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Tout le monde est ivre. Cela ne change pas de d'habitude. La cantina est le refuge des truands et des scélérats. Eowyn est habituée à cette atmosphère imbibée d'alcool. Ce qu'il manque, c'est un peu de musique. C'est d'ailleurs bien ce que reprochent les clients à Dob : ne pas avoir la place pour faire jouer des groupes. Le Bésalisk est si immense qu'il a besoin d'un bon mètre et demi de large pour se déplacer entre les tables, et il a besoin de suffisamment de table pour faire tourner son entreprise. La musique n'est pas sa priorité. « Et puis, on s'tend plus parler 'vec d'la musique » lui a un jour répondu Dob quand elle lui a suggéré l'idée. Et Pylar aurait préféré qu'il écoute cette jeune femme, la musique aurait permis de mieux distraire les brigands qui envahissent l'espace.

— On devrait aller ailleurs, lui annonce Pylar, assit en face de la jeune mécanicienne qui mange goulûment son plat. Il y a beaucoup trop d'oreilles indiscrètes. Ce genre de bandit n'hésiterait pas à me dénoncer s'il apprenait qu'un ancien Jedi est ici.

Il avait chuchoté à la fin de sa phrase. L'idée de lui faire un cours sur la Force au milieu de personnes qui n'hésiteraient pas à les poignarder dans le dos ne le rassure pas des masses.

— On est très bien ici. Ils sont trop soûls pour s'intéresser à autre chose qu'à leur prochain verre. Et avec un peu de chance, ils déclencheront une bagarre.

— Une bagarre ? De vrais barbares, commente le vieil homme en sentant ses poils se hérisser sur sa tête. Bon, alors on s'y met ? J'ai pas toute la journée.

Eowyn lâche un pouffement aux paroles du marchand. Décidément, cet homme est un gros con hypocrite.

— On va parler de quoi ?

— Tu sais ce qu'est la Force ?

— Bien sûr, c'est le grand pouvoir des Jedi.

— Pas si fort ! Nom d'un molosse corellien, tu es si empotée.

— Et vous, un vieux grincheux. Arrêtez de chouiner.

L'ancien Jedi serre la mâchoire et se retient de toutes ses forces de ne pas lever les yeux au ciel. Cette gamine est un fardeau.

— J'ai raison ou pas ?

Cette fois-ci, il lève les yeux au ciel. Un groupe de Rodiens, au comptoir, s'exclame et trinque en renversant la moitié de leur verre.

— Tu as tort.

— Je suis quasiment sûre que je n'ai pas tort.

— Visiblement, tu es aussi ignorante qu'agaçante. Maintenant écoute bien et sois attentive à ce que je vais te dire car je ne le répèterais pas deux fois.

« La Force est un champ d'énergie échappant aux définitions des lois de la physique. Elle provient de la vie elle-même, et peut être utilisée à travers différents pouvoirs ou certaines technologies. Son principal but est d'unir la galaxie. Omniprésente, elle se retrouve en chaque être vivant, mais également en toute matière inerte, donnant un point commun à l'ensemble de la matière de la galaxie. La Force transcende les notions d'espace, de temps et de dimension. Elle tend à assurer un certain équilibre entre paix et chaos, entre vie et mort. »

— Vous êtes en train de dire que, là, maintenant et tout de suite, la Force est présente partout autour de nous, au sein de l'ensemble de ses pillards, et même de mon ragout ?

Pylar ne cherche pas à cacher son exaspération, il lève une nouvelle fois les yeux au ciel.

— Ravi de constater que tu sais répéter ce qui vient d'être dit.

— Dans un langage approprié à toutes les classes sociales, précise la jeune femme avec un sourire insolent, cherchant à lui faire comprendre qu'elle n'est pas une gosse de riches ayant la possibilité d'aller à l'école sur une planète du Noyau.

— Je peux continuer maintenant ? soupire-t-il.

Eowyn hoche la tête en enfournant une nouvelle cuillerée de son ragout.

« La Force est une énergie, certes, mais il s'agit surtout d'une conscience. Elle guide les êtres et trace leur chemin. Bon nombre d'évènements arrivent parce que la Force le veut. Tout le monde ne la voit pas de la même façon et sa représentation n'est pas unique. Pour beaucoup, on lui attribue une double dualité. La première est l'opposition Côté Lumineux et Côté Obscur, entre le Bien, la bonté, la compassion, et le Mal, l'ambition, la haine. Certains Jedi rejette cette vision de la Force et attribuent les notions de Bien et de Mal aux motivations des individus. »

Eowyn arque un sourcil et lève les yeux de son plat.

