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Le samedi suivant, j'avais eu droit à un passage obligatoire chez le coiffeur. Je haïssais ce genre de choses – ma crinière indomptable pouvait en témoigner... Mais Maximilian m'avait piégé comme un Louveteau et je n'avais pu m'échapper.
La coiffeuse avait discuté joyeusement avec mon hôte, pendant que moi je boudais royalement... Maximilian avait tenté de m'acheter avec une pizza, mais rien à faire, je ne décrochais pas un mot et me contentait de le fusiller du regard.
Ce qui le faisait rire plus qu'autre chose.
– Allez, arrête de faire la tête, dit-il encore une fois, un sourire irrésistible collé au visage. Ta coupe te va très bien !
Je l'ignorais royalement, me concentrant sur le paysage forestier. Il m'avait appâté avec un tour au grand air et moi, l'idiot, j'avais foncé tête baissée... Sans me douter que je passerais par la case « coiffeur » avant.
Je voyais cela comme une récompense pour avoir obéi et ça m'agaçait ! au moins autant que son plan stupide pour me couper les cheveux ! Enfin... ça ne m'agaçait pas vraiment. C'était la Bête qui s'agaçait. Je la sentais gronder, essayer de frôler la surface, tenter de sortir.
– Je ne te comprends pas, ça te va super bien ! renchérit Maximilian, sans se douter de rien. C'est moderne sans en faire trop...
Elle avait tout coupé, oui ! Même si avant ils étaient toujours mal coiffés et me donnaient un air négligé, au moins ils dissimulaient un peu mon visage, je pouvais me cacher derrière... mais là ! j'avais une coupe trop courte pour ça ! je me sentais nu et je n'aimais pas ça.
Cependant, je devais bien avouer que ça égayait mon visage. J'avais l'air d'un jeune de mon âge bien dans sa peau, loin de ce que je ressentais... mais Maximilian soutenait que ça finirait par venir, qu'un jour je serais un type normal, heureux et confiant, et que cela commençait par changer mes mécanismes habituels. Changer d'environnement, de vêtements, de coupe de cheveux, ça m'aiderait à changer mon état d'esprit, d'après lui.
Je ruminais dans mon coin, mais, dans le fond, je ne lui donnais pas tort. Ne plus me cacher derrière ma frange et ma chevelure revêche me donnait l'impression d'avoir ouvert les rideaux d'une pièce plongée dans le noir depuis longtemps et d'ainsi la redécouvrir sous un tout nouveau jour...
Cela n'atténuait pas mon sentiment étrange de peur, dont je n'expliquais pas l'origine. Cela faisait plusieurs jours que je ressentais une sorte d'insécurité latente, inexplicable et totalement illogique... Maximilian pensait que la forêt me manquait – ou, à défaut, que je m'y sentirais mieux, même quelques heures.
– Et puis, tu l'as entendu comme moi ; c'était plus que nécessaire, renchérit-il en me lançant un sourire amusé.
– Oh, c'est bon ! grognai-je alors, pour le faire taire. J'ai la tête d'un premier de la classe ! On dirait un lèche-botte d'intello !
Je m'observai dans le miroir du pare-soleil, passant et repassant ma main dans mes cheveux nerveusement. Ça me faisait tout drôle de me dire qu'il s'agissait de mon reflet... même si j'avais le teint toujours un peu trop pâle et des cernes, je me trouvais presque... bien ?
Le conducteur se moquait un peu de mon attrait soudain pour le miroir – et ça m'agaçait un peu, même s'il avait raison...
Mon agacement se muait peu à peu en peur. Cette chose inexplicable qui m'habitait depuis des jours. J'avais presque l'impression de retrouver l'ambiance de... repenser à mon père me fit plonger un peu plus dans l'angoisse.
Angoisse qui, en l'espace d'une seconde, se mua en colère. Une colère noire, ardente, dont je connaissais bien l'origine ; la Bête s'éveillait. Elle ne comptait pas simplement frôler la surface, mais totalement prendre le contrôle... en plein milieu de l'autoroute !
