L'âme des Damnés
Le lendemain, je m'étais rendu à la clairière céleste et je m'étais taillé une flûte dans un morceau de bambou. Étant plus à l'aise avec un Dizi qu'une flûte droite Xiao , comme celle de Lan Xichen, mon choix se fixa sur celle-ci.
Et puis , je trouvais que cette flûte traversière me donnait une allure en accord avec mon état d'esprit.
Sinistre !
Il est vrai que mon allure depuis que j'étais ici, avait changée. Mes vêtements qui portaient déjà plusieurs accrocs à mon arrivée, ressemblaient maintenant à des guenilles ! Mais quelle importance, je n'avais personne à qui plaire ! L'image fugace de Lan Zhan me traversa l'esprit.
Dans la pénombre de ma grotte , j'essayais de me remémorer les airs du clan Lan que j'avais entendu à YunShen Buzhi ! Il n'y en avait pas énormément !
Le premier dont je me souvenais, je l'avais entendu dans la salle de classe lors de la cérémonie de présentation. Nous nous étions énervés contre les représentants du clan Wen. Lan Xichen avait joué un air qui avait eu pour effet de nous calmer dans un premier temps puis de nous désarmer !
Il y avait ensuite l'abysse hydrique. Zewu Jun avait de nouveau utilisé sa flûte pour contrôler et endormir les esprits courroucés qui semaient la terreur !
Si je voulais atteindre le but que je m'étais fixé , je devais travailler ces airs dont je me souvenais ! Je devais les tester sur les esprits du Tertre Funéraire et voir s'ils avaient un effet sur eux.
Ce serait dangereux, je le savais. Je serais sans protection pendant ce temps là.
Mais une fois de plus, avais-je le choix ? Si cela ne fonctionnait pas ... alors je devrais faire comme je l'avais fait pour le talisman ; Je devrai inventer une nouvelle mélodie... enfin si j'étais toujours en vie !
Je savais que mon temps de survie au sein de Tertre Funéraire commençait à décroître. La clairière céleste ne pouvait subvenir intégralement à tous mes besoins. Le nombre de ses fruits diminuait. Je savais que j'avais perdu énormément de poids et si j'arrivais à sortir d'ici, il me faudrait du temps pour le reprendre. J'entendais d'ici ma shijie me dire « A-Xian tu as maigris ! »
Elle me manquait tant ! Sa douceur, sa tendresse, son amour maternel, sa soupe de lotus.... L'absence de Jiang Cheng causait un vide en moi. J'espérais qu'il allait bien et qu'il s'habituait à mon noyau d'or ! Nos disputes, nos chamailleries de frères, j'avais envie de les vivre à nouveau !
Et Lan Zhan... c'est étrange mais lui aussi me manquait ! Je me demandais parfois pourquoi ? Nous étions si différents ! Et pourtant ... quand j'étais avec lui , le vide que j'avais toujours senti en moi , se comblait. J'aimais le taquiner, parler avec lui ... Enfin , je parlais et lui communiquais en utilisant qu'un seul mot !! C'était plutôt amusant ! J'aimais la relation que nous avions, j'avais l'impression qu'il me comprenait même si je l'énervais les trois quart du temps. Il ne le savait pas mais je le faisais exprès ! J'aimais voir la colère monter en lui. Ses yeux étaient comme des miroirs où je pouvais voir ce que ses lèvres ne disaient pas !
Nous pouvions nous comprendre d'un regard .. Quand je l'avais rencontré la première fois , j'avais eu l'impression de retrouver un ami de toujours. Est-ce que c'était ça , être des âmes sœurs ? Cette impression de s'être toujours connu ? Il faudrait que je lui en parle.
Penser à ceux que j'aimais me donnait du courage et de l'espoir. J'allais en avoir besoin, car je devais faire ma première sortie, ma première tentative de contrôle.
J'avais passé plusieurs heures à me préparer à faire face aux esprits damnés. Je savais que dès que je sortirais de mon antre, ils fondraient sur moi tels une meute de loups affamés sur un moutons assez bête pour venir se perdre parmi eux !
J'avais confectionné 2 talismans à court effet que je gardais en réserve en cas d'urgence. Je les avais réalisés avec des lambeaux de tissu que j'avais trouvés !
Je fis un pas en avant puis un second . Les volutes de fumées noires fondirent sur moi et m'enfermèrent dans un étau de douleur intense. Mon esprit fut envahi par des images de bataille , des sensations de coups d'épées , de membres arrachés. Toutes les douleurs que j'avais éprouvées jusque-là n'étaient rien à côté de celles-ci. Ces esprits me transmettaient leur dernier ressenti, leurs dernières sensations juste avant de mourir. Je m'effondrais sur le sol et me recroquevillais sur moi-même. Mes cris se joignirent à ceux des âmes damnés. Je serrais mes bras contre mon torse.
