Partie I
" J'ai craché sur le sol, j'ai juré sur ma vie, j'ai donné ma parole, j'ai juré j'ai promis. Et puis j'ai tout détruit. "
Pile dans les temps. Huit heures dix tapante. Pas trop d'avance ni de retard préjudiciable
C'était juste son truc à elle de respecter les horaires. De ne pas trop sortir des rangs.
Quand il advenait par malheur qu'elle arrive en retard, elle se transformait en véritable monstre, prête à frapper, mordre, à n'importe quel instant de la journée.
Cependant, même accompagné d'un t'as de chair inutile comme moi, elle n'était pas à la bourre. Pour ma propre volonté de survivre, on était bien à l'heure. J'aimais employer mes mots dans sa direction, j'appréciais de me moquer d'elle quand j'en avais l'occasions, cependant, ce n'était pas quelque chose de décent. Ouais, c'était déjà sympa de la part de Chaeyoung de m'avoir déposé, alors bon, je pouvais bien passer au travers de ce petit... défaut.
De cette fichue manie.
Sans un regard de compassion, elle m'avait jeté hors de sa voiture pour aller se garer un peu plus loin, il n'y avait plus de place sur le parking qui affrontait la bouche béante du hall d'entrée du lycée.
Tu sais, j'en avais des connaissances en tête ce jour-là. Par exemple, je savais que Chaeyoung allait finir par m'engueuler parce qu'elle aurait dû aller se garer plus loin faute de place. Je savais également que les fumeurs qui stagnaient toujours devant le bahut allaient crever - peut-être - sûrement, plus rapidement que les autres. Il ne fallait pas être con pour le comprendre... Oh, je savais aussi que les rois de l'époque mérovingienne ne portaient pas de couronne contrairement à ce que nos profs de collèges nous répétaient sans cesse.
Je savais bien des choses stupides, qui ne possédaient pas grand intérêt.
Ce que je ne savais pas, malgré mon intelligence un peu au dessus de la moyenne d'après ce qu'avais dit le psych à mes parents, c'était que tu dominais cet endroit de ton mètre soixante-dix huit. Eh bien non, je n'avais pas remarqué ce détail qui m'obsédait, surprenant n'est ce pas ?
La seule chose que je pouvais alors observer en évitant d'autres individus perdus, c'était le couple que formaient Dawn et Hyuna. Depuis le début de leur relation, je ne pouvais m'empêcher de sourire en me disant qu'ils étaient mignons ensemble. Je me rappelais encore la panique qui avait envahi le visage du jeune homme quand sa copine avait failli le larguer en début de seconde. Ça faisait maintenant trois ans qu'ils étaient ensemble.
Parfois, je me demandais comment on pouvait supporter une personne aussi longtemps ?
Bref. C'était presque angoissant comme pensée. Je préférais largement me troubler le crâne avec une simple description du paysage qui m'entourait.
Aujourd'hui, alors que le soleil ne faisait que d'errer sur les épidermes, je repérais ce qui m'effrayait le plus, toi.
Tu étais là.
Sauveur éperdu.
Tu souriais doucement.
Mon corps se figea sur le bas des marches.
Mes yeux ne quittaient pas leurs spot favoris.
Sache que je pouvais percevoir la malice de ses yeux qui contrastait avec l'amour inconditionnel que tu lui portais. Je l'avais aimée, moi aussi. Enfin, je m'en étais persuadé. Mais toi, tu avais cette façon de l'aimer, de l'adoucir, de la protéger. Et elle, elle te couvait de son regard d'idiote en retour. Tout ce que je pouvais faire moi, l'imbécile intraitable, c'était de glisser des regards mordants de rage dans sa direction.
Vous étiez assis tranquillement sur l'un des petits murets qui longeait l'entrée principale.
Le soleil continuait son cheminement en ce début mai sur notre bled nommé Séoul. J'avais encore dû mal à y croire...
Cadrant un peu plus correctement mon regard sur ta silhouette, je ne pouvais empêcher ma gorge de se serrer. Toujours stoïque.
Tu avais eu la magnifique idée de porter une chemise blanche légèrement entrouverte ainsi qu'un jean noir. Dans cette tenue, même la plus prude des filles du lycée t'aurais sautée dessus. Mais toi, tu n'avais d'yeux que pour cette idiote sans avenir au sourire aussi craquant qu'enrageant.
Tu n'avais d'yeux que pour mon ex. Ironie peut-être bien.
