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Effectivement, le lendemain matin, j'avais tout oublié concernant les événements de la veille. Je m'étais réveillé avec un mal de crâne terrible, dans la chambre de Maximilian – dans son lit, s'il fallait le préciser. Il dormait paisiblement à mes côtés, le drap ne couvrant que ses jambes, ce qui me laissait apprécier le torse sculpté de mon hôte...

Je me demandais encore comment il faisait pour avoir une musculature aussi avantageuse sans que je ne le voie faire des exercices à longueur de journée... Je l'enviais un peu – même beaucoup. Bien que je grandisse, que ma carrure se développait au fur et à mesure que mes muscles prenaient de l'importance, j'étais très loin d'égaler Maximilian !

Enfin, je n'allais pas me plaindre ; je commençais enfin à ressembler à un adulte physiquement ! Ce qui était la chose que j'attendais le plus depuis le début de mon adolescence...

Un coup d'œil à mon smartphone m'indiquait qu'il était onze heures passées d'un quart. Étrange que je me réveille si tard, même un week-end... Mais ce qui l'était encore plus, c'était que Maximilian dorme encore à poings fermés. Lui qui se levait toujours tôt, détestant traîner au lit et ayant le sommeil plutôt léger.

Oh, peut-être avait-on veillé tard hier... même si je ne me souvenais pas de grand-chose après le dîner. Cela ne m'alertait pas plus que ça.

Une fois levé, douché, habillé, j'étais descendu au rez-de-chaussée pour libérer les chiens, plus que ravis de se dégourdir les pattes dehors... Puis, j'espérais que leurs aboiements réveillent les deux frères. Je me sentais seul, un peu étrange, pas vraiment inquiet, mais pas tranquille pour autant.

Edward dormait encore, lui aussi. Ce n'était pas étonnant, tout le monde savait que le Chef de Meute adorait se prélasser au lit pendant des heures ! Ne parlons pas d'y prendre son petit-déjeuner – ce devait être, après « jouer aux cartes avec ses amis » et « boire du bon whisky avec son frère », son activité préférée.

Je songeais qu'ils étaient tout de même très différents, Maximilian et Edward... même si physiquement, ils se ressemblaient beaucoup.

Parfois, j'essayais de les imaginer plus jeunes, quand ils vivaient encore sous le même toit... Je me demandais quel genre de relation ils pouvaient avoir à cette époque. Quand Maximilian était un Bêta, plus petit et frêle que son aîné... Ça me semblait improbable, étant donné que je n'avais des souvenirs que d'un Maximilian plus grand et musclé que son aîné.

Perdu dans mes pensées, j'entrepris de préparer le petit-déjeuner. Je me disais que l'odeur les ferait descendre, ou, au moins, que je n'aurais plus faim.

Assez étrangement, tous les couteaux avaient disparu au courant de la nuit. Plus aucun couteau de cuisine – ceux dont Maximilian se servait pour cuisiner et avec lesquels il m'avait appris à découper les aliments – ni aucun couteau pour manger... Même celui pour étaler le beurre avait disparu !

– Mais qu'est-ce que c'est que ce délire ? soufflai-je, perplexe.

J'avais vite abandonné ma recherche pour me contenter de tartines. L'idée que les deux frères aient des activités étranges avec les ustensiles de cuisine me traversa l'esprit – mais en dehors du lancer de couteaux, je ne voyais pas bien ce qu'ils pouvaient en faire...

Je rompais le pain à la main et, à l'aide d'une cuillère, étalait la pâte à tartiner qu'Edward avait rapportée. Ce serait amplement suffisant ! Surtout avec la dose de pâte qui recouvrait le pain !

Avec gourmandise, je m'étais gavé plus que nécessaire, alternant tartines et chocolat chaud, avant qu'enfin les deux frères ne pointent leurs nez. Ils avaient l'air d'avoir passés une sale nuit, tous les deux. Contrairement à moi, qui avais dormi de plomb !

Je notais que, contrairement à d'habitude, ils étaient encore en pyjama. Pour bien commencer la journée, ils s'habillaient toujours avant le petit-déjeuner... Que ce soit en semaine ou le week-end. J'avais adopté la même habitude – je me sentais un peu idiot d'être le seul à avoir quitté la tenue de nuit dans cette pièce.

– Eh, tout va bien ? leur demandais-je alors, une espèce de sourire tordu déformant mes lèvres.

Ils me dévisagèrent gravement, échangèrent un regard, puis Edward s'installa à table pendant que son frère faisait couler le café. Corsé. Le Chef de Meute me toisait d'un drôle d'air et déviait les iris dès que je voulais les croiser... L'inquiétude me prit.

Peut-être que mon ton n'était pas le bon, le sourire mal venu, ma présence non désirée ? Ou il avait simplement mal dormi, frustré de ne pas pouvoir se prélasser dans les draps de son lit autant qu'il le voulait ?

