Chapitre 4
Légèrement appuyée contre le comptoir en bois verni qui occupait un pan de mur de l'immense pièce à vivre, Azéna observait les ombres formées par le feu qui dansait dans une des grandes cheminées d'où une douce chaleur s'échappait, montant en volutes tourbillonnants dans toute l'imposante demeure. Azéna s'amusait à s'imaginer ces volutes s'élever, se confronter, danser ensemble, puis se séparer avant de poursuivre leur chemin. Les iris bleu céruléen de la femme aux courts cheveux roux étaient occupés à tracer les spirales imaginaires que pourraient suivre les différentes nappes chaudes, et ils se baissèrent brusquement lorsqu'une voix s'éleva :
« Elle va bien ? demanda Diego, qui croisa les bras tout en orientant son regard vers Cinq. Elle a l'air ailleurs. J'espère que tu ne nous a pas ramené une échappée d'asile... »
Cinq avait tenu parole, la quasi-totalité de la famille Hargreeves se trouvait dans le salon de la demeure où ces drôles de numéros avaient grandi, et le garçon en uniforme venait d'expliquer rapidement qui était Azéna, et pourquoi elle était ici. Avant cela, les Hargreeves qu'Azéna ne connaissait pas encore s'étaient rapidement présentés, plus ou moins froidement, mais même avant cela, la rousse installée près du comptoir n'avait pas eu de mal à associer les noms et les pouvoirs aux visages encore inconnus : Luther n'avait pas la silhouette d'un faiblard, Diego portait une drôle de tenue sombre qui suggérait la présence de lames, et comme Vanya était absente, l'identification d'Allison s'était révélée aisée.
« Ce n'est rien, elle imagine simplement la chaleur du feu se propager dans la pièce, elle reste suffisamment concentrée pour nous écouter en même temps », répondit enfin Cinq en reposant sa tasse de café fumant sur le comptoir avant d'appuyer un coude sur la surface lisse et de pivoter vers les autres.
Azéna fronça les sourcils et se mordit l'intérieur de la joue droite, comme elle avait l'habitude de le faire lorsque quelque chose la contrariait ou l'étonnait mais qu'elle décidait inconsciemment de ne pas serrer le poing sur son pouce.
« Comment est-ce que tu sais ça ? » lâcha-t-elle.
En effet, elle n'était là que depuis peu de temps, et elle était certaine de n'avoir jamais évoqué ce réflexe en présence de cette étrange famille. De plus, Azéna se figurait que ce léger toc n'était pas suffisamment banal pour être déduit. Elle aurait très bien pu avoir une simple absence, ou encore être occupée à observer la poussière en suspension. Le fait que son attention se soit momentanément concentrée sur la chaleur émise depuis la cheminée n'était pas si évident, si ?
Pourtant, Cinq ne semblait pas enclin à répondre à la question d'Azéna, en tout cas pas avec des mots. Il lui adressait simplement un sourire, les lèvres pincées. L'index droit de la rousse en chemise bordeaux tremblota, seul témoin visible de l'envie de frapper le garçon qui s'insinuait lentement dans l'esprit d'Azéna. Cependant, ce léger mouvement involontaire sembla suffire à Cinq pour comprendre à quoi elle pensait, car après un rapide coup d'œil à la main droite de la jeune femme, le sourire du brun en uniforme s'élargit.
« C'est vrai ça, intervint finalement Klaus. Comment tu sais ça ? »
Cinq regarda rapidement autour de lui, posant ses yeux sur chacun des membres de la petite assemblée. Puis, il se décida enfin à répondre :
« On s'est croisés après l'apocalypse, fit-il avant de reprendre une gorgée de café fort fraîchement acheté ou volé.
— Pardon ? s'étonna Azéna en faisant un pas vers lui. J'ai survécu à l'apocalypse ? Et comment s'est-on... enfin comment est-ce qu'on se croisera ? »
Cinq se redressa sur son tabouret en bois alors que la rousse approchait encore.
