Partie VI
Un silence de plomb tombait après ton haussement désespéré de voix. Tu avais gagné cette manche, et moi, je cherchais à comprendre où j'avais pu fauter pour en arriver là.
Peut-être était-ce quand j'avais accepté de devenir ton ami, après avoir rejoins la troupe, en début de première. Peut-être était-ce quand, incompréhensiblement, j'avais couché avec cette fille. L'alcool n'avait jamais été mon fort, et qu'elle soit tombée enceinte à l'âge de seulement quinze ans me l'avait bien prouvé. Mais c'était à cause de toi, et j'avais beau essayer de me le cacher, ce soir je comprenais toutes mes erreurs. Tout ça, c'était bien à cause de toi. Avoir bu plus que de raison, à cette soirée chez Hoseok, c'était de ta faute. L'avortement, de cette fille c'était aussi de ta faute. J'avais mis beaucoup de temps à le comprendre, trop de temps sûrement. Comment oublier un péché destructeur ? Simplement en engendrant une nouvelle série de micro-fissure, d'instant à vomir, et de déception à confesser. J'avais toujours su que je te détestais pour une raison précise, mais j'avais mis tellement de temps à comprendre, mes erreurs et les tiennes.
Je possédais un palmarès d'erreurs bien plus important que toi, c'était certain.
« Tu n'as pas besoin de moi... finissais-je par dire, posant mon regard vulnérable sur toi. Je n'ai jamais rien fait d'autre que de t'abîmer. Tu ne peux pas avoir besoin de moi. »
Tu devais déjà être convaincu par mes propos, mais moi, j'essayais de me persuader que non, tu n'avais pas besoin de moi. Tu n'avais jamais eu besoin d'une ombre aussi frêle qu'immonde, qui n'avait jamais arrêtée de te détériorer, de te rabaisser au rang de pauvre loser. J'étais présent à tes côtés, seulement pour te briser encore un peu plus. Je voulais te montrer ce que cela faisait de souffrir à vouloir s'en crever les yeux.
À s'en déchirer l'âme, tout les soirs.
Et cette âme, mon âme, qui rôdait au-dessus de mon ombre. Cette putain d'âme que j'abritais, elle me persuadait d'autre-chose : j'avais mis tout mon être à te détester. Mais j'avais aussi mis toute cette haine à t'aimer.
Oui, j'y avais mis toute mon âme.
Rien que pour toi, rien que pour voir tes yeux auburn se consumer de bonheur ou de malheur. Tu étais si beau détruit, en miette. Pleurant près du piano, je t'avais anéantie, comme toujours. Mais ton regard s'embrassant de haine, de passion et de déception. C'était bien ce qui m'avait poussé à t'aimer encore plus.
J'étais contradictoire.
Je te détestais au point de m'amouracher.
J'avais du mal à laver mes mains de tes toucher subtiles et souvent futiles. Tu ne le faisais pas exprès, je le savais, mais je te détestais tellement.
« J'ai besoin de toi Tae, t'es la seule personne à oser me détruire. »
Je sentais tes doigts faire des ronds imaginaires dans mon dos. Mon estomac se tordait de supplice. Contrairement à mon cerveau qui, fasse à ta révélation, tentait de comprendre un puzzle d'infini réflexion que tu venais de déverser sur le sol rouge qu'était mon coeur.
Non. Je ne comprenais pas, et je te comprendrais sûrement jamais.
« J'ai besoin de toi car t'es la seule personne de ce fichu lycée à oser me ramener à la réalité. T'es la seule personne capable de me pousser à bout, je ne voyais plus que t'es lèvres qui se mouvaient dans un flot de paroles, torture. J'ai besoin de toi car t'es le seul à réellement me connaître. T'es le seul qui pourrais me faire sortir de Séoul... »
Tu avais depuis bien longtemps ouvert une plaie sanglante dans ma poitrine. Tu l'avais entretenue en me regardant dans les yeux lors de nos confrontations, tu l'avais aspergée d'alcool quand tu avais pleuré près du piano, et maintenant tu t'amusais à la titiller avec une broche ardente. Tout ce que je ressentais pour toi ressortais comme du pu, suintant de la déchirure, coulant, dégoulinant le long de mes pupilles, grouillant dans mon esprit, se plaçant, se cambrant sous l'ecchymose de mes espoirs cachés.
