Chapitre 2 :Un soldat parmi les autres
Le soleil apparaissait derrière l'horizon, colorant le ciel de toutes ces nuances pastelles propres à l'aube. Le spectacle était familier à Drago, et chaque jour les couleurs semblaient plus rougeâtres, presque macabre. Comme si les horreurs, comme si le sang coulé ne pouvaient pas même laisser indifférent le ciel.
Bien qu'épuisé, le jeune médecin avait eu du mal à trouver le sommeil la nuit dernière. Ca l'avait grandement énervé si bien qu'il cherchait à calmer son irritation dans le lever du jour. Etonnamment, cette tentative presque désespérée fonctionna.
Il était tôt, la plupart des soldats dormaient encore et les autres médecins aussi. Drago profitait de ce moment, sans les infirmières dans les pieds et sans angoisse particulière. Ces instants étaient si rares qu'il en profitait autant qu'il le pouvait, c'était reposant et bon. Sans les blessés, il pourrait presque oublier la guerre, oublier les morts et l'horreur.
Il marchait dans l'allée, entre les lits alignés, jouissant du silence agréable de ce début de journée. Il s'arrêta devant une des couches, sans même y penser, sans même baisser le regard. C'était l'inconnu de la veille. Il s'installa sur la chaise à côté et l'observa. Il semblait paisible, détendu, il ne souffrait pas de toute évidence. Il avait donc survécut à la nuit, la mort n'avait pas voulu de lui. C'était un soulagement, dont la fierté avait toute sa place, la fierté d'un Malfoy.
Il se demandait : pourquoi lui ? Pourquoi lui parmi les autres, tous les autres ? Ils étaient des dizaines et des dizaines allongés côte à côte, sans que rien ne puisse les distinguer. Des soldats comme il en existait des milliers, des braves petits combattants qu'on sacrifiait sans compter et sans regret. Pourtant, au milieu de cette foule anonyme et informe, c'était vers lui qu'il s'était tourné. Cet inconnu. Une coïncidence ? Non ! Non Drago ne croyait plus au hasard depuis bien longtemps. Ce n'était définitivement pas ça.
Le médecin l'observait dans son sommeil, redessinant tous les traits du visage hâlé. Il était beau, c'était indéniable et même lui ne pouvait pas le nier, ce ne serait pas honnête ! Il était jeune aussi, la vingtaine peut-être même un peu moins. Il était jeune et ne méritait pas ce qui lui arrivait, la guerre ne le méritait pas et la mort non plus. Son visage n'était pas abimé et restait intact, d'une beauté saisissante et rare.
Le temps passait lentement et sans que Drago ne songe un instant à se lever. Etrangement, personne ne l'avait réclamé et il comptait bien en profiter.
Soudain, les paupières du jeune homme alité papillonnèrent, doucement d'abord, puis de plus en plus rapidement. Les doigts se refermèrent faiblement sur les draps à plusieurs reprises. Il finit par ouvrir les yeux, des magnifiques yeux verts qui clouèrent Drago sur place. Le soldat était doté d'un regard spécial, de ceux que l'on ne pouvait pas décrire mais qui nous laissaient béat.
-Où est-ce que je suis ?
Il semblait perdu, observant autour de lui les couches alignées et les soldats allongés.
-Tu es à l'hôpital le plus proche du front.
La voix trainante de Drago parvint au soldat trop tard, comme lointaine et résonnant dans son esprit en écho. Les informations se formaient sans même se lier entre elles, créant un mélange des plus agaçants. Une migraine lui vrillait les tympans alors que tout son corps lui était douloureux. Il ne parvenait même pas à identifier un endroit précis, tout était diffus. Diffus et douloureux !
-Alors je ne suis pas mort ...
Le ton presque déçu du jeune homme étonna le médecin qui tentait de retrouver sa contenance et sa froideur typique. Il répondit, sarcastique :
-Faut croire que non, et je crains d'y être pour quelque chose !
Ce fut au soldat de dévisager son homologue, longuement et d'une manière qui aurait sans doute mis mal à l'aise n'importe quelle personne normalement constituée. Mais Drago soutient son regard sans ciller, faisant fi des prunelles couleurs jade incroyables. Il emprisonnait ce regard, l'acier et l'émeraude se mélangeaient, se livraient un combat inutile et acharné. Aucun des deux ne voulaient céder et ce, pour une raison pourtant inconnue. C'est le docteur Jaeger qui les tira de ce petit jeu, d'une voix sèche :
-Malfoy, quand tu auras fini avec celui-là, tu viendras voir les autres !
Le dénommé opina, accordant un rapide regard à son supérieur qui avait déjà tourné les talons.
-Est-ce que je pourrais savoir ce que j'ai ?
