, je vous rejoins vite.
Le Louveteau, bien que boudeur, s'en alla à travers le potager, non sans lancer des regards curieux vers moi plusieurs fois.
Dès qu'il disparut dans une maison, l'Alpha s'adressa à moi :
– Suis-moi, on sera mieux à l'intérieur pour discuter.
Je le suivis sans hésiter.
L'intérieur de la maison n'avait rien à envier à la mienne... Enfin, à celle dans laquelle j'avais grandi.
La décoration y était rustique, mais égayée par des touches élégantes, des couleurs chaudes faisaient qu'on se sentait immédiatement bien ici, comme chez soi. Des plantes envahissaient l'espace, que ce soit dans des pots suspendus ou tombant des poutres afin d'être séchés, ou dévalant les meubles, tout en les habillant. De discrets effluves de fleurs se laissaient deviner derrière des odeurs familières de plantes aromatiques, qui envahissaient mes narines, m'ouvrant encore un peu plus l'appétit...
L'Alpha déposa une couverture sur la table basse et passa dans la cuisine, séparée du salon par une cloison-bar, me laissant reprendre ma forme humaine en toute tranquillité. Je m'enroulais dans la couverture, plus par respect pour mon hôte que réelle pudeur.
– Il faut excuser mon petit, dit l'Alpha en faisant chauffer une casserole d'eau. Il est impressionnable, à son âge...
Je pris place sur une chaise haute, silencieux, détaillant toujours l'intérieur. Le silence prit place quelques instants, et fut brisé lorsqu'il déposa deux tasses sur le plan de travail du bar, une devant moi, une devant lui.
Son visage était carré, franc, hâlé par le soleil saisonnier, durci par une épaisse barbe, adouci par un éclat chaleureux dans les yeux et un sourire engageant.
– Tu es le premier poil blanc qu'il croise, il a cru que tu étais un fantôme, rit-il alors franchement.
Je partageais son sourire, puis, une fois assuré que j'étais à mon aise, il chercha du thé, qu'il fit infuser dans l'eau. Quand il fut prêt, il servit les deux tasses, et s'installa en face de moi, toujours aussi avenant.
– Je m'appelle David, se présenta-t-il alors. Je suis le Chef de cette Meute. Et toi, tu étais en vadrouille sur notre Territoire.
– Oh, je... Je suis désolé. Je suis parti et... Je n'ai pas fait attention à où j'allais.
– Ne t'en fait pas pour ça, on n'est pas très territoriaux ici... Enfin, moins qu'ailleurs. Tu dois être Oliver, c'est ça ? Tu vis chez Max depuis quelque temps, si j'ai bien suivi.
Je le toisais avec des yeux surpris – comment savait-il tout ça ?
– C-Comment vous le savez ? Je veux dire... Oui, je suis Oliver.
Il me sourit alors :
– On m'a prévenu qu'un poil blanc pouvait se perdre dans le coin, à l'occasion. C'est assez rare, les poils blancs, ici. Puis mon frère m'a dit que tu vivais avec Maximilian.
Il souffla sur son thé, le temps pour moi de prendre ses paroles.
– Votre frère ?
– Tu vois le restau en ville ? C'est mon frère qui s'en occupe, des membres de ma Meute qui y travaillent. Et ce que tu manges là-bas est cultivé sous ma fenêtre.
Je jetais un coup d'œil par la fenêtre par réflexe, surpris, bien que j'aurais pu m'en douter ! Je me sentais un eu bête.
J'humais mon thé aux herbes avant d'en boire une gorgée, la chaleur me faisait du bien, comme l'odeur me détendit encore un peu plus que je ne l'étais déjà.
– Je me suis un peu perdu, avouais-je alors en reposant la tasse, je n'ai pas fait attention à où j'allais et je... J'ai perdu la notion du temps. Est-ce que je pourrais utiliser votre téléphone pour appeler Max ? Il doit se demander où je suis et si je vais bien...
– Les téléphones ne passent pas ici, mais je vais te ramener chez toi, je devais livrer quelques petites choses à mon frère de toute façon.