C'était toute mon âme qui s'était gangrenée d'un amour si faux. Maintenant, j'en perdais des morceaux, des pièces de puzzle.
« Alors je ne veux plus t'entendre dire que personne n'a besoin de toi, Tae, ta voix pressée trahissait peut-être ton dégoût envers mon esprit.
- J'y peux rien, c'est la vérité. »
L'un de tes ongles, main droite, c'était incrusté dans mon épiderme dorsale. Tu semblais retenir des paroles trop sourdes. Et moi, je continuais d'observer ta bouche de fraise qui se pinçait.
Même en étant alcoolisé, tu te contrôlais, du moins, tu contrôlais tes paroles.
Et moi, face à toi, une dose d'alcool similaire dans le sang, je me demandais comment tu faisais pour réaliser ce miracle. Comment tu faisais pour faire taire tes secret, bourré ? J'en avais toujours été incapable, et surtout quand j'étais trop proche de ton visage d'ange.
« C'est toi. »
Ma voix qui s'était révélée tremblante, contrastait douloureusement avec ton froncement soudain de sourcils.
Je ne pouvais que me racler la gorge, incrédule tout comme toi. Mes mains, mordante de ta chaleur corporel, se retenaient de t'agripper, de te retenir, de te plaquer encore un peu plus contre mon corps. Je devais m'accrocher à quelque-chose, futilement, de peur de sombrer. Mon coeur s'emballait déjà, mon crâne me tournait et mon esprit se questionnait quant à ta surprise ou ton incompréhension.
« Je... attends, qu'est-ce que tu viens de dire ? »
Je ne pouvais même pas te fixer dans les yeux. J'avais peur que ton regard me brûle, m'anéantisse sur place. J'avais peur de toi, pour la première fois de ma vie. Alors je ne pouvais qu'ouvrir et refermer la bouche, incapable de trouver les mots, tel un lâche, hypocrite et amoureux que j'étais.
« Ça a toujours été toi, en vérité. » Mon coeur te déballait ce que mon cerveau m'empêchait de dire.
J'avais de bien trop grands espoirs sur l'instant. Car dans mon dos, tes mains n'avaient pas arrêtées de se jouer de mes frissons. Car ta bouche n'affichait rien d'autre qu'un terme neutre. Car tu ne t'étais pas encore enfuis.
« Je crois que j'ai toujours été amoureux de toi, depuis le jour de notre rentrée, en seconde, tu t'en souviens peut-être encore ? »
Je ne comprenais pas, ma bouche sortait un flot de parole, de phrase, de verbes, de mots... Je ne comprenais pas d'où me venait soudain tout ce courage. Mes veines grouillaient d'impatience, de feu, d'anxiété. Mon coeur battait, courait, sprintait. Relevant brièvement le regard, je te voyais acquiescer, toujours la même expression d'incrédulité fixé sur ton visage.
D'autres ronds contre mon dos.
« Tu sais, je crois que je suis tombé amoureux de toi à l'instant même où la main de Yeseo a délaissée la mienne pour aller t'aider à ramasser tes cahiers. Je suis certain d'être tombé amoureux de toi à l'instant précis où ton regard à croisé le mien. Le tien était si... anxieux, apeuré, que je n'ai rien pu faire d'autre que de ressentir mon coeur s'ouvrir pour rencontrer ton âme...
- Yeseo avait les mains moites, je m'en rappelle encore, je me surprenais à rigoler, impuissant, sachant pertinemment que je te perdais de nouveau. J'ai toujours détesté ce petit détail chez elle. »
Tes mains stoppaient tout mouvements.
Tes yeux se brisaient encore un peu plus.
Et moi, je mordais intensément ma joue pour ne pas craquer, pour ne pas m'effriter devant toi, l'homme que je considérais comme l'amour d'une vie paumée, ma stupide putain d'âme-sœur. Ma vie glissait, s'écoulait entre tes doigts, tu t'en amusais. Peut-être qu'il te suffisait de frapper dans tes mains pour me tuer, il te suffisait de frotter tes mains sur un vieux torchon pour m'oublier.
