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Une fois rentrés au manoir, le soir même, l'ambiance était un peu étrange. Aucun de nous n'osait croiser le regard de l'autre. Même rester dans la même pièce était compliqué. Par honte ou par peur de réveiller nos ardeurs, je ne saurais trancher...
Une fois la frénésie de notre baiser retombée, nous avions fait chacun un tour de notre côté pour nous calmer et reprendre nos esprits. J'avais couru à en perdre le peu de souffle que j'avais récupéré. Je devais évacuer la pression, le désir également.
Bon sang, comment cela avait-il pu dégénérer à ce point ? oh, pas que je regrette nos baisers, cependant l'ambiance qu'il y avait entre nous depuis lors ne me plaisait guère... c'était une sorte de tabou tacite, où échanger un regard était déjà franchir la limite. Et je redoutais d'avoir à affronter le rejet de Maximilian, tôt ou tard.
Je ne savais pas du tout comment il voyait les choses. S'il voulait me rejeter, je ne sais pas ce que je ferais, comment je réagirais... S'il me renvoyait au sein de la Meute ou chez Luther, je serais aussi dévasté que s'il me laissait rester près de lui sans pouvoir l'approcher comme je le désirais...
Enfin, pour le moment, je dressais la table sous le regard d'Aerton. Son maître avait fui dans son bureau depuis notre arrivée, mais le canidé était toujours fidèle à son poste. Si seulement son maître pouvait faire pareil ! enfin, peut-être que ça réveillerait mes ardeurs, de le savoir là, à m'observer m'affairer sans me douter de rien... ce qui n'était pas bon.
Lorsqu'il descendit enfin, Maximilian avait le visage rougi et les cheveux mouillés. Il sortait de la douche, sans doute. Imaginer qu'il ait le même genre d'activité que moi sous l'eau chaude m'empourpra les joues...
– Tu as déjà tout préparé ? s'étonna-t-il.
– Euh, ouais. Ça fait une heure que tu as disparu, quand même.
– Ah. Le temps passe vite.
Silence gênant.
Mon regard croisa le sien, toujours ardent de désir. Ses pupilles se dilatèrent dès qu'il eut mon attention. En une fraction de seconde, il rompit notre échange et fuit vers la cuisine.
Malaise.
Je détestais ça, franchement !
Décidé à mettre fin à cette ambiance pesante, je lui avais emboîté le pas, peu conscient de ma propre audace :
– Max, l'interpelai-je alors, avant de me décomposer, face à son visage : je... je suis désolé. Je devrais aller me coucher et te laisser un peu tranquille.
Il me détailla gravement, avant de lâcher un soupir qui venait du cœur :
– C'est à moi de m'excuser, j'ai... cédé à mes pulsions. Est-ce que je... j'ai fait remonter de mauvaises choses ?
– Ben non, pourquoi ? j'ai l'air traumatisé ?
Son regard me scanna de haut en bas, à la recherche du moindre signe qui trahirait un malaise de ma part. Le doute s'empara de lui quand il n'en trouva pas.
Instinctivement, je m'étais rapproché de lui, ne laissant que quelques dizaines de centimètres entre nous.
– Je ne sais pas si je le devais, mais je... j'ai répondu. P-Parce que j'en avais envie...
Nous cherchions des réponses aux questions qui fusaient dans nos esprits embrouillés dans le regard de l'autre, vainement. Personne ne pourrait rien expliquer, il n'y avait que nous-mêmes pour nous comprendre. Et actuellement, nous n'avions pas les facultés mentales pour le faire.
– On ne devrait pas, asséna-t-il, avec un ton d'une fébrilité qui contrastait fortement avec ses paroles si abruptes. Tu es fragile en ce moment et je... je dois garder la tête froide.
Ce que je redoutais d'entendre. Mon sang se glaça une seconde, avant que je ne sente la Bête montrer le bout de sa truffe... je la sentais, là, prête à mordre, à déverser le sang pour laver sa colère. Prête à dominer et soumettre.
Elle voulait la même chose que moi ; qu'il assume l'incendie qu'il avait allumé dans mon corps !
– Tu n'as pas le droit, grondai-je alors, la Bête bouillonnante en moi, tu n'as pas le droit de m'embrasser comme ça pour me repousser quelques heures après ! Je t'interdis de faire ça !
– Ne parle pas comme ça, grogna-t-il alors.
– Je parle comme je le veux !
– Tais-toi ! Je t'en prie !
– Sinon quoi ?! Tu comptes me faire quoi ? Tu t'es soumis à moi !
Il donna un violent coup pour dégager la table des assiettes posées dessus. Elles se fracassèrent au sol. Comme la dernière fois. Je les observais douloureusement, comme s'il s'était agi de spectres obscurs surgis du passé. Je me sentais tirailler entre le jeune loup impressionnable et l'Alpha qui voulait s'affirmer – ce qui était vraiment bizarre, comme sensation...
