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Toute la nuit, je n'ai cessé de penser au visage ténébreux de Kevin Hawkeyed. Ses yeux, son nez, sa bouche... Tous les détails me reviennent en mémoire, ainsi que les papillons dans le ventre. Comme la petite adolescente insouciante que je suis, j'ai imaginé des centaines de situations possibles qui pourraient se produire lors du bal. Oui, le bal. Je me suis laissée embarquer. De toute façon, je n'ai rien à faire d'autre ce samedi, alors je me suis dis "pourquoi pas" et voilà où j'en suis. Non, en vérité, j'ai paniqué, j'ai voulu me laisser aller, pour une fois. En plus, il y aura Léon, et dans le pire des cas, je ne suis pas obligée de rester toute la soirée. Je n'aurais qu'à rentrer lorsque je commencerais à m'ennuyer.

Et là, je cherche des chaussures qui iraient avec la robe que leur livreur m'a ramenée comme promis, d'une taille plus adaptée. Des escarpins noirs conviendraient parfaitement avec, cependant je n'ai pas ça en boutique.

Ma mère frappe soudain à la porte :

— Ma chérie, tu vas encore être en retard, dit-elle en l'ouvrant.

— Oui oui. Deux secondes...

J'ai toutes les chaussures possibles et inimaginables de couleur noir sauf, évidement : des escarpins. Je jette pour la énième fois une paire de bottes texture vernis derrière moi, puis je râle.

— Mais qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as pas mieux à faire, comme... je ne sais pas, aller en cours ! réplique t-elle d'un ton à la fois moqueur et alarmant.

— Attends, dis-je en me relevant pour me planter devant elle, tu n'aurais pas des escarpins noirs ?

Elle réfléchit un instant mais secoue la tête en haussant ses sourcils comme elle le fait à chaque fois qu'elle est pressée.

— J'ai ton sac de cours, si tu préfères.

D'un faux sourire, qui me tire un ricanement, elle me tend celui-ci que je récupère avant de la dépasser dans le couloir.

— Tant pis ! A plus, bisous !

Devant la porte d'entrée, je me recoiffe, vite fait bien fait, en une haute queue de cheval lissée. Après avoir rapidement avalé un toast, j'enfile mes converses noires et pars prendre mon bus.








Le parking du lycée est bondé ce matin. La voiture de Jackson, le capitaine de l'équipe de football, est toujours à la même place ainsi que celle de Laurie, la présidente du club de lecture, et toutes les autres. Une seule attire mon attention : une Jeep noir. Je ne l'avais jamais vu avant aujourd'hui. Discrètement, je m'approche de la fenêtre. Rien ne m'aide à en savoir plus ; pas de gobelet ni d'objets insolites. De l'intérieur comme de l'extérieur, elle parait complément neuve.

La sonnerie assourdissante me ramène à la réalité, me forçant ainsi à abandonner ma petite enquête pour aller en cours de sport.

Quelle horreur !

Dans les vestiaires toutes les filles rigolent et parlent cheveux, déodorant, et d'autres trucs barbants. Ça me déprime. Si seulement il pouvait exister une version féminine de Léon ce serait le pied ; je me sentirais moins seule dans ce genre de situation. J'enfile mes vêtements de sport amples pour ne pas mouler mes formes disgracieuses et rejoins les autres dans le gymnase. Aujourd'hui au programme : huit minutes d'endurance pour se chauffer, et une heure et cinquante minutes de volley ball.

À peine trente secondes de course et je suis déjà en état de mort imminente. Je ne sens même plus mon souffle tellement ma poitrine me compresse et je ne parle même pas de ma tête, d'une température de plus de quarante cinq degrés – j'exagère. On pourrait faire cuire des œufs sur mes joues – j'exagère, encore –, c'est pour dire à quel point le sport est H-O-R-R-I-B-L-E.

Les huit minutes enfin écoulées, le professeur, et sa coupe à la Barbie et Ken, nous fait signe de prendre des ballons et de commencer les premiers matchs.

Comme par hasard, je me retrouve dans l'équipe des bras cassés qui n'ont personne qui veulent d'eux. Tout comme moi, au final. Le sifflet résonnant trop fort dans nos oreilles, nous ordonne de débuter. La balle ne passe jamais devant moi. Pas étonnant, ils sont prudents et je les respecte pour ça. Je ne suis pas connue que pour mon style vestimentaire dit « suspect » mais aussi pour ma poisse subjuguante. Ce n'est pas rare que mon plateau finisse sur le sol ou sur une « populaire » au réfectoire. Que ce soit pour une raison ou pour une autre, j'ai toujours pensé être maudite.

