Chapitre 2 : Défaillant 2/2
– Max... Je dois te dire un truc, disons... un peu embarrassant.
« – Hum ? Oui, je t'écoute ? »
– Ben je... Je crois qu'avant de m'enfuir je... Je crois que je suis Défaillant.
Gros blanc.
« – Attends... Quoi ? Tu crois l'être ou tu l'es effectivement ? »
Cela me prit une seconde pour trouver mes mots :
– Bien... Je l'ai défié – un énorme trou noir – le hurlement de la Mise à Mort... C'est tout ce dont je me souviens. Mais tu sais exactement ce que ça veut dire, de défier un Alpha, non ? Un Chef de Meute en prime et... Luther.
« – Ok, Ok... Donc tu n'es pas sûr ? Peut-être que ce n'est qu'une sorte d'amnésie passagère, vu l'état dans lequel tu es arrivé, ou... Que c'est aller trop vite... Et que tu n'as pas tout compris. »
Soudainement, je fus totalement sûr de moi, sûr de ce que j'avais vu, même si objectivement ce n'était pas vrai, je savais que j'avais raison. Et cela se sentait dans ma voix.
– Max... Je suis un Bêta, j'ai défié un Alpha, je me suis battu avec au moins un Alpha de ma Meute, je suis Défaillant... Et puis je sens des drôles de choses... Qui ne sont pas habituelles.
« – Quel genre de chose exactement ? »
– Je ne... Je ne sais pas comment l'expliquer... Je... Je me sens... Différent...
Il était bien placé pour comprendre ce que je racontais ; avant que mon père ne pose un diagnostic clair et net, ni lui ni son père ne pouvaient être sûrs qu'il était Défaillant. Contrairement à Luther, qui l'avait senti de suite...
Ces cas étaient les plus dangereux et les plus difficiles à gérer, tout simplement parce que ressentir la Bête permettait de la comprendre avec l'expérience... Alors que ces patients-là ne sentaient rien, donc ne pouvaient pas la comprendre – et même si, par miracle, ils y parvenaient, ce n'était jamais très stable... Et pas forcément durable.
« – Est-ce que... Eddy est au courant ? »
– Non, je... Je n'ai pas osé lui dire... J'avais peur qu'il... Enfin tu vois.
« – Oli, tu dois lui dire au plus vite, la Lune Pleine aura lieu demain soir... Il faut qu'il t'emmène au Manoir, au cas où tu serais effectivement Défaillant. C'est dangereux pour la Meute que tu restes sur place, tu comprends ? »
– Oui, je comprends...
« – Eddy m'a déjà vu partir en vrille, ça ne devrait pas trop le chambouler, ce que tu vas lui dire... »
– T-Tu crois ? Si jamais... Si jamais Edward le prend mal, je... Je ne lui ai pas dit avant alors que je le savais...
« – Ne t'inquiète pas pour ça, il a l'habitude de gérer les problèmes... Et il doit comprendre aussi que tu aies plus confiance en moi qu'en lui pour le moment. »
– Je vais lui dire quand il rentrera et... Merci. J'espère qu'on va vite se revoir.
« – Bien sûr qu'on va se revoir... Je suis sûr que tu as bien grandi depuis la dernière fois que je t'ai vu, et je veux voir ça de mes propres yeux. »
Il n'imaginait pas à quel point... J'avais une dizaine d'années à l'époque, et aujourd'hui, j'avais presque vingt ans. Autant dire qu'en presque dix ans, il s'était passé des choses dans ma tête et au niveau de mon physique !
Après un échange de cordialités, et la promesse qu'il m'appellerait bientôt, il avait raccroché.
Je me sentais un peu étrange après ce coup de fil. Je ne pensais pas que Max serait aussi... Le même que dans mes souvenirs.
Même si j'imaginais bien que le temps avait fait son œuvre sur lui aussi, il avait la même chaleur dans la voix, même si elle était plus grave. Je ressentais la même proximité avec lui, comme si on s'était quittés la veille, que durant ses dix ans nous étions restés en contact... Alors qu'il n'en était rien.