Refroidi par la vaisselle brisée, je soupirais une excuse. Encore une fois je m'en prenais à lui pour des futilités, parce que je désirais que ça se déroule ainsi et qu'il ne le voyait pas comme ça.
– Pardonne-moi, déclarai-je avec toute la sincérité que je pus rassembler. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive... Je crois que je deviens fou.
– Moi aussi je deviens fou, gronda-t-il, me lançant un regard de dominateur déterminé. J'ai atteint ma limite, petit loup, je ne supporterais pas plus...
Des frissons d'angoisse me parcoururent alors. Il allait me renvoyer droit au sein de la Meute, dans les pattes d'Edward, qui m'enverrait directement chez Luther et je servirais de cobaye à ce type en qui je n'avais aucune confiance. Peut-être qu'on m'oublierait là-bas et que je ne le reverrais plus jamais...
Le plus dur serait d'être séparé de lui, tout en sachant qu'il souffrait de son côté par ma faute. J'étais responsable du dérapage moi aussi.
– Je... Je m'en irais si tu me le demandes. À la nage, même.
Son regard à l'éclat peu engageant me détailla de haut en bas, sa langue passa sur ses lèvres, avant qu'il ne s'avance vers moi. J'avais reculé, impressionné, jusqu'à buter contre l'évier. Cela ne l'arrêta pas. Il me coinça et captura mon menton pour m'obliger à affronter son regard de dominateur :
– Tu n'iras nulle part, susurra-t-il, dangereux, avant de lécher mon cou : tu ne domineras plus. Tu vas te soumettre. À tous mes désirs. Je te marquerais et tu seras à moi...
Je compris soudainement à quoi j'avais à faire. Ce n'était pas le Maximilian que je côtoyais, mais cette partie d'Alpha Dominant incontrôlable qui sommeillait en lui. Sa Bête. Oh, bon sang...
Bien. Maintenant que je savais à quoi je faisais face, il s'agissait de ne pas paniquer. Si je basculais moi aussi, on se battrait pour soumettre l'autre et ce serait un véritable bain de sang. Je devais amadouer sa Bête, aussi bien qu'il l'avait fait avec moi !
– Je suis déjà soumis, balbutiai-je, tentant de plus m'assurer. À cause de mes sentiments pour toi... tu le sens, n'est-ce pas ?
Visiblement non, cependant il en fut flatté, un peu intrigué aussi. Il se pencha un peu plus vers moi :
– Tu es un vilain garçon, petit loup, susurra-t-il à mon oreille, tu sais comment je punis ? ça fait mal...
Après un déglutissement difficile qui semblait le ravir, je dus trouver un argument percutant pour m'éviter ça...
– Tu es là, à troubler mes sens, à te trémousser presque nu, à m'allumer... à réveiller des sombres désirs en moi... et tu comptes t'enfuir, petit loup ?
Sa main passa sur mes fesses, ce qui me fit sursauter et... je sentais mon jean se faire plus étroit. Il se délectait de sentir mon excitation qui se mêlait à ma peur. Et moi j'essayais tant bien que mal de ne pas perdre constance :
– N-Non, je ne veux pas... Je ferais le nécessaire pour, euh, m'occuper de toi, je te le promets...
– Bien sûr que tu vas le faire, ronronna-t-il, sinon je ressortirais. Et la prochaine fois, je te punirais, petit loup...
Son autre main fit sauter le bouton de mon jean et caressa mon entrejambe à travers les tissus. Je frémissais de peur et de désir à la fois ! Et il s'en délectait !
Si seulement il n'avait pas l'air si dangereux pour mon intégrité physique ! Je jouerais bien avec lui à tous les jeux qu'il voudrait... mais actuellement, je n'étais pas du tout prêt pour ça.
Pendant que je me perdais dans mes pensées, il approcha ses lèvres des miennes. Sans réfléchir, je m'étais éloigné pour les éviter.
– Embrasse-moi, ordonna-t-il, sa main empêchant ma tête de bouger.
Il colla ses lèvres sur les miennes et pénétra ma bouche sans la moindre gêne. Sa langue dominait la mienne, la malmenant avec des caresses obligatoires, des petites morsures de temps à autre. Je respirais mal, coincé par son corps et maintenu fermement par sa main, obligé de subir l'assaut de sa langue sans pouvoir me défendre.
L'air me manquait de plus en plus. Il m'étouffait, cet idiot brusque ! J'avais fini par me débattre pour y mettre fin, question de survie, non pas de désir de ma part. Ça l'agaça. Son étreinte se resserra d'autant plus.
Plus il me coinçait, plus je ressentais ma Bête essayer de faire surface. Elle ne devait pas du tout apprécier qu'un autre prenne le dessus sur moi...
