Le silence qui pesait après le départ de Yuri fut brisé par une voix sèche et tranchante.

— On n'a pas le temps pour ça.

Jiang Cheng avait le visage fermé, son regard sombre fixé sur Wei Wuxian et Lan Wangji. Il avait déjà perdu trop de choses. Il ne pouvait pas perdre encore une guerre.

— La bataille est déjà aux portes des montagnes de Luanzang Gang, annonça-t-il. Si nous n'agissons pas maintenant, ce sera un carnage.

Lan Wangji écoutait en silence, le regard perçant. Wei Wuxian, lui, était resté en retrait, les yeux fixés sur le sol, les traits tendus. Jiang Cheng poursuivit d'une voix plus grave :

— Quelqu'un d'autre fabrique des marionnettes fantômes.

Un frisson parcourut l'échine de Wei Wuxian. Il releva les yeux vers Jiang Cheng, incertain.

— Tu es sûr ?

— J'ai vu des choses que même toi, tu ne peux pas expliquer. Des marionnettes plus puissantes, plus rapides. Elles bougeaient avec une conscience. Comme si elles avaient une volonté propre.

Lan Wangji posa enfin la question qui hantait toutes les pensées :

— Qui les contrôle ?

Jiang Cheng serra les poings.

— Le tally du tigre yin.

Le silence se fit brutalement plus pesant. Wei Wuxian plissa les yeux.

— Ce sceau était censé être perdu...

— Quelqu'un l'a retrouvé, coupa Jiang Cheng. Il s'apprête à l'utiliser pour plonger le monde entier dans un chaos encore pire que ce que nous avons déjà vu. Wei Wuxian comprit alors. L'homme à la main gantée. Le tally du tigre yin était une arme... Et cette fois-ci, elle était utilisée contre eux.

Wei Wuxian posa une main sur sa flûte. Son regard se durcit.

— Alors on y va.

Jiang Cheng hocha la tête, avant d'attribuer les rôles :

— Wei Wuxian, tu seras en première ligne avec tes marionnettes. Lan Wangji, tu soutiendras nos arrières avec ton zither. Je me chargerai de protéger nos disciples.

Il se tourna vers Wei Wuxian, le regard froid.

— Ne fais pas de bêtises.

Wei Wuxian eut un sourire en coin.

— Moi ? Jamais.

Mais au fond de lui, il savait que cette bataille serait différente. Qu'elle pourrait bien être la dernière.

Ils venaient d'arriver à la montagne. Les torches jetaient des ombres mouvantes sur les visages fatigués des disciples déjà sur place. Les clans s'étaient rassemblés en urgence, prêts à combattre. Mais à peine eurent-ils mis les pieds dans le camp...

Les murmures commencèrent. Wei Wuxian se tendit immédiatement. Les regards étaient lourds, accusateurs. Puis, les chuchotements devinrent des voix distinctes.

— Tout est de sa faute.

— S'il n'avait pas emprunté la voie démoniaque, nous n'en serions pas là !

— C'est lui qui a créé ces marionnettes ! On devrait le tuer.

Wei Wuxian se figea. Il tourna lentement la tête. Les disciples s'étaient écartés de lui. Comme si sa simple présence était une malédiction. Comme s'il n'était plus humain.

Lan Wangji voulut intervenir, mais Wei Wuxian leva une main, sourire moqueur aux lèvres.

— Laisse. Je suis habitué.

Mais dans ses yeux... Son sourire avait disparu. Il savait. Il savait qu'il ne serait jamais plus accepté. Que peu importe ce qu'il ferait... Il resterait l'homme que tout le monde craignait et redoutait. 

Un démon.