Chapitre 6 - Ava 🌸
Le week-end s'est déroulé d'une manière très monotone, j'ai passé tout mon temps seule. Au moins, ça m'a permis de ranger mes affaires, revoir quelques cours qui pourront m'aider lors de mon stage et découvrir un peu plus profondément New York. Je suis partie me promener à Central Park, que j'ai vraiment pris plaisir à découvrir, et finalement, hier au soir j'ai entretenu une conversation plutôt intéressante avec Shane, gaffeur professionnel à ses heures perdues.
Selon lui, il a bien spécifié à Zaiden que le stage durait huit mois, chose que j'ai beaucoup de mal à croire. Comme à son habitude, il a dû s'emmêler les pinceaux et à présent, il n'a plus de souvenirs d'une conversation qu'il a eu lieu il y a un mois. Quoi qu'il en soit, il m'a certifié de ne pas m'en faire, que Zaiden est plutôt ronchon par nature, mais que jamais il ne me foutra dehors.
À mon avis, il ne connaît plus vraiment son meilleur ami. Je sais qu'il est venu lui rendre visite à New York il y a quelque temps déjà, peut-être bien il y a trois ou quatre ans, mais j'ai l'impression que la vie de Zaiden n'a pas cessé de changer ces dix dernières années. Le garçon que j'ai connu s'est effacé pour laisser place à un homme froid, hautain et despotique. Bref, le parfait portrait du mec friqué par excellence.
Nous ne nous sommes plus parlé depuis notre petit-déjeuner catastrophique, je crois qu'il fait tout pour m'éviter. J'ai envie de l'appeler, de lui demander s'il va bien, mais je crains qu'il ne m'envoie balader, ou pire, qu'il ne prenne même pas la peine de décrocher. Après tout, que pouvais-je attendre de la part d'un mec qui n'a pas daigné répondre à une seule de mes lettres ? Rien, je suppose.
Que faire lorsque ton crush d'enfance, que tu as idéalisé pendant plus de dix ans, s'avère être un connard fini ? Il n'y aurait pas un manuel par hasard qui pourrait m'éclairer sur le sujet ? Et si en prime, il y a un chapitre consacré à « Comment faire pour ne pas avoir envie de l'étrangler et de le baiser à la fois », ce serait la cerise sur le gâteau. Parce que depuis deux jours, des sentiments tout aussi étranges que complexes vis-à-vis de Zaiden pullulent mon esprit.
***
Les mains tremblantes, je pousse la porte de l'immeuble où se trouve Enchanted Feathers Publishing et emprunte l'ascenseur afin d'accéder au dixième étage, là où se trouvent les bureaux de la maison d'édition. Une fois arrivée à destination, je quitte l'élévateur pour débouler dans un petit vestibule où un bureau d'accueil se tient tout juste à ma droite.
— Bonjour, me hèle la réceptionniste, une jolie brunette aux yeux chocolat. En quoi puis-je t'aider ?
— Je suis Ava Lincoln, la nouvelle stagiaire.
— Ah oui, c'est vrai, tu arrivais aujourd'hui. Je vais prévenir Sandra. Reste ici, m'indique-t-elle en désignant les sièges présents dans un coin.
Sans répliquer, je vais m'y poser et patiente, le temps que l'éditrice en chef, Sandra De Luca, vienne à ma rencontre. Cette femme est pour moi une grande source d'inspiration. J'ai suivi son parcours dans le milieu éditorial de très près, d'ailleurs, je suis une lectrice assidue de la maison d'édition. Toutes les romances que j'ai pu lire m'ont conquises du début à la fin, que ce soit grâce à la trame, aux personnages, à leur background ainsi qu'à cause de divers sujets sociétaux traités de manière délicate mais percutante. Ils choisissent les œuvres qu'ils publient avec beaucoup de soin, et ils préfèrent la qualité à la quantité. J'aime cette mentalité.
— Tu attends quelqu'un ? Je peux t'aider ? me demande un jeune homme d'environ mon âge.
— La réceptionniste est allée chercher Mme De Luca, l'informé-je. Elle m'a demandé de rester ici.
— Oh ! Tu dois être Ava, c'est ça ?
Il s'approche de moi en deux grandes enjambées, je me lève automatiquement, et sans que je ne m'en rende compte, je lui serre déjà la main.
