☆ Chapitre 6 ☆
- Je crois que...ça peut nous aider, affirma Mirabel en s'agenouillant, Ces lumières...
Sur ses mots, elles creusa dans le sable avant d'en ressortir une. C'était comme un morceau de verre cassé, entièrement vert et phosphorescent. En voyant cela, Elie s'agenouilla à son tour et en prit d'autres. Ensemble, elles commencèrent à récupérer tous les morceaux qu'elles voyaient, grattant dans le sable.
- Il y a des dessins sur certains ! remarqua la fille de Bruno en souriant
Elles essayaient d'assembler les pièces entre elles. C'était comme si chacune formaient un puzzle qu'elles devaient déchiffrer. Et soudain, après en avoir mit trois côtes à côtes, Mirabel se figea.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda doucement sa cousine
La noiraude prit une grande inspiration, visiblement surprise, puis montra à l'autre ce qu'elle avait vu.
- C'est...toi, s'étonna Elie
En effet, un des dessins n'était autre que Mirabel. Elles ne purent rien dire de plus, elles sentirent le sol commencer à trembler et virent du sable tomber du plafond.
- Il faut qu'on se dépêche de tous les prendre ! s'exclama Mirabel en redoublant d'allure
Les deux jeunes filles se hâtèrent de tout récupérer, mettant dans leurs sacs tous les morceaux qu'elles voyaient et attrapaient le plus vite possible ce qu'elles pouvaient. Mais plus elles en prenaient, et plus du sable tombait, enfouissant les morceaux restant encore plus qu'avant. Elles paniquèrent, tremblant presque, mais heureusement pour elles les filles parvinrent à tout récupérer alors que des bouts du plafond leur tombait maintenant dessus. Elles coururent jusqu'à la sortie, marchant dans un océan de sable, mais la porte était bloquée et refusait de s'ouvrir. Une petite dune était devant, les empêchant d'atteindre la poignée, alors elles essayèrent de pousser à la place et de donner des coups dedans, en vain. Du moins jusqu'à ce qu'une vague de sable n'arrive avec assez de vitesse pour faire s'ouvrir de force la porte et projeter les deux cousines en dehors, hurlant.
Puis tout se calma. Elles étaient allongées sur le sol, du sable recouvrant leurs habits, et reprenant leur souffle.
- J'espère vraiment que ça en valait la peine..., souffla Elie avant de tousser et de se relever
- J'espère aussi... Au moins on a tout récupéré donc maintenant sortons d'ici et ne revenons plus jamais !
Décidées, elles firent le chemin inverse à toute vitesse, courant presque lors de leur descente de l'escalier. Les filles n'échangèrent pas un mot pendant le trajet du retour, et ce jusqu'à ce qu'elles sortent et referment la porte derrière elles, espérant que personne ne les avait vues. Heureusement pour elles, quand elles sortirent elles étaient seules et se dépêchèrent donc de marcher jusqu'à la chambre de Mirabel, les yeux baissés. Elles trottinaient presque, si bien qu'elles rentrèrent dans quelqu'un qui soupira. Et bien sûr, il s'agissait d'Abuela.
- Vous m'avez l'air bien pressées ! remarqua-t-elle, D'où venez vous comme ça ?
- O-oh pardon, on est allées..., commença Mirabel
- Vous êtes couvertes de poussière..., s'étonna la grand-mère en approchant sa main d'une tresse d'Elie
Mais un cri se fit entendre derrière Alma, et en regardant les trois virent Luisa monter un escalier et arriver jusqu'à elles.
- Je perds mon pouvoir ! s'écria-t-elle en pleurant presque
Il y eut quelques secondes de silence. Le coeur d'Elie rata un battement.
- Quoi ? demanda sérieusement Abuela
- Mirabel m'a fait comprendre que trop de poids pesait sur mes épaules ! J'ai essayé d'en porter un peu moins mais j'ai compris que ça me rendait malheureuse ! J'avais l'impression d'abandonner tout le monde et je me sentais très mal ! Alors j'ai voulu charger tous les ânes à la fois et quand je les ai déposés dans la grange je me suis rendue compte que...ils étaient lourds !
Puis la jeune fille s'enfuit en pleurant jusqu'à sa chambre. Elle avait parlé très vite, tellement que ses trois interlocutrices avaient eu du mal à bien comprendre toutes ses phrases. Sous le choc, les deux cousines ne surent quoi dire et regardèrent juste Luisa claquer sa porte derrière elle.
- Qu'est-ce que c'est que ces façons ? demanda Alma après un instant de silence, Qu'est-ce que tu as dit à ta soeur ?
