Chapitre 7 : Blessures
La nuit touchait à sa fin et le soleil se dessinait derrière l'horizon derrière les nuages opaques. Cette fois, Drago n'y fit même pas attention, ne releva même pas l'aube qui se préparait lentement.
Il avait le sentiment que son esprit s'était accordé une petite sieste bien méritée. Les informations ne lui parvenaient que trop tard et rien n'était plus agaçant aux yeux du jeune médecin. Il pouvait s'écrouler à tout moment et luttait de toutes ses forces pour rester éveillé. Assis devant son énième café, il ne pensait à rien, l'image de la tasse fumante était déformée par la fatigue. Comme prisonnier d'une brume blanchâtre et épaisse.
Soudain, une arrivée fracassante le tira de son état proche de la transe. Le docteur Jaeger avait passé le seuil de la pièce faisant trembler la porte qui émit une plainte de protestation.
-Monsieur Malfoy, que faites-vous encore ici ? On vous attend, des nouveaux viennent d'arriver alors du nerf, votre sieste journalière va devoir attendre quelques heures !
Drago étouffa un grognement et une de ses répliques cinglantes. Il avala le reste de café, s'occasionnant une vive brûlure. Il quitta la petite salle et se rendit dans la pièce contiguë sans entrain, puisant dans ses forces et sa fierté.
Des blessés à la chaine, une douleur qui extirpa le jeune médecin de son état l'espace de quelques instants. Les gestes qui lui venaient étaient presque naturels, il ne réfléchissait même pas et exécutait avec précision. Un automate, c'était certainement ce qu'il était, l'action allait bien plus loin que sa pensée. Et c'était mieux ainsi, peut-être était-ce la seule manière de survivre ? De préserver cette humanité qui disparaissait ici et là-bas ? Laisser le corps faire tout le travail et accorder une trêve à l'esprit, une bien faible mascarade. Il fallait donc se mentir à soi-même et tant pis pour le reste ! Et c'était ça vivre ?
Les pensées lugubres qui assaillaient Drago, elles étaient communes à tous. A tous ces visages indistincts que la douleur rendait pourtant semblables. Tout cela éveillait en lui des souvenirs qu'il pensait enfouis. Des images se bousculaient devant ses yeux.
Le bruit incessant et puis le silence. Même le jour se confondait avec la nuit, alors que les heures se transformaient lentement. Tu regardais autour de toi, la peur au ventre. Les soldats défilaient sans qu'aucun ne se distinguent réellement. Tu ne reconnaissais aucun visage, tu ne voyais que la terreur et la Mort.
La terre maculait ton visage, accrochait tes vêtements en un amas de boue. L'odeur était insupportable, un mélange de sang, de pourriture et de la charogne. Des cadavres qui n'avaient d'humain que le nom. Tout cela affolait tes sens et t'empêchait de trouver le sommeil alors que ton corps arrivait à ses limites. Les bombardements ne semblaient jamais cesser, alors que les soldats tombaient toujours. Tu aurais pu être de ceux-là, ce jour-là ou à tellement d'autres reprises. Etait-ce de la chance ? Le hasard ? Le destin ? Tu ne pouvais y croire !
La Mort poursuivait sa funeste entreprise, tu pouvais presque la distinguer au milieu des dépouilles. Elle et sa silhouette sombre, aussi noire que la nuit elle-même. Tu croyais devenir fou, alors que l'humanité perdait ses droits et se perdait dans une soif de pouvoir démente. Tes yeux reflétaient la pire des horreurs et tu peinais encore à croire en tout ça. Ton enfance paraissait tellement lointaine, comme si elle appartenait à une autre vie, à un autre monde.
Les rats rongeaient les restes, grignotaient le peu de nourriture disponible. La pluie froide gelait les corps et jusqu'au plus profond de ton âme. Les balles déchiraient la chair, réduisaient la vie au néant. Tu les voyais et tu savais que tu ne leurs échapperais pas éternellement. Tu imaginais déjà ce jour, et cette souffrance, comme si l'avenir était déjà tout tracé. Cette abeille de cuivre chaud t'atteindrait bientôt. Tu les entendais déjà, toutes proches, prêtes à détruire les rêves et une existence bien inutile. Prêtes à tuer l'humain qui subsistait encore !
C'était l'Enfer !
Le soldat qui lui faisait face le regardait avec incompréhension. Le médecin était resté immobile de longues minutes avant que la réalité l'atteigne à nouveau. Il avait revécu la guerre, celle qui faisait rage à quelques kilomètres de là. Un traumatisme qui ne l'avait jamais quitté et qui défigurait tous les blessés de l'hôpital. Les images, les souvenirs faisaient partis de leur quotidien, des atrocités qu'ils avaient vécues.
Le médecin trouva un moment en milieu d'après-midi alors que le Soleil entamait sa descente vers l'horizon. Il se rendit au chevet d'Harry avec le sentiment étrange de faire quelque chose de mal. Il le balaya immédiatement en même temps que toutes les mauvaises pensées qui étaient siennes depuis le début de la journée.
Le soldat était allongé sur la couche, bien éveillé cette fois. Drago le salua rapidement, les souvenirs de la veille lui revenant subitement. Il devrait peut-être en avoir honte, mais ce n'était pas le cas. Il prévient directement son patient, d'une voix métrisée et sûre :
-Je n'ai pas beaucoup de temps aujourd'hui.
