Partie V

Entrant à pas de loups dans le salon, je remarquais directement ton absence. Mais que-ce que j'espérais, sérieusement... Que tu sois assit, là sur le canapé, une boisson à la main et le sourire aux lèvres ? Que tu sois là à attendre un autre maigre baisé volé ?

Stupide que j'étais.

Ma tête me tournait dangereusement, c'était peut-être à cause de l'alcool ou encore de ta clope. Alors, tanguant comme un idiot, je m'approchais du canapé, une vision floue et légèrement pigmentée en accompagnement. Dans la pièce, il ne restait plus que Jin et Hoseok qui discutaient en silence près d'Han et Soo qui avaient finit par s'endormir dans les bras l'un de l'autre. Un petit sourire prenais naissance sur mon visage crevé, au moins, il y avait un couple qui avançait. Je les trouvais mignons ensemble.

C'était un amour simple et beau, très loin de celui que je te portais.

Ne voulant pas risquait de les déranger, je prenais une nouvelle direction.

Les escaliers.

Une étape de plus à franchir avant le repos et la véritable prise de conscience. Je redoutais déjà le lendemain.

Je vacillais dans la semi-obscurité des lieux, laissant des craquements de parquets désagréables dans mon dos. Je ne voulais vraiment pas les réveiller. Alors, dans un petit saut périlleux j'atteignais l'étage. Je n'y voyais rien, et je me demandais encore où tu étais. La peur m'étreignait mais je ne pouvais rien faire, j'en avais déjà trop fait.

T'embrasser avait été une erreur et je ne devais pas en refaire, pas ce soir en tout cas. Alors je n'avais pas le droit de m'inquiéter, pas pour toi. C'était Jang-Mi dont j'étais amoureux officiellement, alors c'était avec elle que je devais être et avec qui j'aurais dû être au lieu d'essayer de t'aider. La pauvre, si elle s'était doutée un seul instant de ce qui s'était tramé en bas, dans le jardin, sur la terrasse en bois de tes parents, je ne sais pas vraiment comment elle aurait réagit.

C'était un soufflant que je me stoppais face à sa porte. Je ne savais pas vraiment comment entrer, si je devais avoir l'air de rien ou si je devais juste aller l'enlacer dans son sommeil. La peur de la perdre m'enlaçait à nouveau. C'était terrible.

J'avais peur de tout, comme toujours.

Alors un relent de remords venait m'étouffer en poussant la porte.

Puis, la haine profonde et destructrice venait l'engloutir, le noyer.

Elle était là, allongée contre une silhouette. Et, projetant la lumière bleutée du téléphone sur le lit, je comprenais mon erreur. Elle n'était peut-être pas si bourrée que ça. Et Soon n'était sans doute pas aussi fatiguée que ce qu'elle nous avait dit avant de monter. Monter pour la rejoindre, évidemment.

Je passais pour un bel idiot ce soir.

Encore une fois, je m'étais fait avoir. Pourquoi avais-je pensé qu'elle aurait pu attendre cette imbécile ? Elle était sûrement l'une des filles les plus séduisantes du lycée et moi, j'avais espéré qu'elle comprenne. Qu'elle se fasse une raison, qu'elle accepte ce que j'étais, au moins pour un moment. Qu'elle accepte le fait que plus jeune j'avais fait une erreur, et que j'avais peur, encore.

Mais en refermant rageusement la porte, je comprenais que non, elle était comme les autres.

Alors fébrilement, presque honteux, je partais rejoindre la première chambre qui tombait sous mon regard flou et embrumé de larmes acides. J'étais tellement stupide.

Un idiot, un con, un bouffon, un stupide putain de Kim Taehyung.

Mes larmes dévalaient un long moment mes joues avant de se tarir, me laissant finalement l'occasion de poser un regard sur la poignet. Je n'osais pas entrer, peut-être quelqu'un dormait-il déjà à l'intérieur ? Déranger les autres parce que mon coeur tombait en miette n'était pas vraiment ce que je souhaitais en cet instant.

Bon, de toute façon il n'y avait aucunes autres chambres.

C'était en reniflant disgracieusement que je poussais la porte. Celle-ci laissait un lourd grincement traîner derrière elle. Grincement qui se répercutait longtemps dans mon esprit fatigué. Cela sonnait comme un film d'horreur bas budget : le jeune homme qui rentre dans une pièce qu'il ne connaît pas, la porte qui grince et qui dénonce sa présence dans la maison. Mais c'était pire qu'un film d'horreur.

C'était bien pire que ça pour mes sentiments.