« Je me souviens que toi, le grand et majestueux Kim Taehyung, tu m'avais longuement observé, tu parlais très simplement, avec quelques éclats d'alcool dans les cordes vocales. J'ai eu peur de toi, je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être que c'était ta chemise blanche obligatoire mal repassée qui m'avait scotché sur place... J'ai toujours su que c'était grâce, ou à cause, du regard que tu m'avais jeté que j'espérais devenir ton ami. Je voulais juste, revivre. »
C'était à moi de paraître stupide, en fronçant les sourcils.
« Pourquoi tu m'as embrassé sur la terrasse, tout à l'heure- » avais-tu finalement murmuré avant que tu ne te coupes, brutalement.
C'était aller à une telle vitesse que je n'avais même pas eu le temps de croiser ton regard allumé. Je ne discernais que tes paupières. La fine lumière que la lune nous envoyait... c'était elle qui me permettait de discerner tout les minuscules détails que je n'avais pas vu sur la terrasse, totalement déchiré.
Par exemple, je n'avais pas repéré cette minuscule, imperceptible, tâche de naissance aux abords de ton œil gauche, juste positionnée sur les rides que formait tes paupières en se fermant, fortement. Les rides du bonheur. Je n'avais jamais remarqué à quel point tes pommettes étaient hautes et rosies.
Non, je n'avais jamais remarqué ces infimes détails car je n'avais jamais pris le temps de répondre à tes baisers.
Alors, à mon tour, je fermais les yeux, profitant comme si c'était la dernière fois de ma putain de vie que je pouvais profiter de tes lèvres. Je me persuadais que c'était la dernière fois que le talentueux Jeon Jungkook m'embrassait avec autant de désespoir. Toutes mes espérances, tout ce que je n'avais pas pu te dire, je te les transmettaient soudainement, en te mordillant la lèvre inférieur.
Et c'est après cette action précipitée, et surtout, espérée, que quelque chose changeait.
Pendant que tu m'embrassais, tes lèvres sur les miennes semblaient devenir plus pressées, plus désorientées, plus, toujours plus, il me fallait plus. Plus, tout comme le contact de tes mains dans mon dos qui s'accrochaient à mes omoplates comme à une bouée de sauvetage. Mais je faisais pareil, me rapprochant toujours plus de ton frêle corps que j'avais tant désiré dans le passé et qui, ce soir, s'offrait brusquement à moi.
Oui, j'avais besoin de toi comme tu avais besoin de moi, en cet instant.
Entre tes lèvres mouvantes de désirs, d'anéantissement, je pouvais sentir ta respiration, pareille à la mienne, s'accélérer. Elle se mêlait à mon souffle erratique et déboussolé. Le baiser que tu m'offrais avec tendresse devenait alors incontrôlable, toujours plus tremblant. Une soudaine envie semblait te guider. Sous l'incompréhension, je sentais alors une chaleur se glisser entre mes cheveux, s'installer, et se mouver. Tes mains s'agitaient avec effusion alors que la plaie rougeâtre de mon coeur s'agrandissait. Tu brisais les quelques points de sutures maigrichons qui la maintenait fermée, les arrachant un à un, avec tes dents, tes lèvres, ta langue.
Et j'adorais ça.
Emporté par ma plaie béante que tu t'amusais à mordre, je venais déposer une main frémissante sur ton menton. Tout ceci allait me perdre. Tes battements insensé de coeur frappait ta peau quelque peu hâlée. J'avais toujours rêvé d'y goûter en secret. Ton corps m'était exposée. Une lumière blanchâtre venait me le servir. Près de mon oreille, je t'entendais respirer. Impatience, désespoir, envie, brûlure, tout ceci, tout ce mélange de sentiment tu me le faisais posément écouter, avec de faible et incontrôlable soupires.
Alors sans attendre plus longtemps, je fondais – un sourire carnassier – sur la peau de ton cou. Je l'embrassais tendrement d'abord, puis avec une faim que je peinais à freiner. Je suçotais une infime partie de ton épiderme, prenant plaisir à t'entendre soupirer un peu plus d'aise. La marque, je ne la discernais par correctement cependant, je me permettais de venir la mordiller, pour être sûr de ne pas rêver. Tu ne rêves pas, Tae, venait finalement me chuchoter ton frêle gémissement.
