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Je travaillais dans le bureau de Maximilian au siège de la société, concentré sur mes mathématiques au point de ne faire attention au reste. En soi, c'était une bonne nouvelle ! D'habitude, l'agitation des bureaux et le fait que les parois soient vitrées ne m'aidaient pas à me concentrer... que Maximilian soit présent n'arrangeait rien.
Cependant, aujourd'hui, c'était différent. Il n'était pas là et m'avait laissé un fond sonore apaisant sur son ordinateur – des bruits de forêt discrets, mais efficaces. Ne manquait que l'odeur des bois et je me sentirais presque chez moi.
Au moins, cela me permettait de me concentrer sur mes devoirs. Actuellement, j'étais pris par la résolution du problème B de l'exercice 2 de la maudite page 102 de mon manuel... au point de sursauter violemment quand on frappa un peu vigoureusement à la porte.
James s'excusait d'un sourire, m'adressant un petit signe de la main, avant d'entrer. Il n'était pas encore venu me saluer, mais cela ne m'avait pas contrarié. Le dossier sur lequel Maximilian travaillait était aussi le sien – et visiblement, c'était intense et capital, comme dossier.
Il s'installa sur une chaise en face de moi. Je songeais alors que la situation était cocasse... Un lycéen assis du côté important du bureau, face à un employé plus que compétent. J'en souriais un peu.
– Oh, tu travailles, on dirait, s'excusa-t-il. Tu veux que je te ramène de quoi te motiver ?
– Euh... O-Ouais. Pourquoi pas ? je ne serais pas contre un chocolat chaud.
Il devait s'en douter, vu le sourire qu'il m'adressa.
– Ah ! Mais ce sont des maths ! t'as besoin d'aide ?
– ... Max m'a fait promettre « de ne pas utiliser James pour résoudre mes problèmes », récitais-je, tel un bon élève qui connaissait sa leçon par cœur.
– Il prévoit toujours un coup d'avance, ce vil renard... je t'aiderais pour autre chose, alors. T'as quoi d'autre à faire ?
– Ben, rien. En fait, je rattrape ce que je n'ai pas fini la semaine passée. Comme Eddy était au manoir, on a visité un peu la région...
– Ah, je vois ! Et Max te fait travailler comme un forcenné.
Mon regard trouvait la fenêtre par réflexe ; il pleuvait des cordes depuis notre arrivée la veille, alors jouer les touristes n'était pas franchement au programme. Rester seul à l'hôtel ne m'avait pas tenté non plus, et ce même si Maximilian passerait la journée en réunion à l'étage supérieur. Je me sentais plus en confiance en sachant qu'il était à proximité de moi... puis la présence d'autres personnes m'empêchait de me sentir seul.
– Il risque d'en avoir pour un moment, murmura alors James. Un client vraiment lourd, mais un « gros client quand même ». Tu veux qu'on aille déjeuner ensemble ?
– Mais tu n'as pas de travail ?
– J'ai droit à deux heures de pause déjeuner malgré tout ! Max m'a dit qu'un bon burger te plaisait toujours, qu'est-ce que tu en dis ?
J'optais plutôt pour la pizza. J'avais déjà avalé des burgers hier midi, puis hier soir également ! j'allais en faire une overdose. Oui, c'était bien moi qui avais pensé une telle chose !
James était retourné dans son bureau rapidement, me laissant me reconcentrer sur mes exercices. J'avais envoyé un SMS à Maximilian pour le prévenir, des fois qu'il s'inquiète du sort de mon estomac.
Ce matin il semblait vraiment agacé de ne pas pouvoir déjeuner avec moi. C'était vrai que c'était notre petit moment privilégié, celui pendant lequel on se détendait, on discutait de choses diverses...
Ce petit moment, d'après ce qu'il m'avait dit, lui était nécessaire quand nous venions en ville ; l'environnement urbain lui pesait autant que moi, mais lui avait aussi le stress et la frustration de son travail. Même si c'était convenu dès le départ que ses clients passaient avant moi quand nous étions ici, pour autant cela ne voulait pas dire qu'il préférait passer du temps avec ses clients qu'avec moi.
Au moment où je finalisais mon exercice numéro trois, Maximilian répondit à mon SMS. Enfin, c'était ce que je croyais, jusqu'à ce que je ne le lise :
« Tu peux aller voir Will pour qu'il me ramène un papier ? c'est urgent. »
Passé la stupéfaction d'un tel message, j'avais jeté un coup d'œil au bureau d'en face où William alternait réponse sèche au téléphone et entretiens vite expédiés avec les membres de son équipe.
On faisait presque la queue pour lui parler deux minutes, ce que je trouvais étonnant vu la délicatesse avec laquelle il s'adressait à tout le monde. J'aurais préféré ne pas avoir à lui faire face, surtout sans Maximilian pour m'accompagner. Quelque chose m'intimidait chez lui, malgré le fait que je sois un Lycan et lui, un simple humain.
