L'aigri mais sage : Le marchand

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Secteur Thanium, Bordure Extérieure, trois ans après la Bataille de Yavin

L'Atlas est dans un mauvais état. Un très mauvais état même. Sa cargaison de Nysillin venait à peine d'être chargée dans son vaisseau recyclé qu'il s'est pris un satellite. Comment ? Il l'ignore. Il est pilote depuis bien trop longtemps pour se prendre un satellite. Satellite qu'il n'a d'ailleurs pas réussi à voir. Ni avant, ni après l'impact. C'est comme si son vaisseau s'était déglingué de lui-même. Mais il est certain d'avoir entendu une percussion sur le châssis de sa navette cargo de classe Shaethipède. Cette vieillerie a su résister à la Guerre des Clones et depuis deux décennies à l'Empire. Mais pas à un satellite invisible.

Par il ne sait quel moyen, l'atteinte de son châssis s'est répercuté dans son hyperdrive, à peine quelques minutes après son départ de Felucia. Les Quermiens attendent sa livraison avec une certaine hâte. Il vient tout juste de se lancer sur la route commerciale perlemienne après avoir quitté la route corrélienne, devenue bien trop dangereuse pour lui. S'il avait trouvé une certaine sécurité à trimballer des marchandises de planètes en planètes, il s'est fait beaucoup d'ennemis. Des ennemis un peu trop proches de l'Empire.

— Blast. Cette breloque se désagrège. C'est parce que je t'ai fait parcourir la moitié de la galaxie en un seul voyage d'hyperespace ? Tu crois qu'il aurait fallu faire plus d'escales peut-être ? Oui, c'est la meilleure façon de finir à la casse pour toi, si l'Empire arrive à me retrouver, marmonne-t-il à son vaisseau comme il parlerait à un acolyte. T'es jamais contente de toute façon.

Le pilote tripote les boutons de sa navette, cherchant à trouver la planète la plus proche qui lui permettrait d'effectuer les réparations adéquates pour reprendre son business. Échapper à l'Empire c'est bien, mais si je ne peux pas me payer à manger pour survivre, ça n'a aucun intérêt. Il doit avoir pensé cela si fort que son vaisseau effectue un bruit étrange suivit d'un soubresaut n'indiquant vraiment rien de bon.

— Ça va, ça va, je cherche un endroit où l'Empire n'a pas trop d'emprise. Tu ne veux pas finir à la casse, n'est-ce pas ?

Son tableau de bord clignote et fait apparaître la planète la plus proche. Sous le joug de l'Empire, de ce que qui est affiché. Malheureusement, il n'a pas le luxe d'aller chercher une planète plus loin et mieux fréquentée.

— Ongarth... soupire-t-il en frottant son visage pour faire disparaître sa lassitude. Encore une planète où c'est le déluge.

L'Atlas ne s'est pas posée sans problème. Une fois attiré dans l'attraction gravitationnelle de la petite planète, le moteur s'est mis à surchauffer. Et c'est au moment d'atterrir qu'il a lâché. La navette s'est laissée tomber de tout son poids sur une hauteur de deux mètres trente. Cela a suffi à briser les trains d'atterrissage, les trois. C'est le destin qui s'acharne ou quoi.

En quittant son vaisseau pour rejoindre la plateforme, il est rapidement enfumé par les gaz d'échappement et le nuage noir de son moteur qui semble avoir, littéralement, explosé. Il rejoint les limites circulaires de la plateforme, jusqu'à se coller aux murs pour ne plus être entouré de ces émanations. Et puis il attend. Quelques minutes. Elles deviennent une dizaine de minutes. Le manque de temps et de patience le fait rapidement traverser la porte pour rejoindre le quartier mère du garage afin qu'on lui attribue un mécanicien. Pour une planète sous le joug de l'Empire, le service laisse vraiment à désirer.