« Tu travaillais pour la Commission, répondit-il enfin. Une organisation qui veille à ce qu'un certain nombre d'événements aient bien lieu, ajouta-t-il à l'intention de sa famille.
— La Commission ? Les types qui ont essayé de te tuer tout à l'heure ? demanda Azéna.
— Exact.
— Et moi j'ai travaillé pour eux ?
— Affirmatif. Et moi aussi. On a été en binôme pendant plus d'un an. D'ailleurs je préfère ne pas imaginer ce que tu me réserves si je retourne là-bas après t'y avoir laissée en plan...
— Quoi ? Tu ne m'as rien dit quand tu es parti ? Alors qu'on a travaillé ensemble pendant longtemps ? le questionna Azéna, la voix chargée de reproches alors même qu'elle n'avait elle-même jamais souffert d'aucune façon de cette décision.
— Ça n'avait rien de personnel, assura Cinq. Il n'y avait qu'en gardant mon plan pour moi que je pouvais être certain d'avoir une chance. Je te faisais confiance, mais on ne peut pas savoir où traînent les micros...
— Je vois..., fit Azéna plus doucement. Mais... »
La vingtenaire aux cheveux de feu se figea soudainement. Ses yeux s'agitèrent nerveusement, en même temps que ses pensées. Si Cinq l'avait connue pendant un certain temps, combien de choses savait-il exactement sur elle ? Azéna brûlait d'envie de savoir, mais poser la question directement serait très louche et attirerait bien des questionnements de la part de la famille Hargreeves.
Azéna garda donc le silence, ce qui fit naître un nouveau sourire sur les lèvres de Cinq. Il semblait avoir deviné quelle question brûlait les lèvres de la rousse face à lui.
« Vous ne me demandez pas pourquoi une telle organisation a pris la décision d'embaucher une fleuriste qui sait simplement à peu près se défendre ? dit alors innocemment Cinq sans lâcher Azéna des yeux.
— Si tiens, comment ça se fait ? » renchérit Diego.
Azéna ferma quelques instants les yeux en grimaçant. Et voilà, Cinq savait, et elle était coincée.
« Elle a.... une... affinité particulière avec l'eau, formula le garçon en uniforme en regardant ses frères et sœurs, conscient qu'Azéna n'allait pas répondre d'elle-même.
— Ce qui veut dire ? s'impatienta Diego en faisant un pas vers le bar.
— Ce qui veut dire que je peux contrôler l'eau, souffla Azéna, contrariée.
— Pardon ?
— Quoi ? »
Le reste de la fratrie Hargreeves s'exprimait enfin, et Azéna appuya ses deux coudes contre le comptoir en pivotant face à Diego, Luther, Allison et Klaus.
« Je suis née le premier octobre mille neuf cent quatre-vingt-neuf, d'une femme qui n'était pas enceinte avant cette date.
— Tu... tu es... comme nous ? fit doucement Allison, dont la voix tremblait légèrement d'enthousiasme. On n'est pas les seuls ?
— Vous n'êtes pas les seuls, confirma Azéna dans un soupir. J'ai moi-même appris que je n'étais pas l'unique anomalie quand les médias ont commencé à parler de vous. Alors mon père a rappelé des vieux amis, leur a demandé s'ils connaissaient des gens qui possédaient encore des journaux datant d'octobre mille neuf cent quatre-vingt-neuf. Il a fini par trouver quelques articles datant tous de la même date, en provenance de plusieurs pays, qui prouvaient qu'un peu partout dans le monde, des enfants étaient nés de mères aux ventres vides de vie la veille des accouchements. »
Et alors que la majorité de la famille Hargreeves digérait cette nouvelle, Azéna tourna la tête vers Cinq, suspicieuse.
« Tu n'étais absolument pas là par hasard tout à l'heure, n'est-ce pas ?
— Les fleurs, c'est pas trop mon truc », confirma l'intéressé avant de terminer sa tasse de café.