« Insiste, c'est pour Rosenberg, il comprendra » suivit. Soit ! Il ne me laissait pas vraiment le choix, j'avais compris !
Prenant mon courage à deux mains, je profitais de quelques secondes d'inattention du grand type baraqué qui faisait le pied de grue devant le bureau de William pour me faufiler.
William était au téléphone et me fusilla d'un regard noir :
– Je vous rappelle, excusez-moi. Un stagiaire qui entre sans frapper.
Il ne semblait pas franchement ravi de me voir là. Son regard intimidant me faisait me sentir mal. William avait beau n'être qu'un humain, pas spécialement très musclé, je me sentais vraiment mal face à lui. Mes tripes et l'instinct me hurlaient de fuir à toute jambe loin de lui pour éviter ses foudres...
J'aurais pu me débiner – et je l'aurais sans doute fait, si Maximilian ne comptait pas sur moi. Hors de question de le décevoir à cause d'un manque de courage ! après tout, j'étais un Alpha, à présent, je devais agir comme tel.
– C'est le bureau d'en face ! cingla-t-il, tu sais, celui où tu fais du coloriage depuis ce matin !
– Euh... je ne fais pas de coloriage, mais des maths, du genre bien prise de tête – et je viens parce que Max me l'a demandé.
Je brandissais notre conversation SMS comme preuve, espérant qu'il se détende un peu – ou, qu'au moins, il réserve sa colère pour Maximilian.
Son regard s'adoucit un peu. Au lieu d'entrer dans une colère noire ou me remballer pour insolence caractérisée, il m'avait fait asseoir d'un geste de la main. Le grand type derrière la vitre semblait outré.
– Ne fais pas attention, s'il était compétent il se serait rendu compte qu'il a imprimé le mauvais document.
– Ah... euh, désolé, mais c'était urgent.
– Ne t'excuse pas d'être plus malin que les autres. Tu commences comme Maximilian, ce n'est pas bon ! ne jamais s'excuser d'être meilleur que les autres, leçon numéro une !
Certes. Je ne saurais dire s'il était sérieux ou non. Rien dans son visage ne semblait vraiment changer d'habituellement. L'éclat ardent dans ses iris, dirigés droit dans les miens, me mettait particulièrement mal à l'aise en cette seconde très précisément.
Je me sentais comme une proie face à un chasseur – si l'on filait la métaphore, on pourrait dire que je me suis jeté dans la gueule du prédateur, qui semblait s'en lécher les babines. Heureusement qu'il avait des parois vitrées, sinon, la Lune seule pourrait savoir ce qu'il pourrait m'arriver !
– C'est pour, euh, Rosenberg. Il a dit que vous comprendriez.
Son soupire las fut spontané et pas du tout contrôlé. Il se reprit la seconde suivante, m'ordonna de ne pas bouger puis fila en direction du bureau à côté de celui de James. J'avais vu celui-ci se redresser comme un diable qui sortait de sa boîte – le pauvre.
Le grand type me fusillait d'un regard assassin, fulminant – pour un peu, je verrais de la fumée s'échapper de ses oreilles et de ses trous de nez...
Enfin quoi ! J'avais un laissez-passer ! Il s'appelait « Rosenberg » – ou Maximilian.
Lorsqu'il revint, William aboya après le pauvre type qui piétinait la moquette. Celui-ci fila la queue entre les jambes et les oreilles basses... Malgré moi, j'avais ri. De voir un type pareil se faire renvoyer de la sorte par quelqu'un qui devait avoir la moitié de sa carrure, je trouvais l'image comique. Ça me donnait un peu d'espoir me concertant, également.
– Voilà, m'adressa-t-il en me tendant un dossier rouge sang. Tout est à jour. Ne le remercie pas pour ce temps précieux perdu.
– Euh, bien... Je dois le monter à l'étage ?
– À moins que tu apprennes à ce dossier à marcher, oui, tu dois le lui monter.
Son ton cinglant me fit frissonner. Bon sang, je devais revoir certains points... Assumer un statut d'Alpha, ça s'apprenait, et visiblement je manquais cruellement d'entraînement !
Après l'avoir remercié poliment, alors que je m'apprêtais à quitter son bureau, il me retint :
– Oh, attend, gamin...
– Je m'appelle Kaeden, répliquai-je.
Je me trouvais un peu insolent sur le coup, mais Maximilian m'avait prévenu que je n'allais pas que grandir physiquement. Mon caractère allait s'affirmer. Et ce William avait l'air particulièrement doué pour jouer avec les nerfs des gens.
Je redoutais que la Bête ne soit de sortie sous peu, s'il continuait à la provoquer sans le savoir.
– Oui, c'est ça, mini-Maxi, ricana-t-il, à quel point ils sont durs, tes exercices de maths ?
– Euh... Je ne sais pas.
Après une drôle d'expression, il se désintéressa complètement de moi pour retourner à ses activités sur son ordinateur. Je ne saurais dire si ça me vexait ou me soulageait.
Son expression, son ton, son regard – tout son être même – m'agaçait au moins autant qu'il m'intimidait.
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