Je ne discernais presque rien, mais il y avait une silhouette, la tienne, recroquevillée sous la couette blanche du lit. Je savais que c'était toi. Ton corps élancé et désirable, je l'aurai reconnu dans une foule entière. La fenêtre ne laissait rien paraître à part les ténèbres, et toi, tu tremblais de tout tes membres. J'avais mal, terriblement mal car c'était de ma faute une nouvelle fois. Tu ne semblais pas m'avoir entendu entrer car tes sanglots continuait de faire mouver la couverture. Tu étais fragile, pour une fois, et moi, je souffrais de te voir comme ça.

Je fis un pas, un seul pas et tu te stoppais violemment, retenant un nouveau sanglot. Tu voulais être fort. Mais tu ne l'étais pas, tu ne l'avais jamais été, tout comme moi. Alors, prenant sur moi, je prenais une décision.

Retirant mes chaussures en vitesse, je les jetais dans un coin de la pièce. Cela résonnait un instant dans ma poitrine, puis tes sanglots reprenaient. Je t'avais fait peur.

Encore une fois.

Alors, plus lentement, je prenais soin de retirer ma chemise. Dans cette pièce, il faisait chaud, beaucoup trop chaud pour ma peau transpirante. Je me retrouvais torse nu, dans une chambre, avec toi pleurant de toute ton âme.

Tes pleurs résonnaient longtemps, et ils couvraient aussi mes pas dans ta direction.

J'avais lentement relevé les draps, et c'est à cet instant que tu me repérais, soudain, tu venais te fondre dans mes bras légèrement entre-ouvert. Je n'avais jamais sentit ton corps aussi près du mien, et la peur de t'écraser me frappait l'esprit. Mais je ne pouvais pas te laisser encore une fois t'enfuir, alors je serrais un peu plus mon emprise sur tes épaules et c'est là, dans le silence de la pièce qu'une de tes larmes venait s'échouer dans le creux de mon cou. Cette larme, elle venait de rendre tout cela encore un peu plus réel et blessant, pour moi, comme pour toi. Mais je ne t'en voulais pas, au contraire, je t'aimais encore un peu plus.

Ma cage thoracique allait finir par imploser, et par briller d'une nouvelle lueur. Une lueur que j'aurais espérer dorée, une magnifique lumière dorée qui encore une fois, aurait éclairée ton visage. Mais cette vision aussi angélique pouvait-elle être, disparue quand tu arrêtais enfin de pleurer contre mon torse. Tes cheveux me chatouillaient doucement les joues, je souriais tristement à ce constat : j'aimais encore plus te serrer dans mes bras, le soir, dans un lit, en écoutant les longs battements de ton coeur contre le mien.

Là, dans l'obscurité de la pièce, je tombais une deuxième fois follement amoureux de toi, de ton esprit, de tes pensées, de ton avis sur les bananes, de ton corps, de tes cheveux, de tes larmes, de tes mains accrochée sauvagement à mon dos, de tes yeux insondables, de tes reniflements peu gracieux, de ton goût prononcé pour la littérature française, de tes mimiques à croquer... Je tombais entièrement pour toi, je t'aimais bien plus que je ne le pensais.

Beaucoup plus. Beaucoup trop sûrement.

« Je suis malheureux Jeon. »

Tes pleurs se stoppaient complètement face à ma révélation.

C'était peut-être l'alcool, le tabac mal fumé ou n'importe quoi, mais je ne pouvais plus te le cacher, me le cacher. Je faisais face, depuis bien longtemps à ce constat, mais, en entendant tes pleurs, je n'avais plus le droit de me cacher.

Je n'en avais jamais eu le droit.

J'entendis un petit reniflant, presque imperceptible avant de sentir ta tête bouger pour mieux se caler dans le creux de ma gorge. Ta respiration parfois affolée d'avoir trop pleuré me chatouiller le cou. C'était une douce écume se plongeant contre les rochers qu'était mon être. J'en frissonnais froidement, amèrement.

Tu secouais vivement la tête, marmonnant des choses que je ne comprenais pas, même aussi près de toi.

« Tu n'as pas le droit. Arrête, arrête, arrête. Tu n'as pas le droit d'oser dire des choses comme ça.

- Pourtant je le dis.

- Pourquoi ?

- Parce-que.

- Mais pourquoi ?

- Parce-que ma souffrance à moins d'importance que la tienne, d'accord ? » finissais-je par lâcher, plein d'amertume non-cachée.