Azéna ricana faiblement. Elle se disait que si elle ricanait, de ce rire amer, son envie de noyer le garçon en uniforme se dissiperait peut-être.
« Et comment est-ce que j'ai survécu à l'apocalypse ?
— La Commission t'a recrutée quelques jours avant qu'elle ne se produise, lui expliqua Cinq en jetant un regard envieux aux nombreuses bouteilles d'alcool qui peuplaient les rangements en bois derrière le comptoir.
— Quand ça exactement ?
— Il y a quelques heures, chez la fleuriste qui te faisait travailler, répondit le jeune garçon aux cheveux noirs tout en se servant un verre d'alcool.
— Pardon ?! » s'emporta Azéna en écartant de Cinq son verre pour ne pas risquer qu'une trop grande part de sa concentration ne soit accaparée par l'éthanol contenu dans la matière hyaline.
Cinq fusilla Azéna du regard et saisit un autre verre afin de le remplir, mais la jeune femme le lui retira lui aussi des mains avant de poursuivre :
« Ils n'étaient pas venus pour te tuer, ils venaient juste me parler, et comme tu étais là, ils ont ouvert le feu. Tu m'as menti, tout ça pour que je me retrouve coincée ici, avec la Commission à dos parce que j'ai tué ou assommé plusieurs de leurs agents, car j'ai cru qu'ils me tueraient s'ils en avaient la possibilité, formula Azéna, les yeux emplis d'une colère bouillonnante.
— Tu n'as pas à t'en vouloir, tu ne pouvais pas deviner mon plan avant qu'il n'ait abouti. Ça faisait justement partie du plan, la rassura alors Cinq avec un sourire condescendant.
— Tu es certain que tu me connais ? Non parce que ça n'est pas du tout à moi que j'en veux.
— Peu importe à présent. Tu es ici, tu vas y rester, et nous aider à empêcher l'apocalypse.
— Pourquoi l'avoir piégée pour l'obliger à rester ? interrogea Diego. Pourquoi tu veux tant qu'elle nous aide ? Enfin, je veux dire... Je suppose que toute aide est la bienvenue quand il s'agit de la fin du monde, mais on devrait tous avoir notre mot à dire, on devrait décider ensemble si elle reste ou non. Alors pourquoi elle en particulier ? L'utilité de son pouvoir pour éviter l'apocalypse doit être relativement faible, non ?
— Azéna, tu lui expliques toi-même cette fois ? » proposa alors Cinq.
Sans répondre à Cinq, Azéna se détourna de lui et prit la parole :
« Une fois, un collègue de mon père s'est arrangé pour lui faire perdre son job. À ce moment, on habitait au bord de la mer, et le traître avait justement prévu une petite excursion avec son patron – c'était un lèche-pompe jusqu'au bout –. On a su ce qu'il prévoyait parce qu'il se vantait tout le temps de tout. Il a bien vérifié les horaires de marée, car il voulait se promener dans une zone où il risquait de se faire piéger si l'eau montait trop. Il est donc parti à marée basse. Mais ce jour-là, la marée haute est arrivée plus vite que prévu, le coefficient indiqué par les autorités était très en deçà de la réalité, et il s'est passé bien trois heures avant que la mer baisse à nouveau. Le connard s'est fait piéger, son patron aussi, ils n'ont plus emmerdé personne. Les agences de prévision cherchent encore ce qui s'est passé, mais moi je sais. »
Des regards inquiets s'échangèrent face à Azéna, et Diego ne répondit que quelques instants plus tard :
« Ok, faut pas te chercher... mais la mer c'est beaucoup d'eau...
— Non, sérieusement ? le coupa Azéna.
— Mais que peux-tu faire si on n'est pas à proximité d'une grande étendue d'eau ? reprit Diego.