Ça me rassurait un peu. Même si toute ma vie avait radicalement changé, que mon chemin (quasi) tout tracé avait laissé place à un autre plus incertain et escarpé, il y avait au moins une chose qui n'avait pas changé... Un fil rouge, une constante, quelque chose de solide à quoi se raccrocher – c'était Max, et ça me faisait beaucoup de bien que ce soit lui.
– Tout s'est bien passé ? Me demanda Danny, quelques minutes plus tard, en se réinstallant à table.
– Euh, oui... Il m'a dit qu'il rappellerait bientôt et qu'on se verrait vite.
– Te voilà rassuré... Eddy m'a chargé de quelques petites choses aujourd'hui, si tu veux m'accompagner on pourrait chercher quelques vêtements plus à ton goût... Quelques affaires de toilettes aussi. Sinon, tu peux te reposer ici, je dirais à Ricky de passer voir si tu vas bien dans quelques heures.
– Hm, tu vas... en ville ?
– Au centre commercial, oui. Tu n'as pas l'habitude de la foule et de la zone urbaine, d'après ce qu'on m'a dit.
Je secouais la tête négativement. En réalité, je n'avais jamais mis les pieds dans un centre commercial de ma vie. La première fois que j'étais allé en ville remontait au... Soir de ma fuite.
Nous vivions tellement isolés que même des Alphas de notre Meute n'avaient qu'une vague idée de ce qu'était une ville... On avait la TV et des connexions wifi, mais il était rare qu'on passe des heures devant... On avait tous l'habitude de passer plus de temps dehors que dedans, et tout le monde était heureux ainsi.
– Tu peux essayer et si tu te sens mal, on rentrera ?
– Hem, je... Je ne pense pas que ce soit une bonne idée... En fait je... Je dois absolument parler à Edward de quelque chose.
Il m'étudia avec curiosité :
– Je suis son bras droit, tout ce que tu vas lui dire, je le saurais forcément... Alors tu peux aussi bien me le dire, je lui transmettrais.
Je le regardais avec malaise pendant de longues secondes, tendues, alors que rassemblait mon courage et mes mots pour lui balancer ce que...
– Je suis Défaillant.
Voilà, la bombe était lâchée.
Visiblement, Danny ne s'y attendait et ne savait pas comment réagir. Il m'étudiait avec de grands yeux, déstabilisé, ne sachant pas quoi répondre.
Et moi, je ne savais pas quoi ajouter de plus.
🌕🐺🌕🐺🌕
Une fois le petit-déjeuner terminé, j'étais monté m'allonger dans une chambre d'ami à l'étage, pendant que Danny était parti faire ses emplettes. Je m'étais allongé, perdu dans mes pensées sombres, pour au final m'endormir. Je n'avais même pas entendu Rick passer voir si j'allais bien, dans la matinée.
Danny était passé chercher quelques affaires pour moi et ça m'avait fait très plaisir. Même si je n'avais jamais été très matérialiste, tout ce que je possédais à présent tenait dans un sac à dos... Alors ça me faisait du bien d'avoir à nouveau quelques petites choses « à moi ».
Il avait tenu à ce que je fasse des essayages pour vérifier que tout m'allait. Il y avait trois tenues complètes – t-shirts, sweats, jeans, classique, mais efficace – une veste, des sous-vêtements, une paire de baskets, quelques produits pour me laver...
Il m'avait également pris une montre et quelques personnes étaient venues dans l'après-midi pour déposer des affaires. Que ce soit des habits, des livres ou des bibelots qui prenaient la poussière dans les chambres de leurs adolescents... Que je pouvais mettre dans ma chambre. C'était un moyen pour me « mettre à l'aise », avait dit Danny, pour que je me sente plus « chez moi ».
Ça n'avait l'air de rien comme ça, mais pour moi c'était sécurisant. Comme si cela voulait dire « tu vas rester près de nous un moment » et « on veut que tu sois bien ici ».
Puis, Edward était rentré en début soirée, et tout avait l'air parfaitement normal pour eux. Moi, j'étais encore un peu intimidé, et je ne savais pas trop quoi dire ou quoi faire... Je n'osais pas les regarder dans les yeux ou parler trop fort, encore moins me servir à manger ou même un verre d'eau tout seul.
