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À mon grand regret, Luther était resté pour le dîner. Cela ne plut pas non plus à Maximilian. Il marquait son territoire en laissant sa main sur ma jambe, m'entourant de son odeur en se collant à moi. S'il pouvait me prendre en public pour signifier à tous que mon cœur et mon corps lui appartenaient, il le ferait... mais il savait se tenir. Ce qui ne m'empêchait pas de mourir de honte.
J'avais laissé les trois dans le salon pour me préparer un minimum. Je ne voulais pas alimenter la rumeur en paraissant négligé. Cependant, je n'en faisais pas trop non plus, passant simplement une chemise noire et un jean de la même couleur, une pointe de gel dans mes cheveux pour qu'ils tiennent en place.
- Je te trouve magnifique, susurra Maximilian, le sourire aguicheur.
Son regard n'était pas comme celui de Luther, avide des tréfonds de mon corps pour satisfaire son bon plaisir, même s'il trahissait un désir certain de me voir ainsi.
- J'en ai trop fait ? m'inquiétais-je alors.
Mon regard inquiet parcourait le « nouveau Kaeden » à travers le miroir qui me faisait face. J'avais changé, c'était indéniable.
L'adolescent pouilleux, maigrelet, dominé par les autres Lycans et des humains, avait laissé place à un jeune homme normal, en pleine force de son âge, plus sûr de lui et de ses capacités. Je trouvais même mon visage agréable. « Séduisant », dirait mon amant.
Celui-ci posa sa main sur ma hanche et déposa un baiser dans mon cou. La chaleur qu'il dégageait dans mon dos alluma un brasier aux creux de mes reins.
- Si seulement on n'avait pas à aller à ce dîner, susurra-t-il, je te montrerais à quel point tu me plais...
- Tu ne réponds pas à la question.
- Détends-toi, ça va bien se passer. Personne n'a à dire quoi que ce soit sur nous.
En théorie, c'était vrai. Seul le Chef de Meute avait son mot à dire sur une relation. S'il l'acceptait ou la refusait, la Meute se le devait aussi. Le berger laissait sa chance à notre union, les moutons n'avaient qu'à suivre.
En pratique, empêcher les rumeurs et commérages relevait de l'impossible. Dès qu'Edward détournerait l'attention, on s'en donnerait à cœur joie. Ce serait pire lorsque Maximilian ne serait pas dans mes parages immédiats.
- Je sais que c'est tôt, enchaîna-t-il, ses bras entourant mes hanches. Mais cacher nos sentiments à Edward n'est pas vraiment une bonne idée. C'est notre Chef avant d'être mon frère.
Comme si je l'ignorais ! Ses reproches sur mon silence avaient été clairs, même s'il restait compréhensif.
Revenir au sein de la Meute était la partie que je redoutais le plus. Au-delà de notre relation naissante, j'avais un passé chargé de faux-pas, de responsabilités par rapport aux vols, aux altercations que mon père provoquait, de situations peu glorieuses que personne n'ignorait ici. Comme quand j'étais obligé de récupérer les vêtements qu'on jetait aux ordures parce que mon père se fichait de me savoir chaudement vêtu, parfois même, c'était de la nourriture que je « volais ».
Des frissons me parcoururent. La honte et le dégoût me rendaient nauséeux. Les bras de Maximilian se resserrèrent autour de moi, comme s'il désirait absorber mon état.
Pour le moment, la honte était si grande que je ne pouvais pas lui avouer ce que je faisais pour survivre. Il me trouvait du charme, mais s'il savait que les mains qui le touchaient avaient fait les poubelles, ça le dégoûterait sûrement. Même ses lèvres qu'il embrassait avec passion avaient absorbé des ordures pour permettre à ma carcasse de rester en vie.
- Max, soufflai-je avec fébrilité, je... je voudrais te dire des choses.
Qu'est-ce qu'il me prenait de balancer ça maintenant ? C'était un mystère. Ce n'était en rien le moment. Nous devions descendre à la fête et Edward était juste en bas. Sans compter que Maximilian pourrait aisément m'éviter pendant la soirée, m'abandonner à mon sort.
Pendant que je trouvais des mots, enfantins au possible, pour avouer mes méfaits, des larmes coulaient sur mes joues. Mon cœur se serrait de plus en plus, tout comme mon estomac était en vrac. Repenser à tout ça me mettait dans tous mes états.
Je ne parlais pas ; je murmurais. Comme si j'espérais qu'il n'entende pas, tout en désirant qu'il le fasse... Je redoutais qu'il ne comprenne pas, n'accepte pas. Qu'est-ce que je ferais si tout ça le dégoûtait tellement qu'il ne me voulait plus près de lui ? Que finalement ses sentiments ne soient pas aussi forts que prévu ?
- Je sais déjà tout ça, murmura-t-il à mon oreille, une fois mes aveux terminés. Je ne vis ici que quelques jours par an, mais je ne suis pas aveugle. Et Edward m'a tout dit avant que tu ne viennes. Alors calme-toi, tout va bien...
- Tu te fiches de moi ! lui reprochais-je vivement. Pourquoi est-ce que tu me laisses te parler de ça si tu sais déjà tout !
- Pour que ça sorte.
Sa main caressait mon torse au niveau du cœur. Son calme apaisa un peu ma rage.
- Tu dois parler des choses pour qu'elles sortent, sinon tu ne pourras jamais passer au-dessus de ça, tu comprends ? Moi aussi j'ai fait des erreurs : je m'en suis pris physiquement à mon frère, le seul que j'ai, celui avec qui j'ai partagé le ventre maternel. J'ai voulu le tuer et j'aurais pu le faire si mon père n'avait pas été présent. Je trouve ça beaucoup plus honteux que survivre en fouillant les poubelles.
Sans doute avait-il raison. Certes, j'avais tué le père tyrannique et violent, mais personne ne me l'avait jamais reproché. Pas même ma conscience. Elle était traumatisée par son comportement, pas par la tuerie.
- C'est le bon moment pour estimer que tu as fait ce que tu devais pour survivre, enchaîna-t-il. Tu n'as rien d'un voleur et d'un tueur, tu mens mal, tu ne sais pas tricher. Ce n'est qu'à cause des conditions que tu agis de la sorte, pas parce que tu es fondamentalement mauvais.
Je n'avais pas su quoi répondre. Ma voix semblait inexistante.
Peut-être avait-il raison, dans le fond. Et si la Meute ne voulait pas l'entendre, tant pis pour elle ! L'important, à mes yeux, était que Maximilian l'accepte et ne me rejette pas.
- On doit y aller maintenant, murmura-t-il avant de déposer un baiser sur ma joue. On parlera de tout ça quand on sera rentré, si tu veux.
Je m'étais contenté d'un hochement de tête vague. Sans que je ne fasse vraiment attention, Maximilian vaporisa quelques jets de son parfum dans mon cou. C'était un moyen plus moderne de marquer son territoire.
Et ça me réchauffait le corps - tout le corps - qu'il le fasse... j'affichais un sourire flatté et fier à la fois, tandis qu'il m'embrassait furtivement.
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