– Hé, ça va ? me demanda Maximilian soudainement.
De son point de vue, je semblais faire une sorte de crise d'angoisse, comme ça m'était déjà arrivé... mais je savais que ce n'était pas ça, étant donné qu'habituellement, la Bête ne les provoquait pas... au contraire, en prenant le dessus sur moi, elle stoppait tout, je ne me souvenais de rien.
– Kaeden ?
Son ton fut plus pressant et plus inquiet, tandis qu'un immense poids semblait s'abattre sur moi. Un gros poids de plusieurs dizaines de kilos, me tombant droit sur la tête, m'écrasant tout entier...
Mon souffle fut brutalement coupé et ma vision troublée par des flashs violents et incohérents, des brides de choses que j'avais totalement oubliées... j'avais peur et j'étais enragé à la fois. Je sentais la Bête gronder, tenter de faire surface et ce bien que je tente de la réprimer. Et ça me terrifiait. Tout comme de perdre le contrôle ici, sur la route, qu'on ait un accident par ma faute et...
Je sentais subitement mon estomac remonter
– A-Arrête toi ! criai-je alors, paniqué.
Maximilian s'effraya et mit une seconde à réagir... il mit le clignotant et freina brusquement sur la bande d'arrêt d'urgence, cependant je n'attendis pas que la voiture soit arrêtée pour sortir de l'habitacle !
Dès qu'il fut sorti à son tour, Maximilian me trouva à genou sur le bas-côté de la route, vomissant le déjeuner, mes tripes, ma dignité... Cela dura un long moment, durant lequel je ressentais battre la rage de la Bête dans mes veines, durant lequel je tentais de réprimer son influence, d'empêcher ma transformation...
Un grondement rauque parvint aux oreilles de Maximilian, qui comprit de suite qu'un combat interne avait lieu et que ce n'était pas du tout le lieu pour ça ! Il ôta sa veste et tenta, tant bien que mal, de me dissimuler dessous...
– Reste calme, respire, respire, répétait-il, presque comme une prière.
Il m'entourait de ses bras, ce qui me réconfortait un peu. J'avais de moins en moins peur, je prenais le dessus sur la Bête et j'en étais fier...
Lorsque la Bête se retira totalement, je me pensais sorti d'affaire, cependant, après une microseconde de soulagement, des images tourbillonnèrent devant mes yeux... J'entendais également des voix, mais rien n'avait de sens... Plus rien ne semblait avoir de sens !
Je reprenais mon souffle difficilement, tentant de remettre de l'ordre dans toutes ses choses qui tournoyaient dans mon esprit au point de m'en donner le vertige... Des larmes coulaient sur mon visage et je peinais à retrouver la réalité...
– Tu m'as fait peur, souffla Maximilian, au bout de plusieurs minutes, durant lesquelles je m'étais calmé un peu, j'ai cru que tu...
– Je voulais le faire, lui criai-je alors, je voulais le faire... comme la dernière fois.
Mes paroles étaient insensées et mon esprit impénétrable, du moins, ce fut ce qu'il pensait. Et moi, j'étais incapable de lui transmettre ce qu'il se passait dans ma tête... Tout était confus, sens dessus dessous, mais il y avait une chose qui était parfaitement claire pour moi :
– Quand je t'ai menacé, avec le couteau, soufflai-je difficilement, je voulais vraiment te tuer...
Lorsqu'il comprit que mes souvenirs venaient brusquement de remonter à la surface, il se rapprocha de moi au maximum, comme pour me prouver qu'il n'avait pas peur, qu'il ne m'en voulait pas.
Je m'effondrais à nouveau, contre lui. Dire que j'avais failli le tuer ! comment pouvait-il vivre avec un monstre comme moi ? j'avais tenté de le tuer, après tout ce qu'il avait fait, faisait et ferait pour moi... c'était répugnant, dégoûtant, totalement ingrat et...
– Tu n'étais pas dans un état normal, lâcha-t-il, la voix rauque, tandis que sa main caressait mon dos.