– Bon sang, je meurs de faim, lança Edward en s'installant à la table de la cuisine, tien, vous avez fait une séance shopping tous les deux...
J'avais gardé sur moi la dernière tenue que j'avais essayée.
– C'est Danny qui a tout choisi, murmurais-je alors.
C'était classique, mais amplement suffisant pour moi. De toute façon, je n'allais pas faire la fine bouche... Pas dans ma situation.
– Moi aussi je le laisse jouer les stylistes, me chuchota-t-il, avant de se tourner vers son Uni, qui sortait le plat du four : Max à rappeler au fait ?
Danny hocha la tête positivement, puis Edward se tourna vers moi :
– Je lui ai parlé, oui, marmonnais-je. Et je... Je dois te dire un truc, d'ailleurs...
Son visage devint plus sérieux, mais pas moins encourageant, ce qui ne m'empêchait pas de triturer mes doigts, stressé, incapable de le regarder dans les yeux :
– J'avais peur de ta réaction en te le disant avant... Je sais que c'est stupide, mais...
– Hé, me coupa-t-il avec douceur, dis-moi ce qui te tracasse... Sans avoir peur des conséquences, ni de moi, ni de rien du tout.
– Ben je... Je suis... Défaillant.
Il semblait surpris, mais pas intimidé ou en colère. Ce qui restait plus ou moins positif... Je crois ?
– Je vois, lâcha-t-il finalement, c'est pour ça que tu voulais parler à Max, j'imagine...
– Je sais que c'est stupide, mais... Quand vous m'avez dit qu'il n'était plus là, j'ai pensé que c'était à cause de sa Défaillance et que... Que vous n'alliez pas vous embarrasser de moi si je l'étais aussi...
Les deux échangèrent un regard, avant qu'Edward me réponde :
– C'est normal que tu sois sur tes gardes, d'accord ? Ce n'est pas simple ce que tu vis... On va trouver une solution. On va t'aider – ça va bien se passer.
Sans prévenir, des larmes dévalèrent mes joues silencieusement, il prit une seconde pour en essuyer une avec douceur. Puis il m'avait serré contre lui. Je me sentais rassuré, d'un coup. Bien sûr, je n'étais pas sorti d'affaire, mais je me sentais soulagé qu'il ne me demande pas de partir sur-le-champ à cause du danger que je représentais.
Ou pire, qu'il appelle Luther, qu'il règle lui-même ce qui le concernait directement...
On était resté un long moment comme ça, avant qu'Edward ne s'adresse à Danny, à mi-voix :
– Je n'aurais pas le temps d'aller au Manoir, et j'imagine que Max non plus...
– Ça va aller, sourit Danny, je peux l'accompagner, moi... Si on part demain matin, on sera là-bas juste à temps.
Edward hésita un peu, et je le comprenais. Danny avait beau être le Second de la Meute, ce n'était pas un Alpha très dominant... En réalité, « Second » était un statut que le Chef de Meute donnait à son bras droit, il n'y avait pas de prérequis physique ou de Dominance – sauf si le Chef de Meute en décidait ainsi. Et ce n'était pas parce qu'il était Dominant qu'Edward l'avait choisi, davantage parce qu'il avait le sens de l'organisation et qu'il était d'une nature calme, pacifique.
– Hm, tu... Tu es sûr que c'est une bonne idée ? Ça risque d'être dangereux... Et tu seras tout seul sur l'île.
– Je me souviens, mais ça devrait aller...
Il se souvenait des pertes de contrôle de Max, quand ils étaient plus jeunes. C'était impressionnant et passablement dangereux pour lui, qui ne pouvait pas se défendre face à un Défaillant plus gros que lui et très remonté.
– Je sais ce que tu penses, mais... Je suis plus âgé, et Oli n'est pas plus gros que moi, donc ça devrait aller. On s'entend bien, je suis sûr que ça va bien se passer.
Edward hésita un long moment. Ce n'était pas rien pour lui de savoir son Uni si loin, seul, face à un Défaillant. Mais il savait bien que de toute façon, nous n'avions pas le choix... Si Max et Edward ne pouvaient pas le faire... Il n'y avait que lui.
