Chapitre 3
Note de l'auteure :
J'ai essayé de faire un jeu de mot avec le titre, pour rappeler "boule de neige et sapin blanc", mais je pense que ça ne se remarquera que si je le précise, et c'est triste, bien plus triste que la fin du monde si vous voulez mon avis.
Azéna se demandait si ces colonnes soutenaient réellement quelque chose, ou si ça n'était que de la frime. Les deux étaient possible, mais ce n'étaient pas ces colonnes claires qui retenaient le plus l'attention de la jeune rousse en salopette bleu marine. En effet, l'immense pièce à vivre où elle venait d'entrer avait largement de quoi impressionner, même si on faisait abstraction des fameuses colonnes. Le nombre de canapés presque tous alignés par rapport à la cheminée qui faisait face à un bar, les nombreux fauteuils, le sol à damier noir et blanc, la hauteur sous plafond, l'aperçu d'un étage dont le garde-corps était lui aussi parsemé de colonnes, tout était grand et luxueux.
« Bon, la cuisine est de ce côté, la cour par là-bas, fit soudain une voix derrière Azéna, qui pivota pour faire face à Cinq. On va aller à l'étage, tu vas pouvoir déposer tes affaires dans une chambre, j'ai croisé Pogo et je lui ai demandé d'en faire préparer une, ajouta le garçon qui venait de revenir dans le salon où il avait laissé Azéna. Après on ressort, j'ai besoin de ton aide pour obtenir des informations. Enfile des vêtements qui fassent sérieux et qui soient dépourvus de taches de sang, ça passera mieux... Tu viens ? »
La jeune femme face à lui hocha la tête, puis elle récupéra son sac déposé dans le hall, et elle suivit Cinq dans l'imposant escalier en bois.
« Pendant que j'y suis, je vais te faire un rapide topo sur la famille, reprit le brun en gravissant les marches. Numéro un, Luther : force surhumaine, tout comme sa capacité à être naïf et très pénible. Numéro deux, Diego. Ne le défie jamais au couteau. Numéro trois, Allison : très persuasive. Numéro quatre, Klaus. Peu de vivants le supportent, la Nature a compensé en lui permettant de taper la discute avec les morts. Ne laisse jamais traîner d'argent, ou il achètera de la drogue avec. Tu n'auras pas affaire au numéro suivant... et pour terminer, la numéro sept, Vanya, qui est... comme toi.
— Tu veux dire normale.
— Tout à fait. »
Parvenus dans un long corridor, Cinq et Azéna continuèrent à avancer jusqu'à une porte qui s'ouvrait sur une petite chambre bien rangée et propre. Le brun fourra les mains dans ses poches et il pivota vers Azéna.
« Et voilà. Ma chambre est plus loin dans le couloir, à côté des escaliers. Quand tu auras terminé, rejoins-moi là-bas si je ne suis pas venu te chercher. Je vais essayer de trouver quelqu'un d'autre pour nous accompagner, je ne sais rien de tes talents d'actrice, mieux vaut ne pas tout miser sur toi tant que tu es en période de test », déclara Cinq avant de ressortir de la chambre.
Azéna haussa les sourcils à l'entente de l'expression « période de test », mais elle ne répondit rien et ferma simplement la porte une fois le brun parti. Elle détailla alors du regard la modeste pièce, laissant ses yeux passer du léger relief du papier-peint aux fines fissures de la peinture qui recouvrait l'encadrement de la fenêtre, puis elle posa son sac dans un coin de la pièce et en ouvrit la fermeture éclair tout en retirant de son épaule la bandoulière de l'étui noir qu'elle avait apporté. En fouillant dans son sac pour trouver quelque chose qui correspondait à ce qu'attendait Cinq, la rousse aux yeux bleus songea que si les membres de la Umbrella Academy n'étaient pas un tant soit peu célèbres, et si elle n'avait jamais lu le livre écrit par Vanya Hargreeves, elle ne serait sans doute pas ici, à s'installer dans une chambre inconnue, dans une maison inconnue, parce qu'un inconnu le lui avait proposé en lui assurant que sans cela elle risquerait de se faire tuer, après que ce même inconnu avait justement manqué de la faire tuer par d'autres inconnus. La peur et le risque de la mort influençaient eux aussi bien des choses, et accéléraient sans aucun doute la confiance accordée aux autres. Cependant, n'ayant pas étudié la philosophie pour de bonnes raisons – parce qu'elle trouvait ça gonflant –, Azéna mit fin à cette pérégrination de son esprit, et elle sortit une chemise bordeaux ainsi qu'un pantalon skinny noir du sac gris et mauve contenant ses affaires. Elle se changea ensuite, sans oublier de retirer son couteau de sa salopette pour le mettre dans la poche droite de sa veste, qui par chance ne jurait pas avec le reste de sa tenue. Du rose à fleurs ne se serait pas bien marié avec la chemise rouge sombre et le pantalon et les chaussures noirs. Par chance, Azéna n'aimait ni le rose, ni les fleurs, et sa veste était noire avec des coutures rouges. La rousse rangea ses affaires dans son sac, qu'elle referma, puis elle quitta la chambre, prenant la direction indiquée par Cinq quelques minutes auparavant. Elle vit alors au loin une femme d'à peu près son âge, qui la dévisagea avec étonnement. Ses cheveux étaient longs, sombres et lisses, et ses yeux semblaient refléter une grande fatigue. Elle portait une chemise sombre boutonnée jusqu'en haut ainsi qu'une épaisse veste noire, et lorsqu'elle vint à sa rencontre, Azéna remarqua qu'elle était loin d'être grande : elle devait faire une demi-tête de moins que la rousse aux yeux bleus.