– C'était gratuit ! je voulais juste te tuer pour que le sang coule, pour que ça s'arrête !
Je m'enfonçais dans une torpeur noire. Maximilian redoutait que je ne perde le contrôle comme la dernière fois... en plein milieu d'une autoroute pleine d'humains.
– Je sais, assura-t-il en me relevant le visage pour croiser mon regard, tu voulais que ça s'arrête, et ça s'est arrêté, n'est-ce pas ?
À quoi faisait-il allusion ? Il ne semblait pas plus au courant que moi, cependant, je sentais mon angoisse diminuer. La Bête passa, juste une seconde, comme pour m'assurer de sa présence, malgré tout. Était-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Aucune idée.
– Reste avec moi, regarde-moi, dis-moi ce qu'il se passe dans ta tête, je t'en prie...
Les mots se bousculaient dans ma tête dans la confusion la plus totale. Je voulais répondre, mais rien n'aurait le moindre sens !
– Je ne sais pas, bafouillai-je finalement, je... j'ai besoin de calme.
Après un hochement de tête, il se releva et m'aida à faire de même. Je me sentais vulnérable et vidé de toute énergie, de toute volonté. Il m'installa dans la voiture – je n'aurais pas été incapable de le faire seul.
Quand la voiture démarra, j'étais avachi sur le siège, mon front contre la vitre et le regard dans le vague, embrumé de larmes. Les regards inquiets de Maximilian qui surveillait mon état m'échappaient tout autant que le paysage qui défilait...
Une fois que nous étions arrivés dans la forêt, Maximilian m'aida à descendre. J'observais autour de moi sans comprendre où j'étais, ce que je faisais là, comme j'y étais arrivé. Tout me semblait cotonneux, flou, lointain.
Ce fut la douce caresse de la main de Maximilian sur ma joue qui me fit reprendre conscience. Son inquiétude était sincère, ça me touchait... délicatement, il m'étreignit, perdant son nez dans mes cheveux fraîchement coupés. Sa chaleur était rassurante. Avec mes bras, j'enlaçais alors sa taille. Une de ses mains caressait mon dos, l'autre, mes cheveux. C'était agréable.
Je cessais de pleurer, mais je respirais toujours avec difficulté, à cause de mes émotions, de cette culpabilité qui m'étouffait, de la peur que la Bête ne ressorte... mais les larmes ne coulaient plus.
– Je m'en veux tellement, soufflai-je alors.
Il s'éloigna de moi pour plonger ses iris dans les miens. Je me sentais tout drôle, comme ensorcelé par eux... Une drôle de sensation envahit mon estomac, mon cœur battait si fort qu'il aurait pu exploser, oubliant sans doute d'irriguer mes jambes, qui menaçaient de se dérober sous mes pieds... Heureusement qu'il me maintenait avec ses bras.
– Je sais, me rassura-t-il d'une voix suave qui me fit frémir. Mais je vais bien. On va tous les deux bien, n'est-ce pas ?
Submergé par ce que je ressentais, je fus incapable de répondre autrement que par un battement de paupières... ses iris m'envoûtaient, au point que j'en oublie ma propre existence. Il ne restait qu'eux au monde, que Maximilian - l'inaccessible Maximilian.
Si j'avais été en état d'analyser et de mettre en place des pensées cohérentes, j'aurais remarqué que sa Bête était là. L'éclat dans ses iris en témoignait... c'était elle qui m'envoûtait, elle qui m'observait avec cette tension, ce désir à peine dissimulé.
– Pardonne-moi, murmura-t-il alors, je ne devrais pas, mais... je ne retiens plus...
Sans finir sa phrase, il plaqua ses lèvres contre les miennes. Cela réveilla mes ardeurs sans crier gare – et cela fut trahi pas un miaulement indigne d'un Lycanthrope mâle Alpha...
Mon sang bouillonnait. D'un désir charnel qui ne me ressemblait pas et de cette rage que la Bête trahissait... c'était comme si elle propageait des flammes dévastatrices dans tout mon corps, alimentant un peu plus l'incendie de désir qui me consumait... sans pour autant prendre le dessus sur moi.