– Bon d'accord, soupira-t-il, je vais appeler Max, qu'il se débrouille pour vous rejoindre au plus vite... Au cas où... Vous seriez blessés.
Un long silence prit place, teinté d'inquiétude et d'appréhension.
Dans les faits, Danny n'avait pas tort ; il était un Alpha mieux portant et plus âgé, donc il n'aurait rien à craindre d'un petit Bêta plus jeune... Mais le fait que j'étais Défaillant changeait totalement la donne.
Surtout, j'avais en tête l'image après mon blackout : ma Meute, des Alphas plus gros que moi, habitués à se battre et à donner la mort, à terre, incapable de se relever... Et moi, encore debout, encore capable de fuir, de raisonner, même éprouvé physiquement.
Et Danny allait passer une Lune Pleine, seul, sur une île, face à moi, face à ma Bête... Face à tout ce qu'elle pouvait faire comme mal – un carnage.
La conversation s'était finie là, nous étions passés à table, abordant d'autres sujets qui n'étaient pas du tout liés à moi. Ils géraient la Meute après tout, il y avait d'autres choses que moi dans leurs vies.
🌕🐺🌕🐺🌕
Le soleil se levait à peine lorsque Danny et moi étions partis le lendemain. Edward avait chargé nos affaires, après avoir préparé le petit-déjeuner, essayant de dissimuler son inquiétude – et sans doute, un peu sa frustration, de voir son Uni s'éloigner de lui dans un moment si important, pour aller dans un endroit isolé, avec quelqu'un d'autre que lui.
Après un dernier baiser, à travers la portière, Danny avait démarré et Edward n'avait pas quitté la voiture des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse entre les arbres.
De longues heures de trajet plus tard que j'avais passée à somnoler en écoutant la radio par bribes, nous étions arrivés à bon port. Littéralement, puisque nous devions prendre le bateau.
C'était la première fois de toute ma vie que je voyais la mer. Et ça me fascinait, au moins autant que ça m'effrayait. Le soleil commençait à se coucher, baignant le tableau dans une douce couleur orange... J'aurais voulu que l'on ait plus de temps pour me balader le long de la plage, admirer ce paysage qui sortait de mon ordinaire, mais le temps pressait.
Nous devions arriver au manoir au plus vite. Il nous fallait encore ranger les quelques courses que nous avions faites juste avant, préparer notre nuit – et ce, avant que le soleil soit entièrement couché et la Lune levée.
Étant donné qu'aucun de nous deux ne savait naviguer, on s'était fait déposer sur l'île. Et de toute façon, même si nous savions utiliser cet engin de malheur qu'était un bateau, nous n'aurions pas été en état : on avait tous les deux le mal de mer. Et pas qu'un petit passager...
– Oh seigneur, souffla Danny en mettant le pied à terre, et dire qu'on va devoir faire le retour...
– Ne m'en parle pas, j'ai l'impression que mon estomac à oublier où était sa place là-dedans...
Mais pas le temps de tergiverser plus, nous devions être près d'ici une vingtaine de minutes.
Après avoir brièvement fait le tour du propriétaire, installé mon sac sur un lit et mis à disposition de la viande fraîche et de l'eau, Danny et moi nous étions retrouvés sur le muret qui délimitait le jardin, attendant que l'heure fatidique arrive.
Je redoutais ce moment au moins autant que je l'attendais.
D'ici quelques instants, je serais totalement fixé.
Une partie de moi se raccrochait à l'idée que je n'étais pas Défaillant. C'était stupide, j'étais bien placé pour savoir que je l'étais... Mais je ne pouvais pas m'empêcher d'espérer que non. Tant que ce ne serait pas acté et tangible, un infime petit espoir était permis, et je n'avais que ça en tête, ces dernières heures.
Cela arrangerait nettement mes affaires de ne pas l'être. Enfin, j'imagine que ça arrangerait tout le monde que je ne le sois pas... La situation était déjà suffisamment compliquée : entre Luther qui devait me courir après, Edward qui était bien gentil de m'accueillir chez lui, le changement d'environnement... Je préférerais ne pas ajouter « gérer ma Défaillance » à la liste.
