Au son de cette voix, mon corps se fige et je sens Daryl se crispe contre moi. Je sens une violente tension envahir tout son corps. Pour ma part, je n'ai pas la moindre idée de comment réagir. Quand j'avais quitté Alexandria, je ne pensais pas survivre. Pour moi tout était clair, j'allais au Sanctuaire, je faisais sortir Daryl et j'attendais que mon frère me fasse rejoindre Jake et notre fille . . .

C'est Daryl qui me sort de mes pensées en se redressant pour descendre de mon lit. Le pire des scénarios se déroule devant mes yeux. Rick a ouvert la porte et nous a vu, Daryl et moi dormant dans les bras l'un de l'autre dans une position sans réel équivoque. Je n'ai pas le temps de divaguer davantage car Rick reprend la parole avec un calme qui me fait sentir d'autant plus coupable.

_ Megan, content que tu sois de retour et enfin réveillée.

Le ton est froid, calme, il ne ressemble en rien au Rick chaleureux et entreprenant que j'ai connu dans la forêt. J'ai à peine le temps d'accuser le coup que Rick se tourne vers Daryl pour lui parler. Si j'ai trouvé Rick distant avec moi, il est glacial avec lui.

_ Daryl, je veux te voir quelques instants . . . dehors et maintenant, termine–t–il en tournant les talons pour sortir ne lui laissant pas l'opportunité de lui répondre.

Daryl lui emboîte alors le pas tendu, sans même un regard dans ma direction. À la façon dont il marche, je vois qu'il est clairement au bord de l'explosion et cela sera un miracle s'il reste de marbre. Je voudrais le retenir pour qu'il se calme quelques instants mais pour lui dire quoi . . . je le suis du regard alors qu'il franchit la porte en priant intérieurement pour que tout se passe bien. Ce dont je doute sincèrement au plus profond de moi.

Quand j'entends quelqu'un entrer, ma première idée est de lui dire de dégager et vite. J'ai apprécié être avec elle, la sentir contre moi. C'est con mais j'avais peur quand sortant du Sanctuaire, elle me rejette que tout soit différent entre nous.

Et quand j'ai cru la perdre hier, tout s'est bousculé dans ma tête. J'ai essayé d'imaginer ma vie sans elle et j'ai juste eu l'impression de suffoquer, . . . d'étouffer . . . Je dois maintenant admettre que je tiens à elle. Alors hier, pour la première fois de ma vie, j'ai prié. Et je me suis promis que si elle s'en sortait vivante, je ferai tout et n'importe quoi pour la garder à mes côtés, . . . enfin si elle veut toujours de moi.

Mais je dois me rendre à l'évidence, même si elle est douloureuse. Et à la façon dont Rick se comporte, il y a eu un truc entre eux. Et pour lui, rien n'est encore terminé. Pour ma part, je suis partagé. Megan m'a parlé de Jake et d'Emma, de choses très personnelles, mais quand nous avions parlé du groupe. Elle n'a jamais rien mentionné concernant un rapprochement entre elle et Rick.

Ce qui me dérange le plus, c'est la façon dont il me parle. Comme s'il avait une légitimité sur elle, . . . sur moi, . . . sur nous. C'est idiot mais quand il demande à me parler je me crispe. Même si c'est du passé, je bous littéralement à l'idée qu'il ait pu poser ses mains sur elle.

Pourtant bien que je voudrais rester auprès d'elle, je sais pertinemment que je n'ai pas le choix. Nous devons avoir cette discussion . . . même si cela risque très franchement de mal finir, je lui emboîte le pas et le suis à l'extérieur.

Quand j'ai su que Megan et Daryl étaient tous les deux en vie à la Colline, je ne m'étais pas posé de question, trop heureux de la revoir. Mais j'étais tombé de dix étages quand Harlan et Jésus m'avaient dit qu'elle était blessée et que ses chances de survie étaient moindre . . . Au début, j'ai essayé de me faire à l'idée que je puisse la perdre. Et cette simple pensée m'avait rendu dingue, et j'étais rentré à Alexandria complètement abattu.

Et puis, j'ai repris espoir. Je suis convaincu que Megan est forte et qu'elle peut être sauvée. Elle est courageuse, elle peut le faire. Alors ce matin, rempli d'espoir, j'ai décidé de croire en elle, en nous. Après tour, elle est revenue blessée mais vivante. Après avoir perdu Lori, j'ai le droit moi-aussi à une part de bonheur avec elle. J'ai mis les choses au clair avec Michonne. Même si cela ne va pas plus loin avec Megan, j'ai compris que Michonne et moi c'est une erreur. Michonne ne me correspond pas.

Alors quand je les ai vu, . . . dans ce lit, enlacés, serrés l'un contre l'autre. J'ai juste envie de hurler de douleur, . . . de déception car je tiens à elle plus que je ne le pense. Le seul réflexe que j'ai, c'est de la saluer de façon un peu trop brutale, puis de parler à Daryl . . . Enfin, parler est un bien grand mot, et en croisant le regard de ce dernier j'ai de gros doute sur notre conversation.