— Enchanté, je suis Elliot, responsable marketing. Ta lettre de motivation a vraiment impressionné Sandra, félicitations. Elle est très exigeante comme personne, alors dis-toi qu'il s'agit déjà d'un exploit d'avoir retenu son attention. Tu es à l'UCLA, c'est ça ?
— En effet, tu as une bonne mémoire.
— Oui, on me le dit souvent, ricane-t-il. Quoi qu'il en soit, si tu as besoin de quelque chose, n'hésite pas. Tu pourras me trouver facilement. Je te laisse, je dois aller faire une course. À plus tard !
— À plus, murmuré-je en même temps qu'il continue sa route jusqu'à l'ascenseur.
Je repose mes fesses sur le siège, en espérant que je n'aurais pas à attendre une heure que la grande patronne puisse me recevoir. En tout cas, elle a déjà parlé de moi à toute l'équipe, c'est plutôt encourageant. Puis savoir que ma lettre de motivation l'a impressionnée me remplit de fierté, je ne le cacherai pas.
Soudain, mon portable vibre et je l'extirpe de mon petit sac pour découvrir un message de mon frère.
Shane message reçu à 9h05
Bon début de stage, petite tête !
Son texto m'arrache un sourire, malgré qu'il soit le responsable d'une situation très désagréable entre Zaiden et moi, je ne peux m'empêcher de l'adorer. Il est le meilleur grand frère dont on pourrait rêver.
— Ava ? m'interpelle une voix alors que m'apprête à répondre à Shane.
Instinctivement, je range mon portable dans mon sac et me lève d'un bond pour découvrir à quelques pas de moi une femme aux cheveux courts, d'âge moyen, et habillée d'une tenue décontractée.
— Je suis Sandra De Luca, se présente-t-elle en avançant dans ma direction.
Elle me tend la main, je la lui serre, éblouie d'enfin pouvoir la rencontrer en personne. Nous avons échangé par mail ces dernières semaines, ainsi que par téléphone, mais il s'agit bien de la première fois que je peux mettre un visage sur son prénom.
— Bonjour Mme De Luca...
— Oh, je t'en prie, appelle-moi Sandie, tu veux ? Avant d'être une entreprise, Enchanted Feathers Publishing est une grande famille, alors les formalités, on préfère les laisser à la porte. Tu me suis ? Je vais te présenter à tout le monde, et te faire visiter.
Ses paroles me détendent presque instantanément, et sans hésitation, je la suis à la découverte de mon lieu de travail pour les huit prochains mois.
***
Après avoir rencontré toute l'équipe, formée par les éditeurs, les assistants d'édition, les maquettistes, les correcteurs, les responsables marketing, les graphistes, la community manager et les commerciaux, je peux aisément dire que ma patronne ne bluffait pas : ils sont tous une grande famille. Ils m'accueillent les bras ouverts, et bien que professionnels, ils semblent avant tout à l'écoute des besoins des autres.
Sandra m'explique que lorsqu'elle a décidé de fonder sa propre maison d'édition, elle avait en tête un but bien précis : l'humanité avant les chiffres. Pour elle, rien ne sert de vivre dans la pression et l'aigreur pour quelques dollars. Le bien-être de ses employés s'avère primordial, et c'est la loi principale qui régit son entreprise. Elle me présente d'ailleurs les trois membres qui forment les ressources humaines de la maison d'édition.
Elle me guide à travers les installations, que je trouve simples, jolies et efficaces. Elle me met au courant des réunions de débriefing qui ont lieu tous les jours à 10h tapantes, et qui durent en général une petite heure, mais qui peuvent s'étendre si jamais il y a un problème. Elle m'avertit également que si j'ai besoin d'emmener mon animal de compagnie au bureau, il n'y a aucun problème, que l'immeuble dispose d'une garderie pour chiens au premier étage et que si j'ai besoin de soutien émotionnel, je peux aller le rejoindre toutes les deux heures pour lui faire des papouilles. Bien que je trouve cela assez lunaire, je dois avouer que c'est super sympa de la part de l'entreprise de se soucier à ce point des besoins de leurs employés.
Au bout d'une heure, Sandra m'abandonne pour partir en réunion et me laisse à la charge d'Emilie, la réceptionniste qui s'empresse de me montrer mon espace de travail.
Une fois assise à mon bureau, Emilie me file mes mots de passe pour l'ordinateur que je vais utiliser et m'apprend qu'aujourd'hui et pour les prochaines semaines, mon boulot sera de lire des manuscrits envoyés par des auteures pas encore publiés pour la maison d'édition. Ils ont déjà passé l'étape du comité de lecture, à présent, je dois terminer le tri.