C'est alors que j'aperçus ma Dizi. La douleur m'avait fait oublier que je la tenais et pourquoi j'étais là. Je me ressaisi et relevais laborieusement en position assise. Je portais ensuite la flûte à mes lèvres. Je testais le premier air. Je devais déterminer quelle partie apaisait et celle qui désarmait . Mais surtout je devais savoir si la musique avait un effet sur ces âmes damnées et lequel !
Je commençais à jouer. Certains esprits s'arrêtèrent lorsque la mélodie s'éleva. Elle n'était pas aussi parfaite que celle de Lan Xichen mais elle ressemblait assez à ce que j'avais entendu dans la salle de l'orchidée. Les volutes qui s'étaient arrêtés formèrent des boules et finirent par s'évaporer. Je ne savais pas ce que cela signifiait mais , ce devait être de bonne augure. Les autres me tournaient autour. Elles ne m'assaillaient pas, on aurait dit qu'elle m'observaient, qu'elles me jaugeaient. D'autres restaient à l'écart . La mélodie devait agir.
J'arrivais à ce que je croyais être la seconde partie de l'air, celle qui désarmait. Quel effet aurait-elle sur ces âmes maudites ?
Je ne quittais pas des yeux les volutes noires. Elles semblaient s'affoler, elles se déplaçaient de manière erratique. Puis quand les accords vrillèrent, elles bondirent dans ma direction. Elles revenaient à l'attaque. Je reprenais la mélodie au début pour les calmer. Elles recommencèrent leur ballet autour de moi . Je me levais et tout en continuant à jouer, je reculais jusqu'au périmètre de protection du talisman de la grotte.
Une fois en sécurité à l'intérieur , je me laissais glisser sur le sol. Mes mains , mes jambes , mon corps tout entier tremblaient. Je me mis à vomir aux souvenirs des monstruosités que ces âmes avaient partagés avec moi. Il me fallu du temps pour me remettre. Mon esprit était troublé. Je ne trouvais pas le repos. Je les comprenais maintenant. Je savais pourquoi elles étaient en colère ! Leur souffrance était devenue mienne.
Je voulais les aider, mais comment ? Au début, je voulais les utiliser et même si pour certaines d'entre elles, leur manipulation ne me laissait aucun remord d'autres, innocentes, méritaient le repos !
Comment faire la différence ? Ce devait être possible !
J'avais encore un autre air à essayer. Mais pas maintenant , pas aujourd'hui. Je devais apaiser mon propre esprit. L'ironie de ma situation me frappa de plein fouet, moi qui avais toujours détesté la méditation, aujourd'hui c'est à elle que je devais mon salut. Je voulu me traîner jusqu'à ce qui me servait de lit, mais je n'en avais ni la force ni le courage. Je restais allongé là, sur le sol de la grotte. Ce n'était pas la première fois que cela m'arrivait ... et probablement pas la dernière. Mon corps s'était habitué à dormir sur la pierre.
A mon réveil, une nouvelle journée commença. Je n'avais jamais pris de repère pour déterminer le nombre de jours que j'avais déjà passé dans ce lieu maudit. J'ignorais depuis combien de temps je m'y trouvais, mais je trouvais cela très long. Après ma méditation et mon ravitaillement à la clairière céleste. Je décidais de tenter une nouvelle sortie.
Comme la veille , dès que je mis un pied dehors les volutes noires se ruèrent sur moi. D'autres attendaient. Les mêmes sensations, les mêmes douleurs, les images de plus en plus précises, chaque contact avec les volutes des Damnés augmentait l'intensité et la précision de ce qu'ils partageaient avec moi ! Je portais la flûte à mes lèvres.
La mélodie que j'avais entendue à l'abysse hydrique s'éleva. Les volutes s'arrêtèrent nette mais je constatais que leur couleur noire s'intensifiait. Qu'ils devenaient plus opaques ... je ne savais pas ce que cela voulait dire . Je remarquais du coin de l'œil une autre volute qui jusque-là s'était tenue à distance ... elle se rapprochait. Que me voulait-elle?
Celles qui m'entouraient étaient de plus en plus compactes. Je me sentais mal. Avant que je n'ai pu changer d'air , elles fondirent sur moi , toutes en même temps.
Mon corps fût déchiré, je sentais leur colère s'attaquer à mon âme. La douleur était telle que je perdis connaissance.
Ma dernière pensée fut que j'allais mourir là.
Lan QiRen avait raison.
Mon obstination à croire en une 4ème option avait été vaine ! L'énergie du ressentiment était trop puissante et incontrôlable !
J'avais échoué !
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