– Oh, euh, merci... Je suis encore désolé pour avoir fait peur à votre fils, je ne l'ai ni vu ni entendu. D'ailleurs je ne savais pas que votre village était dans les environs.
Il m'avait souri :
– Ne t'inquiète pas, c'est un Louveteau qui a de la ressource... Même s'il a une imagination débordante parfois. En ce moment, il s'est mis dans la tête de devenir chasseur, il rôde autour du village durant des heures pour s'entraîner... Si tu ne l'as ni vu ni entendu, c'est qu'il progresse.
Pendant que l'on finissait nos tasses, nous avions discuté de tout et de rien, avant de se mettre en route pour la ville. J'espérais que Max ne s'inquiète pas trop de ne pas me trouver à la maison quand il était rentré...
🌕 🐺 🌕 🐺 🌕
Le trajet me paraissait long. J'avais dérivé en forêt un moment sans me soucier ni de l'heure ni du chemin... mais à ce point ? Mon estomac en vrac me faisait regretter mon escapade...
Le 4X4 break rouge sang filait à travers le chemin forestier sans mal, puis sur les routes bétonnées, jusqu'à arriver aux abords de la ville. Puis du quartier résidentiel dans lequel Max et Kaeden vivaient, la rue, et enfin, la maison !
J'étais ravi de sortir de cet enfer sur roue – ça arrivait à point nommé, parce que je n'aurais pas supporté la voiture encore longtemps.
– Qu'est-ce que c'est que ce bordel, gronda mon conducteur en se détachant, ces humains, toujours à fourrer leur nez là où il ne faut pas...!
Rageusement, il descendit de la voiture et referma la portière derrière lui, tandis que moi je me détachais à peine, le regard rivé sur les deux voitures de police garées devant la maison. Les questions plein la tête et la peur qu'il soit arrivé quelque chose à Max ou Kaeden – et que ce soit à cause de Luther – me tordirent l'estomac.
Deux agents questionnaient Kaeden, visiblement en un seul morceau, sur le perron.
Voir David au portail interpella Kaeden, qui fut plus sur ses gardes que jamais. Même s'il connaissait le Chef de Meute de vue et de réputation, il ne l'avait entraperçu que quelques fois au restaurant, jamais en dehors. Et pour cause : il ne se rendait en ville que pour y livrer des aliments, et y restait le moins de temps possible... Le voir là n'était pas impossible, mais presque... Ce qui ne le rassura pas vraiment.
Il n'écoutait plus un traître mot de ce que l'agent de police lui disait depuis qu'il avait reconnu David, et ne tint plus du tout compte du type qui s'adressait à lui dès qu'il me vit passer le portail. Le soulagement s'empara de lui, tandis qu'il s'élançait pour vérifier que j'étais réellement en un seul morceau.
– Bon sang, Oliver ! S'exclama-t-il en me prenant les épaules, où est-ce que tu étais passé ? T'aurais pu laisser un mot pour dire que tu t'en allais, j'ai cru que... qu'il t'était arrivé quelque chose.
Quelque chose comme la visite de Luther, par exemple. Je m'en voulais un peu de lui faire vivre ça, mais d'un autre côté, je n'avais pas l'impression que c'était si grave que ça. J'étais parti sans rien dire, et alors ? Je pouvais encore faire ce que je voulais, non ? Et puis, je ne risquais rien – du moins, c'était ce que je ressentais – ce que la Bête ressentait ?
Le regard de Kaeden me scannait avec ce froncement de sourcil indiquant qu'il sentait quelque chose, sans pour autant comprendre de quoi il s'agissait véritablement.
– Tout va bien ?
Je hochais la tête machinalement :
– J'ai faim et je voudrais me reposer, lâchais-je alors, d'une voix calme et grave qui ne me ressemblait pas trop.
– Il a marché un petit moment, dit alors David, accoudé au portail, je l'ai retrouvé près de chez moi – mais tout à l'air en ordre, n'est-ce pas, Oliver ?
Je hochais la tête pour confirmer.
