Chapitre 53...

La voiture du policier se gare devant un pavillon dans la banlieue nord de la ville. La maison est entourée d'un grand jardin fleuri. Un chien, un vieux berger allemand, se met à aboyer en voyant deux hommes s'approcher de sa maison. Maurice Jacob se poste avec l'étudiant devant le portillon en fer forgé et appuie sur la sonnette. Quelques secondes plus tard, un homme d'une soixantaine d'années sort de la maison et fixe ses visiteurs intrigué.

– Capitaine Morleau ? Maurice Jacob. On a travaillé ensemble quelques années avant que vous ne preniez votre retraite.

Yves Morleau descend ses trois marches puis traverse son allée avant d'arriver devant son portillon. Le chien rejoint son maître en remuant la queue. Le policier fixe l'ancien capitaine.

– Vous vous souvenez de Dimitri Bezel ? C'était en 2002, un ado qui signale la disparition de quatre de ses amis mais ces derniers n'existent pas.

– Il est sorti de psychiatrie ?

Le capitaine Jacob secoue la tête avant de dire :

– Non, mais j'aimerais que vous me racontiez tout ce que vous savez à propos de cette affaire.

L'ancien policier regarde son interlocuteur. Il ne voit pas l'intérêt de revenir là dessus. D'ailleurs, il n'y a rien à raconter.

– Juste un gamin perdu qui a raconté n'importe quoi pour attirer l'attention.

– Il vous a décrit la fête foraine ? Intervient Matteo, coupant limite la parole à Yves Morleau.

Yves se tourne vers l'étudiant en fronçant les sourcils. Il n'accepte pas d'être coupé quand il parle.

– Comment êtes vous au courant pour la fête foraine ? Demande-t-il à cet effronté.

– Une amie a également perdu des amis à elle là bas.

– Ah oui, vraiment ?

Yves n'est pas convaincu. Pour lui certaines personnes ne méritent pas son attention, surtout quand elles racontent n'importe quoi. Le capitaine Jacob sent que la conversation risque de se couper rapidement et prend la suite :

– Yves, deux personnes qui ne se sont jamais rencontrées, avec vingt-ans d'écart, et qui racontent la même histoire... ça ne peut pas être une coïncidence. En tout cas, je n'y crois pas.

Morleau se met à regarder son successeur sans rien dire. Il pose par la suite un bras sur le portail avant d'admettre :

– Non, vous avez raison.

Yves recule par la suite son chien avant de faire signe aux deux hommes d'entrer dans la maison.

*

– Pour la dernière fois Alexanne, pourquoi est-ce que tu t'entêtes à raconter n'importe quoi ? Demande la psychologue Juliette Robert à sa patiente.

Depuis quelques jours, l'étudiante sent que cette dernière a perdu patience avec elle. Elle est plus agressive, ce qu'Alexanne voit comme un manque de professionnalisme.

La jeune fille ne répond pas et garde ses mains serrées sur ses genoux. Elle prend maintenant les comprimés depuis un mois. Mais cela ne l'empêche pas de se souvenir de ses amis. Il semblerait qu'elle ait pris l'habitude de Dimitri : scander leurs noms pour ne pas les oublier.

Juliette se lève de son bureau avec un regard noir et s'approche de sa patiente. La femme a déjà reçu deux avertissements. Elle ne peut pas échouer une troisième fois. Elle ne s'en relèverait pas si cela arrivait. Si cette gamine cherche à être plus maligne qu'elle, Juliette va lui montrer qu'elle perdra à ce jeu. Car Alexanne ne possède pas toutes les cartes en main, tandis que Juliette a un as dans sa manche. Et elle le sortira si besoin.

Juliette se penche vers Alexanne et murmure à son oreille :

– Tu sais quoi ? Si les médicament son inefficaces, il existe un autre traitement.

Au son de sa voix, la chaire de poule s'empare du corps de la jeune fille. Elle se met à craindre cette personne malgré elle. Comment une simple psychologue peut lui faire peur après ce qu'elle a vécu dans l'attraction ?

– Ce traitement, continue Juliette, se fait à base d'électrochocs. C'est beaucoup plus douloureux, mais bon... tu ne nous laisses pas le choix...

À ces mots, deux infirmiers font irruption dans la pièce et attrapent Alexanne. L'étudiante, qui ne comprend pas ce qui lui arrive, se met à crier et à se débattre pour être relâchée. Juliette Robert reste immobile et croise les bras en voyant les infirmiers emmener sa patiente. Un sourire éclaire son visage. Elle n'échouera pas une troisième fois, elle en est sûre.

Juliette se met à suivre ses infirmiers dans le couloir. Elle passe devant l'accueil et salue l'infirmière assise à ce poste.

– La grille est bien fermée ?

– Oui Madame, comme vous l'avez demandé.

Juliette remercie cette femme et reprend son chemin en direction de l'aile droite du bâtiment. Elle s'engage dans une zone interdite à tous les résidents. Elle referme la porte blindée à l'aide de sa carte magnétique et traverse un court couloir en béton gris avant d'entrée dans une salle nommée « 2 ». Un infirmier referme derrière elle avant de dire.

– Elle est prête.

Juliette Robert sourit en voyant sa patiente Alexanne Genêt allongée sur une table au centre de cette pièce vide sans fenêtre. Seuls quelques spots éclairent l'endroit, lui donnant un aspect inquiétant. L'étudiante est allongée et attachée par les poignets et les chevilles, les jambes écartées.

