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Le soir même, une fois mon costume passé, mes cheveux coiffés, mes chaussures en cuir cirées, Maximilian me détailla avec un drôle d'air. Le désir que je lisais dans ses iris n'était pas seulement le sien, et ça me grisait de le voir. Au moins autant que ma Bête.

Je savais que les deux avaient envie d'un moment intime, sauf que nous n'avions pas du tout le temps pour ça. Et c'était bien malheureux... J'aurais préféré qu'on se roule entre les draps toute la soirée plutôt que de passer celle-ci chez les Von Berg.

Quand il en eut assez de me reluquer de haut en bas, il passa ses bras autour de ma taille, collant son torse contre mon dos, tout en déposant un baiser dans mon cou.

– J'hésite à te laisser ici, susurra-t-il alors. Tous ses vieux pervers qui vont poser leur regard sur toi... ça me rend jaloux.

– Tu te comptes dans le lot, des vieux pervers ?

C'était sorti tout seul, spontanément, mais à la place de le vexer, il avait ri.

– Et puis je ne pense pas que me laisser seul dans la chambre pendant des heures soit un bon choix stratégique...

Et puis, en moi, la Bête manifestait son mécontentement à cette idée. Elle voulait garder un œil sur Maximilian. Quand bien même je savais que personne ne s'approcherait trop près, trop longtemps, elle s'en fichait. Ce qui était normal.

– Tu es sûr que ça va aller, avec la foule ? On sera entouré d'humains alors...

– Ça ira parfaitement, le coupai-je alors, je me sens totalement confiant. Et je crois qu'elle ne me laissera pas te quitter du regard une seconde.

– J'en frissonne de désir, susurra-t-il en déposant un baiser dans mon cou. Mais essaye de rester discret quand même, mon patron sera là, avec toutes les personnes importantes de cette boîte.

Je hochai la tête mécaniquement, estimant qu'il n'avait pas à me le dire. Je le savais bien.

– J'ai très envie de te dire de t'occuper de toi et de me laisser me gérer comme je l'entends... Mais j'imagine que c'est juste mon statut qui veut ça.

Il sourit en m'embrassant une dernière fois avant de s'éloigner. C'était assez reposant qu'il ne prenne pas les choses mal en permanence. Qu'il soit capable de prendre du recul, d'identifier ce qui relevait de ma personnalité et de l'influence du changement de statut... Parce que moi je ne m'en rendais pas forcément compte.

Maximilian attendit que l'on soit dans la voiture, isolés du chauffeur, avant d'aborder un sujet qui le mettait mal à l'aise.

– Howard me pousse à accepter une promotion depuis des mois, alors... Il risque d'insister ce soir. D'en passer par toi... Je voulais juste te prévenir.

– Par moi ? Pourquoi par moi ? ... C'est à cause de moi que tu refuses cette promotion ?

– Pas exactement. Je te l'ai dit : j'ai mes habitudes, ma petite liberté, et le manoir à besoin d'entretien, sans compter les chiens qui sont habitués à leur liberté. Puis j'aime ce que je fais, mon équipe est performante et c'est très agréable de pouvoir travailler à distance. Le milieu urbain me rend nerveux, comme c'est souvent le cas pour notre espèce.

J'entendais sans réellement écouter, sachant pertinemment que ce n'étaient pas les vraies raisons de son refus. Du moins, pas les plus difficiles à gérer.

– Et effectivement, après tout ça, il y a ta Défaillance qui est encore instable, notre relation qui débute, ce jeu étrange entre ta Bête et la mienne. Il vaut mieux que l'on soit dans un endroit calme et sécurisant pour le moment, pour éviter des problèmes plus gros encore.

C'était surtout ça qui posait des problèmes, à mon avis. Et ça me dérangeait vraiment d'être un frein à sa carrière, d'être un boulet qui l'empêchait d'avancer. Après tout, sa carrière, c'était important pour lui, pour son équilibre d'Alpha Défaillant.

– Mais je ne peux pas parler de ça à Howard, alors il pense qu'il s'agit simplement d'une espèce de caprice, que je préfère mon style de vie à ma carrière ou quelque chose de ce genre.

– Mais pourquoi il voudrait passer par moi pour te faire changer d'avis ?

Comme si j'avais quelque chose à dire, moi ! S'il refusait de revenir à Glasgow, je n'y pouvais rien ! Même si je trouvais les arguments pour le convaincre, cela ne changeait rien au fait qu'il ait raison.

L'environnement urbain n'était pas fait pour nous, ça exacerbait notre sentiment d'insécurité, ça pesait sur les nerfs, sur le sommeil, puis sur tous les autres aspects de la vie... Déjà en temps normal, alors quand il s'agissait de Défaillant, c'était encore pire !

S'installer à Glasgow ferait vaciller l'équilibre précaire que nous avions trouvé, que ce soit personnellement ou ensemble. Et jouer avec le feu n'était pas le genre de choses à faire avec des humains à proximité.

