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– Kaeden ! m'appela Maximilian, à peine la porte de la chambre de l'hôtel franchit. Je suis de retour et... oh, pardon, tu dormais ?

Effectivement... depuis des heures. Depuis le coup de téléphone à Edward.

J'émergeai difficilement d'un sommeil de plomb, la nuit était tombée et la TV était en veille. Maximilian passa dans la salle de bain pour prendre une douche sans doute méritée, pendant que moi je passais de l'eau froide sur mon visage afin de me réveiller.

Je l'avais suivi dans la salle d'eau sans même me dire que c'était déplacé ou mal venu d'être là pendant qu'il se déshabillait. J'étais encore endormi, je n'avais même pas remarqué qu'il était torse nu et s'attaquait à sa braguette...

– Ce n'était pas trop long, aujourd'hui ?

– Ben, un peu... Je viendrai avec toi la prochaine fois, même s'il fait moche et froid. Quelle heure il est ?

– Vingt heures.

J'avais bien dormi et pendant plusieurs heures ! Ce qui restait un exploit pour moi. J'avais retrouvé la suite, puis entrepris de m'habiller pour sortir dîner. Nous avions convenu d'aller au fast-food le plus proche, mais tandis que je venais de boutonner mon jean, Maximilian passa la tête à travers l'entrebâillement de la porte :

– Oh, mets le costume, dit-il avec un sourire désolé, on va dîner dans un endroit un peu spécial. Avec des gens spéciaux.

– Hein ? Et mes frites ! Et mon cheeseburger ! J'en ai rêvé toute l'après-midi !

Ce qui pourrait être littéral, si je parvenais à me souvenir des rêves pendant ma sieste. En tout cas, cela le fit sourire moqueusement :

– Je sais, je sais... Mais je ne pouvais pas refuser. On retarde notre départ de demain matin à demain après-midi, comme ça on pourra avaler autant de burgers que tu veux à midi, ça te va ?

Comme si j'avais le choix de toute façon ! J'avais enfilé le costume sans poser de questions.

Au moment où Maximilian sortit de la salle de bain, en train de boutonner sa chemise, il me détailla de haut en bas avec satisfaction :

– Ça te va trop bien, me flatta-t-il, avant de passer sa main dans mes cheveux : on passera chez le coiffeur en rentrant. Comment tu fais pour dresser cette crinière ?

Mes joues s'empourprèrent, tandis que je grommelais dans ma barbe inexistante. Ses caresses étaient agréables... Vraiment ! Mais ça me mettait mal à l'aise tout de même.

Dès qu'il cessa de me prendre pour Aerton, j'entrepris de mettre de l'ordre dans ma tignasse, armé d'une brosse. Maximilian noua une cravate rouge carmin autour de son cou. Cette couleur lui allait terriblement bien !

– J'ai hésité pour la couleur, me dit-il alors, voyant que je louchais sur elle.

– Ben... Ça te va bien. Le rouge va toujours bien aux Lycans, encore plus aux Alphas, de toute façon.

Son regard se fit espiègle soudainement, désignant quelque chose sur la table. C'était une boîte luxueuse, semblable à la sienne, tout droit sortie d'une boutique où il m'avait traîné lors de notre dernier séjour.

Avec son regard appuyé, je compris que c'était pour moi. Il n'avait quand même pas osé !

– C'est obligatoire, malheureusement, rit-il en replaçant son nœud.

– Et pourquoi ?

Il ne répondit pas, se drapant dans un brumeux mystère, le regard joueur. J'ouvris alors le présent ; comme je m'y attendais, c'était une cravate. Elle était de couleur rouge rouille. J'aimais bien cette couleur, pas aussi affirmée que le rouge vif ou carmin, mais qui me mettait en valeur tout de même.

– Je n'ai pas osé prendre la même que la mienne, mais si tu préfères, on peut échanger.

– Elle est magnifique, la couleur me plaît ! Mais je... Je ne sais pas comment on la met.

L'air satisfait, il sortit la cravate et passa celle-ci autour de mon cou. Avec des gestes experts et doux, il exécuta un nœud, tandis que j'essayais de le mémoriser, en vain. La manière dont il nouait cette cravate était plutôt sensuelle, tout comme son regard brûlant qui parcourait mon visage... Mais personnellement, je ne vis rien de tout ça, trop concentré sur la cravate elle-même. Quand j'avais relevé les yeux vers lui, il m'apparut totalement normal.

– Je te montrerais quand on aura plus de temps, conclut-il en s'éloignant. On est un peu pressé.

– Oh, je vais mettre mes chaussures.

Il avait pris le temps de les cirer, ce qui m'avait fait plaisir et cela se trahit par un petit sourire. Et un sentiment de joie.