Après quelques explications et questions que les agents m'avaient posées et que je trouvais idiotes, les agents quittèrent la propriété pour remonter en voiture.
– Aucune effraction à signaler, annonça un autre agent en déboulant de l'entrée, oh, vous devez être Oliver, enchanté.
Il me serrait la main, glissa quelques mots à l'oreille de Kaeden, avant de rejoindre ses collègues dans une voiture.
Au moment où j'allais ouvrir la bouche pour demander pourquoi il agissait aussi bizarrement, ce type, je compris tout seul :
– Oh, mon Oncle, quel plaisir de te voir, lança-t-il au Chef de Meute, qu'est-ce que tu fais là ? Un problème au restau ?
Il lui avait sans doute expliqué qu'il m'avait ramené, parce que le neveu me salua avec un grand sourire.
– Qu'est-ce qu'il se passe ? Demandais-je à Kaeden, une fois tout le monde monter dans les voitures. Tu as appelé la police à cause de moi ?
– Que tu disparaisses, ça ne m'aurait pas plus inquiété que ça si tu n'avais pas laissé tes affaires au bout du jardin... J'ai cru que quelque chose t'avait forcé à te cacher dans les bois.
– Je, Mh, je suis désolé... J'étais... j'avais la tête ailleurs quand je suis parti et je... j'aurais dû laisser un mot.
– Probablement, marmonna-t-il, mais j'aurais de toute façon appelé les flics.
– Ah bon ? Pourquoi ça ?
– On nous a cambriolés.
Il pénétra dans l'entrée, pendant que je le regardais avec de gros yeux choqués.
Qui était assez idiot pour cambrioler la maison de Lycanthrope ? Au-delà de l'intrusion, qui était en soi un manque flagrant de respect et limite une déclaration de guerre, un Lycan dont la truffe était affûtée pour pister des proies pouvaient aisément identifier une odeur et la suivent même en ville...
À l'intérieur, tout était sens dessus dessous. Tous les tiroirs avaient été enlevés des meubles, retournés par terre ou sur le canapé, la bibliothèque avait été vidée de ses livres et des bibelots de valeur. Tout ce qui était habituellement sur le canapé gisait au sol, remplacé par le contenu des tiroirs – voir les tiroirs eux-mêmes. Dans la cuisine, les placards et le frigo étaient ouverts, éventrés pour la plupart.
À l'étage, il les chambres avaient été visitées aussi, mais seule la chambre de Kaeden et Max avaiet été dévastée. Celle que j'occupais avait simplement le lit défait, quelques affaires manquaient dans l'armoire, mais pas de désordre ou de casse. Idem pour la salle de bain.
Les chiens étaient toujours dans le jardin, pas conscients pour un sous de ce qu'il s'était passé – et heureusement pas blessés.
– Regarde-moi ce travail, marmonna Kaeden en ramassant quelques babioles abîmées, j'ai dit que rien ne manquait pour ne pas qu'ils fouinent dans le coin, on ne sait jamais... Mais il manque quelques petites choses quand même.
– Quoi ?
– De l'argent que je gardais de côté au cas où, quelques babioles de valeur du rez-de-chaussée, de la nourriture, et... Ma guitare. Celle que Max m'avait offerte au début... Enfin tu vois.
Ce dernier point m'interpellait. Pourquoi prendre une guitare qui n'avait pas de valeur ? Je l'avais vue, elle n'avait rien d'extravagant, pas de signature d'une star du rock ou quoi que ce soit qui la rendait unique. C'était un instrument banal, comme il en existait des milliers dans le pays.
Kaeden croisa mon regard :
– Tu penses la même chose que moi, j'imagine. « Pourquoi voler cette guitare sans valeur marchande ».
Sans doute uniquement parce qu'elle avait une valeur sentimentale et que lea voleur-euse le savait.
– Je crois savoir pourquoi, murmurais-je alors, je sens son odeur.
Visiblement, cela le surprenait. Lui aussi avait un odorat fin, mais n'avait jamais appris à l'affûter, encore moins à pister quoi que ce soit.
– Je la sens aussi. Je la connais, je sais que je la connais, mais... Je ne pense pas que ce soit... possible.
