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J'avais préféré quitter la salle de bain au plus vite. Je me sentais mal à l'aise au possible. Ce fut donc totalement nu sous ma serviette que j'avais retrouvé Maximilian, toujours concentré sur son ordinateur portable.
Je vous vois venir, à penser que j'essaye de titiller son désir en me baladant presque nu, mais je n'avais pas du tout ce genre d'idées derrière la tête... Loin de là.
– Luther veut que tu le rappelles, grommela-t-il.
Je l'avais oublié, celui-là... Je m'essuyai les cheveux en songeant au grand Lycanthrope blond. Une sensation de malaise m'habitait soudainement.
– Ben, qu'est-ce qu'il me veut ? m'étonnai-je alors.
– Prendre des nouvelles, d'après ce qu'il me dit. Tu lui avais dit oui pour des entretiens ?
Oh, oui, c'était vrai... rien que de penser à ce moment, j'avais frissonné.
– Tu comptes aller là-bas ? me demanda Maximilian, de but en blanc.
À son ton, j'estimais qu'il le refuserait. Pourquoi ? bonne question. Ils étaient amis tous les deux, si je me souvenais bien.
– Euh... je ne sais pas. Eddy veut que j'y aille, je crois.
– Mais toi, tu ne veux pas, n'est-ce pas ?
Il s'était planté devant moi, maintenant mes épaules avec ses larges mains chaudes. Son inquiétude me déstabilisa un peu.
– Tu n'avais pas aimé, quand tu y étais ? demandai-je doucement. Luther avait l'air de dire que ça s'était bien passé.
– Là n'est pas la question. Si tu veux tout savoir, on est en froid depuis plusieurs années et ce n'est pas pour rien.
Je l'interrogeais du regard, imaginant mal qu'il puisse être en froid avec qui que ce soit sur terre... Peut-être que cela avait à voir avec la drôle de sensation qui m'habitait quand on parlait de lui.
– Il s'est servi de moi pour, hem, tester sa capacité de séduction.
Ses joues rosirent en avouant cela. Son regard avait quitté le mien – et moi j'étais choqué de le voir gêné !
– De quoi ?
J'étais trop naïf pour véritablement comprendre ce qu'il venait de dire. Et il le voyait nettement ! Ce qui allait l'obliger à s'expliquer et ça, il n'en avait pas du tout envie.
– Il a testé son charme sur moi, pour... La séduction, le sexe... J'étais encore un Lycan naïf et fleur bleue à cette époque. J'ai très mal vécu le jour où il m'a avoué qu'il sortait avec moi uniquement pour jouer.
Je papillonnai des yeux, stupéfaits.
– Attend... Toi, naïf ? Fleur bleue ? Tu parles d'Eddy, hein, rassure-moi ?
Ça me surprenait d'autant plus que, le connaissant, je l'imaginais mal se laisser mener par le bout du nez par qui que ce soit... Comment lui et son gabarit de prédateur pouvaient bien se laisser berner par des sentiments amoureux ? Ça ne lui allait pas du tout !
Puis, rien que de l'imaginer faire des choses avec ce Luther, ça me... hérissait le poil.
– C'est ça, moque-toi !
– Mais je ne me moque pas, assurais-je, c'est juste que... Ça me surprend venant de toi. T'as l'air tellement... mature et réfléchis que... c'est vraiment difficile à croire !
Nous avions l'air de deux idiots, à nous regarder dans le blanc des yeux, sans savoir quoi se dire...
J'avais préféré changer de sujet :
– Si ça peut te rassurer, je n'aime pas vraiment ce type. Je ne saurais dire ce qu'il y a, mais quelque chose ne colle pas avec lui...
Il me dévisagea sans la moindre trace de surprise, ses yeux criant « tu as raison de te méfier ».
– Je suis obligé de lui parler ? je n'ai pas osé lui dire non quand on était seuls, au manoir, mais...
Il haussa les épaules, avant de se rapprocher de moi pour me murmurer :
– Tu n'as qu'à me parler à moi. De tout ce que tu veux. Surtout ce qui te tracasse.
OK, effacer de suite cette image de mon esprit dérangé ; Maximilian était penché vers moi, sa tête à quelques dizaines de centimètres de la mienne, alors que je ne portais qu'une simple serviette pour dissimuler mon entrejambe. Son regard, sérieux et rieur à la fois, se planta droit dans le mien.
Avait-il tout découvert, de ce que j'avais fait dans la salle de bain ? Si rapidement, si facilement ? Peut-être que je n'avais pas été assez silencieux et discret... bon sang, mais pourquoi cela tombait sur moi ?
Je m'étais alors décomposé à cette idée.