Lorsque la pause sonne, la porte du gymnase s'ouvre et si je n'avais pas été assise sur le banc, je me serais sûrement écroulée sur le sol de stupeur – dernière fois que j'exagère, promis.

Mon cœur se met à battre encore plus fort dans ma poitrine, qu'après mon effort précédent. Je suffoque en le voyant rentrer dans la même pièce que moi et en plus, accompagné d'un deuxième homme –beaucoup plus musclé. De longs et fins cheveux noirs de jais coupés jusqu'aux épaules et un corps très viril, s'avancent à ces côtés.

Quand il s'approche de notre groupe, je remarque plus près qu'il ale même regard froid que les deux autres nouveaux que j'ai vu jusqu'ici. Des iris aux teintes vertes et jaunes se tournent subitement vers moi avant de se détourner précipitamment. Je suis maintenant certaine de comprendre que Josh, Kevin et ce nouveau sont de la même famille, ou alors ils ont tous les trois décidés en même temps de déménagés dans la même ville. Bien qu'à part cette lueur étrange, ils n'ont pas grand chose en commun, physiquement. Ils sont tous les deux l'opposé de l'autre. Kevin est chaleureux et mystérieux quant à son acolyte à sa droite, portant un t-shirt simple moulant sur son torse bombé et un jean épousant la forme de ses jambes musclés, semble dangereux et solitaire.

Une chose me fruste un peu : Kevin ne m'adresse pas un seul regard. Quoiqu'il arrive je ne suis visible que par les chats enragés et mes proches qui sont très limités en nombre.

Il s'approche du professeur suivi de son second qui garde les poings fermés. Il est stressé ?

— Bonjour, je suis Kevin Hawkeyed. Enchanté, dit-il en serrant la main de M.Tilleul.

— Enchanté ! Le proviseur m'avait informé de votre visite.

— Oui, je suis là pour observer l'état des lieux pour la donation de Noël. Ma famille est très heureuse de pouvoir contribuer au bienêtre de votre ville, qui nous accueil si chaleureusement.

— Je vous en prie. Je vais vous faire visiter ?

— Avec plaisir.

Notre professeur se tourne vers nous :

— Et vous, continuez vos matchs ! hurle t-il à notre classe.

Je me relève et passe devant Kevin en trottinant la tête baissée. Pourvu qu'il ne me remarque pas, il me trouverait probablement repoussante dans ses vêtements. J'attrape le ballon tandis que je sens leur présence derrière moi, se dirigeant vers la salle de musculation. Je suis persuadée qu'ils en ont une dans leur palais surnaturel, alias le manoir hanté derrière le cimetière.

— Attention ! crie quelqu'un.

J'ai à peine le temps de tourner la tête que le ballon atterrit contre mon front dans un bruit fracassant. Le silence qui suit ma longue descente au sol résonne dans tout le gymnase. Je n'arrive pas à savoir ce qui se passe précisément jusqu'à ce que mon dos s'écroule par terre, suivi de mes jambes et enfin de ma tête. Des sifflements dans mes oreilles et une douleur au crâne m'envahissent soudainement. J'ai la tête qui tourne...

J'entends des pas rapides arriver dans ma direction, l'écho est tellement puissant que j'en ai encore plus mal à la tête. Par réflexe, je pose ma paume sur mon front et grimace. Une main se pose sur mon épaule me forçant à me redresser. Finalement assise, je distingue les bruits autour de moi, notamment la voix affolée de mon professeur.

— Est-ce que ça va ?! me demande t-il, un genoux au sol.

J'essaie de me relever entièrement, mais mes jambes sont lourdes et encore engourdies par le choc. Du coin de l'œil, je le vois se retourner vers les autres élèves de ma classe et demander à ce que quelqu'un se porte volontaire pour me conduire à l'infirmerie.

— Je vais m'en occuper.

Kevin est le premier à répondre – et le seul. Mon cœur bat si vite que je ne le sens même plus, il pulse contre mes temps, me donnant le tournis. J'arrive à me mettre debout et le vois s'approcher de moi, quant à l'autre il reste bien droit à m'observer tout en restant impassible. Lui c'est évident, je dois lui donner envie de vomir. Je ne veux pas qu'il m'y emmène parce que je peux marcher toute seule et parce que j'ai peur qu'il me touche.