Max entra à cet instant précis, oscillant entre suprise et inquiétude, avant de finalement semblé soulagé en nous voyant en un seul morceau au milieu du salon dévasté.
– Qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? Vous allez bien ?
– Quand je suis rentré, c'était déjà comme ça, marmonna Kaeden. Et Oli était parti faire un tour, les chiens vont bien. Le neveu de David était avec les flics, alors... pas de soucis à se faire de ce côté-là.
Comprenez qu'il ferait en sorte soit d'étouffer l'affaire, soit de la faire oublier, afin de protéger notre petit secret. Il n'était jamais bon que des humains – ou quelle que soit l'espèce surnaturelle, d'ailleurs – mette son nez dans les affaires de Lycanthropes.
– Je vais essayer de suivre cette odeur, annonça Kaeden en se dirigeant vers la porte d'entrée.
Max le retint par le bras quand il passa près de lui :
– Hep, hep, hep, où est-ce que tu vas aller à cette heure ? Peut-être que Luther est dans le coin... ou que ce type est dangereux... Ou va savoir quoi d'autre. Il faut être inconscient ou très sur de soi pour visiter une maison de Lycans sans autorisation...
Kaeden soupira en roulant des yeux :
– Je sais ce que je fais, et je sais me défendre tout seul... Et ce n'est pas l'odeur de Luther.
Max se tournait vers moi, comme pour être sûr que ce n'était pas l'odeur de mon aîné. Je hochais la tête positivement.
Elle était reconnaissable entre mille, cette odeur ! Mais Max n'avait pas le flair très développé, encore moins quand cela concernait ses proches...
Ses doutes étaient légitimes, après tout. Si Luther s'en prenait à Kaeden pour n'importe quelle raison, il y avait fort à parier que ça finirait dans un bain de sang, et que l'on déplorerait un mort ou deux, au moins...
La nuit était fraîche pour la saison, et la pluie menaçait de tomber. Ce qui aurait effacé la piste. Étant donné que Kaeden était motivé à arpenter les rues pour retrouver le voleur, je m'étais senti obligé de l'aider. Après tout, je sentais cette odeur nettement et on m'avait appris à pister quand j'étais jeune... Puis, j'étais chasseur au sein de ma Meute avant d'arriver ici, alors... Autant que ça serve.
Et puis Max remettait de l'ordre dans la maison, alors si je pouvais éviter d'avoir à le faire, je n'allais pas me gêner.
Je ne savais pas encore ce que je chassais, mais une chose était sûre : ce n'était pas un sanglier. L'odeur était plus humaine, plus délicate, même si elle était chargée avec des effluves de transpiration...
J'humais autour de moi en prenant soin d'être discret. On ne savait jamais si quelqu'un observait derrière ses rideaux... Mieux valait être prudent dans ce genre d'environnement.
J'avançais en me fiant uniquement à mon odorat, les yeux clos, et la certitude que je m'approchais de ma proie. Je sentais cette chaleur en moi, cette sensation d'adrénaline, cette chose addictive, comme lorsque je chassais avec ma Meute – et, bon sang, ça m'avait manqué ! C'était aussi assez inattendu que je renoue avec la chasse en compagnie de Kaeden. Même s'il n'était pas là, je sentais sa présence non loin d'ici, je savais qu'il cherchait la même chose que moi, et ce moment d'union dans l'épreuve était plus que savoureux pour moi.
J'imagine que je devais aimer la chasse bien plus que ce que je pensais jusqu'à présent... Du moins, j'avais l'impression d'avoir négligé une partie de moi durant tout ce temps, et c'était avec soulagement et excitation que je renouais avec.
Des souvenirs remontaient à ma mémoire, de ces moments où, plus jeune, je partais en forêt, à la recherche de Max parti en leçon avec un Alpha ou mon père. Je finissais toujours par les retrouver, assez facilement généralement, même si parfois mon père se cachait pour me rendre la tâche plus difficile.
Père disait que j'avais un bon instinct, mais que je devais le travailler pour l'affûter au maximum, mais moi, je pensais simplement qu'il s'agissait de chance.