Mais les souvenirs partiels que j'avais de cette nuit-là étaient allaient tous dans un sens ; celui où j'étais Défaillant. Et ça je ne pouvais pas l'ignorer.
Pendant que je me perdais dans mes pensées, les derniers rayons du soleil disparurent, ceux de la Lune caressèrent ma peau humaine, qui laissa place aux poils du loup, mes dents à des crocs, mes ongles à des griffes...
Mon poil était blanc depuis toujours, c'était une particularité familiale dont ma Meute était fière ! J'avais une petite tâche grise claire sur le flanc gauche, ce qui semblait intriguer Danny, qui humait l'endroit avant de le lécher...
D'ailleurs, en parlant de lui, j'étais étonné qu'il ait lui aussi un poil blanc, plus long que la norme habituelle de la région. Comme s'il venait d'un pays plus froid – ou, du moins, que ses ancêtres en étaient originaires. Il était un peu plus grand que moi, mais il ne m'effrayait pas pour autant :
Il dégageait quelque chose de très sécurisant, de doux, de presque maternel. Habituellement les Mâles Alpha étaient plutôt imposants, dominateurs, intimidants... Mais ce n'était pas son cas à lui. Lui, n'importe qui, qu'il soit Louveteau ou adulte, Mâle ou Femelle, Bêta ou Omega, se sentait en sécurité vis-à-vis de lui... Et ça, ce n'était pas commun.
Mes pensées humaines laissèrent place rapidement aux instincts de l'animal – plus primitives, mais aussi plus sereines.
Comme j'étais un jeune adulte, j'avais envie de jouer, de me dépenser... Et je ne sentais rien d'étrange par rapport à la Défaillance. Pas d'envie de sang, de me battre, de soumettre Danny. Ce qui ne voulait pas dire que je ne l'étais pas pour autant. Parfois, cela ne se manifestait pas immédiatement. Il fallait passer la nuit avant de pouvoir poser ce diagnostic fermement.
Danny se laissait chercher docilement, même s'il ne devait pas avoir du tout envie de jouer. Il était plus vieux, plus mature, donc... Moins intéressé par les jeux.
Mais il faisait des efforts pour moi. Il se laissait courser, sauter dessus, et ne répliquait pas vraiment. Quand il le faisait, c'était avec précaution, pour ne pas me blesser, pour ne pas déclencher la colère de la Bête...
C'était assez étrange, mais plus la nuit avançait, plus je me sentais à l'aise. Certes, j'étais loin de chez moi, avec un Alpha que je connaissais à peine, la Défaillance planant au-dessus de ma tête, mais... Je me sentais bien. Totalement bien. Comme si j'étais ici chez moi. Avec quelqu'un de confiance.
Et ça faisait du bien.
Ce qui ne m'était plus vraiment arrivé depuis la mort de mon père. De son vivant, je passais les Lunes Pleines dans ses pattes. Il ne voulait pas que je m'éloigne de lui, et ce malgré le fait que je le gênais ou le ralentissais...
Puis à sa mort, je restais près des Alphas chargés de protéger la Meute des Défaillants de l'Institut – mais ce n'était pas pareil. Malgré le fait que je sois le frère du Chef de Meute, j'étais comme tous les autres membres vulnérables...
Après avoir parcouru l'île en long, en large et en travers, quand les instincts de l'animal m'avaient fait oublier mes mornes pensées humaines, quand nous avions fini de hurler un peu à la Lune, et fini de remplis nos estomacs avec de la viande, je me sentais mieux que jamais. Vraiment bien. Et j'étais ravi de partager ce moment avec Danny. J'espérais que lui aussi.
Mais je n'en doutais pas vraiment, je voyais sa queue battre l'air et son regard brillant. Lui aussi était content d'être là. Avec moi.
Juste nous deux, à se regarder dans le blanc des yeux, en cette nuit de communion, où tous les cœurs des Lycanthropes quels qu'ils soient battaient à l'unisson.
🌕🐺🌕🐺🌕
Je me réveillais en sursaut, soudainement oppressé par quelque chose de plus gros que moi, qui me fit bondir du lit, puis perdre l'équilibre, pour m'écraser au sol.