Quand la Bête commença à sérieusement se manifester, il cessa de m'embrasser, s'éloigna un peu pour contempler le spectacle. Je comprenais ce que sa Bête cherchait... la mienne ! Et ça marchait plutôt bien, même si, pour le moment, elle cohabitait avec moi sans chercher à m'effacer, nous n'étions pas à l'abri d'un gros trou noir sanglant...
Sa Bête et la mienne s'observèrent longuement, comme si elles cherchaient à s'évaluer l'une l'autre, à s'apprivoiser... Et moi j'assistais à ça sans savoir pourquoi. C'était comme si ma Bête tenait à ce que je sois témoin de ce qui se passait ici et maintenant... mais pourquoi ?
Ce n'était pas une chose « normale » pour un Défaillant. De tout ce que Maximilian m'avait raconté, il n'y avait qu'une seule donnée qui ne changeait jamais ; la Bête n'obéissait qu'à une logique sauvage qui lui était propre, sans tenir compte de notre partie humaine – elle était une bête et, en théorie, je n'existais pas. C'est ça, être Défaillant.
Alors pourquoi tenait-elle à ce que j'assiste à cela ? pourquoi ne prenait-elle pas le pas sur moi pour faire ce qu'elle avait à faire avec Maximilian ?
– Je te plais, petit loup ? susurra Maximilian, sans me quitter des yeux. Toi aussi tu me plais... je ne l'aurais pas laissé nous soumettre si ce n'était pas le cas...
Sa bouche trouva ma gorge, tandis que je grondais. Enfin, ma Bête grondait... de... plaisir ? On dirait qu'elle aussi était partante... Ou alors, elle était flattée qu'il reconnaisse sa soumission.
– Je te marquerai, gronda-t-il, excité, tu ne seras qu'à moi, personne ne voudra de toi, n'osera t'approcher... Et tu me supplieras de te prendre partout, tout le temps...
Sa possessivité provoquait en nous un désir, une frustration, quelque chose qui n'avait rien de platonique et sage. Qu'il me marque et m'enferme, que je sois sien, tout ce qu'il voulait ! Mais ma Bête n'avait pas l'air d'accord et le fit savoir dans un grondement rauque, qui arracha un sourire pervers à Maximilian...
Il mordilla ma gorge, intimidant et excitant à la fois :
– Tu sens si bon, gronda la Bête, le prédateur et l'humain en même temps...
– C-C'est toi qui as choisi mon parfum, soufflais-je.
– J'ai bon goût. Et grand appétit.
– Tu sais que je n'ai pas... Je suis puceau, tu te souviens de ça, pas vrai ?
Avouer cela stimulait son désir et le fait que ma Bête le menace ouvertement dans un grognement, le frustra d'autant plus. Cependant il contenait ses pulsions... difficilement, certes, mais après tout, il s'était soumis.
– Un jour je jouerais avec toi, petit loup, susurra-t-il en s'éloignant, selon mes règles, et tu vas en redemander, que tu domines ou pas... Mais pas maintenant, je te briserais en deux, mon petit loup.
Rassurant. Vraiment. Moi qui pensais avoir la Bête la plus dangereuse sous ce toit ! Visiblement, la mienne ne se laissa pas impressionner. Elle lui lançait presque un défi, ce qui le fit rire...
– Je prendrais soin de lui, murmura-t-il, juste avant que ma Bête ne disparaisse totalement.
Elle me planta là, face au Maximilian qui n'avait rien à voir avec celui que je côtoyais, totalement démuni et... vulnérable. Est-ce qu'il venait réellement de l'acheter aussi facilement ? Et elle, elle se rendait compte que si je mourais, je l'entraînerais avec moi ?
Maximilian s'empara d'un de mes poignets et le porta à sa bouche pour le lécher, ses iris plantés dans les miens. On aurait dit qu'il continuait le petit jeu de séduction dangereux avec moi – seulement, avec moi. Il parsema mon bras de baisers tendres, jusqu'à remonter à mon cou, à mes lèvres...
Il m'embrassait avec douceur à présent, un peu comme l'aurait fait le « vrai » Maximilian... je ne me sentais plus aussi intimidé que cela à présent. J'ignorais si c'était un moyen d'endormir ma méfiance pour mieux me faire mal ou toute autre chose.
Quand je retrouvais son regard, il était teinté de perversion et je commençais à regretter un peu d'avoir abaissé mes défenses :
– Monte dans mon lit et déshabille-toi, ordonna-t-il dans un râle rauque.
Ma salive fut difficile à avaler, d'un coup. Ça ne semblait plus être une si bonne idée que ça de charmer la Bête... et la mienne ne semblait pas du tout se manifester pour l'empêcher de me faire ce qu'il voulait.
Et ça me faisait vraiment peur.
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