— Voilà, à toi de découvrir la prochaine pépite. Je te laisse travailler, me sourit-elle. Si tu as besoin de café, de manger un bout, dis-le-moi, je te ferai arriver tout ça.
— Merci beaucoup.
— Bienvenue à Enchanted Feathers Publishing.
Excitée comme une puce, j'ai du mal à tenir sur place. C'est donc sans tarder que je me plonge dans le premier manuscrit d'une liste avec plus de cent titres. On dirait bien qu'ils sont victimes de leur succès, ils doivent recevoir des soumissions à la pelle. Après tout, leurs derniers romans publiés ont eu un franc succès auprès du public concerné.
Je crois même que les droits d'adaptation de certains de leurs romans ont été vendus à des boîtes de production. C'est tellement encourageant, les auteures doivent êtres ravies.
Une fois le fichier ouvert, je commence ma lecture avec une avidité étonnante. Pourtant, mon intérêt se voit vite essoufflé par certaines incohérences qui me sautent aux yeux au fil des chapitres. Ce premier manuscrit a clairement du potentiel, mais une réécriture serait de mise afin de pouvoir l'exploiter à sa juste valeur.
Dans un tableau Excel, je note mes remarques et dresse un code couleur. Vert, approuvé, adoré. Orange, avis dubitatif, mais beaucoup de potentiel. Rouge, recalé. Bien évidemment, ma lecture est totalement objective, je me concentre sur plusieurs points : la crédibilité et profondeur des personnages ; le rythme et les rebondissements au fil de l'histoire ; la cohérence des événements et leur impact sur l'intrigue ; la qualité de l'écriture et la fluidité du texte ; et enfin, l'originalité et l'unicité de l'histoire. Je m'efforce de noter chaque élément de manière juste et équilibrée, en prenant en compte à la fois mes propres impressions et les normes de l'industrie éditoriale. Étant à l'affut des tendances, je sais aussi ce qui se vend le plus dans le marché en ce moment. Les tropes sont primordiaux, ils sont ceux qui attirent l'intérêt du lecteur en premier lieu, tel une carte de présentation de l'ouvrage. Il s'agit essentiellement d'un système de filtration, permettant aux lecteurs de savoir en un coup d'œil si les thèmes de l'histoire les intéressent, sans avoir à lire le résumé complet.
— La nouvelle ?
Le regard rivé sur mon écran, je le détourne pour tomber sur Elliot, le collègue que j'ai rencontré dans le hall.
— Oui ?
— Dis donc, tu as l'air sacrément à fond, plaisante-t-il. Ça te dirait d'aller manger un bout ? Il est plus de treize heures.
Déjà ?!
Seigneur, j'ai été tellement absorbée que je n'ai pas vu le temps passer.
— Allez, je t'invite, ça te fera du bien de te reposer les yeux.
En effet, il n'a pas tout à fait tort.
Sans me faire prier, je me lève et le suis. Une fois en-dehors du bâtiment, nous nous dirigeons jusqu'à une petite échoppe à proximité. Là-bas, nous commandons deux sandwichs, un végétarien pour lui, un autre au poulet rôti pour moi, ainsi que deux jus d'ananas. Pendant que nous attendons notre commande, nous apprenons à nous connaître et je remarque qu'il a un don pour me mettre drôlement à l'aise. Sans tarder, les questions sur la sphère privée déboulent et j'apprends qu'il est très heureux en ménage avec son petit-ami, qu'il a rencontré au lycée et entraîné avec lui à Manhattan. Ils vivent ensemble dans un petit appartement de Williamsburg, à Brooklyn. Puis, lorsqu'il me dit le prénom de son fiancé, j'éclate de rire.
— Vraiment ? Billy ?
Elliot s'esclaffe à son tour. Après tout, il faut l'avouer, l'association de leurs deux prénoms est étonnamment cocasse.
— Billy et Elliot[2], prononcé-je à haute voix.
— Que veux-tu, nous étions faits pour être ensemble. Et toi ? Tu es venue seule jusqu'à la Grosse Pomme ? s'intéresse-t-il à moi alors que notre encas arrive tout juste à notre table.