– Qu'est-ce que vous allez me faire ? Demande Alexanne prise par la peur.

Juliette tourne autour de la jeune fille pour se poser au niveau de sa tête. Elle place ses mains sur les deux électrodes fixées sur le haut du crâne de l'étudiante.

– Comme je te l'ai dis, on va changer ton traitement. Une personne que je connais trouve que cela n'est pas assez efficace. Du coup on va passer par l'électricité.

– Non ! Ne faites pas cela ! Je... je vous promets que je vais arrêter. Vous avez raison, je ne cherche qu'à attirer l'attention.

Juliette secoue la tête en souriant. Puis elle se met à caresser les cheveux d'Alexanne.

– Ne t'inquiète pas ma jolie, ça ne fait pas mal.

Alexanne sent une larme couler sur sa joue gauche. La panique est en train de la dominer. Ses membres tremblent.

Juliette lui caresse quelques instants les cheveux avant de se rebaisser au niveau de ses oreilles.

– Mais avant ça, quelqu'un souhaite te parler...

Les yeux d'Alexanne s'activent tout autour de la pièce sous la peur quand soudain, une voix la pétrifie.

– Bonsoir Alexanne.

La tête de la jeune fille se tourne en tremblant sur sa gauche. Un homme tout vert vêtu est en train de nettoyer son monocle à l'aide de la manche de sa veste. Une moustache blanche se soulève lorsqu'il parle.

– Je t'avais conseillé de les oublier, tu te souviens ?

Alexanne se met à crier en reconnaissant le forain. Elle se débat en espérant se libérer mais en vain.

– Puisque tu as refusé de m'écouter, tu vas en subir les conséquences...

*

Après la visite chez l'ancien capitaine Morleau, Maurice Jacob et Matteo prennent la direction de l'hôpital où est enfermée Alexanne. La nuit a beau être tombée, cela n'inquiète pas le policier. Plaque à la main, il sait qu'il pourra rentrer. Matteo profite de ce trajet pour prévenir sa mère, il ne sait pas à quelle heure il rentrera.

– Vous allez prévenir les parents d'Alexanne, demande-t-il par la suite.

– Oui oui.

En réalité, Maurice n'avait pas encore pensé à ce point là. L'homme est tellement imprégné par son enquête qu'il n'a pas encore songé à aller voir la famille Genêt. De toute façon, si leur fille est dans un hôpital psychiatrique, cela montre qu'ils ne la croient pas.

La voiture arrive devant la grille d'entrée de l'institut. Maurice stationne la voiture le temps d'aller appuyer sur la sonnette posée sur le mur gauche. Quelques paroles plus tard, Maurice obtient l'ouverture de la grille. Il retourne en voiture pour l'avancer dans l'allée de l'hôpital. Une fois le véhicule garé, les deux hommes sortent de la voiture. Puis Matteo suit le policier jusqu'à l'accueil du bâtiment. Maurice présente sa plaque et demande à rencontrer Dimitri et Alexanne. L'infirmière face à lui semble hésiter. Il est vingt heure et normalement elle n'a pas le droit d'accorder des visites à cette heure là. Mais le capitaine Jacob sait être persuasif et quelques minutes plus tard, elle accompagne les deux visiteurs jusqu'à une salle de réception. La salle en question contient un grand canapé trois places en velours vert ainsi que deux fauteuils assortis posés en face. Au centre, une petite table basse en verre est installée. Elle abandonne le policier et l'étudiant et annonce qu'elle va chercher les deux résidents qu'ils ont demandés.

Elle revient dix minutes plus tard avec seulement Dimitri. Face aux regards inquisiteurs du capitaine Jacob et de Matteo, elle baisse les yeux en essayant de s'expliquer :

– Alexanne est... souffrante. Du coup je l'ai laissée se reposer.

Elle tourne les talons sans laisser de temps aux visiteurs de dire quoi que ce soit. Matteo se laisse tomber sur un fauteuil en soupirant. Maurice Jacob invite Dimitri à s'asseoir sur le canapé tandis que lui, il prend la place dans le dernier fauteuil. Pendant un court instant, le capitaine observe cet homme aux yeux fuyants. Dimitri est un homme d'une trentaine d'année qui a passé presque la moitié de sa vie dans ce bâtiment. Le policier n'a aucune idée s'il a toujours des contacts avec sa famille.

– Dimitri, je suis le capitaine Jacob et voici Matteo, un ami d'Alexanne. Vous connaissez Alexanne n'est-ce pas ?

L'homme hoche la tête doucement mais ne sort pas un mot. Maurice et Matteo se regarde puis l'étudiant prend la suite :

– On te croit Dimitri. On sait que toi et Alexanne, vous dites la vérité.

Les yeux de l'homme se relèvent et ses deux visiteurs peuvent voir que ces yeux noirs sont remplis de crainte.

– Alors faites nous sortir d'ici... On est en danger.

Les poils de Matteo se hérissent face à ces mots. Maurice avance son fauteuil.

– Pourquoi dites-vous que vous êtes en danger ?

– Le forain... il est là. Il est là. Il sait pour nous.

Dimitri marque une pause dans sa réponse avant de tourner son regard vers Matteo.

– Il va tuer Alexanne.


**

Qui dit mercredi dit nouveau chapitre !!!! N'hésitez pas à dire ce que vous en pensez en commentaire :)

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