Dès qu'il eut prononcé ces paroles, elles lui parurent fausses, banales et surtout, incroyablement inutiles. Il se gifla mentalement, faute de mieux. Harry hocha la tête, sans rien ajouter et repoussa la couverture comme à l'accoutumé. Le torse musclé apparut, le regard du jeune médecin le parcourut sans même s'en rendre compte. La fatigue avait décidément un effet plus que néfaste sur lui. Heureusement, il parvient à se reprendre rapidement, s'arrachant à la vision du corps magnifiquement sculpté du soldat.
Drago se mit donc au travail, les leçons de moral de son supérieur lui suffisaient à mettre à l'œuvre ce qui lui restait de professionnalisme. Il défit les bandages souillés et palpa la plaie avec précaution. Les bords étaient anormalement chauds, pas tièdes comme ils auraient dus être. Ce fait alarma immédiatement le jeune médecin dont les pensées affluaient déjà. Il se redressa rapidement et sous le regard étonné d'Harry, il écarta les mèches désordonnées et plaqua sa main contre le front du blessé.
L'incompréhension était bien lisible dans les prunelles émeraude et Drago restait toujours aussi impassible. Sous sa paume, la peau moite du soldat irradiait complètement.
-Merde !
Cela lui avait échappé, comme beaucoup de chose ce jour-là. L'injure acheva d'affoler Harry qui écarta la main fraiche de son visage :
-Tu veux bien me dire ce qu'il se passe ?
Drago ignora la requête, sans trop le faire exprès, plongé dans ses réflexions. Son cerveau ne fonctionnait pas assez rapidement, comme ankylosé par l'épuisement qu'il s'efforçait de repousser. Ses propres limites le rattrapaient déjà, accompagnées d'un sentiment d'impuissance désagréable.
-Malfoy !
La voix le tira de ses pensées mais n'eut pas l'effet souhaité pour Harry. Le médecin le laissa seul, traversant la pièce à grandes enjambées sous le regard hébété du blessé. Il aurait voulu lui hurler de revenir, de lui expliquer son comportement, mais la présence des dizaines de soldats l'en dissuada. Une colère sourde naquit en lui, inexplicable et irraisonnée. Lorsque Drago revint quelques minutes plus tard, comme si de rien n'était, Harry ressentit un besoin urgent de le frapper. D'abimer ce beau visage trop parfait, rien que pour le trouble qu'il lui avait occasionné. Pour ces sentiments qui remuaient en lui, qui ne lui permettaient même pas de prendre le recul nécessaire.
Drago approcha la piqure de l'avant-bras du blessé. La réaction de ce dernier ne se fit pas attendre, il repoussa l'initiative du médecin avec une violence inouïe. Une force étonnante en vu de son état de faiblesse.
-Non. D'abord tu m'expliques !
L'autre soupira, soudain très las en plus d'agacement qui venait poindre. Il n'avait aucune envie de s'étaler en explications, ni même de se justifier.
-Ta plaie dégage de la chaleur et tu as de la fièvre, c'est les premiers signes de l'infection. Alors si tu ne veux pas de mauvaises surprises demain, laisse-moi faire mon travail, Potter !
Le blessé fusilla son homologue du regard mais ne trouva rien à objecter, il garda ses commentaires pour lui. Drago injecta le produit dans ses veines, ce qui arracha une grimace au brun. Il détestait les piqures !
-C'est bon. Maintenant tâche de te reposer !
Bien que sèches et froides, ses paroles perdirent tout leur poids lorsque le médecin déposa un linge humide sur le front d'Harry. Il s'y attarda peut-être un peu trop longtemps, c'était un bien mince contact et Drago craignait de ne pouvoir s'en satisfaire. La peau chaude sous ses doigts le brûlait encore plusieurs minutes après avoir quitté le jeune soldat. Comme des étincelles aux bouts des ongles, des picotements qui n'avaient rien de douloureux. Et un léger pincement au cœur.
Bonjour les petits !
Normalement, je poste cette fic le jeudi mais ... j'ai pas eu cours aujourd'hui et j'ai de l'avance sur toutes mes autres histoires, je peux me permettre de publier en avance. Oui, je remercie la grève, ça me fait un week-end de 5 jours très sympathique ;3
Un flash-back assez court dans ce chapitre. Il n'était pas du tout prévu mais une lectrice me l'a proposé et j'ai pensé que ce serait une bonne idée ^^
Une petite notion d'urgence avec un début d'infection pour Harry. Petit Drago est tout paniqué du coup *meure* Du coup, on a peu de rapprochement dans ce chapitre mais le prochain compensera largement (j'en dis pas plus x3). Dragounet métrise de moins en moins bien son côté impassible, un certain soldat lui fait de l'effet ^^
Je vous dis à la semaine prochaine (ou avant, qui sait) pour la suite. On approche déjà de la fin, alors ça va avancer clairement pour les prochains chapitres ^^
Commentaires/votes et review, je compte sur vous (et ça rime en plus, mon âme de poète ressort XD) !
Bisous sur vos deux joues ;3
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