Et ta stupeur, ta respiration se coupant une seconde me fit mal au coeur. Je me détestais tellement de ressentir ces fragments de ta peine. Je me faisais violence pour ne pas m'enfuir comme tu l'avais fait sur la terrasse. Je devais t'aider, je devais rester, même si cela me coûtait mes secrets, je te le devais.Je n'avais que ça à te donner de toute manière.

« Attends... bredouillais-tu, en cherchant à te caler encore un peu plus contre moi, comme pour t'attacher à une réalité. Qu'est-ce que tu racontes ?

- Personne n'est ou ne sera dévasté si je suis malheureux " disais-je calmement.

Un mauvais goût imprégnait ma langue à ces mots.

" Cela ne veut rien dire, ça n'a pas de sens...

- Pourtant, c'est le cas, non ? Il y a bien longtemps que je ne m'entends plus avec les membres de ma famille... Et le groupe, eh bien ils ont tous quelqu'un sur qui compter, quelqu'un à qui donner leur confiance, ils ont quelqu'un. Mais moi ? Je suis juste... »

Je ne savais pas vraiment comment me décrire. Je n'avais jamais pensé à ça, je n'avais jamais pensé à ma situation, à ma solitude étouffante. Je ne m'en rendais même pas compte. Me cacher des révélations de la vie, c'était tellement plus simple.

« ... malheureux et seul, une sorte d'électron libre. Et peut-être que ça vaut mieux comme ça.

- Cela n'a pas de sens, qu'est-ce que tu racontes ? Murmurais-tu encore, dans l'incompréhension.

- Je sais que... tu ne peux pas comprendre. Et ce n'est pas mon intention de te parler après ce qui vient de se passer, je ne savais pas moi-même si je parlais de Yeseo ou du baiser, alors ne t'inquiète pas. Mais... je suis simplement réaliste, ok ?

- Tae... murmurais-tu doucement. Tout le monde tient énormément à toi... Tout le monde t'admire énormément. Tu es tellement talentueux. Tu es le garçon le plus drôle que je connaisse et tu es beau. Tu es bien entouré. Alors tu ne devrais pas parler comme ça... Tu ne devrais pas dire de telles choses... Tu ne devrais pas. »

Je te sentais bouger, t'accrocher encore un peu à mon dos avant de t'écarter pour venir te planter face à mon visage. Je percevais simplement le contour de ton ombre et vaguement tes yeux, pourtant, je sentais que tu étais chamboulé, bien plus que tout à l'heure dans le salon face à Yeseo.

Et là, je comprenais que mes paroles étaient incroyablement triste. Je ne m'en étais pas réellement rendu compte, c'était insensé. J'assimilais difficilement ce que je venais de te partager. Ma vie se résumait donc au malheur et à la solitude. Le malheur de te voir heureux et la solitude de mon esprit pourtant si bien entouré. Je ne valais rien.

Comment pouvais-je me détester à ce point ?

« Oh mon Dieu... » t'entendais-je souffler discrètement contre mes joues.

Je tentais de me concentrer de nouveau sur tes paroles, cependant, le souvenir de notre baisé échangé me sautait au visage. Ce souvenir d'un instant de plénitude absolu qui m'avait réduit en miette, qui m'avait plongé définitivement dans le malheur.

J'étais un putain de trou noir. Je n'étais rien face à toi.

« Alors c'est pour ça que tu restes à Séoul... murmurais-tu. Cela n'a rien à voir avec Jang-Mi... ni avec qui que ce soit d'autre... Tu fais ça pour te punir, parce que tu crois que tu ne vaut pas mieux que ça... »

Je me sentais mis à nu face à tes dires. Tu me ramenais à la réalité, même dans un état second tu en étais capable. Je tombais encore amoureux de toi. Je tombais en amour même quand tu me présentais ma pitoyable vie et ce que je faisais de mal.

Je t'aimais tellement, bordel.

Alors je baissais les yeux, naïvement, espérant te stopper ainsi.

« Tu es... brillant, Tae... bafouillais-tu encore. Dans tous les sens du terme. Mais, pourquoi... ? Tu aurais pu aller où tu voulais... Tu peux encore faire ce que bon te semble. Tu vaux tellement mieux que ce que tu penses. Tu mérites sincèrement d'être heureux. »

Je déglutis péniblement. Je me mordais furieusement la langue pour ne pas pleurer, pour ne pas craquer de nouveau. Ta main tremblante et vacillante s'approchait de mon visage mais je me dérobais aussitôt, ignorant la douleur qui s'allumait brièvement dans tes yeux. Je me détestais tellement d'être aussi faible face à toi.

