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Deux semaines plus tard, Maximilian m'avait emmené voir le type chez qui il avait emmené Aerton lorsqu'il l'avait trouvé. Il élevait des Beaucerons d'une part et de l'autre gérait un refuge avec son frère...

Nous étions directement allés au refuge, qui était comme je l'avais imaginé, avec des chiens abandonnés qui attendaient tous une nouvelle vie, un nouveau maître, une nouvelle maison.

Je ne saurais expliquer pourquoi, mais dès que nous avions franchi la porte du bâtiment, ma Bête frôla la surface. Elle observait seulement ce qu'il se passait, sans prendre le dessus, sans être agressive - ce qui ne voulait pas dire qu'elle ne pouvait pas le devenir dès qu'elle le voulait.

Maximilian me lança un regard inquiet, lui aussi avait senti sa présence et la redoutait, bien plus que moi, cependant.

- Ça va aller, assurai-je avec un sourire, je crois que je suis un peu nerveux et qu'elle le sent...

- On peut revenir plus tard si...

- Ça ne changerait rien.

Il n'insista pas, même si je lui avais transmis mon stress et que j'en avais pleinement conscience...

Ce qui me rendait nerveux, c'était surtout la situation, de savoir que peut-être j'aurais mon premier animal de compagnie et que cela allait changer pas mal de choses dans ma vie. Ça pourrait paraître anodin à certains, mais pour moi c'était un nouveau pas, une nouvelle étape.

J'avais beau faire des recherches, passer en revue toutes les races de chiens que je connaissais, que je trouvais, je ne parvenais pas à me décider. J'imagine que cela marcherait au coup de cœur.

Le responsable avait chaleureusement accueilli Maximilian, comme s'il était un ami, puis nous avait menés dans la partie réservée aux chiots. Il valait mieux prendre un jeune chien pour l'habituer à notre condition - et à la Bête aussi.

Dès qu'ils me virent tous, ils filèrent se cacher dans le coin le plus éloigné possible... Ils m'observaient avec méfiance et trahissaient leur peur en gémissant. Et ça me faisait mal au cœur d'être à l'origine de ça - même si je n'y pouvais rien.

- C'est drôle, les chiens ont la même réaction avec Kaeden qu'avec toi, Max, constata son ami.

Ils sentaient notre nature de Lycan et c'était une réaction normale, sauf pour un humain, qui ignorait donc tout de notre condition. Heureusement, il ne creusa pas plus loin, connaissant Maximilian depuis des années et estimant qu'il n'était en rien dangereux pour qui que ce soit... Au contraire, il était même un bon maître.

- Ah, on dirait qu'on a un courageux ! s'exclama-t-il soudainement.

Il y avait effectivement un petit chien noir et feu, avec une tache blanche sur le torse, qui jouait avec son os rouge en plastique sans tenir compte ni de nous ni de ses congénères apeurés. Il poussa une sorte de soupir agacé quand le type le prit dans ses bras pour me le présenter :

- Voilà Ace, il est parmi nous depuis quelques semaines, on l'a trouvé dans une forêt avec d'autres chiots. Sans doute abandonnés là par leur propriétaire... c'est un croisé de plusieurs races, sans doute trois ou quatre - peut-être plus.

Le chiot battait de la queue en m'observant, s'agitant comme il le pouvait pour se libérer. Cela s'intensifia lorsque ma main trouva son ventre timidement... de nous deux, j'étais le plus intimidé, ce qui les faisait bien rire les deux autres.

Est-ce qu'il était conscient que je n'étais pas humain ? Il n'avait pas l'air de le comprendre - ou, du moins, d'y faire attention. Peut-être que son instinct fonctionnait mal ou - je m'inquiétais déjà beaucoup trop.

- Ace est un peu à l'écart des autres depuis son arrivée, je ne l'explique pas vraiment, mais... il va vers les autres facilement et tolère la présence d'autres chiens. Puis il est en bonne santé, plutôt vif, avec un bon appétit. Il aime jouer et se dépenser, il est assez dynamique - mais je pense que sur l'île il n'y aura aucun problème.

Je l'observais léchouiller ma main avec un petit sourire, soudainement un peu plus à l'aise. Je ne saurais exactement expliquer ce qu'il se passait, mais je me sentais apaisé. Et la Bête s'était retirée d'elle-même, sans trahir quoi que ce soit de négatif...

Lorsque je l'avais pris dans mes bras, il semblait parfaitement serein, se repaissant de mes caresses tout en essayant de me lécher le visage.

- Ce sera un bon chien, enchaîna le responsable, mais tu devras beaucoup t'occuper de lui, il a besoin de l'attention de son maître, de sa présence. Enfin, vu que vous vivez sur une île, ça ne devrait pas poser de soucis !

- Ça va aller, Kaeden s'occupe déjà d'Eros et Cléa quand je suis occupé...