J'avais une peur panique qui me submergeait, comme une grosse vague en pleine tempête, qui m'engloutissait sous les eaux froides et déchaînées... Et j'étais totalement incapable de retrouver la surface.
Cela dura à peine quelques secondes, avant que je retrouve la réalité, que je me relève, le souffle court et le cœur battant à tout rompre, de la sueur sur le front...
J'étais dans « ma » chambre, celle où j'avais déposé mon sac la veille, assis sur le sol, et...
J'avais mal partout.
Un rapide état des lieux m'indiquait que je n'étais pas blessé, mais courbaturé. Ce qui m'avait fait soupirer de soulagement...
Juste avant que je percute un léger détail : je ne me souvenais pas de ma nuit.
Le début oui, quand tout allait bien, que j'étais content de passer cette nuit ici avec Danny, mais à partir d'un moment... C'était le trou noir.
Le blackout total.
J'avais forcément fait quelque chose, sinon je ne serais pas courbaturé de partout... Pas à ce point en tout cas.
J'essayais de me calmer, de ne pas trop angoisser, peut-être que je ne me souvenais de rien, mais ça ne voulait pas dire que... Oh, si, bien sûr que si, ça voulait exactement dire ça.
J'étais Défaillant.
C'était clair, net, précis, officiel.
Se voiler la face ne servait à rien. Pas après cette nuit dont je ne me souvenais pas totalement. Ça avait fini par arriver, même si c'était au bout de quelques heures...
Bouffé par l'angoisse, je faisais les cent pas dans la chambre, à tirer des plans sur la comète, totalement détaché de la réalité, sans tenir compte qu'on pourrait m'aider et...
Stop !
Je me stoppais net en voyant quelques vêtements pliés soigneusement qui patientaient sur une chaise, juste à côté du lit. Sans pouvoir me contrôler, j'avais souri, j'enfilais le tout à la va-vite, avant de descendre les escaliers le plus vite que mes jambes me le permirent...
– Max ! Lançais-je en pénétrant dans le salon.
J'identifiais sans mal son odeur dans le couloir, et je devinais bien que c'était lui qui avait plié les vêtements. Comme il le faisait quand j'étais plus petit.
– Oli, me sourit-il alors, bon sang, ce que tu as grandi !
Et lui aussi ! Il avait deux bonnes têtes de plus que moi à présent, une musculature d'Alpha Mâle digne de ce nom, l'air plus mature avec une barbe... Et visiblement, il se maintenait en forme, et habillé à la mode actuelle.
On s'était pris dans les bras mutuellement, ravi de se retrouver malgré les circonstances.
Ça faisait presque dix ans qu'on ne s'était pas vu, nos vies avaient changé, comme nos corps avaient vieilli, mais les vieux réflexes étaient revenus vite... Ce fut comme si le temps ne s'était pas écoulé et ne nous avait jamais séparés, qu'on se retrouvait tel quel, après quelques jours de séparation.
– C'est dingue, souffla-t-il en m'éloignant pour m'étudier, tu ressembles tellement à ta mère, le visage, la finesse de ta carrure, tes yeux, c'est impressionnant !
– C'est ce qu'on me dit souvent... Et que Luther ressemble de plus en plus à Père.
– J'ai constaté ça, oui... Il ne lui manquait que la barbe la dernière fois que je l'ai vu, et c'était son sosie parfait !
Je hochais la tête, ayant soudainement perdu mon sourire et mon enthousiasme, lorsqu'il évoqua mon frère. Il n'avait pas eu besoin de mots pour comprendre ce que je ressentais, comme quand on était plus petits.
– Je sais que cette sale teigne est invivable, m'encouragea-t-il en passant sa main dans mes cheveux pour y remettre de l'ordre, et je te jure qu'il est hors de question qu'il te fasse quoi que ce soit... Si ce n'est pas moi qui lui fera entrer du plomb dans la cervelle, ce sera Eddy. Il sait être très persuasif quand il faut.
Je hochais la tête, à défaut de savoir quoi dire. Au fond, je l'espérais très fort, même si une partie de moi savait que ce serait impossible. On ne raisonnait pas Luther – au mieux, on pouvait l'empêcher un temps de faire quelque chose, mais cela avait toujours une date limite. Peu importe de qui ou de quoi on parlait.