Une fois à l'extérieur du bungalow, j'emplis mes poumons d'air frais et regarde autour de moi en attendant qu'il sorte.

Je rejoins Rick dehors et lui désigne l'arrière du bungalow. Nous nous dirigeons vers l'arrière de celui-ci, je ne veux pas que l'on puisse entendre ce que nous avons à nous dire. Une fois à l'abri des regards, plus aucun de nous deux parle. On reste là, l'un en face de l'autre comme deux cons. En ayant marre d'attendre, je me décide à retourner auprès d'elle.

_ Attends, . . . il faut qu'on en parle, finit-il enfin par lâcher sur la défensive.

_ OK, tu veux parler ! Alors on parle d'quoi Rick ? Répondis-je sur la défensive. Je sais où il veut en venir. Mais cela concerne Megan, et égoïstement je ne veux pas l'aider.

_ Daryl, . . . tu sais qu'on doit parler de Megan, finit-il pour dire comme vaincu.

_ Et pourquoi on d'vrait parler d'Megan ? Hein Rick ? Répondis – je énervé.

Rick commence lui aussi à monter en pression. Je vois que les muscles de son visages se tendent et il crispe ses mâchoires avant de balancer une réalité qui me fait mal autant qu'à lui.

_ Parce qu'on a tous les deux une histoire avec elle !

Ses mots résonnent dans mon esprit et écorchent mon cœur le rendant à vif. Je ne supporte pas qu'il ait pu la toucher, . . . l'embrasser, . . . la posséder, . . . La rage et la colère envahissent tout mon corps et mon esprit. Quand mon cerveau réalise ce que mon corps fait, il est déjà trop tard . . .

Mon poing s'élance et rencontre la mâchoire de Rick qui émet un craquement peu engageant alors que la douleur déforme les traits de mon ami. Mais ce dernier ne reste pas en retrait. À peine ai-je porté mon coup que je sens son poings s'abattre sur mon œil. Mon arcade saute laissant un sang épais et chaud couler sur mon visage.

En moins de deux minutes, nous nous battons violemment. Les coups pleuvent sans aucune retenue . . . Nous laissons notre rage s'évacuer ainsi que notre frustration et notre impuissance face à cette situation qui nous dépasse.

Ni Rick ni moi ne nous rendons compte que quelqu'un nous observe . . . mais surtout nous ne nous rendons pas compte que nous sommes en train de blesser la personne qui compte le plus pour nous . . . et que c'est pour elle que nous nous battons . . .

Alors que Rick et Daryl ne sont sortis que depuis quelques minutes, je m'extirpe de mon lit au prix d'une violente douleur mais je dois les rejoindre. Je n'ai pour l'instant aucune idée de ce que je dois faire mais je ne peux pas les laisser seul. J'avance jusqu'à la porte au rythme d'un escargot à la retraite. Surprise de ne pas les voir devant, j'avance de quelques pas.

La lumière du soleil me fait un bien fou. Je ferme les yeux quelques secondes pour savourer cette douce chaleur me caresser le visage. Mais ma quiétude est perturbée par des grognements de douleur et des bruits de coups étouffés.

Mes yeux s'ouvrent emplis de terreur et je me dirige aussi vite que je le peux vers ses bruits. Avant d'arriver, je sais pertinemment qu'ils sont en train de se battre, . . . et ce qui me terrifie le plus, c'est de les voir se dresser l'un contre l'autre à cause de moi.

Arrivée sur place, la violence de la scène me fait pousser un cri, . . . cependant ils n'arrêtent pas de se battre pour autant. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils ne retiennent pas leurs coups.

_ STOP ! . . . Arrêtez ! Hurlais-je en pleurs. Je vous en supplie . . . arrêtez de vous battre, terminais-je en larmes en tombant à genoux.

Le fait d'entendre ma voix et ma détresse les stoppe net. Puis ils tournent vers moi leurs visages tuméfiés et sanguinolent.

_ Stop ! Je ne veux pas vous voir vous battre, . . . pas pour moi, . . . cela n'en vaut pas la peine, . . .

Ils s'approchent tous les deux de moi mais je les arrête d'un geste. Je dois aller au bout de ce que je dois dire et mettre un terme à tout ça . . . et peu importe la douleur que je ressentirai dans quelques instants . . .

_ Vous ne devez pas vous battre, . . . pas pour moi . . . Alors je vais faire la seule chose raisonnable qui reste à faire . . . peu importe comment nos histoires ont commencé, . . . elles sont terminées . . . définitivement, terminais-je en redressant avec difficulté et en refusant leur aide.

_ Je ne veux plus vous voir, . . . oubliez-moi et pensez à votre famille, à votre groupe. Ce sont eux qui ont besoin de vous, de vous ensemble et pas l'un contre l'autre.

Après un dernier regard dédié à chacun, je murmure un au revoir douloureux et retourne dans le bungalow complètement dévastée et le cœur brisé.