— Hey, crie-t-il au premier droïde secrétaire qu'il rencontre, j'ai besoin qu'on répare mon vaisseau, et en vitesse.

Le droïde ne répond pas et se contente de faire des gestes linéaires avec ses bras métalliques. Ce dernier se retourne, il comprend rapidement qu'il doit le suivre. Dans les dédales du garage, des cris féminins se font de plus en plus forts. Rapidement, ils arrivent au centre de commande où une jeune fille aux cheveux noirs, à peine adulte, est en pleine dispute avec une Twi'lek aux tons ensoleillés. Une dispute qui irrite bien vite les tympans de ce marchand.

— Bon sang, Wynnie, arrête de crier, lui intime la Twi'lek dont les lunettes rectangulaires sont positionnées sur le bout de son nez.

— Que j'arrête de crier ? crie-t-elle plus fort, bouillante de colère. Ce Quarren nous a escroqué. Toi qui portes autant d'attention à l'argent, il s'est tiré avec sa navette presque flambant neuve, réparée par mes soins, pour près d'un quart de ce qu'il nous devait. Je suis sûre que si on faisait remonter toute cette histoire au Grand Maître, ce Quarren n'essaiera plus jamais d'escroquer qui que ce soit.

— On ne va rien faire remonter du tout. Le Grand Maître se fiche bien de savoir si nous sommes payés comme il se doit, tant que lui l'est.

— Il perd aussi de l'argent dans cette situation !

— J'ai besoin d'un mécanicien, s'interpose le marchand en faisant rapidement baisser l'intensité sonore. Mon vaisseau est dans un état pire que vos comptes, alors si vous voulez bien.

La jeune fille aux yeux mauves a un bref regard pour lui avant de se reconcentrer sur sa patronne.

— On ne peut pas rester les bras croisés, Loria !

— Tu as du travail, Wynnie, lui indique-t-elle du menton le marchand plein de suie qui attend.

— Wartob va me fouetter si je ne ramène pas le quota hebdomadaire, l'implore-t-elle.

Loria s'arrête dans ses comptes et relève son regard. Le visage de Wynnie est affligé. Loria serre les dents.

— Alors dépêche-toi d'aller réparer le vaisseau de notre nouveau client. Et amadoue-le comme tu arrives à le faire avec tous les autres.

— Vous attendez qu'il neige ou bien ? s'impatiente-t-il. Moins de temps vous passez sur mon vaisseau, plus vous en passez sur un autre et plus vous vous ferez d'argent. C'est ce que vous voulez non ?

Wynnie se retourne vers le client, la mâchoire serrée et le regard plein de colère. Ils ne comprennent rien de rien. Elle lève son regard sur Loria qui hausse les épaules avec un regard désolé. Wynnie se plante devant le marchand bien désagréable.

— Je suis à vous.

— Ce n'est pas trop tôt.

Le vieil homme grisonnant la ramène à sa plateforme et là, Wynnie découvre le carnage. La fumée encore épaisse, les étincelles qui ne cessent de grésiller et même un foyer de flammes qui vient de se lancer à niveau de la coque du moteur.

— Dépêchez-toi, jeune fille. J'ai encore besoin que ce vaisseau vole.

— RK ! hurle-t-elle depuis la plateforme. Amène l'extincteur, le plus gros.

Et là, d'un seul coup, dans l'innocence la plus naïve, elle fait un geste de la main vers le haut qui fait se dissiper la fumée en un rien de temps. C'est alors que cela le frappe. Toutes les sensations se manifestent à nouveau, plus de vingt années qu'il les a enfouies. Enfouies mais pas oubliées. Son regard est comme agrippé à la jeune mécanienne et finalement, il la perçoit. Il la voit bien trop clairement. Elle est si aveuglante. La Force.

Le droïde astromécano arrive avec un énorme extincteur qu'il transporte sur le sommet de sa tour centrale. Il bouscule même le client qui a les yeux rivés sur la jeune demoiselle. Elle est entourée de cette lumière, celle qu'il n'avait pas vue depuis des années.

