Partie II
'' Who, are, you ? ''
J'avais l'incroyable chance de vous apercevoir à la même place, lovés dans les bras l'un de l'autre, tous les jours pendant un mois. Et à chaque fois, tu me saluais, souriant et spontané comme tu l'avais toujours était. Un petit signe de la main, un sourire trompeur, un hochement de tête rapide et sans contrefaçon. J'aimais toutes ces minuscules intentions que tu me délivrais, jours après jours... Et dans le même temps, je les détestais au plus haut point. Comme embrigadé dans quelque chose je les esquivais intentionnellement, allant jusqu'à me fissurer de pleine conscience le coeur.
Puis, parfois, remarquant mon désarroi désarticulé, Jimin m'accompagnait dans mes combats. Et quand il apercevait sa demi-sœur, il enfonçait ses si beaux ongles dans mon avant-bras, me suppliant d'avancer le regard à l'horizon.
Lui aussi avait une dent contre elle.
Lui aussi la détestait sans même savoir pourquoi.
Tous les soirs, en rentrant chez moi, je m'asseyais sur le sol grisonnant de ma chambre.
J'affectionnais grandement de m'allonger là, un casque sans fil sur les oreilles, une playlist lancée en aléatoire. Je fixais ce qui se trouvait malencontreusement sous mon joug : Plafond, fenêtre, matelas, posters égarés, bureau vide, ordinateur éteint, CD abandonnés, manga déjà trop feuilletés. Il se passait une heure, parfois deux avant que je ne découvre l'état dans lequel tu me poussais. Laisser couler le temps comme si cela avait la moindre importance. Je patientais, les mains croisées sur mon torse, remontant inlassablement dans la continuité de mes battements de coeurs. Je patientais encore et toujours afin d'obtenir une réponse. Tombée du ciel ou non, crachée des enfers ou non. Je suppliais quelque chose que je redoutais.
Durant ces moments habituels de perdition je me persuadais pleinement de ma capacité à articuler des feintes à ton encontre. Je souhaitais simplement m'habituer à t'esquiver peu importe ce que cela pouvait me coûter. Tu n'étais qu'un virus quelconque.
Me redressant, je comprenais bien trop souvent que tous ces efforts étaient vains.
Il fallait que je souffre, et j'avais souffert. J'avais toujours souffert. Mais te voir avec cette idiote, heureux comme jamais tu ne l'avais été en ma terrible compagnie...
Je n'avais aucune légitimité. Alors, stupidement peut-être, je venais répondre à ton petit signe de main, tendrement. Et tu souriais davantage avant de subir les assauts baveux de ta copine. Je passais des heures à me convaincre d'éviter toutes rencontres fortuites avec ton être mais, au moindre signe, tous mes murs s'effondraient. La vache... qu'est-ce que je pouvais être inutile.
Le premier mois fut très long et sacrément crevant.
Je n'avais fait que d'errer dans les couloirs, évitant du mieux que je pouvais ta silhouette. Je n'aurais jamais cru en devenir expert, mon miroir me souriait.
Je savais par exemple :
- Que le lundi, tu n'avais presque pas cours, et que donc, tu traînais souvent à l'extérieur en compagnie d'un ou deux bouquins. Je ne sortais jamais du bâtiment le lundi.
- Que le mardi, tu avais deux heures de sport avant d'aller en littérature. Alors, fièrement, je traînais seulement à la bibliothèque et sortais pour aller en cours et à la cantine. Chaeyoung n'arrêtait guère de me questionner sur mes absences à ses côtés. Je lui répondais que l'approche des examens me perturbait grandement. Elle comme moi savions que je mentais et, malgré tout, elle m'abandonnait à mes songes.
- Le mercredi, eh bien, tu avais deux heures d'italien suivit de deux heures de sciences. Nous étions ensemble en italien. Toi, tu étais toujours assis à la première table, seul, et moi, au fond en compagnie d'un élève dont je n'arrivais jamais à retenir le prénom.
Il dormait et ne se gêner pas vraiment de baver sur ses copies. Cela avait le don de me dégoûter silencieusement.
Il me fallait détourner le regard de ce voisin. Vomir n'était pas très sexy. Donc, pour m'occuper durant cette heure qui me paraissait interminable, je m'attelais à t'observer. Je me dépêchais toujours à sortir en vitesse de la pièce, car je savais pertinemment que tu serais venu me trouver pour '' discuter '' ou pour prendre des nouvelles.
- Le jeudi, tu te consacrais à l'étude de la langue de Molière tout en acceptant fièrement de participer à un cours d'anglais et de mathématique. Cours d'anglais que nous avions une nouvelle fois en commun. Mais Yeseo, elle était nulle en anglais, alors tu partais t'asseoir prêt d'elle pour '' l'aider '' ou l'embrasser quand le prof avait le dos tourné. Pour elle comme pour toi, ce n'était pas la langue de Shakespeare le plus passionnant.