« Bonjour, commença la brune aux cheveux longs. Qui... qui êtes-vous ? s'enquit-elle en soulevant légèrement les épaules.
— Je m'appelle Azéna. C'est votre frère Cinq qui m'a amenée ici, expliqua la femme habillée de bordeaux et de noir avec un sourire qu'elle espérait naturel et avenant.
— Oh, d'accord, je n'étais pas au courant...
— Vous devez être Vanya ? tenta Azéna en tendant la main à la brune.
— Oui, c'est bien moi, affirma celle-ci en serrant sa main. Comment est-ce que vous...
— J'ai lu votre livre, alors j'ai vu votre photo sur la quatrième de couverture à chaque... »
Un bruit sourd en provenance de quelque part derrière Vanya interrompit Azéna, et les deux jeunes femmes pivotèrent le regard pour tenter d'identifier la source de cette nuisance sonore, mais rien ne bougea, alors la rousse en rouge et noir reprit sa phrase :
« À chaque fois que j'ouvrais le livre...
— Oh eh bien, je suis contente de rencontrer quelqu'un qui l'a lu, ça n'est pas si souvent... et... qu'en avez-vous...
— Je le trouve très bien votre livre, mais je n'ai pas pu le terminer, je trouvais votre histoire trop... déprimante..., formula Azéna avant de pincer les lèvres avec un air désolé.
— Je peux le comprendre... bon, je vais y aller. À bientôt peut-être, ajouta Vanya avec un petit sourire.
— À bientôt », confirma Azéna en lui rendant son sourire.
La femme à la chemise entièrement boutonnée pivota alors vers l'escalier et elle en descendit bientôt les marches, disparaissant rapidement du champ de vision d'Azéna.
« C'est pas trop tôt », lâcha tout bas une voix près d'Azéna.
Tournant la tête, la rousse vit alors Cinq se pencher par-dessus la rambarde du palier pour vérifier que Vanya était suffisamment loin, et une seconde silhouette près de lui attira l'attention d'Azéna.
« Alors c'est toi Azéna ? fit un homme arborant des cheveux courts et sombres ainsi qu'une moustache et un bouc.
— Exact, confirma l'intéressée en pivotant vers lui sans pouvoir se retenir de répondre au sourire qu'il lui adressait.
— Klaus, annonça l'homme alors que son sourire s'élargissait.
— Enchantée ! »
Et alors que la femme s'attendait à ce que le dénommé Klaus lui tende la main, il la serra dans ses bras quelques instants, puis il la détacha de lui, gardant simplement les mains sur ses épaules.
« J'a-dore tes cheveux, fit-il alors. Et donc, qui est-ce que tu joues toi ? poursuivit-il sans laisser à Azéna le temps de répondre. Mon ancienne belle-sœur, profondément choquée par le comportement de sa sœur, et qui m'aide régulièrement pour tenter de faire de ce garnement un bon garçon ? ajouta Klaus en faisant un geste vers Cinq, qui avait cessé de surveiller l'escalier et qui patientait tant bien que mal, les mains encore dans les poches. Quand je vois ce que mon histoire avec ta sœur a donné, j'aurais mieux fait de te choisir toi, j'y aurais gagné au change, mais que veux-tu, tu n'étais pas dans cette boîte de nuit ce soir-là, tu préférais les concerts de rock ! poursuivit l'homme au bouc et à la moustache.