— Qui es-tu ? s'enquit-il en venant attraper son bras comme un fou à lier, l'empêchant de faire quoi que ce soit.

Wynnie se débat doucement et arrive à le faire lâcher sans problème. Il est trop choqué pour avoir une poigne plus dur. Il n'en croit pas ses yeux et ses sens.

— Déjà, vous ne me touchez pas de cette façon, sinon je vous coupe les mains et se sera beaucoup plus difficile pour vous d'aller livrer votre marchandise si vous ne pouvez pas piloter. Ensuite, je pense que vous avez assez entendu mon nom dans la bouche de ma boss pour vous en souvenir, à moins que vous ne soyez à ce point concentré sur votre petite personne pour faire attention aux gens autour de vous.

Il est replongé dans ses souvenirs d'il y a au moins trente ans, une époque résolue depuis une vingtaine d'années, quand l'Empire Galactique est né et que l'Ordre Jedi s'est éteint. Avec lui, son affiliation à la Force.

Il se met à réfléchir. Elle est encore très jeune, elle doit être née après la montée au pouvoir de l'Empereur. Il sait bien que de nombreux individus naissent sensibles à la Force, encore aujourd'hui, mais les Inquisiteurs n'ont de cesse de les traquer. Comment peut-elle être passée inaperçue aux yeux de l'Empire alors qu'Ongarth est sous son joug à l'heure actuelle ?

— Quel âge as-tu ? s'empresse-t-il de lui demander.

— Je vous en pose des questions moi ? Laissez-moi travailler. Je vais en avoir pour un moment, peut-être même plusieurs jours. Je sais que vous êtes pressés mais il va falloir prendre votre mal en patience. Votre vaisseau est une épave. Il y a une taverne en face du garage, vous pourrez vous y restaurer et peut-être même y passer une nuit ou deux si vous sortez une bourse de crédits.

Et puis ses yeux mauves, cette peau si pâle. Elle lui rappelle cette vieille amie qui doit être morte depuis bien longtemps désormais. Elle n'avait pas la même capacité que lui à vivre l'équivalent de deux vies humaines. Son espèce a été décimée par l'Empire. Il ne doit rester que bien peu de survivants, peut-être même aucun.

— Tu vis ici depuis longtemps ? Tu as déjà vécu ailleurs ?

Wynnie se retourne et lui offre une grimace comme réponse. Non mais c'est qui ce vieux schnock ?

— Je suis née ici, pourquoi ?

— Tu es sûre de ne pas avoir vécu ailleurs que sur cette planète ? insiste-t-il en se rapprochant d'elle.

— Vous êtes sourds ou quoi ? Je vous dis que je suis née ici.

Impossible qu'elle soit née ici.

— C'est quoi votre nom à vous, histoire que ce soit équitable en matière d'informations échangées ?

Wynnie essaie de suivre le conseil de Loria : l'amadouer. Elle est trop stressée à l'idée de finir battue par son manque de prudence avec le Quarren. Vu comment il s'intéresse à elle, elle peut peut-être lui soutirer un peu d'argent en plus pour combler le vide. Si tant est qu'il ait plus d'argent que de compassion.

— Rol... Hmm... Pylar, répond-il, d'abord plongé dans ses souvenirs avant de se reprendre. Je suis marchand.

— Oui, j'avais deviné.

Il voudrait sortir sa lame et lui ouvrir la paume de la main, vérifier si son sang est bien noir, mais il prend conscience de la folie qu'il doit laisser transparaître. Elle doit me prendre pour un cinglé

— Tout va bien, papi ? Vous êtes pâle.

Il lève son regard vers elle. En plongeant dans son regard lavande, il est alors certain. C'est une Sensitive et une Khaalist. Je n'aurais jamais cru revoir ces deux caractéristiques chez une même personne.

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