– Tout va bien ? s'inquiéta-t-il. Je ne voulais pas dire ça comme ça, excuse-moi... Je veux juste t'assurer que tu peux te confier à moi, sur n'importe quel sujet.
– Q-Quel genre de sujets ? Bredouillai-je.
– Euh, bien, sur tes cours, tes études, ou ce que tu veux... sur ce qui te rend aussi nerveux en ce moment, par exemple ?
Ah ! Je fus un peu soulagé qu'il n'ait pas compris à quel jeu je jouais sous la douche ! Pour autant, il semblait vouloir déterminer ce qui me mettait mal à l'aise... Je fis donc diversion avec le premier sujet qui me traversa l'esprit :
– Tu savais que James avait des vues sur toi, avant ?
Mauvais choix. Très mauvais choix. Que m'avait-il pris de dire ça ?
Il déduit aisément que son employé s'était un peu trop confié à moi et pensait que cela me tracassait un peu. Il était encore loin de la vérité !
– Je t'ai dit que c'était compliqué avec des humains, dit-il sobrement, passé la surprise. Et puis James avait la même attitude que Luther, à cette époque.
Oh, je voyais le souci. L'attitude James avait fait remonter des souvenirs douloureux.
Je m'étais alors promis de ne jamais avoir ce genre de comportement, que ce soit envers lui ou envers qui que ce soit d'autre. Je ne jouerais pas les allumeurs de service, encore moins pour le séduire...
– ... Et si tu me parlais un peu de ce que tu ressens, toi ?
Grillé ! comme une saucisse du petit-déjeuner dominical ! panique à bord ! je devais démentir formellement, sans pour autant que cela paraisse suspect – rester cool, zen, démentir.
– E-Eh bien, je... Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.
Aller m'habiller n'était qu'une excuse pour fuir la conversation, et cela ne marchait pas du tout. Il me suivit dans la salle de bain après quelques secondes, pas le moins du monde gêné de me voir en boxer au milieu de la pièce.
– Je suis sûr que si, assura-t-il alors. Tu peux m'en parler, à moi, ça ne me dérange absolument pas.
Il se fichait de moi, là ? Pourtant, il avait l'air totalement sérieux et détendu. Cela voulait-il dire que mon attirance envers lui le laissait de marbre ? Que ce que j'avais fait sous la douchée et était... normal ? Pour moi, ça ne l'était pas du tout, mais... peut-être que c'était une sorte de norme...? je regrettais de ne pas avoir eu l'occasion de m'intéresser à ce genre de sujet avant !
Je me répétais que j'étais stupide d'espérer quoi que ce soit. Lui plaire n'était pas envisageable. Même si physiquement il me trouverait – peut-être un jour – à son goût, nous étions trop différents ! Lui était sûr de lui, viril et mature, tandis que moi j'étais tout le contraire !
Et puis je n'avais rien à voir avec Luther, qui était le seul ex-amant que je lui connaissais – mais alors strictement rien ! Je tenais plus de James, niveau physique, même si les quelques années de plus qu'il avait accentuaient un peu ses traits et son physique.
– Kaeden, me ramena-t-il sur terre soudainement, je sais que ce n'est pas facile, mais il n'y a rien de honteux à aimer des mâles ou des hommes. Que tu sois un Lycan ou non.
L'espace d'une seconde, je fus soulagé qu'il pense à ce sujet-là et pas à ce que j'avais fait sous la douche... mais gêne et nervosité m'avaient repris presque immédiatement.
– Mais, je... ne raconte pas n'importe quoi, je...
Mes défenses s'écroulaient petit à petit, face à ce regard entendu et un brin accusateur. Conscient que j'ouvrais la porte à des suspicions de sa part, j'avais fini par avouer la terrible vérité :
– T'as raison, je suis gay.
Il ne cacha pas sa satisfaction. Celle de mon coming-out ou une autre ? bonne question, qui resterait sans réponse, vu que je n'avais pas envie d'approfondir ce sujet...
– En fait, je... je n'en sais rien, peut-être que c'est pas juste ça, nuançai-je alors. Je n'ai jamais eu d'expériences, avec des filles ou des garçons, alors je ne sais pas...
Il eut la décence de ne pas se moquer de moi ou poser la moindre question. Je n'arrivais déjà pas à me faire un ami, ne parlons pas de sortir avec quelqu'un ! Sans doute l'avait-il déduit tout seul.
– Il y a des garçons qui te plaisent ?
Toi, idiot ! hurlai-je mentalement. Ayant peur qu'il ne comprenne à travers mon regard, je l'avais détourné.
– Tu vas te moquer de moi, maugréai-je, les joues rouge pivoine, face au miroir de la salle de bain.