Son regard était fixé d'un air sévère sur Mirabel qui paniqua soudain et bégaya des phrases incompréhensibles.
- C'est ma faute, intervint Elie doucement
Abuela lui jeta un regard sévère et déçu que la jeune fille soutint avec peine.
- Je voulais que quelqu'un aide Luisa parce qu'elle n'avait pas l'air bien et j'ai pensé que sa soeur était la meilleure idée. Alors j'ai demandé à Mirabel d'aller la voir et de lui parler, mais visiblement ça n'a pas bien fonctionné et c'est ma faute, je suis désolée.
Alors que Mirabel allait répliquer, les cloches du village retentirent, faisant soupirer la vieille femme. Elle regarda sa montre à gousset puis se racla la gorge.
- On m'attend chez les Guzman pour les fiançailles d'Isabela. Soyez gentilles ne vous approchez pas de Luisa tant que je ne lui ai pas parlé. Nous avons assez de problèmes pour la journée.
Elle avait dit cela sèchement, mais les deux petites ne discutèrent pas. Elles la regardèrent s'éloigner sans rien dire, entendant juste les pleurs de Luisa venant de sa chambre. La porte de cette dernière clignotait, la lumière s'affaiblissait. Mirabel secoua la tête puis se reconcentra sur sa cousine.
- Pourquoi tu lui as mentis ?
Elie sourit et haussa les épaules avant de recommencer à marcher.
- Hé attends moi ! s'exclama la noiraude en la suivant
Mais elles ne dirent rien de plus jusqu'à entrer dans la chambre des enfants. Alors que les deux cousines déballaient les morceaux de la prophétie sur le bureau de Mirabel, elles furent interrompues par quelqu'un qui toqua. Elie alla ouvrir tandis que l'autre rangeait les preuves et, à la grande surprise générale, ce fut Augustin qui se tenait là, souriant.
- Tío ! s'exclama joyeusement la fille de Bruno avant de foncer faire un câlin à son oncle
Celui-ci rit de ce geste en tapotant la tête de sa nièce qui s'écarta rapidement après. Mirabel vint à leur rencontre et sourit, étonnée.
- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle à son père
- A vrai dire...je viens pour Elie, répondit-il
Surprise, la concernée écarquilla les yeux.
- Moi ? répéta-t-elle
Augustin acquiesça d'un signe de tête.
- Je ne devrais pas en avoir pour longtemps mais toi et moi il faut qu'on parle de quelque chose d'important.
Mirabel fronça les sourcils, perdue. A vrai dire Elie l'était aussi; elle n'avait pas la moindre idée de ce dont son oncle pouvait vouloir lui parler et qui semblait, vu son ton et son expression, vraiment important. Mais qu'importe, elle haussa les épaules avec un grand sourire et sortit de la chambre en saluant sa cousine au passage. Elle savait que celle-ci s'occuperait très bien de la prophétie et qu'en revenant, elle lui dirait tout.
Augustin suivit sa nièce à travers la maison puis tous deux, ils sortirent, décrétant qu'il était plus sage de parler à l'extérieur puisqu'il n'y avait personne ici.
- Très bien, commença l'adulte en se raclant la gorge, visiblement gêné, Tu sais qu'aujourd'hui ont lieu les fiançailles d'Isabela pas vrai ?
Comme toute réponse, Elie hocha la tête, souriant doucement.
- Et bien, avec cette grande nouvelle, Abuela m'a parlé de quelque chose...dont elle a déjà parlé avec toi...
Secrètement, Augustin espérait que la petite comprendrait d'elle même mais visiblement, ce n'était pas le cas puisqu'elle ne faisait qu'hocher la tête avec le même sourire.
- Tu sais, le mariage, tout ça... Et par extension...ton mariage.
Cette fois ci, Elie n'hocha pas la tête. Gêné, l'adulte baissa les yeux sur ses pieds et s'assit sur le sol, laissant sa nièce debout devant lui.
- Quand t'a-t-elle dit...? demanda doucement la jeune fille en se forçant à garder un petit sourire
- Il y a une heure. J'étais avec Isabela et Julieta, nous parlions tous les quatre du mariage et Abuela nous a annoncé qu'elle t'avait trouvé un mari.
Les yeux d'Elie s'écarquillèrent et pour la première fois, son sourire laissa place à une bouche entrouverte.
- Comment...?
- Elle ne te l'a pas dit ?
Augustin devient blanc en voyant la tête de la fille de Bruno se secouer.
- Je suis désolé...je croyais que...
- Ce n'est pas grave tío, je l'aurais su à un moment ou un autre... Et je pense... que je préfère l'apprendre de ta bouche.