- Venait alors le vendredi.
Sûrement la pire journée.
Le matin, nous avions espagnols ensemble et le prof, Will, nous avait placés à côté, pour je cite '' améliorer l'entente entre vous ''. Mes notes avaient furieusement chuté dans cette matière. Je n'écoutais rien, je préférais me concentrer sur ton odeur, sur tes gestes et sur ton sourire timide que tu m'envoyais de temps à autres. Nous ne parlions presque pas.
Dommage.
La torture passée, tu m'accompagnais tout en parlant en direction de l'auditorium. Là, comme si quelque chose délivrait ton emprisonnement ainsi que ta légère timidité, ta bouche se déliait. Tu ne pouvais stopper un flot de paroles incessantes de s'en écouler. Empruntant les ombres de discussions monotones, de conversations parfois attrayantes sur le dernier livre que tu avais lu... Moi, je ne faisais pas grand chose. Ma participation n'était pas exemplaire, seulement, je me permettais de t'écouter. Les sons que produisait tes cordes vocales me possédaient furieusement et par instant, trop épris de ton timbre de voix, je me prenais de plein fouet les épaules d'élèves pressés.
Le salut final apparaissait par la suite. Pour me démolir, il ne te fallait que trois minables heures.
Trois heures durant lesquelles, accompagnait d'un bulldozer, tu chantais d'une manière telle, qu'on aurait dit que ta vie était constamment en jeu. Tu te laissais transporter dans de longs monologues quand on te laissait faire.
Ta voix était incroyable.
Même mêlée à celle de mon ex, je n'arrivais pas à empêcher des frissons de prendre naissance sur mes bras, ma nuque. Et toi, je te voyais heureux, comme toujours.
Un long mois plus tard. Un mois où le ciel s'était moqué de moi avant de me prendre en pitié... la voila qui débarquait. Cette athlétique et gentille petite blondinette prénommée Jang-Mi. Elle m'était rentrée dedans en sortant de son premier cours de sport. Elle faisait volley en ta compagnie, car je t'avais vu te mouver discrètement vers la sortie. Elle m'avait galamment aidée à me relever et m'avais demandée où se trouvait la cantine.
'' Je viens juste d'être transférée ici et j'ai l'impression d'avoir atterri dans une fourmilière ! ''
Saches que mon rire s'était faufilé inconsciemment d'entre mes lèvres. Peut-être était-ce parce que, comme elle, j'avais l'impression d'étouffer dans ce dédale d'humains sans hargne. Alors sans réellement comprendre ce qui m'arrivais, je l'avais prise par le bras, souriant à mon tour. Nous avions mangés ensemble, rigolant et discutant tranquillement.
La semaine suivante, elle m'avait confiée qu'elle adorait chanter et qu'elle jouait de la guitare aussi. Alors, comme par enchantement, je lui avais parlé de la troupe, que nous avions besoin de recrue. Le concours se préparait mais, si nous n'avions pas le nombre d'élève suffisant, c'était foutu. Je n'aimais pas l'idée de te voir triste.
Elle avait simplement accepté. Je soupçonnais d'ailleurs qu'elle souhaitait juste passer un peu plus de temps en ma compagnie... et ça ne me gênait aucunement, je ne serais plus seul à t'observer du coin de l'oeil
Le vendredi arrivait très vite, beaucoup trop vite. Elle s'était avancée pour saluer le professeur. Et elle avait chantée. Je ne sais pas pourquoi, mais pour une fois, j'arrivais à apprécier la voix de quelqu'un.
J'arrivais à apprécier une autre voix que la tienne.
« Je t'avais dit que tu trouverais quelqu'un, Tae. » m'avait chuchoté Jimin tout en souriant, malicieux.
Mais moi, non, définitivement, je n'arrivais pas à comprendre ce qui m'arrivait.
Tout ce que je savais, c'était qu'au bout de seulement deux semaines, la blonde et moi, nous étions ensemble. Du jour au lendemain ses lèvres s'étaient délicatement posées sur les miennes. Bien malgré tous ce que je pouvais comprendre de mon état et de mes maux, je relâchais ma garde. Pourquoi n'aurais-je pas le droit au bonheur, moi aussi ? Ouais, j'arrivais à détacher mon regard de ton dos en italien pour le caler sur ma nouvelle voisine de table. Je pouvais même m'adonner à tes petits jeux. Quand la professeure avait le dos tourné, j'embrassais ma copine, un peu trop fougueusement peut-être bien. Mais je m'en fichais car moi aussi, pour une fois, j'avais le droit d'être vivant.