Elle ne broncha pas non plus lorsque ses mains capturèrent mes hanches, m'attirant vers lui sans me laisser de porte de sortie, tandis que sa langue possessive franchissait mes lèvres pour titiller la mienne...
Mes bras passèrent naturellement autour de sa nuque, approfondissant notre échange buccal encore un peu plus...
Oui, échange, puisque je répliquais ! Ma langue dansait avec la sienne, avec toute l'ardeur qui m'animait ! il me laissa prendre le dessus finalement, me laissant mener comme je l'entendais – ce que je trouvais surprenant. Enfin, pour le moment, j'étais bien loin de m'en préoccuper !
Un râle d'excitation lui échappa lorsque j'avais perdu mes mains dans ses cheveux, découvrant là un point sensible qui stimulait son désir plus que nécessaire... Échaudé par ma provocation, il me plaqua contre la voiture sans se contenir. Mon cri douloureux ne l'arrêta cependant pas ; ses iris étaient voilés de sombres désirs qu'il ne pouvait réprimer... il reprit mes lèvres en pressant ma nuque avec sa main, plus possessif et dominant qu'avant.
Je sentais son sexe gorgé de sang mêlé de désir contre ma cuisse... ça me rendit fou ! La luxure débauchée s'emparait de mon corps, au moins autant que cela titillait ma Bête... Elle frôlait de temps à autre la surface, quand Maximilian prenait trop le dessus, mais elle ne sortait pas. Elle se méfiait, j'imagine.
Lorsqu'il cessa de posséder ma bouche, nos souffles se mêlèrent, de même que nos regards ardents de désirs... Un râle mécontent s'échappa de moi sans que je ne me contrôle. Puis la main de Maximilian chercha à m'apaiser en caressant ma joue, son pouce passa sur mes lèvres rougies par ses baisers...
– Pardon, soupira-t-il, je ne tenais plus... elle te désire tellement.
Il parlait de sa Bête. De celle qui frôlait la surface, que je voyais danser dans ses iris... qui semblait vouloir jouer avec moi.
Je sentais son sexe contre ma jambe, j'avais encore les lèvres en feu de ses baisers passionnés, je voyais sa sincérité et son désarroi face à ce qu'il se passait... cependant, je peinais à le croire quand même.
Comment un Lycan tel que lui, sûr de soi, charmant, viril et parfait pouvait bien désirer quelqu'un comme moi ? Je n'avais rien d'attirant, même si j'étais mieux habillé et coiffé qu'avant...
Peut-être que ce n'était que physique ? Il n'avait pas été satisfait depuis longtemps et moi je me trémoussais à demi nu sous son nez sans y voir de danger... quel idiot !
Enfin, cela ne lui ressemblait pas vraiment. Maximilian ne semblait pas du tout dénué de sentiments, je dirais même qu'il était très empathique pour un Alpha de sa stature...
Puis, en observant bien, je les voyais, ses sentiments – juste là... dans son regard, derrière la lueur désireuse de ma chair, il y avait quelque chose de tendre, de doux, qui contrastait fortement. Comme s'il y avait deux parties d'un même tout qui s'accordait sur une chose ; « nous te désirons, nous te voulons, Kaeden ».
J'étais tellement fasciné par cela que j'en oubliais d'être gêné, de rougir, de me sentir mal à l'aise. Avec douceur, ma main effleura sa joue barbue, puis mes lèvres les siennes, avant qu'à nouveau, nous nous embrassions comme des damnés, durant de longues minutes.
Quand enfin je mis un terme à nos échanges, lui et sa Bête respectèrent cela. Elle semblait bien docile et obéissante comparée à la mienne. Ou alors, Maximilian la contrôlait admirablement bien.
J'avais fini par me lover contre son torse, ses bras m'entourèrent, possessifs, tandis qu'il déposait un baiser sur mon front.
* * *
Et en bonus un dessin rapide de Kaeden pour montrer sa nouvelle coupe \o/
Haydn
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