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C'est une somptueuse robe que voilà, parfaitement adaptée à la taille de guêpe du mannequin. Un précieux tissu qui n'irait jamais à des hanches aussi larges, un ventre aussi rond, à des épaules aussi carrées et rentrées vers l'intérieur ; qu'est toute la beauté immonde de mon corps.

Je passe mon chemin, impossible de me voir dans cet habit. Pendant que je marche tranquillement dans le parc à presque vingt-trois heures, des drogués en train de rêver de licorne me dévisagent soudain. L'un d'eux se lève brusquement sans détacher son regard de moi. Ils ont l'air vraiment défoncés. Je les ignore et prend un chemin différent pour atteindre l'arrêt de bus, avant qu'ils aient le temps de me rejoindre. 

Assise sur un siège de l'arrêt de bus, je remarque qu'il fait plus froid que d'habitude, ce soir. Une brume glacée file dans l'air tout autour de la ville. J'enfile ma veste noire molletonnée en attendant et mets mes écouteurs. La musique résonne dans mes oreilles, pour ne pas entendre la réalité, pour partir là où j'aime libérer mon esprit. Je soupire en laissant s'échapper de la fumé de mes lèvres, et j'enfonce mes mains frigorifiées dans mes poches. 

Aujourd'hui, j'ai dû aller à la bibliothèque pour m'excuser d'avoir volé des livres. Et puis, je ne les ai pas volés, mais empruntés. J'allais les rendre, j'ai simplement oublié de me signaler à l'accueil. Dans cette ville, vous êtes rapidement étiqueté, de toute façon. Je porte un style vestimentaire dit « gotique » et je suis automatiquement considérée comme délinquante ou dangereuse psychopathe. Ma mère – dont je suis très proche – pense que c'est la crise d'adolescence, elle est persuadée que j'écoute du métal ou du hard rock pour me donner un genre. En pensant à cela, je me rends compte qu'il y a une autre mélodie qui n'a rien à voir avec le rythme de la musique demon téléphone. 

J'éteins le son de mon portable et tends l'oreille à travers le silence d'un froid glacial de décembre. Je suis certaine de ne pas rêver, j'entends bien une harmonie jouée au violon. C'est magnifique... Mais je n'arrive pas à savoir d'où ça vient. Je lève mes fesses d'où je m'étais assise et commence à marcher sur le trottoir. Je ne sais pourquoi, je suis tellement hypnotisée par cette berceuse que je perds le contrôle de mon corps. C'est un mélange de mélancolie et de nostalgie, un air triste mais si beau. 

Mon pied franchit le bord du trottoir et tombe sur le goudron humide de la nuit, sans que je ne puisse l'en empêcher. Mes mains sont enfouies dans mes poches, et de mes doigts, je suis le rythme inconsciemment. 

C'est magique. Je me mets presque à danser à travers ce brouillard de plus en plus opaque. 

J'ai beau rôder sur la route depuis une dizaine de minutes, je ne vois aucun ou aucune violoniste aux alentours. Je ferme mes paupières et me laisse aller, transportée dans un monde étrange. Mon esprit s'échappe doucement de mon corps pour rejoindre cette mélodie envoûtante qui résonne en moi. 

Je n'ai pas plus de temps pour comprendre ce qu'il se passe, que les fars du dernier bus jaillissent de la brume. Le bruit du moteur chaud me ramène à la réalité. Je me précipite rapidement sur le trottoir. J'entre à l'intérieur lorsque les portes s'ouvrent. Heureusement que je m'en suis aperçue, j'aurais été obligée de rentrer à pied et autant dire que ça ne m'enchante pas. Je m'assois sur un siège libre tout au fond, mais n'arrive pas à remettre mes écouteurs. Je pense encore à ce magnifique solo, il m'ensorcelle encore. 

D'où pouvait-il bien provenir ? Et plus important : qui peut jouer avec autant d'émotions et d'intensités ? Je ne connais personne ici capable d'un tel exploit. Le seul conservatoire dans la région se trouve à cent kilomètres au moins... des nouveaux arrivants, peut-être ?

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