— Euh je... je ne sais pas vraiment ce qu'on est censés faire..., avoua Azéna.
— Il faudrait déjà qu'on aille chercher de quoi habiller Klaus un peu mieux que ça, intervint Cinq en commençant à descendre les marches.
— Je suis bien mieux habillé que toi ! » s'indigna l'homme en criant presque pour que le son de sa voix couvre sans problème la distance qui le séparait maintenant de son frère.
« Je suis désolé, je ne peux pas vous donner les informations que vous me demandez.
— Vous ne comprenez pas, intervint Azéna en faisant un pas vers le bureau.
— Je vous demande pardon ? l'interrogea l'homme en blouse.
— C'est important qu'Eliott puisse entrer lui-même en contact avec la personne qui a perdu cet œil, expliqua la rousse en noir et rouge sombre tout en posant les mains sur les épaules de Cinq. Il a été traumatisé quand il avait six ans... Un de ses petits camarades de classe a malencontreusement perdu un œil, et depuis... Ohlala, depuis il attire des tas d'ennuis à son père, et c'est très dur pour eux deux ! Eliott a besoin de voir la personne de nouveau avec son œil, autrement il gardera l'image de quelqu'un sans son œil, quelqu'un avec un trou béant sur le visage, quelqu'un qui lui rappellera Edward, et il sera encore plus traumatisé !
— Madame, si vous nous rendez cet œil, je peux vous assurer qu'il retournera à son propriétaire dans les plus brefs délais, fit pourtant l'homme depuis son bureau.
— Non non non, vous ne comprenez toujours pas », dit Azéna un peu plus fort en secouant légèrement Cinq.
Elle fit une pause pour ménager le suspense, se mordant la lèvre afin de faire croire qu'elle s'apprêtait à livrer une information qu'elle ne devrait pas partager, en somme exactement ce qu'elle espérait amener à faire l'homme qui les recevait.
« Son psychologue est très inquiet, reprit-elle enfin plus bas. Il craint que la moindre nouvelle contrariété liée à son traumatisme ne le fasse basculer plus tard dans la folie... Regardez, il n'a pas du tout le visage d'un meurtrier, pas vrai ? Il ne mérite pas de risquer d'en devenir un juste parce que vous n'avez pas voulu nous aider, fit-elle d'une voix triste en passant délicatement une main dans les cheveux sombres du garçon en uniforme.
— Je suis sûr qu'il trouvera le moyen de surmonter cette phase compliquée », se contenta de répondre l'homme énervant à cravate.
Azéna poussa un long soupir et relâcha Cinq avant de reculer et de croiser les bras, contrariée. Le garçon en uniforme eut alors le loisir de pivoter vers la rousse, et le regard qu'il lui lança était assez clair : « Si tu refais ça, peu importe l'œil, peu importe la fin du monde, je te jette par une fenêtre. », ce qui, pour être honnête, amusait Azéna plus qu'autre chose. Elle dut d'ailleurs se faire violence pour ne pas trop sourire.
« Voyons, intervint Klaus. Une si petite information ne peut pas vous coûter tant d'efforts...
— Comme je l'ai dit à votre fils, toutes les informations sur les prothèses que nous construisons sont confidentielles. Sans le consentement du patient, je ne peux tout simplement pas vous aider.
— Comment avoir son consentement si vous ne nous donnez pas de nom ? fit Cinq en s'appuyant sur le bureau, excédé.
— Ça n'est pas mon problème. »
Toujours debout et les bras croisés, Azéna poussa un nouveau soupir en entendant la réponse de l'homme en blouse blanche. Le palmier installé près de son bureau semblait plus intelligent, et lui au moins ne donnait pas envie d'utiliser son sang pour recouvrir la baie vitrée.
« Désolé, je ne peux rien faire de plus, alors..., reprit l'homme énervant.
— Et pour ce qui est de mon consentement ? le coupa Klaus.
— Excusez-moi ? s'étonna le docteur.
— Qui vous a donné la permission de lever la main sur mon fils ? précisa Klaus d'une voix tremblante et scandalisée. Et sur ma belle-sœur adorée ?
— Quoi ?
— Vous m'avez entendu.
— Je ne les ai pas touchés, se défendit l'accusé.