— Je peux rediriger l'humidité de l'air dans tes poumons et la condenser suffisamment pour te noyer. Je peux également retirer toute l'eau de ton corps, et donc empêcher ton organisme de fonctionner, car tu imagines sans peine que ton sang est incapable de circuler sans eau. Je peux aussi rediriger l'eau du reste de ton corps vers tes poumons, mais ça n'a pas grand intérêt, ça demande plus de concentration pour rien. »
Klaus cligna plusieurs fois des yeux, assis en tailleur au pied du canapé, Allison échangea un regard perplexe avec Luther, et Diego haussa légèrement les sourcils.
« Elle reste, lâcha Cinq avec un sourire satisfait, comme pour clore la discussion.
— Vous voulez que je vous montre ? Ça marche », reprit Azéna avant même d'avoir reçu une réponse.
Aussitôt, Cinq commença à tousser, une main autour de la gorge, l'autre s'agrippant au comptoir. Il tenta de se lever, mais il ne fit que tomber sur le sol du manoir. Toussant de plus belle, un filet d'eau s'échappa de sa bouche, et la quinte de toux prit fin peu après, sous les regards inquiets de la fratrie Hargreeves. Allison avait fait un pas vers Cinq, mais elle ne voyait pas vraiment comment l'aider, à moins d'utiliser son pouvoir, ce qu'elle évitait comme la peste. Elle avait ainsi fini par s'immobiliser jusqu'à ce que son frère reprenne son souffle. Diego s'était quant à lui simplement raidi, conscient que Cinq n'était pas en danger de mort, car Azéna n'aurait pas pris le risque de tuer l'homme à l'allure d'adolescent face à quatre personnes dotées de pouvoirs.
S'appuyant sur le tabouret qui l'avait accompagné dans sa chute, Cinq se redressa enfin péniblement, une grimace déformant ses traits.
« Ça ne m'avait pas manqué... », grommela-t-il en essuyant de ses lèvres l'eau qui restait.
Il posa son regard sur Azéna, l'air contrarié, et ajouta plus fort en s'approchant d'elle :
« Personne n'avait demandé de démonstration ! protesta-t-il en pointant vers elle un doigt accusateur.
— C'est simplement un début de vengeance pour m'avoir manipulée, se justifia Azéna en haussant les épaules avec un air innocent. Parce que je n'oublierai pas, sache-le. Et c'était vraiment très satisfaisant de te voir te tortiller par terre, renchérit-elle avec un sourire quelque peu malsain.
— Ça n'est pas très malin de le dire. Je te rappelle que j'ai travaillé plusieurs années pour la Commission, comme tueur à gages. Je pourrais donc te faire regretter amèrement ces quelques secondes.
— T'as pas des devoirs à faire plutôt ? Parce que ton évaluation d'éducation civique s'annonce mal, c'est fou ce que t'es malpoli...
— Je ne vais pas te demander de m'aider à réviser, autrement je vais obtenir une note négative... »
Azéna se contenta de sourire un peu plus, ce qui ne plut pas à Numéro Cinq :
« Je te conseille de faire disparaître ce sourire de ton visage, avant que je ne l'immortalise avec un couteau à beurre.
— Tu ne veux pas essayer avec ça plutôt ? le questionna Azéna en lui tendant le couteau qu'elle gardait sur elle en permanence. Ça serait moins fatigant. »
La rousse et le jeune brun continuèrent de se fixer un long moment, attendant de voir lequel allait céder en premier et s'en prendre à l'autre. Cependant, Klaus finit par s'interposer et prit le couteau de la main d'Azéna.