Ils parlèrent un peu d'Aerton tous les deux. Maximilian avait trouvé Aerton errant dans une ruelle, fatigué et affamé, et l'avait amené ici pour qu'on s'occupe de lui. Au début, il n'avait pas du tout l'intention de le garder, sa vie était déjà assez compliquée comme ça, entre ses cours à la fac, sa colocation avec un humain, sa Défaillance à gérer...

Puis, au bout de quelques jours, il était revenu le chercher et Aerton ne l'avait alors plus jamais quitté. Du moins, jusqu'à sa mort.

Pendant qu'ils discutaient, Ace alternait petites mâchouilles et coup de langue sur mon doigt. Il me faisait craquer ! Et je le trahissais avec un sourire niais au possible, totalement indécollable, qui n'échappa pas à Maximilian.

Je ne savais pas si Ace serait difficile à dresser, si Eros et Clea accepteraient sa présence, si l'île serait assez grande pour qu'il s'y sente heureux...

Pour tout avouer, cela n'avait d'importance que pour la partie cérébrale de mon être, mon instinct me dictait très clairement que sa place était à mes côtés. Qu'Ace serait mon Aerton.

Pendant qu'on m'exposait la procédure et des conseils pour m'occuper du chiot correctement, Maximilian était parti chercher quelques affaires pour Ace. Des croquettes, quelques jouets, une laisse et un collier. Le chiot avait l'air ravi qu'on s'occupe de lui ; il battait de la queue sans me quitter du regard, comme si le coup de cœur que j'avais eu envers lui était pleinement réciproque.

- Tu me donneras des nouvelles, dit finalement Rick. Je ne doute pas qu'on s'occupe bien de lui, hein. Mais ils me manquent quand ils partent.

Après lui avoir assuré que je ferais ce qu'il faut, nous avions pris la route de la maison. J'avais hâte qu'il découvre son nouvel environnement, même si je redoutais un peu la réaction d'Eros. Il fallait que je veille à sa sécurité le temps qu'ils ne s'habituent l'un à l'autre.

- Je trouve qu'il te va bien, ce chien, me dit Maximilian, en le caressant. Il est aussi charmant que toi. En plus, on l'a trouvé en forêt, si ce n'est pas un signe...

Je rougissais vivement, toujours pas habitué à ce genre de paroles, même venant de lui.

- Sans doute. J'espère que je ne vais pas faire n'importe quoi à la prochaine Lune Pleine.

Maximilian démarra la voiture et sortit du parking avant de répondre :

- La première fois qu'Aerton a assisté à ma transformation, j'ai cru qu'il aurait peur de moi. J'étais plus gros que lui, agressif, instable. Mais il a simplement reconnu le maître, pas la bête. C'est à ce moment-là que j'ai pu reprendre le contrôle, petit à petit. J'ai ressenti la même chose que toi quand je l'ai adopté ; j'ai su que ce serait lui.

- Comment tu peux être totalement sûr de ça ? Je veux dire, généralement, quand je suis mon instinct, ça finit mal pour moi.

Il haussa les épaules :

- Ça s'apprend, tu sais. Puis un chien sent notre nature, ils savent à quoi ils ont à faire. Soit ils en ont peur, soit ils acceptent. J'imagine que certains doivent nous considérer comme des semblables ou quelque chose de ce genre.

Je méditais ses paroles tout en caressant Ace. Il avait l'air de très bonne humeur et ravi de faire un petit tour avec nous.

- J'imagine que tu l'as senti aussi, reprit-il dans un souffle plus grave. Qu'elle l'acceptait.

- Bien, je... Elle n'a rien dit. Elle est partie comme elle est venue. Tu penses qu'elle est sortie parce qu'elle a senti que...

Maximilian hocha la tête :

- Si j'ai laissé Aerton ici quand je l'ai amené, c'était parce que j'étais sûr et certain que je lui ferais du mal. Que ma Bête lui ferait du mal. Mais au final... Je sentais qu'elle était inquiète.

- Elle l'avait déjà accepté ?

- J'imagine. Alors je suis allé le chercher et il n'a jamais été blessé. Je pense que si elle n'a rien dit maintenant, tout se passera bien.

Moi aussi, je l'espérais. Bien que je ne puisse le vérifier dans l'immédiat, j'avais confiance en son jugement, en son instinct.

- Et même si tu ne peux pas te fier à ton instinct comme les autres le font, tu as quand même quelques atouts pour toi.

Sur le coup, je n'avais pas totalement compris de quoi il parlait, mais en réfléchissant et en prenant du recul, j'avais compris. Il était vrai que mes sens de la vue, de l'odorat et de l'ouïe étaient beaucoup plus sensibles que la moyenne, même pour un Lycanthrope...

Je n'y avais jamais réellement fait attention, parce que c'était inné et donc normal pour moi... Mais en réalité, je possédais bel et bien des atouts sensoriels qui ne demandaient qu'à être cultivés, exploités.

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