— Oh, vraiment ? Alors où s'est-t-il blessé à la lèvre ? Et comment s'est-elle griffé la main ? » demanda Klaus en désignant alternativement ses deux coéquipiers.
L'incompréhension régna tout d'abord dans le bureau lumineux, mais Azéna comprit quel éclair de génie s'était abattu sur Klaus, et elle ne put retenir un sourire. Elle n'avait rencontré cet homme que quelques dizaines de minutes auparavant, mais elle l'adorait déjà.
« Ils n'ont rien », le contredit l'homme en blouse blanche, que la perplexité n'avait pas quitté.
Brusquement, Klaus se leva de la chaise qu'il occupait, et sa main s'abattit sur Cinq, qui se pencha sur le côté en étouffant tant bien que mal un cri de douleur et possiblement de surprise également.
Sous le regard catastrophé du propriétaire du bureau, Klaus saisit ensuite une poignée de crayons sur le bureau, et il pivota vers Azéna, qui, grimaçant de douleur par anticipation, lui tendit sa main gauche. Un instant plus tard, plusieurs griffures écarlates barraient sa peau, et la rousse retira une mine restée coincée à l'extrémité de l'une des marques pendant que Klaus relâchait les crayons et se penchait vers l'homme en blouse tout en s'appuyant sur le bureau.
« Je veux un nom s'il vous plaît, lâcha-t-il. Maintenant. »
Malgré l'incroyable plan de Klaus, Cinq semblait en vouloir à son frère, et il dut vraisemblablement se retenir de rendre le coup qu'il avait reçu. Mais Klaus ne remarqua même pas le regard meurtrier posé sur lui, car il fixait le docteur.
« Vous êtes cinglé, lâcha l'homme en blouse blanche en pointant vers lui un doigt accusateur.
— Vous n'avez pas idée », énonça Klaus après un ricanement.
Et, comme le docteur n'avait visiblement pas été diplômé en réactivité, Klaus perdit patience, et il laissa une décoration posée sur le bureau attirer son regard. Il la saisit entre ses mains et l'approcha de son visage pour déchiffrer une phrase inscrite à l'intérieur de la surface en verre :
« Paix sur la Terre, c'est si mignon ! »
Aussitôt sa phrase achevée, Klaus brisa la boule à neige sur son front, et la tête alors recouverte de morceaux de verre, d'eau, de paillettes et d'un peu de sang, il poussa un cri de douleur tout en gardant les yeux clos et le visage crispé.
« Seigneur, ça fait mal, » se plaignit-il non sans raisons.
Et pour la première fois depuis le commencement de cette scène peu ordinaire, le docteur bougea. Sa main atteignit le téléphone posé sur sa gauche, et tout en plaçant le combiné à son oreille, il expliqua ce qu'il faisait :
« J'appelle la sécuri... »
Mais Klaus ne le laissa pas finaliser sa véritable première action de l'entretien. Il agrippa le téléphone, et il le lui arracha des mains en donnant à son hôte plusieurs coups afin de lui faire lâcher prise.
« Que faites-vous ?! tenta vainement de comprendre le docteur.
— Il y a eu une agression dans le bureau de Monsieur Big, commença alors Klaus dans le combiné en prenant une voix éprouvée. Nous avons besoin de la sécurité maintenant, maintenant ! » répéta-t-il bien plus fort avant de lâcher le téléphone sur le bureau.
Klaus secoua la tête, puis il s'adressa de nouveau à l'homme en blouse :
« Voilà ce qui va se passer maintenant Grant.
— C'est... Lance, corrigea l'homme aux courts cheveux lisses et sombres et au cerveau peu développé.
— Dans environ soixante secondes, deux agents de sécurité vont entrer par cette porte et ils verront tout ce sang, et ils se demanderont : « Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? », et on leur dira que vous nous avez défoncé la gueule », poursuivit Klaus en laissant sa voix monter dans les aigus à la fin de son explication.
Le dénommé Lance ne répondit rien, se contentant de se montrer irrité par le sourire satisfait que lui adressait Cinq tandis qu'Azéna, qui avait posé son coude droit dans sa main gauche, gardait son poing droit replié appuyé contre sa bouche, comme si elle cherchait à dissimuler sa joie et son admiration pour Klaus. Les yeux de la rousse brillaient, et sa main avait beau occulter ses lèvres, son sourire s'étendait jusqu'à ses yeux, et seules les personnes qui regardaient ce qui se passait depuis l'extérieur du bureau pouvaient ignorer ce sourire.