Je commence à m'avancer en direction de la sortie. Mon pied se racle contre le terrain glissant et je trébuche de nouveau par terre. Pourvu que Kevin n'ait pas fait attention au bruit assourdissant qu'a fait mon corps. Je lève la main en me redressant à l'aide de l'autre.

— Ça va ! Je vais y aller toute seule, mentis-je alors que ma vue commence à devenir floue.

Subitement, mon corps est soulevé dans les airs. Je ne cache pas ma surprise en hoquetant d'une voix aigus. Ne voyant Kevin nulle part dans mon champ de vision, je comprends avec horreur que c'est lui qui vient de me poser sur son épaule tel un sac de patate. J'ai beau me débattre en tapotant son dos aussi dur que de la pierre, il ne bronche même pas. Tous les autres élèves sont autour de moi, ils me regardent tous de travers faisant grandir mon sentiment de honte.

— Restez tranquille, me suggère t-il en sortant du gymnase.

Je suis tellement gênée que mon corps tout entier s'embrase. Je baisse la tête pour cacher mon visage, sûrement tout rouge, sous mes cheveux que je détache. Mes jambes ballantes sur son torse et mon gros ventre sentant l'os de son épaule me rentrer dedans. Mon esprit est encore chamboulé par ce qu'il vient de se passer. Sa main sur mon dos frissonnant à son contact, le fait qu'il me porte alors que je suis lourde et l'impassibilité glaciale de son frère. Je dois me rappeler de respirer tellement je suis mal à l'aise.






Il me dépose sur le tabouret de l'infirmerie, sans bien grand mal comme si je ne faisais pas mes soixante neuf kilos. Son souffle attérit délicatement sur la peau de mon cou lorsqu'il me fait descendre. Souffle qui me parait trop léger et trop froid pour une personne en bonne santé. Peut-être fait-il une quelconque insuffisance ? Si c'est le cas, je me sens encore plus coupable de l'avoir – involontairement – obligé à porter mon corps.

Kevin se recule ensuite sur mon côté sans trop s'éloigner pour autant, d'un geste si protecteur. Je songe à ce qu'il ne souhaite pas que je tombe mais je ne me fais pas trop de fausses idées. Je le remercie brièvement d'un signe de tête avant que l'infirmière arrive.

Vêtue d'une longue robe rose, sous sa blouse blanche remplie de petits stickers pour enfant, celle-ci ouvre la boîte magique à médicaments. A l'aide d'une pince elle me tapote un bout de coton plein de crème en gel sur ma bosse. La deuxième de la semaine pour être exacte. La fraîcheur me tire une grimace. C'est agréable de sentir du froid sur ma blessure enflée mais pas... un effet glaçon pur et dur. Néanmoins, je ne lui prête aucune attention, je tourne discrètement la tête pour le voir du coin de l'œil. Les bras croisés dans son dos et son costard noir toujours aussi bien ajusté, il est si élégant. L'infirmière ramène soudain mon menton devant elle de sa main inoccupée, me forçant à la fixer elle.

— Alors, comme ça vous êtes un Hawkeyed ? dit-elle en s'adressant à mon interlocuteur sans pour autant le regarder. Votre famille est assez célèbre à ce que j'ai entendu.

Elle s'écarte de moi et reprend un peu de gel, puis continue à tapoter le haut de mon visage tout en conversant avec Kevin.

— Oui, Madame. Kevin Hawkeyed, ravie de vous rencontrer.

Un sourire apparaît sur la figure ridée de la femme.

— Et vous êtes au lycée pour ? demande t-elle sans aucun tact.

— La donation de Noël. Ma chère mère m'a demandé personnellement, avec mon frère Dereck Hawkeyed, de venir inspecter l'état des lieux.

— Parfait, alors. J'espère qu'une élève qui se récupère un ballon dans la tronche ne va pas fausser votre jugement, ricane t-elle avec une pointe de sarcasme.