La main chaude de Maximilian atterrit sur mon épaule, réconfortante, comme son sourire :

– Tu veux encore du chocolat ?

– Euh, oui... S'il te plaît. Je voulais préparer le petit-déjeuner, mais... les couteaux ont tous disparu – même celui pour le beurre !

Maximilian interrogea son frère du regard. Celui-ci affichait un drôle d'air, comme s'il repensait à une chose inquiétante et reprochait à Maximilian de lui poser la moindre question là-dessus... Ignorant ce qu'il s'était passé la nuit dernière, je trouvais cette scène aussi surréaliste qu'incompréhensible.

– Euh... c'est de ma faute, avoua finalement Edward.

Le fait qu'il soit décontenancé éveilla encore plus mes soupçons. On voyait rarement un Chef de Meute, surtout Edward, se laisser déstabiliser pour si peu... Il était chez lui ici, il pouvait bien faire ce qu'il voulait avec les couteaux.

– Eddy est kleptomane, la nuit, renchérit Maximilian, un brin moqueur. Il va les remettre en place, hein ?

Je levais un sourcil perplexe :

– Ça sera plus pratique pour couper la nourriture, avais-je alors dit, tout sourire dehors, n'ayant aucune idée qu'un couteau disparu la veille m'avait servit d'arme pour menacer Maximilian. Je n'avais jamais remarqué que tu piquais des trucs la nuit...

– Parce que je suis très discret d'habitude, voilà tout.

Il semblait particulièrement nerveux. Je mis ça sur le compte de sa gêne d'avoir été pris sur le fait et comme Maximilian ne semblait pas réagir plus que cela, ça me confortait dans mes convictions.

– Vous voulez que je vous fasse une omelette ? proposais-je alors, histoire de relancer la conversation.

– Non ! s'exclama Edward, horrifié, lors que Maximilian répondait par la positive, particulièrement calme.

J'alternai un regard perdu entre les deux frères. L'un était nerveux au possible et l'autre très calme. Que se passait-il ? c'était comme si Edward avait peur de quelque chose, qui lui faisait très mal gérer ses émotions de bon matin... mais Maximilian restait égal à lui-même, comme si rien ne s'était passé cette nuit.

– Les courants d'air, répondit Maximilian à mes questions silencieuses, il dort mal à cause des courants d'air et le bruit de la mer. Infernal. Il se retourne toute la nuit dans son lit...

– Ah ! Tu vois que je ne suis pas le seul, ses fichus courant d'air...

Pendant que je m'affairais à la préparation de l'omelette, les deux s'étaient mis à discuter à voix basse, vérifiant de temps à autre que je n'écoutais pas. J'étais tellement concentré sur ma tâche que je n'avais pas remarqué qu'ils échangeaient des messes basses.

– Agis normalement, sinon il va se douter qu'on lui cache quelque chose ! lui glissa Maximilian, tu te souviens que papa sentait dès qu'on tentait de cacher quoi que ce soit, non ?

– Facile à dire, pour toi ! il a failli te planter avec un couteau il y a quelques heures ! et tu ne me feras pas avaler qu'il est aussi malin que papa !

– Il ne s'en souvient de rien, alors fais comme si toi non plus ! je t'assure qu'il va se poser des questions si tu continues de paraître aussi suspect, murmura-t-il, avant de se tourner vers moi : oh, tu peux griller quelques saucisses ? j'en meurs d'envie...

J'avais lancé la préparation sans me poser plus de questions.

– Et si tu allais chercher des couteaux pour qu'on puisse déjeuner normalement ? proposa Maximilian à son frère. Ça serait un peu bizarre d'avaler une saucisse d'un coup...

Edward arbora une jolie couleur rouge au niveau des joues et s'enfuit chercher lesdits couteaux pendant que Maximilian et moi avions échangé un petit rire moqueur et complice. Il aimait bien embêter son frère pour le mettre mal à l'aise comme il venait de le faire. Heureusement que j'y échappais !

Quand je vis Edward revenir, les bras chargés de tous les couteaux et armes blanches potentielles que le manoir contenait, j'eus une sensation étrange. Un frisson d'alerte me parcourut l'échine et je ressentais une forte angoisse. Je ne saurais expliquer pourquoi et comment, mais un danger me menaçait actuellement... la présence de ses ustensiles. 

Je trouvais cela idiot, sur le coup.

– Est-ce que tout va bien ? me demanda Edward. Tu veux, euh, un truc... ?

Je fis un « non » de la tête, chassant loin de moi cette sensation d'insécurité sortie de nulle part. Enfin, dont je ne me souvenais pas, pour être exact. Nous avions petit-déjeuné dans une ambiance un peu étrange, que je ne saurais expliquer. Edward avait l'air perturbé par quelque chose, mais qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Aucune idée ne me revenait – du moins, pour le moment ça ne me revenait pas.

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