Il lâche un croc, j'en fais de même, mon ventre gargouillant de faim. Le poulet rôti est extrêmement bon, tout comme les divers ingrédients composant le sandwich. De la bonne bouffe, un endroit sympa... je crois que j'ai trouvé où je vais déjeuner tous les midis. Heureusement, ce stage est rémunéré, même si je ne toucherai jamais autant qu'un vrai salarié.
— Oui, réponds-je, la bouche pleine. Avec mes études, je n'avais clairement pas le temps d'entamer une relation amoureuse avec qui que ce soit.
— Rassure-moi et dis-moi que ça ne t'a pas empêché de t'éclater.
Il me lance un regard entendu, en voyant ses sourcils bouger de haut en bas, je pouffe.
— Oui, crois-moi, je n'ai pas perdu de temps pour explorer... ça.
Seule ou accompagnée, j'ai découvert très tôt les joies du sexe. Même si depuis environ un an, je me suis calmée. De toute façon, ce genre de relations vides de sens ne me comblaient plus.
— Et du coup, tu crèches où ? Tu as réussi à trouver un appart dans le coin ?
— Je vis chez le meilleur ami de mon frère, à Sutton Place.
En prononçant le nom du quartier, il avale de travers et boit un peu de son jus d'ananas.
— Waouh, ce type doit être drôlement friqué alors, suppose-t-il.
— Je crois. Il a une entreprise. MST Corp, ou un truc comme ça.
— Tu veux dire MTS Corp ? me corrige-t-il en étouffant un rire.
MTS, MST... qu'importe.
— Oui, réponds-je en haussant les épaules.
— Attends, c'est une blague ? Tu veux dire que le pote de ton frère, c'est Zaiden Reed ?
Il semble choqué, mais pour moi Zaiden... c'est juste Zaiden.
— Oui, pourquoi ?
Elliot lève les yeux au ciel, comme s'il cherchait les mots pour exprimer sa surprise.
— Ava, Zaiden Reed est une légende vivante à New York. Il est bien plus que le simple "ami de ton frère". Il est l'un des entrepreneurs les plus en vue de la ville, et MTS Corp est une entreprise de renommée mondiale. C'est comme si tu me disais que tu vis chez Elon Musk à Palo Alto.
Oh... je vois.
Malgré toute l'opulence de laquelle j'ai été témoin, je n'arrive toujours pas à réaliser que Zaiden est cette personne. Pour moi, il restera toujours le meilleur ami de Shane, ce gosse qui venait se réfugier chez moi lorsque ça devenait trop tendu chez lui. Je n'arrive pas à le considérer de cette façon, une légende vivante, comme dit si bien Elliot.
— Il m'a vu grandir, soupiré-je. J'ai passé toute mon enfance collée à ses basques et à celles de mon frère.
— Et comment était-il ado ? Je suis curieux, il dégage une énergie sexuelle qui me retourne le cerveau comme pas permis. Je l'ai vu une fois, en train de faire son footing à Central Park, et impossible de le manquer. Il était accompagné par un autre mec.
Oui, j'imagine sans grand mal que Zaiden passe rarement inaperçu, qu'importe qu'il soit un homme d'affaires réputé ou non.
— Sans doute Jameson, son chauffeur slash garde du corps slash homme de confiance, ricané-je en prenant une autre bouchée de mon sandwich.
— Non, râle mon collègue. Merde, comment il s'appelle déjà ce petit con ? Ah oui ! Alexander Vanhove ! L'héritier de la fortune Vanhove. Un playboy qui collectionne les conquêtes et qui adore dépenser l'argent de sa famille tout en faisant la une des magazines people, me confie-t-il. Il se décrit comme « philanthrope » et « visionnaire », mais c'est surtout un sacré parasite. Il investit dans les idées des autres, un argent qu'il n'a même pas gagné pour se faire encore plus de pognon. Un vrai limier du fric, ce type.
— Il n'empêche qu'il prend un risque financier, raisonné-je. Ce n'est pas tout le monde qui a l'audace d'investir sans savoir comment ça va réellement aboutir.
— Mouais, il a juste du bol si tu veux mon avis. Après tout, c'est ainsi dans ce milieu : le succès attire le succès.
Oui, j'imagine que Zaiden a su clairement s'entourer, et il y a quelque chose dans cette amitié qui me fait légèrement tiquer. J'en ignore la raison, mais ça me rend mal à l'aise.
Elliot pianote quelque chose sur son téléphone puis me le tend. Il s'agit d'un article sur cet Alexander Vanhove dont je n'ai jamais entendu parler. Blond aux yeux clairs, il dégage un charme captivant, et je dirais même dangereux.