La voix du soldat était rauque, presque caverneuse. Drago soupira et se lança dans les explications qui s'imposaient :
-Un éclat d'obus t'a atteint à l'abdomen, mais seul le côté gauche est endommagé et aucun organe vital n'a été touché. Pour ta jambe, la blessure provient d'une balle, mais nous avons arrêté l'hémorragie à temps, l'amputation n'a donc pas été nécessaire. Tu peux t'estimer chanceux, tu vas t'en remettre rapidement vu ta constitution !
Le jeune homme toujours allongé fronça les sourcils et tiqua aux propos du médecin. Du regard, il avait suivi le parcours sur son corps, le ventre puis la jambe, une douleur cuisante, presque insupportable. S'il en avait eu la force, il se serait levé et aurait hurlé le fond de sa pensée. Il se contenta de cracher, avec amertume et dégoût :
-Chanceux ? Je devrais peut-être remercier le ciel de m'avoir laissé vivre ? De m'avoir offert un répit parce que mon tour viendra bien assez vite ? Ce n'est pas moi aujourd'hui mais ce n'est qu'une question de temps pour que l'on jette ma dépouille au milieu des autres. Pour que l'on oublie mon nom, que je ne sois qu'un cadavre de plus, une pauvre malheureuse victime de la guerre. Une de plus !
Il avait raison. Il avait raison et c'était surement le pire. Les paroles le touchaient plus qu'il l'aurait souhaité, plus qu'il voulait bien le montrer, le laisser paraître. Malgré sa faiblesse, le soldat s'agitait, ses yeux brillaient d'une nuance nouvelle, nouvelle et dangereuse. La colère et le désespoir. La haine et la peur. Comme Drago le comprenait, comme il connaissait tout ça ! Il pouvait encore sentir ces émotions couler contre sa peau, battre dans son cœur et couler dans ses veines. Les souvenirs étaient là et ne le quitteraient sans doute jamais. Il voyait en ce garçon tout ce que la guerre pouvait faire de pire. Détruire la moindre conviction, la moindre bribe d'espoir et de joie. L'humanité subsistait encore, mais pour combien de temps ? Le combat de chaque être pour sauvegarder une entièreté était sans doute le plus complexe. Oui, Drago se sentait pris de pitié pour ce soldat, ce soldat parmi les autres.
-Tu as sans doute raison, mais c'est la guerre et ici l'avenir n'est pas une question à se poser, jamais ! Pense juste au présent. Tu es vivant et c'est tout ce qui doit t'importer aujourd'hui. Il y a un proverbe latin qui dit Carpe diem et il n'a jamais été aussi vrai. C'est la guerre et il faut vivre pour survivre, c'est ainsi !
Le soldat ne renchérit rien, les paroles du médecin résonnant dans son esprit. Il retournait chaque mot, cherchant un sens caché inexistant, quelque chose d'autre. Mais ce n'était que des mots, ils étaient vides pour lui, ils ne l'atteignaient plus.
-Je suis le médecin qui est chargé de toi, Drago Malfoy.
Aucune réaction n'accueillit les propos, le blessé ne disait rien, se contentant de dévisager son vis-à-vis. Drago se sentait presque offensé devant ce silence étrange, il reprit après avoir reprit contenance :
-Je préférais éviter de t'appeler par un numéro ou juste « soldat », et comme je n'excelle pas dans l'art des devinettes, ton aide serait grandement appréciable !
Sa tirade sembla tirer le jeune soldat de sa léthargie, qui fronça les sourcils avant de répondre finalement :
-Potter. Harry Potter.
Drago hocha la tête, satisfait. Harry Potter. Potter Harry. Il ne savait pourquoi mais ce nom lui allait à merveille et il se fit la réflexion qu'aucun autre n'aurait pu coller.
-Bien, Potter, je reviendrai un peu plus tard dans la journée pour m'occuper de toi. Si tu as besoin de quelque chose, appelle une infirmière, elles sont là pour ça !
Il ferma les yeux, soudain fatigué et Drago tourna les talons après un dernier regard.
Harry Potter ... C'était lui l'inconnu, le soldat. Il ne faisait plus parti de cette masse sans nom, de tous les autres blessés dont l'humanité n'était même plus. De cette souffrance que l'on ne distinguait plus, de cette douleur commune à tous, sans visage ni identité.
Non, ce n'était qu'un soldat parmi les autres et pourtant ! Lui, parmi les autres allongés, tous pareils, tous semblables. Lui et les autres. Harry Potter !
Et le deuxième chapitre !!
Bah ça avance un peu, une belle petite engueulade (oui, je me suis fait plaisir). J'ai toujours eu du mal avec les dialogues, mais j'ai fait au mieux, j'espère que c'est à la hauteur ^^
Comme d'hab, laissez moi un retour sur vos impressions (positives ou négatives), ça me fera plaisir :3
A très bientôt ^^
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