J'étais arrivé avec désir au creux, à la base de ton cou.
Là, ma bouche venait majestueusement rencontrer tes deux clavicules, marquées. Mon corps se mettait en alerte à la sensation que me procurait tes mains, glissant lentement le long de ma nuque. Grattant de tes ongles mes petits cheveux, je me réveillais soudain. J'étais hypersensible et tu le comprenais sans peine. Un ricanement empli d'avidité se jouait de mes frissons. Ton visage toujours plaqué contre le mien, beaucoup trop proche de mon oreille, je t'entendais parfaitement prendre de longues et courtes respirations. J'adorais cette sensation plus que tout au monde. Tes mains, de leur côtés, continuaient de s'amuser au départ de ma nuque. C'était à mon tour de prendre des respirations oscillantes.
Dans un mouvement précipité, tu me ramenais plus près de toi, plus près de ta bouche de fraise que j'appréciais particulièrement embrasser, mordiller et découvrir. Mon sang réchauffé par ton contact affluait dans mon ventre, tambourinant violemment contre les parois étriquées de mes veines. Tes jambes venaient s'enrouler avidement autour des miennes. Je ne contrôlais plus rien, jusqu'au moment où, s'échappant un peu trop rapidement de mon emprise, ton genoux vint glisser contre mon entre-jambe.
J'avais gémis.
Ouvrant péniblement les yeux, je tombais dans tes pupilles. Noires et diablement dilatées quelles étaient tes fichues pupilles. Je comprenais alors que je commettais une douloureuse erreur, ainsi, contre ton corps enflammé et brûlant de sensualité. C'était tes yeux, si assombris et qui semblait brûler de tentation qui m'avait ramenaient à la réalité.
Tu te penchais déjà pour reprendre le contact que j'avais rompu entre tes lèvres et les miennes.
Mon corps ne demandait que ça, de retrouver les frissons. Contrairement à mon esprit délaissé par l'alcool qui me suppliait de réagir. En dépit de mes lèvres, c'était mon front que tu attaquais avec le tien. La chaire de mes tempes frissonnait de désir, elle s'enflammait face à ce touché si délicat et pourtant si destructeur.
Je savais ce qu'il me restait à faire pour ne pas te briser. Mais c'est toi qui prenait les devants :
« Tae, chuchotais-tu, d'une voix diaboliquement tendue que je rêvais de faire taire d'un autre baiser. Pourquoi m'as-tu embrassé ? »
Je comprenais que tu faisais encore référence à ce qu'il s'était passé sur la terrasse, près de ton jardin.
« Je pourrais te poser la même question, Jk. »
Je ne pouvais plus que humer l'air, précipitamment. Respirer une dernière fois les effluves vanillés entrechoquées avec l'alcool et le tabac que ta bouche entrouverte me délivrait. T'embrassant avec la plus grande tendresse sur ton front légèrement transpirant, je prenais la plus perspicace et respectueuse des décisions.
Peut-être qu'un jour tu me pardonnerais pour cela.
Ma main gauche se décrochait de ton dos, alors que l'autre s'éloignait avec tellement de regrets de tes clavicules. Je te sentais, t'agripper encore un peu, juste un peu. Mais tu finissais par lâcher prise, amèrement, évitant de me fixer dans les yeux.
Debout, face au lit, je ne pouvais que décrocher mon coeur saignant de ton corps et de marcher pantelant jusqu'à la porte. Ramassant sans me retourner ma chemise. C'était ton sanglot étouffé qui fit vaciller mon âme dans le couloir. Mais je savais pertinemment que je prenais la meilleure décision.
Je ne voulais pas coucher avec toi.
Je ne voulais pas coucher avec toi alors que tu étais encore sous l'effet de l'alcool, je ne souhaitais pas devenir un simple regret, une simple image de nuit à moitié oubliée ou que tu souhaiterais oublier à tout prix.
Je ne voulais pas te blesser autant que je l'avais été en seconde.
Excuse-moi, je n'avais jamais su comment m'y prendre avec les gens.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top