Quelques minutes plus tard, nous montions à bord d'une voiture avec chauffeur. Tel un cliché bien formaté, il m'appela « Monsieur » avant de m'ouvrir la porte. J'avais si peu l'habitude que j'en fus totalement déstabilisé. Maximilian m'encouragea d'un regard, assit à l'arrière, comme moi.

La voiture démarra sans tarder, une fois que je fus attaché. Une petite vitre sans teint séparait l'habitacle en deux :

– Tu peux parler sans crainte, tout est isolé, me précisa-t-il.

Sur le coup, cela ne me parut pas bizarre, même si je ne voyais pas l'intérêt d'un tel dispositif pour aller dîner...

– Et tu... on va où, en fait ? demandais-je finalement.

– Dîner chez mon patron, dit-il naturellement. Je suis sûr que tu vas trouver quelque chose à manger, le buffet est toujours plus que bien fourni...

Je l'observais avec surprise. La voiture était déjà à deux rues de l'hôtel et l'idée de sauter en marche me traversa l'esprit. Son regard entendu m'en empêcha. C'était bien trop tard pour reculer ! J'étais piégé ! Comme un petit louveteau ! J'en avais honte... Mais honte !

– Ça va bien se passer, ne t'inquiète pas !

– « Bien se passer » de quoi ! Tu aurais pu me le dire avant !

– Ça m'est sorti de la tête, OK ? et puis on ne sera pas seuls. C'est un dîner annuel pour les responsables des différents départements.

Donc James ne serait pas là ! Quelle déception ! Je ne l'avais pas beaucoup croisé durant les derniers jours. Il avait posé un jour de congé et avait pas mal de travail. Comme Maximilian.

Et puis ce William serait là... Avec son arrogance et son air hautain.

– Et pourquoi je dois être là, moi ? je ne suis responsable de rien !

– Je n'allais pas te laisser seul à l'hôtel, si ? ... bien. Ensuite, Howard voulait te rencontrer.

Pourquoi cela ? Aucune idée. Peut-être qu'il voulait que je paye le café que j'avais bu la dernière fois. Ou – je ne voyais pas.

– C'est juste par politesse, me rassura-t-il, il sait qu'Eddy s'occupe de... Enfin, tu vois « quoi » exactement. Il est juste curieux.

Oh, oui, cette histoire de « cas sociaux » dont on me parlait dès que je venais à Glasgow. C'était sa – notre – couverture. Et celle d'Edward aussi.

Ça allait bien à Edward d'être une sorte d'éducateur pour gamins paumés – c'était une partie de ce qu'il était, pour être honnête. Être Chef de Meute de nos jours relevait plus d'être un référent ou un responsable, plus rien à voir avec la conquête de territoire pour chasser et se nourrir... Même si parfois les tensions étaient vives entre certaines Meutes. Étant donné que notre Meute était la seule dans notre région, nous n'avions que peu de problèmes avec le voisinage Lycanthrope.

Dans un sens, même si c'était vrai que j'étais orphelin, être étiqueté « cas social » par tout le monde, ça me gênait. Même si je ne valais sans doute pas, j'aurais préféré être présenté autrement « officiellement ».

– Et je dois dire quoi ? murmurais-je afin que le chauffeur ne puisse entendre.

– La vérité, tiens ! Tu as dix-sept ans, plus de famille, et tu avais besoin d'un peu d'air. Il ne posera pas de questions. Et puis je serais là, rien à craindre, j'ai l'habitude de jongler avec mes vies « officielle » et « officieuse ».

Certes.

Puis, après tout, c'était son problème ! Il n'avait qu'à me briefer avant, m'aider à tenir un discours qui s'accordait avec le sien. Oui, je lui en voulais, alors qu'il n'avait rien fait de mal. Et je boudais, comme un enfant.

Pour être honnête, je me réfugiais derrière tout cela pour éviter d'avoir à affronter ce qui me faisait réellement peur ; être en présence d'humains. Même si j'allais à l'école avec les humains depuis mon enfance, le fait d'être toujours le vilain petit canard de ma classe, celui qui était mis à l'écart, faisait que je ne me mêlais pas tant que cela à eux.

Parfois je redoutais de gaffer, alors je préférais me taire, m'écraser. Trahir le secret de notre existence, c'était sans doute la chose la plus grave qu'un Lycanthrope pouvait faire, après avoir tué ou mutilé un humain. C'était pour cela que les Lycans vivant parmi les humains comme Maximilian étaient rares. Il fallait faire preuve de sang-froid et être un bon menteur doublé d'un acteur hors pair pour ce genre de vie...

Et moi je n'étais ni bon menteur ni bon acteur.

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