Je te détestais pour ça, je ne pouvais pas supporter de sentir ton regard se briser contre ma peau, je n'arrivais pas à comprendre comment tu faisais pour souhaiter être mon ami, continuellement. Ne trouvais-tu pas cela lassant, chiant ? Je n'étais même pas capable de m'ouvrir à toi, même après le baisé que nous avions échangés sur la terrasse, je n'y arrivais pas. Je n'y arriverais jamais, alors pourquoi tu continuais de m'enfoncer, pourquoi tu étais toujours à mes côtés, pourquoi tu me laissais te venir en aide... ?

« Tae... » murmurais-tu.

Et je la sentais cette pitié. Tant de compassion, je me demandais soudain si c'était ce que je souhaitais réellement. Mon visage se fermait, quand je comprenais. Tu n'en avais rien à foutre de moi, tu avais simplement pitié, le baisé ne voulait rien dire, ou peut-être était-ce simplement un appel au secours, n'est-ce-pas Jeon ?

« Quoi ? » disais-je amèrement.

Tu flanchais, et je sentais tes ongles relâcher mon dos. Je te fixais, tu me fixais. L'air de la pièce s'était figé autour de nous.

« Je ne savais pas que... » murmurais-tu.

Et moi, je serrais les poings contre ta peau encore chaude et bouillonnante de chaleur.

« Je n'aurais jamais cru que c'était si... » continuais-tu sur ta lancée.

Je te sentais venir te coller de nouveau contre moi. Je ne pouvais te rejeter, même si j'en avais eu la force. Je ne pouvais tout simplement pas me passer de ce contact. Alors je ne faisais que souffler, douloureusement peut-être.

« Je suis si désolé...

- Pour quoi ? Rétorquais-je, essayant de contrôler ce mélange de fureur aveugle et de douleur brute qui tourbillonnait dans mon crâne endormi.

- Moi... La troupe... on aurait dû faire plus attention... Bien sûr on a essayé... A plusieurs reprises, puis y'a eu Jang-Mi alors... enfin, on aurait dû continuait. On t'a complètement laissé tombé...

- Je n'avais pas besoin de votre aide, sifflais-je, merci beaucoup. Il fallait déjà prendre soin de Chaeyoung, de Mina, d'Hoseok... J'allais très bien. Il n'y avait rien à faire. »

Je me braquais de nouveau, je ne pouvais pas déjà faire face à cela, je n'étais pas prêt, je ne l'avais jamais été. Mais surtout pas avec toi.

« Pardonne-moi, Tae... 

- Il n'y a rien à pardonner. Je l'ai cherché. Je me suis isolé de mon propre chef. Tout cela, je l'ai voulu... Ce n'est de la faute de personne, sinon de la mienne... »

J'hésitais quelques secondes, puis me fis violence pour ajouter d'un ton relativement neutre :

« Tout vas bien, Jk. »

Tu me fixais soudain, comme si je venais de dire une chose particulièrement choquante, voir grotesque. Tu étais si étonné que ça, alors ? Peut-être tenais-tu réellement à moi...

« Non, tout ne va pas bien... murmurais-tu. Au contraire.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- ... Peut-être que ta mise en retrait était quelque-chose que tu souhaitais... Mais... ton manque de confiance en toi, ce n'est pas quelque-chose que tu as choisi, si ? »

Comment pouvais-tu me dire ça ? Tu n'étais pas dans ma tête, tu ne me connaissais pas ! Tu n'avais pas à dire cela, tu n'avais aucunes légitimités à ton tour.

« Tu ne sais pas comment je me sens... grondais-je lentement. Je n'ai pas besoin de ta pitié.

- Pourtant tu restes à Séoul alors que tu peux faire tellement plus, répliquais-tu avec un soudain regain d'énergie. Et tu viens d'admettre que tu estimais ton bonheur moins important que le mien !

- Ce qui est un fait.

- Bien sûr que non !

- Si... »

Une certaine rage passait à son tour dans ton regard bouillonnant. Alors finalement, mes traits se calmaient imperceptiblement et je trouvais la force de lâcher dans un murmure qui avait tout du sanglot :

« C'est la vérité Jeon, je ne suis indispensable à personne... et c'est mon œuvre. Il n'y a pas à me plaindre.

- Ne dis pas une chose pareille... s'il-te-plaît. »

Ton ton s'était fait suppliant, et tu plaçais ta main sur ma joue. Cette fois-ci, je n'avais pas la force de garder une certaine distance avec toi. Tu allais gagner, je n'y pouvais rien ce soir.

« Pourtant, personne n'a besoin de moi.

- Moi j'ai besoin de toi ! »

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