— Ils ont fait leurs études ensemble à Columbia, me dévoile Elliot. Et ils sont devenus comme cul et chemise. Zaiden a eu le projet, l'idée, Lex a apporté le capital et les investisseurs. Enfin, il a aidé au début, une fois que la machine était en marche... difficile de l'arrêter.
— Donc, une partie de MTS Corp lui appartient ?
— En quelque sorte, disons qu'il a une part du gâteau, mais l'actionnaire principal demeure Zaiden, qui détient plus de cinquante pourcent des actions.
Même si je ne comprends rien à ce qu'il raconte, je le trouve vachement renseigné. Ces infos sont de domaine public ?
— Comment tu en sais autant ? Tu es un fan ou quelque chose du style ? ne puis-je m'empêcher de plaisanter.
— Non, pas spécialement, mais ils font partie de l'élite newyorkaise. Et j'aime faire des placements d'argent, investir. Du coup, je me suis intéressé de plus près à cette entreprise et, en cherchant, en lisant plein d'interviews, on finit par amasser un tas d'infos, m'apprend-il. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est comment il est possible que Zaiden soit l'ami de ton frère et que tu ne sois pas au courant de tout ça ?
— Nous avons dix ans d'écart, et cela faisait plus d'une décennie que nous ne nous étions pas vus. Puis, la technologie, ce n'est pas quelque chose qui me passionne.
— Ah oui, c'est vrai, j'oubliais ton âge. Tu as quoi ? Vingt-deux, vingt-trois ans ?
— Je viens d'en avoir vingt-et-un, révélé-je.
— Oh, un bébé, me taquine-t-il, m'arrachant un rire au passage.
— Tu n'es pas bien plus âgé, non ?
— Merci pour le compliment, mais j'ai déjà trente-trois balais.
— Vraiment ? m'exclamé-je, choquée qu'il ait douze ans de plus que moi. On ne dirait pas du tout. Je pensais qu'on était plus ou moins de la même trempe.
— Je cache bien mon jeu, ma chère. Et merci pour le compliment, ça veut dire que mes soins du visage fonctionnent.
Dans la bonne humeur, nous continuons de parler de tout et de rien, puis nous terminons notre repas en même temps. Sans miroitements, il paie notre commande et nous retournons gaiement au bureau. En pleine ascension vers notre étage, il lâche d'un air mi-pensif mi-taquin :
— Tu sais, maintenant que j'y pense, ton histoire avec Zaiden serait un excellent pitch pour l'un de nos romans. Une romance avec un milliardaire, agrémentée des tropes d'écart d'âge, du meilleur ami du grand frère, de l'amour interdit, et bien sûr, de la cohabitation forcée... C'est le parfait cocktail pour un best-seller.
Les yeux écarquillés par la surprise, j'étouffe un rire afin de ne pas le vexer tant sa réflexion me semble sérieuse.
— Un peu cliché, tu ne trouves pas ? C'est du déjà-vu, plaisanté-je.
— Toutes les histoires sont un peu du déjà-vu, assure-t-il. Ce qui importe, c'est la manière dont l'auteur s'approprie ses personnages et ses thèmes.
Dès que les portes de l'ascenseur s'ouvrent, Elliot me lance un clin d'œil complice. Nous retournons chacun à nos occupations, et lorsque je me retrouve face à mon écran, au lieu de me plonger immédiatement dans mon travail, je ne peux m'empêcher de réfléchir à ce que mon collègue vient de dire. Les mots « histoire d'amour avec un milliardaire », « l'âge gap », « l'amour interdit » et « la proximité forcée » tournent en boucle dans ma tête.
Ce serait bien trop beau pour être vrai.
***
Une fois ma journée terminée, je rentre à l'appartement. En passant près d'un petit restaurant, je m'arrête pour commander un repas à emporter. La dernière chose dont j'ai envie en rentrant, c'est de cuisiner. D'ailleurs, il faudrait que j'aille faire les courses afin de remplir mon étagère du frigo.
Après avoir déboursé vingt dollars pour un simple panini, je reprends la route vers mon nouveau chez moi, et je suis obligée de mettre en marche Google Maps afin de ne pas me perdre à travers le quartier et ses nombreuses rues.
Le regard fixé sur le GPS, je me laisse guider, même si à ces heures du soir, je ne reconnais pratiquement aucune échoppe que je croise sur ma route. Sans parler de mon sens de l'orientation totalement déficient.