« Le dessin, c'est avec des crayons, des feutres, pas des couteaux, fit-il en passant les bras autour des épaules des deux personnes en désaccord. Ah, les enfants... il faut tout leur apprendre... »
Alors que Klaus poussait un soupir accompagné d'un sourire qui semblait mélancolique, Cinq disparut dans un faible flash de lumière bleue, avant de se re-matérialiser de l'autre côté du comptoir. Il déboucha une bouteille de rhum et en versa dans un verre, qu'il posa devant Azéna avant de récupérer celui que la rousse avait éloigné de lui peu de temps auparavant. Remarquant la moue méfiante d'Azéna, le jeune garçon pas si jeune que ça décida de rassurer son ancienne collègue :
« Si je devais te tuer, je ne choisirais pas le poison, affirma-t-il en prenant une gorgée de ce qui ressemblait à du Whiskey. Ça serait plutôt ta technique, ajouta-t-il alors qu'il haussait légèrement un sourcil en regardant Azéna.
— J'ai déjà essayé de te tuer ? s'enquit-elle avec une lueur intéressée dans le regard tout en prenant finalement dans une main le verre que lui avait servi Cinq.
— Bon, je vais vous laisser moi, les coupa Klaus. J'ai autre chose à faire... si vous me cherchez, je serai... je sais pas encore. En tout cas, si on doit voter pour choisir si elle reste ou pas, je vote pour ! continua-t-il en levant une main. Et Ben aussi.
— Non Klaus, on ne vote pas, elle reste, c'est tout, » le contredit Cinq en regardant son frère qui quittait la pièce sans l'écouter.
Le garçon en uniforme poussa un soupir agacé avant de se concentrer à nouveau sur Azéna.
« Vingt-quatre décembre deux mille soixante-quatre. Dans le café. Pour que ça ne paraisse pas trop louche, tu avais mis le poison dans la cafetière, et pas dans une tasse seulement. Mais on ne me la fait pas à moi, ajouta-t-il fièrement. Ce jour-là, tu as failli être renvoyée de la Commission.
— Pour avoir manqué de te tuer ?
— Non, à cause des dix personnes qui ont vraiment failli mourir.
— Oh. Et... c'est la seule fois où j'ai essayé de te tuer ?
— Non, bien sûr que non. Je te dois une ou deux cicatrices, et je t'en ai laissé quelques unes également », formula Cinq comme une évidence avant de se téléporter pour s'asseoir sur un tabouret encore debout.
Azéna hocha doucement la tête avant de prendre une gorgée de rhum, et elle se retourna lorsqu'Allison prit la parole. La belle actrice avait gardé le silence un long moment, tout comme Luther et Diego.
« Mais alors... comment ça s'est passé pour toi ? demanda la femme au teint basané et aux beaux cheveux frisés. Enfin... ton enfance, ton entraînement... c'est la première fois que je rencontre quelqu'un... quelqu'un comme nous, mais qui n'ait pas grandi au sein de l'Académie... »
Allison semblait réellement curieuse, on aurait dit une enfant attendant impatiemment la suite d'une histoire qui la passionnait, et Azéna ne put se retenir de sourire avant de se lancer :
« Eh bien, ma mère biologique n'avait que quinze ans, et ses parents ont décidé de me faire adopter sans laisser la possibilité aux adoptants de les retrouver, leur fille ou eux. Mes parents adoptifs étaient... plutôt aimants, mais ils ont énormément insisté sur la nécessité de m'exercer à contrôler mon don, ainsi que d'être capable de me défendre, même sans mes pouvoirs. Contrairement à votre père, ils n'avaient pas prévu de me faire sauver le monde, mais ils étaient certains que mon don ne resterait pas indéfiniment inconnu de tous, et que certaines personnes essaieraient sans aucun doute de me tuer, me blesser ou m'utiliser à cause de mon pouvoir. Je suis bien obligée de reconnaître qu'ils avaient raison..., ajouta Azéna en lançant un coup d'œil à Cinq, qui se contenta de lui adresser un sourire amusé. Ma mère adoptive est morte dans un accident de voiture quand j'avais dix ans, poursuivit la rousse aux yeux bleus, et mon père lors d'un entraînement en pleine mer, quelques semaines avant mes vingt ans.
— Oh, ça a dû être dur pour toi..., compatit Allison avec une moue triste.