Elle m'avait emmené faire un tour près d'un parc, un soir. J'avais apprécié sa compagnie, oubliant même qu'un jour, il mettait arrivé de possédait la vision de ta silhouette accrochée furieusement à mon bras. Le rêve s'était juste transformé, n'est-ce pas ? Oui. Car le soir là, il s'agissait enfin simplement de MA silhouette accrochée à la sienne.
J'étais simplement heureux d'être avec elle, puis des fois, alors que je rêvais, je pensais toujours à toi et je me disais que c'était fini, tout ce que nous n'avions jamais eu étais fini, il n'en restait qu'une trace du passé amère et tentatrice.
L'hiver entrait alors en jeu.
Jang-Mi m'avait invitée à la soirée du nouvel an de la troupe. J'acceptais, joyeusement, heureux de pouvoir revoir mes amis pendant les vacances. Bien sûr, elle avait oubliée de me préciser que la soirée se passerait chez toi, dans la maison de tes parents.
Mais qu'est-ce que j'en avais à faire ? Rien, ce n'était plus qu'un détail.
Habillé d'une chemise blanche et d'un pantalon noir classique, je m'étais présenté face à ta porte, la blonde à mon bras, dans sa fameuse robe qu'elle imaginait tant sortir du placard.
« Tu es vraiment beau ce soir, Tae, m'avait-elle chuchotée.
- Tu l'es tout autant, chérie. »
Moque toi si tu le souhaites car oui, on en était arrivé à se donner des surnoms ridicules, ce qui présageait une belle histoire d'amour. Un avenir ensemble. Moi en tant qu'agent immobilier et elle en tant que petite avocate paumée du centre-ville. Oui, notre avenir était déjà tout tracé à Séoul.
Les mains de ma blonde trifouillaient ma cravate mal attachée, bancale, quand soudain, le craquement de la porte résonnait. J'étais resté figé devant toi, sentant les lents battements de coeur de Jang-Mi contre ma chemise blanche.
Le thème était classe.
Mais toi, tu t'étais jeté sur le thème des divinités ou des dieux. Choix trop complexe semblait-il. Je n'arrivais pas à décrocher mon regard de ton corps. Comment était-ce possible d'être aussi beau, tout le temps...
J'en étais presque jaloux.
« Bonsoir. » la voix fluette de Jang-Mi me sortait de mes rêveries.
Oui, j'étais retombé une nouvelle fois amoureux de toi, alors que la femme avec qui je devais finir ma vie se tenait à mon bras. Je te détestais de toujours me faire ressentir ce genre de choses. Je te détestais de t'être jeté sur moi pour m'enlacer.
Je ne comprenais rien.
Pourquoi venais-tu m'enlacer ? Nous n'étions même plus amis depuis que j'avais rencontré ma blonde. Je t'avais évité, et tu avais compris que je ne voulais plus rien à voir avec toi. Et pourtant, tu venais de te jeter dans mes bras pour m'enlacer.
Je compris que ça n'avait rien d'extraordinaire quand Jang-Mi se penchait pour te prendre dans ses bras à son tour. Je m'étais fait des illusions, je rêvais encore. Pourtant, j'étais bien plus heureux sans toi.
Ouais.
J'arrêtais enfin de réfléchir en te suivant en direction du salon.
Tout le monde était là. Yeseo discutait avec Yoongi une bière à la main, Dawn s'amusait en étant le DJ, Hyuna soufflait au visage d'Hoseok qui souriait. Mina était assise sur les genoux de Chaeyoung, ma meilleure-amie. Jimin était avec Namjoon, son petit-ami. Je les trouvais chou ensemble. Soon, de son côté, ramenait les bouteilles, souriante comme toujours. Il y avait aussi le nouveau qui la suivait avec les gâteaux apéros, Jin. Je l'aimais bien, il était sympathique et arrivait, par je ne sais quel moyen, à me faire rire.
La soirée commençait tranquillement, cependant, un sentiment qui m'avait presque quitté refaisait surface quand je t'apercevais t'approcher de Yeseo et l'embrasser à pleine bouche. J'étais jaloux. Alors moi aussi, j'allais embrasser ma copine, un peu plus ardemment. Celle-ci ne faisait rien pour me repousser.
Je ne pouvais pas encore être amoureux de toi, c'était impossible, impensable. Alors, sans m'en rendre compte, des larmes perlaient lentement. Jang-Mi prenait rapidement connaissance de mon état et me demandait ce qu'il n'allait pas.
J'étais un terrible menteur.
« Je suis simplement heureux de t'avoir enfin dans mon vie. »
Elle avait essuyée mes larmes, souriante de nouveau. Mais je ne pouvais éviter le regard de porcelaine ainsi que le tien.
Tu fronçais, avec le plus doux des sacrifices, tes sourcils.
Étais-tu perplexe ce soir ?
Moi oui, et ça faisait mal.
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