Mon esprit fut soudainement frappé par la peur première de la journée, que nos retrouvailles avaient presque occultée :
– Où est Danny ? Est-ce qu'il va bien ? Je ne... je ne me souviens de rien...
Max parut gêné :
– Oui, je m'en doute... C'est pour ça que je suis là. Eddy devait arriver d'ici quelques heures pour récupérer Danny.
– Il est... Il est vraiment blessé ? Gravement ?
Il hocha la tête en essayant d'être le plus délicat possible :
– Il n'a jamais vraiment appris ni à se battre ni à se défendre, tu sais, alors... J'avais dit à Eddy de confier cette mission à un Alpha capable de gérer ça physiquement, mais il ne m'a pas écouté. Il pensait que ce serait moins difficile pour toi si c'était Danny.
– C-C'est vrai que... Avec lui c'est différent d'avec les autres Alphas. Je ne me suis pas senti intimidé hier et... Est-ce que je peux le voir ?
Il secoua la tête :
– Il se repose, il en a besoin.
Moi, ce que j'entendais, c'était « il est trop amoché pour que tu voies ça ». Et, dans le fond de ses yeux, quelque chose confirmait ce que je pensais.
Ce qui n'était pas du tout rassurant pour la suite.
– Je n'ai strictement rien senti venir... La dernière fois, je l'ai senti, mais j'étais impuissant... Et là... Là, rien ! Je me suis réveillé dans la chambre sans savoir comment j'y suis arrivé...
– Je sais, Oli, je sais... C'est bien là le problème.
Et comment allait-on réussir à gérer ça, sachant qu'il y avait déjà une liste longue comme le bras de choses délicates à régler ?
Je lisais exactement le même questionnement dans le regard de Max. Ce qui ne me rassurait pas. Et ne le rassurait pas lui-même non plus.
Maintenant, je me sentais vraiment mal.
À côté de ça, les émotions des jours précédents n'étaient que des petites mises en bouche... On attaquait le plat de résistance, là.
Et je n'étais pas prêt à encaisser ça après tout ce qu'il s'était déjà passé.
Max m'avait pris dans ses bras, pour me rassurer, me soutenir, mais ça n'avait pas vraiment marché. Je me sentais toujours aussi mal.
Surtout d'avoir blessé Danny, qui n'avait rien fait et rien demandé pour finir dans cet état. Je ne voulais pas lui faire de mal, je ne voulais pas qu'il me déteste – je ne voulais pas, mais je l'avais quand même fait.
Enfin, ma Bête l'avait fait. Et je la haïssais pour ça.
J'avais peur d'avoir perdu quelqu'un d'important, que Danny ne voudrait plus entendre parler de moi, encore moins me voir. Comme quand Max était parti de chez nous.
Sauf que là, la Défaillance me rendait instable, et allez savoir de quoi je serais capable si je perdais le contrôle...
Un carnage.
🌕🐺🌕🐺🌕
Et voilà pour la fin de ce chapitre 2 !
Je ne vous cache pas que je l'ai écrit, reécrit, corrigé, reprit, recommencé, ruminé, dans un sens et dans l'autre, j'ai charcuté des endroits, rajouté des choses çà et là... Enfin, c'était une épreuve sur un long moment de sortir cette partie XD
N'hésitez pas à me pointer les endroits qui vous paraissent bizarres, mal exprimés, incompréhensibles, trop répétitifs (j'ai tendance à me répéter et sans bêta lecteur pour me le signaler je fais pas forcément gaffe ^^'), ou autre ! (Et les ~PhOtEs~ aussi). (sur cette partie ou sur les autres d'ailleurs !)
Peut-être que je reviendrais sur quelques endroits dans quelque temps, histoire d'appuyer quelques éléments si le besoin s'en fait ressentir... Mais rien de très capital pour comprendre l'histoire :v
(PS : Danny est en vie !)
Je vous laisse en vous souhaitant une bonne aprèm :3 et je vous dis à mercredi prochain pour le début du chapitre 3 (ou dimanche sur L'Esprit de Noël) !
Haydn
(crédit 📷 : KT)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top