Je pouvais t'entendre rire aux imbécillités niaises que débitées la jeune femme. Tu étais bien le seul à réussir cet exploit. Mais t'étais amoureux, tout simplement. L'amour rend aveugle... Qu'ils disaient les gens sans âmes.
Bordel, tu avais cette façon de rigoler en sa compagnie, cette façon que tu ne révélais jamais en la compagnie du club de théâtre. Non, tu ne le réservait qu'à Yeseo, ce rire qui te rendait encore plus attrayant.
Ton premier regard t'avait trahi. En un millième de seconde à peine j'avais compris : C'était elle, et ça serait toujours elle. Peu importe qui se présenterait, peu importe qui serait assez fou/folle pour venir te chanter la sérénade, te faire la cours, ce serait toujours cette imbécile heureuse.
J'avais été stupide comme toujours. Mais comprend moi, je t'en prie, j'avais pris peur. Et j'étais le digne héritier du clan Kim. Et toi tu étais Jeon Jungkook, celui dont même les plus gros losers du lycée avaient rigolé à gorge déployée. Par ta faute, j'avais dû rejoindre un club de théâtre, j'avais couché avec la meilleure-amie de ma copine, et Yeseo m'avait largué dans une voiture après un enterrement.
La grande classe en soi.
Largué pour tomber encore un peu plus sous ton charme précisons-le.
Prenant une respiration lente afin de calmer les spasmes rebelles qui agitaient mon coeur, je fis quelque pas en direction de la porte, implorant un Dieu quelconque de me rendre invisible, mais ça ne servi à rien. Car, dans un léger signe de la main accompagné d'un sourire timide, tu me saluais.
Putain, j'avais presque oublié ce détail : nous étions des amis à présent.
Je perdais mes moyens avant de faire tomber mon cahier d'histoire.
C'est pas vrai...
Tu fronçais les sourcils, t'excusant du bout des lèvres et déjà prêt à venir à ma rescousse. Je te détestais pour tout ça.
Le ramassant à la hâte, je me faufilais entre la masse d'élève. Je pouvais déjà discerner ton regard blessé. Mais je n'y pouvais rien, c'était comme ça, je n'avais aucune légitimité. Aucune.
Je n'en avais jamais eu en vérité. Mais je faisais comme si.
Je faisais comme si on pouvait être amis, je faisais comme si nous pourrions un jour rigoler tranquillement dans un petit café tout en se remémorant nos vieilles années de lycée. J'avais toujours était un peu naïf sur les bords... Lorsque je prenais le temps d'y réfléchir, je comparais souvent mon comportement de gosse à de la stupidité pure et simple.
Malgré ma stupidité que j'adorais, je pouvais garder en tête une certaine lucidité perfide. Celle-ci même qui me faisait comprendre qu'en faisant chuter mon cahier, je me rendais de nouveau ridicule. J'avais toujours eu l'air débile à tes côtés. Mais toi, près d'elle, tu rayonnais d'une joie incompréhensible.
Je n'étais que celui qui t'observais de loin, caché dans l'ombre de sa minuscule silhouette si féminine.
J'étais et je serais pour toujours un hypocrite amoureux.
Les ordres d'automates qu'envoyait mon cerveau à mes jambes me guidèrent directement au casier 403. Je ne savais même pas ce que je cherchais exactement à faire. Mais apparemment, mon état d'esprit brouillon avait déjà alerté le radar de porcelaine.
Qu'est-ce que je le détestais, je le détestais d'avoir été présent à cette fichue soirée que tu avais joyeusement concocté pour fêter je-ne-sais-plus-quoi. Soirée à laquelle l'alcool avait coulé dans mes veines, jusqu'à, aux alentours de trois heures du matin, avoir raison de moi. Alors complètement bourré, je m'étais écroulé dans les premiers bras venus. Et j'avais fini par cracher le morceau.
Park Jimin.
Bon, il était vrai que j'aurais pu faire bien pire... J'aurais pu tomber dans les bras de ta meuf, mais non, je suis tombé sur le garçon le plus gay de ce lycée et qui, en plus, m'appréciait un minimum pour ne pas tout révéler à la foule.
Sacré chanceux que j'étais !
Me souriant, il attrapait mon bras de force avant de me faire traverser les couloirs bondés, sans une parole ou même un regard. Non, il savait très bien que de toute façon je n'aurais rien fait. Je n'étais plus que l'ombre de ce garçon froid et distant de première année.
Au plus grand désarroi de Chaeyoung, crois moi.