Une blague de très mauvais goût, je dois dire. C'est tellement ringard de penser de la sorte, si vieillot. Je fronce les sourcils pour qu'elle comprenne que je n'apprécie pas du tout son humour. Je n'entends pas Kevin rire, il doit probablement partager mon avis. L'infirmière jette un œil dans sa direction et rougit légèrement honteuse que sa boutade n'est pas fonctionné. Et moi, je suis une simple spectatrice de ce flirte à contre-sens entre l'homme mystérieux et l'innocente infirmière du lycée – beaucoup plus âgée que lui, soit disant passant. Je me retiens de soupirer, ma patience étant, certaine fois, limitée.

Quand elle a terminé de s'occuper de ma tête, elle range ses outils dans la boite du tiroir. Kevin se décale pour venir en face de moi et me fixe. Mon regard se noie immédiatement dans le sien, bien qu'à cet instant je suis plus inquiète qu'émerveillée par son geste. Le trait noir formé par ses cils épais au dessus de ses paupières intensifie encore plus ses yeux bleus glacés. Je ne sais pas combien de secondes – ou de minutes peut-être – passent pendant que nos deux esprits se font face. J'ai comme l'impression qu'il peut lire en moi. Ou alors, il faudrait vraiment que je limite ma consommation de séries Netflix.

— Jocelyne ?

— Oui pardon ! m'exclamé-je en revenant sur le visage de notre interlocutrice.

— Tu dois faire plus attention. Deux bosses plus une égratignure aux genoux, ce n'est pas commode du tout. Sois un peu plus prudente et moins distraite par ce qui t'entoure.

Elle fait un léger haussement de sourcils dans la direction de Kevin et quand je comprends ce qu'elle insinue, j'écarquille les yeux, à la fois dégoûtée et surprise par son esprit pervers. Elle a tout faux si elle pense qu'il y a quelque chose entre nous deux. Ou du moins, que dans ma tête et dans mes rêves. Du coin de l'œil, je le vois qui ne réagit pas le moins du monde. Ce qui me rassure qu'il n'a – je l'espère – rien remarqué.

J'efface ce malentendu de ma main et répond :

— J'ai l'habitude, c'est pas grave.

— Ce n'est pas une raison, je vais te faire un mot pour que tu rentres chez toi. Au moins, je serais sûr qu'il ne t'arrivera rien dans ton lit. Ou peut-être qu'avec ce jeune homme-

— Ça va ! Ça va ! J'ai compris... pas la peine d'en rajouter, merci...

Je la stoppe avant qu'elle ne sorte des bêtises encore plus embarrassantes. Rien qu'à l'expression malicieuse de son visage, j'ai deviné où elle voulait en venir et je devais l'en empêcher. Je cache à nouveau mon visage dans mes longs cheveux noirs au parfum de mon dernier shampoing pendant qu'elle écrit sur un petit bout de papier. Lui, semble s'ennuyer plus qu'autre chose.

Je jette un dernier regard dans sa direction et manque un battement en remarquant qu'il n'a pas arrêté de me fixer depuis tout à l'heure. J'ai dû mal à cacher le soudain pincement au cœur que j'ai ressentis. Au contraire de ce que je pensais, il paraît s'amuser de la situation. Ce qui m'étonne au plus haut point. Ou alors peut-être que j'ai tout faux et que c'est autre chose.

Je ne sais jamais avec lui.

— Tiens. Prends tes affaires et rentre chez toi, m'ordonne t-elle en tendant la certification de mon absence.

Je hoche la tête pour la remercier et commence à me lever. Ma tête tourne encore un peu, mais rien de bien grave, j'imagine. Je m'approche de la porte de sortie et en me retournant pour la saluer, je vois qu'il m'imite. Sans rien ajouter, il part dans la direction du gymnase pensant que je le suis. Me voyant ne pas bouger, il me toise.

— Vous ne venez pas ?

— Comment ça ? Non, je... je vais prendre le prochain bus.

— Voyons, vous n'allez pas prendre le risque de rentrer seule alors que vous êtes blessée.

— C'est qu'une petite bosse ! Et puis, j'ai l'habitude de-

— Arrêtez de dire ça. Ce n'est pas parce que vous avez l'habitude qu'il ne faut pas prendre soin de vous. Laissez moi vous ramener, ce sera plus agréable en voiture, je vous assure.

J'avoue être surprise par sa demande et la pointe d'agacement que j'ai perçu dans sa voix. Comme un avertissement qu'il insisterait jusqu'à ce que j'accepte. Tant à mon égard me gêne beaucoup, mais c'est vrai que je devrais profiter de son offre.