Il hocha lentement la tête puis plus rien, il y eut un long moment de silence ou personne n'osa parler. Visiblement, aucun des deux n'appréciait cette idée et encore moins Elie qui réalisa doucement ce que cela signifiait. Elle qui avait passé toute sa vie à être jeune et innocente, pourrait-elle l'être encore après ce mariage ? Et soudain, elle éclata en sanglots et s'effondra au sol à genoux. Surpris, Augustin ne réagit pas tout de suite. En dix-neuf ans, il n'avait jamais vu Elie pleurer une seule fois, et voilà qu'elle lâchait tout devant lui.
Doucement, l'adulte se releva pour s'approcher de sa nièce. Il s'accroupit à côté d'elle et la prit dans ses bras. Elle ne broncha pas, le laissa faire et se laissa même tomber dans ses bras sans rien dire. Elle avait enfouit sa tête dans ses mains et pleurait à chaudes larmes, comme elle ne l'avait jamais fait. Elle même s'étonnait de se voir pleurer, elle ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Cette eau qui dégoulinait sur ses joues, elle détestait ça. Et en même temps, elle se sentait profondément bien de le faire enfin après toutes ces années, comme si cela constituait à ses yeux comme une sorte de libération. Et lentement, ses larmes cessèrent. Elle était bercée par Augustin, elle se sentait en sécurité avec lui et contre lui et c'est ce qui atténua sa tristesse au moins légèrement.
- Je ne pensais pas que je pleurerai..., avoua finalement Elie après plusieurs longues minutes
Son oncle sourit.
- Je ne pensais pas non plus... Mais ça me rassure, tu es bien humaine.
Elle lui sourit en retour et sécha la trace de ses larmes avant de se relever, mettant fin à l'étreinte. Elle épousseta sa robe sur laquelle elle vit encore des grains de sables et, à peine eut-elle finit qu'elle reprit l'expression de l'Elie que tout le monde connaissant: insouciante et innocente. Cela rassura Augustin qui se leva à son tour.
- Si tout va mieux je suis rassuré, lança-t-il, Tu penses que ça ira pour ce soir ?
La jeune fille acquiesça.
- Super ! s'exclama l'adulte qui reprit sa bonne humeur, Ce sera un jour de fête, un grand jour de fête ! Et pour ce qui s'agit de toi, j'en parlerai à Abuela d'accord ?
- C'est gentil, répondit simplement Elie
Sur ce, ils décidèrent tous deux de s'en aller retrouver Mirabel avant que la fête de commence. Mais avec ce qu'il s'était passé, la fille de Bruno oublia totalement l'histoire de la prophétie et approuva totalement l'idée de son oncle. Alors qu'ils montèrent, ils virent le reste de la famille commencer à préparer la soirée. Augustin improvisa une petite danse qui fit rire Elie avant d'entrer d'un coup dans la chambre de Mirabel. Mais alors qu'ils entrèrent, ils virent la prophétie reconstituée que la noiraude essaya de cacher derrière son dos. L'adulte resta scotché sur place, la bouche grande ouverte et les bras balans. Elie se rappela soudainement de la prophétie et se dépêcha d'aller voir de quoi il s'agissait.
- On est..., commença Mirabel avant de prendre une grande inspiration, Montées chez Bruno, on a découvert sa dernière vision, la famille est en danger, la magie s'éteint, la maison va s'écrouler, le don de Luisa disparait et tout ça à cause de...moi...?
Les deux arrivants la regardèrent parler à toute vitesse les yeux écarquillés. Puis Augustin, toujours sur le choc, écarta sa fille du passage pour voir la prophétie de ses propres yeux. Il n'y revint pas; c'était la Casita en second plan, avec sur le devant Mirabel se tenant fièrement face à la maison détruite.
- On ne va rien dire ! s'exclama alors l'homme
Il prit tous les morceaux et les glissa dans ses poches.
- Abuela veut que tout soit parfait jusqu'à ce que les Guzman s'en aillent ! reprit-il, Vous n'êtes pas entrées dans la tour de Bruno, la magie n'est pas en train de s'éteindre, la maison ne s'écroule pas, et le don de Luisa ne disparait pas.
Il prit les deux jeunes filles par les épaules et les entraina devant la porte.
- Personne ne saura, essayez de vous comporter normalement, tout ça restera entre nous.
Lentement, ils entendirent la porte s'entrouvrir. Ils n'eurent pas le courage de tourner la tête vers l'extérieur en entendant Dolores murmurée, totalement sous le choc:
- J'ai entendu.
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