Au bout de quinze minutes, mon ventre gargouille de plus belle, me rappelant qu'il se fait de plus en plus tard. La douleur est telle que je suis obligée de me poser un instant sur un banc et de soulager ma faim en lâchant un croc en pleine rue. Le pain, tout en étant croquant, fond en bouche, tout comme le fromage et le beurre. D'accord, il était cher, mais au moins, il est succulent. Mes compliments au chef !
Soudain, alors que je m'apprête à prendre une nouvelle bouchée, je ressens une présence tout près de moi ainsi qu'un regard insistant. Les poils de mes avant-bras se dressent, à l'instar de ceux de ma nuque et une impression de déjà-vu me submerge. Une espèce de petit jappement me parvient, puis en tournant le regard, une boule de poile fixe mon repas avec beaucoup d'envie. De ses yeux vairons, il ne le lâche pas une seconde. J'aimerais bien pouvoir dire de quelle couleur est son pelage, mais le pauvre est tellement sale que la seule couleur que je vois est grise. Mais je suis presque persuadée qu'il s'agit d'un croisement entre un husky et une autre race. Laquelle ? C'est un mystère.
— Coucou, mon loulou, le salué-je. Où est ton maître ?
Je jette un coup d'œil aux alentours et remarque que personne ne semble à sa recherche. La langue tout dehors, il respire frénétiquement. D'une taille moyenne, il ne me faut pas longtemps pour me rendre compte qu'il s'agit probablement d'un chiot. Je ne saurais dire son âge avec certitude, mais il a moins d'un an.
— Tu as faim ?
Il pose une patte sur le banc, tout juste à côté de mes jambes, et se lèche les babines.
Je regarde mon panini, puis l'animal qui semble affamé, et décide de le lui donner. Délicatement, à ma plus grande surprise, il s'empare des tranches de jambon qu'il avale sans prendre la peine de les mâcher. Il ne dit pas non au fromage, tout comme à la salade, aux tomates ou au pain. Il dévore tout comme si cela faisait plusieurs jours qu'on ne l'avait pas nourri. Mon cœur se fend, ce petit bout de chou est vraisemblablement perdu. Ou alors, on l'a abandonné.
— La vie est nulle, hein mon petit pépère, murmuré-je en lui caressant le sommet de sa tête.
Il demande de l'attention, de l'amour, il me laisse faire sans montrer une once d'agressivité. Visiblement, il est habitué au contact humain, il ne fuit pas mes papouilles. Ce constat me fâche et me rend triste à la fois, parce que son maître est sans doute quelque part en train de se la couler douce alors que son animal trime pour survivre dans les rues de New York.
Il finit par poser sa tête sur mes genoux, le regard suppliant, comme s'il cherchait à me demander quelque chose. D'avoir pitié de lui ? De lui donner davantage à manger ?
— Désolée, petit pote, je n'ai plus rien.
Il me sent pour finalement me lécher la main. Comment peut-on abandonner une créature si innocente sans le moindre remord ? L'humanité me dépasse la plupart du temps. Ses petits yeux me parlent, et même si je viens à peine de le rencontrer, je suis incapable de ne pas me faire de souci pour lui. Pour moi, il n'y a rien de plus pur que les animaux, surtout les chiens. Ils sont d'une loyauté sans faille, donnent sans attendre rien en retour... selon moi, ils sont l'incarnation de l'amour dans son état le plus pur.
Et imaginer ce qu'il peut lui arriver seul, dans ces rues où les voitures ne cessent de circuler, me brise l'âme.
Je ne peux pas le laisser là.
(Ava et Buddy - illustration IA)
❤️❤️❤️❤️❤️❤️❤️❤️❤️❤️❤️❤️
Oh 👀 Un nouveau coloc... ça va pas plaire à tout le monde ça 🤣
Premier jour de stage pour Ava et elle est complètement dans son élément. Lire des manuscrits et être immergée dans le milieu éditorial, c'est plus qu'un rêve devenu réalité pour elle 😍
En tout cas, ça sent pas très bon pour la suite en ce qui concerne Zaiden 😅 À ce train-là, il va nous faire une syncope. Elle bouscule trop son quotidien depuis qu'elle a débarqué. Et pas juste parce qu'elle est jolie comme un coeur et à croquer 👀
EXCEPTIONNELLEMENT, LE CHAPITRE 7 EST DÉJÀ EN LIGNE 🙈
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