Peut-être que j'allais réviser mon jugement, à présent.
Parce que je venais de trouver le voleur.
Du moins, c'était ce que j'en avais déduit, vu qu'il portait mes vêtements.
Et surtout, cette odeur.
L'odeur envahissait mes narines, ajouté à cela celle nauséabonde des bennes débordantes d'ordures, arrosées d'urine, qu'il y avait dans cette ruelle sordide... C'était une de ses ruelles que l'on voyait dans les films, où on retrouvait un cadavre ou qu'on poignardait quelqu'un avant de mettre sa dépouille dans une poubelle.
J'étais si perdu dans mes souvenirs que je n'avais pas remarqué le changement d'environnement entre le quartier résidentiel tranquille et les bas fonds sombres, composés de hauts bâtiments peu engageants et de petites ruelles étroites et humides... Ca sentait les ordures moisissantes, les égouts et l'urine pas fraîche.
Je fronçais le visage en sentant cette odeur nauséabonde, rebutante. Vite, qu'on en finisse, songeais-je alors, mon nez refusant de respirer cet air dégueulasse plus que nécessaire...
C'était là que je l'avais trouvé.
Couché pitoyablement sur le sol, la respiration sifflante et difficile, tentant de retenir des gémissements douloureux. Il reniflait, sans doute pleurait-il, c'était difficile de voir tellement il faisait sombre dans cette ruelle. Je l'observais essayer de gérer sa douleur, sa respiration et ses pleurs en même temps, ce qui n'avait ni l'air agréable ni l'air de marcher.
Il a l'air fragile, notais-je alors, ayant un peu pitié, il fallait l'avouer. Sa carrure était frêle, sans doute trop maigre, perdu dans des vêtements deux tailles trop grand – dont mon t-shirt et un jean appartenant à Kaeden.
Le voir ainsi couché par terre, abattu, confortait dans cette idée. Il devait probablement être un Omega – ou alors un Bêta qui n'avait pas fini sa croissance – plus jeune que moi, ça, c'était certain...
En tout cas, cela expliquerait l'audace – ou l'inconscience – dont il avait fait preuve en cambriolant une maison de Lycan... Il en était lui-même un. Mais enfin... C'était tout de même stupide de sa part.
Soudainement, il releva la tête, et ses iris, d'un vert clair, me fusillèrent alors. Je constatais qu'il était véritablement un Omega, qu'il tenait plus de l'humain que du Lycan, et qu'il... Essayait de m'intimider.
En théorie, il devrait me craindre, se soumettre à moi et m'implorer de l'emmener dans un endroit où il serait en sécurité, mais... Ce n'était clairement pas ce qu'il faisait ou avait l'intention de faire.
Il se releva difficilement, essayant de faire comme si ça ne le faisait pas atrocement souffrir, le tout en me menaçant du regard
– Qu'est-ce que tu veux toi ? M'attaqua-t-il, t'as un problème ?
– Hm, non... À vrai dire, je suis à la recherche de quelqu'un.
Il n'avait pas compris qu'il s'agissait de lui.
– Alors bouge de là ! Je sais pas qui tu cherches, mais il est pas là, dégage d'ici !
Je n'avais pas bougé d'un millimètre, ce qui le mit hors de lui – enfin, un peu plus qu'il ne l'était déjà...
C'était définitivement celui que je cherchais. Plus largement, celui que Kaeden cherchait.
Il n'y avait pas que son odeur pour me le confirmer ; son visage également. Et cet éclat furieux dans son regard qui me rappelait vaguement quelqu'un...
🌕 🐺 🌕 🐺 🌕
Si vous avez suivi (sur mon insta (@ haydn_sh), vous savez presque déjà qui est Riley :B (Pour la séance de rattrapage, c'est dans mon avant dernier post :D)
Sinon, des spéculations sur le nouveau venu ? Genre, son lien avec Kaeden par exemple ? 🤭😏
À la semaine prochaine :D
Haydn
(Credit : KTnijwam Swargiary)
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