Je pensais que la vérité à cet instant était la suivante : Je ne l'empêchais pas de me trimballer dans tout le bahut, car je savais pertinemment que je n'aurais pas pu articuler un mot sans avoir l'impression de m'effondrer et de replonger. Mais la vérité était bien plus... simple : je n'avais juste pas le courage de le stopper.
C'était lui qui décidait de quand et où, me déposer.
Alors, au bout d'un petit moment, il se bloquait soudainement, simplement, admirablement.
Il était courageux de m'approcher.
Je comprenais en un regard qu'il nous avait guidés sous les gradins. Personnes ne traînaient ici depuis que les fumeurs de joints c'était fait renvoyés. Comme quoi, fumer de la beuh de mauvaise qualité n'était pas si légal que ça à Séoul.
Zut.
« Je suis désolé Tae, sincèrement. » avait-il dit dans un mince filet de voix, à peine perceptible.
Sans un regard, j'avais soigneusement déposé mon sac ainsi que mon cahier d'histoire sur le sol. Puis, je m'étais assis. La peur qui était venu frapper mes jambes m'épuisait, elle m'étreignait avec une douleur lancinante la poitrine.
« Moi aussi je le suis, moi aussi jsuis désolé. »
C'était à l'entente de ma voix brisée qu'il venait s'agenouiller devant moi, se retrouvant à ma hauteur de nouveau. Ses petites mains vinrent directement trouver les miennes, bien plus grandes, comme si tout ceci était naturel, qu'il avait l'habitude de le faire.
Je régulais un mauvais sarcasme de venir envenimer mon esprit et le sien au passage. Bordel, c'était une habitude. Toute cette mascarade était devenue une belle habitude que je me fatiguais à continuer. Peut-être que j'avais peur de faire face à la fin du jeu. Peut-être que j'avais le trouille de comprendre qu'il n'y avait pas de bouton reset à disposition.
Quand tu meurs ou que tu révèle tout de ta tactique, c'est game over. Je voulais pas affronter cette expression.
Son index jouait avec mes bagues, distraitement. Cela me calmait un instant.
« Un jour, tu le ressentiras aussi, un jour tu tomberas amoureux, profondément. Et avec cette personne, tu seras heureux, il me fixait avec ce regard emplit de bonne volonté, d'espoir. Il était gentil.
- Il n'y a qu'avec lui que je supporterais de vivre heureux, bordel... C'est si compliqué de le comprendre ? » Mes mots avaient légèrement vrillés.
J'avais toujours eu peur de la vérité, mais je ne pouvais plus me cacher, et ça je l'avais très bien compris. Je pouvais seulement la supporter, l'assumer et surtout la contrôler, cette foutue vérité. Mon père m'avait toujours défendu de pleurer en public, cela rendait les gens pitoyable. Mais maman elle, eh bien, en cet instant, elle devait être fière de moi, pour la première fois de sa foutue misérable vie.
Je ne pouvais même pas cligner des yeux sans que des larmes viennent traverser mes joues déjà bien assez creusées.
Ils n'y avaient que les bras de Jimin pour me soutenir un minimum. Mais qu'est-ce que j'espérais encore, hein ?
Jungkook aimait Yeseo d'un amour infini. Moi, j'aimais Jungkook d'un amour incompréhensible, destructeur. Yeseo aimait Jungkook.
Le schéma classique, imparable et irréversible.
Putain.
Putain...
PUTAIN !
Alors je n'avais rien à faire. Je n'étais rien face à cet amour, à ton amour. Je n'avais jamais été que celui qui t'avais jeté des sacs de peintures en première année et qui t'avais blessé par bien des façons en seconde. Oui, j'étais Kim Taehyung, et toi, tu étais Jeon Jungkook, ma victime préférée. Il n'y avait jamais eu que ça entre nous deux.
Et puis, enfin, j'aimerais te souffler une idée : je n'étais pas con tu sais ? Car je les avais vu ces sourires, qui étaient tellement plus grands, bien plus grands que ceux que nous avions rarement partagés. Même les souvenirs amaigris de ton sourire n'était rien face à ces souvenirs à elle.
Malgré tout cela, je pouvais encore me réconforter en me disant que personne ne t'avais blessé comme je l'avais toujours fait. Et que personne n'allait jamais t'aimer comme moi je le faisais, depuis la première fois où j'avais eu le malheur de croiser ton regard noisette, depuis bientôt trois ans, accompagné de crises cardiaques continuelles et sans une seule putain d'interruptions.
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