Ça, c'était ce que je pensais objectivement. La partie raisonnée de mon être pensait cela... Et l'autre, plus sauvage, n'attendant qu'un challenge pour prouver ma valeur, mon nouveau statut légitime, désirait relever le défi.

– Tu sais je... je ne serais pas contre. Enfin, je sais que ce sera compliqué, difficile de changer d'environnement, surtout au début, mais... quelque chose en moi est plutôt excité de le faire.

Il me dévisageait sans rien laisser transparaître, ce qui ne me déstalinisait pas vraiment.

– Edward m'a demandé de penser à mes études, et depuis ce jour-là, ça me travaille. Je ne sais pas vraiment ce que je veux faire, mais... mais je me sens prêt à le faire. J'ai envie de le faire.

Et puis c'était un moyen comme un autre de contenter mes besoins d'Alpha, relever des défis, triompher, trouver qui j'étais, ma place, prouver ma valeur aux autres comme à moi. Maximilian travaillait, moi j'étudierais, en attendant de trouver autre chose.

– Tu voudrais réellement retourner en cours ? Si rapidement ?

– Ben je... ce ne sera pas pareil qu'au lycée – je veux dire, je suis différent maintenant, je ne me laisserais pas faire – et je veux essayer de m'intégrer. Au moins une fois.

Il garda le silence un long moment, plongé dans ses pensées.

– On peut toujours essayer, dit-il finalement, sa main trouvant ma cuisse. Mais une fois que j'aurais accepté de revenir à Glasgow, on ne pourra pas déménager avant un moment. Si tu ne supportes pas l'environnement, soit on devra prendre sur nous, soit retourner au sein de la Meute.

Ce que je ne souhaitais pas forcément. Retourner au sein de la Meute, même quelques mois, cela impacterait forcément sa carrière négativement. Et je ne voulais pas être responsable de ça.

– Je ne sais pas si Edward te l'a dit, mais... avant que mon père ne décide de quitter notre première Meute, on vivait en milieu urbain. C'est là-bas que je suis né, alors... quand on est à Glasgow, je ne me sens pas aussi oppressé que ça. C'est un peu impressionnant parce que j'ai plus l'habitude de la forêt, mais... Je devrais retrouver mes vieux réflexes.

Visiblement, il l'ignorait. Ce qui n'était pas anormal en soi ; il ne passait que peu de temps au sein du Territoire et n'avait aucune responsabilité au sein de la Meute, quand bien même Edward était son frère. Ils parlaient de tout sauf de la direction de la Meute quand ils étaient ensemble – d'ailleurs, je ne pensais pas du tout qu'il soit intéressé par ça.

Puis, le contexte qui entourait chaque arrivée d'un nouveau membre au sein de la Meute lui appartenait. Il pouvait en parler ou non aux autres. Seuls Edward et Danny savaient et personne ne posait jamais de questions, ce qui allait à tout le monde, au final.

– Je ne savais pas, non, déclara-t-il alors. Il m'a dit que toi et ton père viviez à quelques kilomètres de chez nous, rien de plus.

– En fait, avant qu'on s'installe là-bas, on vivait dans un autre endroit. Au sein d'une Meute où... c'était très différent de la vôtre. Et on vivait en ville.

– C'est pour cela que ton père avait autant hésité ?

Je haussai les épaules, sans réellement en être sûr, on pouvait le penser. Ce n'était pas rien de renier une Meute au profit d'une autre. Mais j'étais trop jeune pour comprendre et bien me souvenir de tout ce qu'il s'était passé...

Puis, vivre seul au milieu de la forêt, sans argent, sans protection, si près d'un Territoire qui n'était pas le sien, avec un Louveteau à charge, ce n'était pas simple. Peut-être que c'était aussi par fierté, je n'en sais rien. J'étais trop petit pour comprendre ce qu'il se passait.

Cette conversation me mettait mal à l'aise et Maximilian n'avait aucun mal à le sentir.

– Bien, comme tu veux... on peut essayer. Et si jamais ça ne se passe pas bien, on trouvera des solutions. Mais avant que ce soit définitif, il faut que tes transformations lors des Lunes Pleines soient plus stables. Si j'accepte ce poste, je risque d'avoir beaucoup moins de temps libre, au moins au début.

– Je sais, oui. Et moi j'aurais mes cours et tout ce qui va avec.

Je savais bien que ce serait difficile à vivre, que changer d'environnement et de mode de vie allait nous perturber, que ce serait sans doute dangereux, que nos Bêtes pourraient ne pas l'accepter et ressortir plus facilement encore...

Cependant, je voyais cela comme un défi à relever, et quelque chose au fond de moi, m'assurait que même si cela se passait mal, je saurais faire face ; parce que c'était ainsi que résonnait un Alpha.


* * *

La dernière illus de cette histoire ! C'est bébé Ace :3


Haydn

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