« Vous allez adorer la prison, Grant. Croyez-moi, j'y suis allé, dit doucement Klaus, pensif. Une poule mouillée comme vous, oh mon dieu, vous allez être ballotté comme un... Vous allez adorer, j'en suis sûr ! »
Lance Big ne répondit à cette affirmation que par l'air apeuré qu'il arborait depuis que l'homme recouvert de débris de boule à neige avait commencé à faire des étincelles, et Azéna dut secouer la tête pour faire disparaître les images que son cerveau avait trouvé bon de lui faire parvenir afin d'illustrer les propos de Klaus. Sourcils froncés et lèvres pincées, Cinq semblait lui aussi victime de son imagination un peu trop réactive.
« Jésus, vous êtes un connard très malade..., réagit finalement Lance.
— Merci », lâcha très sérieusement Klaus avant de cracher un morceau de verre sur sa droite.
Malgré le triomphe de Klaus, Cinq affichait un air morose en quittant le grand bâtiment. La piste de l'œil était prometteuse, mais impossible de trouver à qui il allait appartenir si même le laboratoire qui l'avait fabriqué l'ignorait.
« C'est pas bon..., marmonna Cinq.
— Non mais j'ai été bon, non ? s'enthousiasma pourtant Klaus au pied de l'imposant bâtiment. « Et mon consentement à moi enfoiré ? » ! ajouta-t-il avant de rire.
— Tu as été plus que ça, assura Azéna. C'était du génie, et c'était extrêmement drôle.
— Content qu'on apprécie enfin mon talent à sa juste valeur !
— Ça n'a pas d'importance ! » les coupa Cinq.
Alors, Azéna se désintéressa de la conversation et elle s'éloigna jusqu'à se trouver près d'un arbre. En effet, elle venait de sortir son portable, et la vue de la bonne vingtaine de notifications d'appels et de SMS l'inquiéta suffisamment pour qu'elle décide de regarder tout cela de plus près.
Téléphone posé contre son oreille, le bras opposé enserrant sa taille, Azéna grimaçait. Sa patronne était évidemment furax, et le nombre de messages vocaux enregistrés était assez vertigineux. La colère dans la voix de l'employeuse allait crescendo au fil des messages, et Azéna avait presque la désagréable impression d'écouter un opéra, dont la dernière scène clôturerait la tragédie par le meurtre de la rousse en chemise bordeaux. N'ayant aucune envie d'assister plus longtemps à cette escalade de menaces, Azéna entreprit de supprimer tous les messages vocaux, puis elle raccrocha au nez de sa messagerie, et elle bloqua le numéro de portable de sa patronne, ainsi que le fixe du magasin de fleurs, bien que cela ne s'avérerait utile que si le téléphone avait survécu à l'altercation avec la Commission.
Soudain, une silhouette se matérialisa face à la rousse vêtue de noir et de rouge, et le cœur de celle-ci manqua un battement.
« Qu'est-ce qu'il y a, Cinq ? demanda Azéna après un soupir alors qu'elle verrouillait son écran.
— Viens, on s'en va, répondit le nouvel arrivant près de l'arbre.
— D'accord, mais on attend pas K... »
Avant qu'elle ne puisse achever sa phrase, Cinq saisit son poignet gauche, et elle eut l'étrange sensation que son corps se dispersait, avant que les atomes qui la composaient ne se lient à nouveau une seconde plus tard. Elle se trouvait assise dans un taxi, à côté du garçon en uniforme qui adressait un signe de la main à Klaus, resté sur les marches du laboratoire.
« ... C'était horrible », lâcha-t-elle faiblement après que Cinq avait intimé au chauffeur de continuer à rouler.
Le regard fixe, Azéna se demandait si son estomac ne s'était pas rematérialisé à l'envers.
« Je vais faire en sorte de rassembler tout le monde, pour qu'ils sachent tous qu'ils peuvent être tranquilles, annonça Cinq sans faire attention à la remarque d'Azéna. Si on ne met pas les choses à plat dès maintenant, tu risques de te faire tuer quand tu en croiseras un dans un couloir. Pogo et maman sont au courant, mais je doute que ça suffise à tout le monde pour accepter que tu restes.
— ... C'était quand même horrible », répéta la rousse aux yeux bleus bien que cela n'ait aucun rapport avec l'annonce du voyageur spatial et temporel.
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