— Assez, car j'ai encore du mal à me convaincre que ça n'était pas de ma faute. Je me dis que si j'avais travaillé plus dur, j'aurais pu maîtriser les vagues malgré la tempête, suffisamment pour que mon père ne tombe pas à l'eau... mais ce qui est fait est fait, j'ai redoublé d'efforts, je me suis concentrée sur la musique, l'entraînement et le dessin, et j'ai continué à avancer.
— Tu joues de la musique ?
— Oui, je pense que j'ai eu envie de commencer à force d'entendre de la musique pendant les cours de danse, expliqua Azéna en levant les yeux vers le plafond alors qu'elle tentait de se rappeler d'où lui venait cette passion.
— De la danse ? répéta Diego avec un sourire moqueur.
— Oui, parce qu'il y avait un château d'eau à côté de la salle. L'humidité ambiante et l'eau courante ne suffisaient plus, et pour ce qui est de la pluie, elle ne tombait pas assez régulièrement. C'était avant qu'on déménage près de la mer.
— Je vois. Bon, il faut que j'y aille, reprit Diego en commençant à reculer vers la sortie du salon. Ah et Cinq, on n'en sait quand même pas assez sur elle, je vote pour qu'elle s'en aille tant qu'on n'est pas certains.
— Je t'ai dit qu'on ne votait pas ! s'emporta l'intéressé en reposant brutalement son verre.
— Je dois aussi vous laisser, annonça Allison alors que Diego quittait la pièce sans un mot de plus. Je suis d'accord pour qu'elle reste.
— Je. Me. Fiche. De votre avis ! reformula Cinq en s'agrippant au comptoir.
— Je vote pour, moi aussi », fit à son tour Luther.
Et les deux silhouettes quittèrent à leur tour la pièce à vivre. Cinq ne prit pas la peine de répondre cette fois-ci, et il se contenta de soupirer avant de terminer son verre d'une traite.
« Bon, ça, c'est fait », souffla-t-il en reposant son verre.
Il pivota ensuite vers Azéna, et il poursuivit plus fort :
« Demain matin, je retournerai au laboratoire. Je n'abandonne pas la piste de l'œil, pas encore. Est-ce que tu veux venir ?
— Tu vas faire quoi là-bas ? s'enquit Azéna avant de terminer son verre à son tour.
— Attendre, observer. Et agir, si j'en ai l'occasion.
— Euh... ben... non, merci.
— Comme tu voudras, répondit le brun en se levant.
— Cinq ?
— Quoi ?
— Pourquoi elle n'était pas là Vanya ?
— Elle ne m'a pas cru quand je lui ai parlé de la fin du monde.
— Oh, donc ça n'est pas parce qu'elle n'a pas de pouvoir ?
— Non, même si le fait qu'elle n'ait aucune capacité spéciale l'écarte naturellement du projet, avoua le garçon en mettant les mains dans ses poches comme il le faisait presque à chaque fois qu'il n'avait pas à tenir un verre, une tasse, ou à tuer quelqu'un.
— Aucune capacité spéciale ? Je n'y crois pas trop, on a tous quelque chose, le contredit Azéna. Et je suis navrée de te le dire, mais de ce que j'ai vu, ta capacité la plus impressionnante n'est pas celle de voyager dans le temps et dans l'espace, mais bien celle de faire chier le monde. »
Cinq ricana faiblement en baissant les yeux quelques instants, puis il replanta son regard dans celui d'Azéna :
« Il faut que j'aille récupérer quelque chose, à plus tard. »
Azéna se contenta de confirmer d'un hochement de tête, et Cinq disparut. La femme restée seule dans l'immense pièce à vivre laissa son regard se balader dans le salon alors que son esprit bouclait sur l'étrangeté de la situation dans laquelle elle se trouvait. Puis, Azéna s'éloigna du comptoir, et elle rejoignit la chambre qui lui avait été prêtée, et surtout elle rejoignit l'étui noir qu'elle y avait déposé.
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