Il eut un petit rire en s'approchant de moi, murmurant à mon oreille :
– Tu ne peux pas être pire fleur bleue que moi quand je courrai après Luther, je t'assure !
– ... t'as déjà lu ou vu la Belle et la Bête ? Confiai-je, émoustillé. Quand la Bête est encore une bête, mais qu'il tente de séduire Belle, maladroit et un peu brusque...
Son regard papillonna pendant plusieurs secondes, tandis qu'il me dévisageait à travers le miroir. Je n'osais même pas lever le regard vers lui tellement je me sentais mal ! mais pourquoi je lui parlais de ça, moi ?
– Et à la fin, il devient un prince charmant, termina-t-il.
– Oui, bon, ce serait un Lycan, alors... Il resterait une bête quoiqu'il se passe. Enfin, ça n'empêche rien. Et maintenant tu as le droit de te moquer.
– Ne sois pas idiot, je ne vais pas faire une chose pareille ! Moi aussi je rêvais de mon prince charmant en mon temps.
– Tu n'as pas l'air de l'avoir trouvé...
– Ehm, non, mais j'ai déjà un manoir qui ressemble à un château isolé. Certes, il manque la forêt impénétrable, cependant il y reste la mer, autour...
Je m'étais tourné vers lui, soudainement frappé par la similarité entre le conte pour enfants et notre situation. Au début, la Bête – qui en l'occurrence s'appelait Maximilian – m'effrayait vraiment, puis, peu à peu, je tombais sous son charme, comme Belle. Même s'il n'avait rien en commun avec ladite Bête, au final, tout le reste s'emboîtait trop bien !
Étaient-ce de simples coïncidences ? Peut-être que j'imaginais tout un scénario de film parce que j'avais l'esprit un peu trop fertile, ses derniers temps...
– Aerton joue le rôle de la théière parlante, renchérit-il. Et toi tu es à la hauteur de Belle...
Son compliment me fit rougir.
– Ne dis pas n'importe quoi. Tu m'as bien regardé ? Je ne suis pas... beau.
– Beau, je ne sais pas, mais tu as du charme.
Sa main passa sous mon menton pour me soulever la tête, m'obligeant à affronter mon reflet. Il débarrassa mon visage des cheveux qui le cachait dans une caresse douce qui m'échappa totalement.
Il était si proche de moi que je sentais sa chaleur, son parfum, me troubler les sens... Je frissonnai de plaisir – de désir – en sentant sa main sur ma peau, son torse sur mon dos. En le voyant pencher sur mon épaule, sa main sur mon menton...
Même si je me sentais émoustillé par notre position, je ne voyais pas où il voyait le moindre charme chez moi ! J'avais le teint grisâtre, une harmonie approximative de mes traits, puis ses cheveux ternes et indomptables. La seule chose que j'appréciais, un peu, c'était l'ambre de mes iris qui était plus ou moins beau. Enfin, elle n'était pas moche.
– Où tu vois du charme ? Je n'ai rien de charmant... et puis ça me gêne de me regarder comme ça !
Il ne me laissa pas réellement fuir, m'obligeant à lui faire face :
– T'as du charme, fais-moi confiance là-dessus, alors arrête de penser le contraire. On demandera à James, si tu ne me crois pas !
J'avais brutalement refusé qu'il fasse cela, rougissant encore plus. Je ne survivrais pas à ce genre de discussion entre eux deux ! Surtout si ça me concernait !
Quelques minutes plus tard, tandis que je m'habillais, j'essayais de ramener le calme dans mon esprit et dans mon cœur... Pourquoi me dire des choses pareilles ? Ce soir particulièrement ? Peut-être que je m'étais trahi et qu'il essayait subtilement de me guider ?
Eh bien, ça ne marchait pas ! Qu'attendait-il de moi ? Que je lui saute dessus pour sauvagement coucher avec lui ? Je ne serais pas contre, certes, mais... J'étais totalement incapable de le faire ! Je ne savais pas comment l'aborder, comment on faisait pour en arriver là, mais surtout, comment ça se passait, de coucher avec quelqu'un !
En revenant dans la chambre, j'évitais soigneusement de croiser son regard et comme je lui tournais le dos, je ne vis pas du tout le long regard étrange qu'il laissait couler le long de mon dos, dévalant mes reins pour atterrir sur mes fesses... Ses iris se dilatèrent alors au maximum, tandis que la langue du prédateur passa sur ses babines, déjà alléché par le repas qui s'offrait à lui.
Il se reprit rapidement, chassant loin de lui toute idée de domination et de sexe envers ma personne. Le corps ardent d'un désir charnel, il ouvrit la fenêtre pour se rafraîchir un peu.
Du sang-froid, voilà ce qu'il devait garder.
Absolument.
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