— O-ok. Si vous proposez, merci.

Il hoche la tête, un petit sourire très discret et presque caché naissant sur son visage.

Je le suis lorsqu'il retrouve son chemin, sans rien dire de plus. Je n'en reviens toujours pas que je sois si emprise d'un homme que je ne connais presque pas. Ce sourire en coin a déclenché quelque chose de fort en moi, j'ai cru rêvé de ce nouveau battant de cœur si intense. Kevin ne parle pas beaucoup, il n'a pas non plus un visage très expressif, ce qui le rend encore plus mystérieux. Une voix m'interdit de m'éprendre d'un garçon aussi inaccessible pour moi.

Arrivée dans les vestiaires, je me change rapidement, me recoiffe les cheveux en queue de cheval. Je tire le coin de mes yeux pour rajouter un peu d'eye-liner pour ancrer mon regard. Mais avant que la pointe ne touche ma peau, je me dis que ça ne sert pas à grand-chose si c'est pour rentrer chez moi et m'affaler dans le lit. Alors, je referme le bouchon et sors le rejoindre.

Je m'arrête net devant la porte en le voyant discuter avec son frère. Je détourne la tête pour faire croire que je ne les écoute pas, néanmoins mes pupilles restent fixées sur eux. Je n'entends que des brides de conversation mais assez pour m'interloquer.

— Une humaine ? Tu es sérieux ? réplique en chuchotant son frère aux cheveux mi-longs.

Je dois bien avouer que j'adore les garçons aux cheveux comme les siens, ça donne un coté encore plus viril. Mais, là n'est pas la question, depuis quand le terme « humaine » s'utilise pour désigner une personne ?

— Laisse tomber Dereck. Je la ramène juste chez elle, comme l'homme normal que je dois paraître. Tu te souviens ?

— Fais ce que tu veux, grogne t-il.

— Je reviendrais vite, tu n'as pas à t'inquiéter.

Celui-ci me lance un regard encore plus sombre et effrayant que ses iris elles-mêmes. Puis, il se détourne furieusement de son frère qui soupire. Je dois me retenir de ne pas paraître choquée par ce que je viens d'entendre. Son regard parait si lointain, mais avant devenir vers moi, Kevin se ressaisit et change complètement d'expression. Il redevint tendre et chaleureux au détriment de celui juste avant, dur et en colère. Son visage et ses yeux sont en parfaites contradiction, sa figure est dur et viril quant à ses pupilles, elle cache des sentiments plus forts. C'est ce qui le rend si attirant, je présume. Mais aussi, peut-être un peu effrayant. Je commence même à douter de lui, je n'avais jamais vu quelqu'un changer si vite de personnalité, si je puis dire. Même si, je continue à admirer l'effet qu'il a sur moi, je n'en reste pas moins sur mes gardes.






Dehors, le froid me gifle les joues. Il m'ouvre la portière de sa Jeep tel un gentlemen, puis se dirige du coté conducteur. Je m'enfonce dans le siège, très agréable pour mon dos, de sa voiture tout en sentant l'odeur de menthe fraîche. Kevin doit remarquer mon inspection des lieux car il me dit :

— Dereck adore l'odeur de la nature.

— Quoi ? Comment... pardon ? me repris-je en tournant la tête.

— Le parfum, me suggère-t-il en tapotant sur l'objet en forme de sapin accroché au rétroviseur intérieur.

Kevin attache ensuite sa ceinture. Je suis trop curieuse pour me taire alors je lui demande avant qu'il n'enclenche le moteur :

— Votre frère ne vient pas avec nous ?

Il stoppe tout mouvement, son regard se perd à nouveau dans le vide. Puis, il secoue la tête et me répond froidement :

— Il préfère marcher dans la forêt.

— Oh.

L'ambiance vient soudainement de changer. C'est comme si un vent glacé venait de nous refroidir. Que pouvais-je bien dire de plus ? Ses mots restent quand même gravés dans ma mémoire et me bourre le crâne de questions. Que voulait-il dire par "une humaine" et pourquoi Kevin a t-il dit "l'homme normal que je dois paraître"? Il démarre enfin la voiture et entame la route dans un silence très frustrant. Au final, ma poisse n'a pas voulu que ce soit une bonne journée, aujourd'hui, bien qu'elle ne soit pas terminée.






















Merci d'avoir lu ce chapitre ♡
À très vite pour le prochain !

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