— Vous pensez que les motivations de chacun ne sont pas de notre fait mais un choix de la Force ? demande Eowyn, ayant retrouvé un semblant de sérieux.

— Je pense qu'on a toujours énormément spéculé sur énormément de sujets concernant la Force et qu'au final, on ne sait pas grand-chose. Des milliers de Jedi ont travaillé sur la question durant des centaines d'années et on ne sait toujours pas expliquer la majorité de ce qu'on affirme la concernant. La Force, c'est... poursuit l'ancien Jedi en cherchant ses mots, c'est une instance supérieure.

— Une déesse ?

— Si on veut. Rien ni personne ne peut contrer les souhaits et volontés d'une déesse et ce, quelle que soit la religion.

— Donc, la Force est la déesse de la religion Jedi ?

— C'est un peu ça. Tout le monde ne croit pas en la Force, ils assimilent les évènements au hasard quand cela ne va pas dans leur sens.

— Continuez.

« La seconde dualité est basée sur une complémentarité : Force Vivante et Force Unificatrice, ou Cosmique. La première est associée au monde physique, relie les êtres vivants. La seconde fusionne l'espace et le temps dans un monde plus spirituel, reliant les esprits, le passé, le futur et l'au-delà. En mourant, un être rejoint la Force Unificatrice et son énergie, elle, retourne à la Force Vivante.

La Force, quelle que soit la composition qu'on lui attribue, peut être identifiée au travers d'événements physiques et discernables aux sens et peut tout d'abord accorder de nombreuses capacités, jugées surnaturelles par les non Sensitifs. Il devient possible de soulever des masses lourdes avec son seul esprit, de communiquer sans un mot, de déchainer des orages, de modifier le comportement d'un fauve ou de voir l'avenir. La Force peut parfois être puissamment présente en un endroit sans l'intervention d'un être intelligent. Certains objets fortement imprégnés du Côté Obscur peuvent pervertir l'esprit et faire basculer dans une haine primaire et meurtrière. Des lieux affectés de façon similaire voient leur terre devenir stérile. À l'inverse, une zone où la Force Vivante est très présente fourmille de vie animale et végétale. »

Eowyn pense alors à la montagne qu'elle escalade pour surveiller Belokwa quand il va se déshydrater à la Triade. Elle a toujours ressenti quelque chose de différent dans l'air, quand elle escalade l'endroit. Mais sa position au pied d'un volcan est la probable raison de l'absence de vie animale ou végétale aux environs. La jeune femme se garde bien de l'interrompre une nouvelle fois pour lui faire part de son observation.

« La raison pour laquelle certaines personnes sont sensibles à la Force, capable de la sentir et de la manipuler en partie, est liée à la présence d'un taux cellulaire minimal de midi-chloriens. En dessous d'un certain seuil, ce sont des non Sensitifs. Ces organites permettaient le lien entre la Force Vivante, générée par la vie, et la Force Unificatrice, liant le monde physique à la Volonté de la Force. »

Pylar fait une pause de lui-même dans ses explications. Il fixe Eowyn qui ne dit rien et attend d'en apprendre plus.

— Tu as des questions ?

— Euh... oui. Est-ce qu'il y a une corrélation entre le nombre de midi-machin-chose et l'intensité de connexion avec la Force ?

— Midi-chloriens, lui répète-t-il en se massant les tempes, encore et toujours agacé par le comportement de son apprenti.

— Ne soupirez pas comme ça, ce n'est pas de ma faute si c'est un mot difficile à prononcer.

— Ce n'est pas de ma faute si tu as un trouble de l'audition, renchérit-il avec cynisme. Mais ta question est pertinente. Un taux élevé confère au porteur des capacités particulières, des pouvoirs, révélant un lien fort avec la Force. Mais il n'existe que de très rares cas où les midi-chloriens sont très élevés. Pour ce qui est de la connexion avec elle, elle est fluctuante. Si la Force souhaite entrer en contact avec toi, elle le fera quel que soit le nombre de midi-chloriens dans ton organisme. Peu importe combien tu essaieras de t'y projeter et peu importe avec quelle volonté tu le voudras, si elle refuse de te guider, tout ne sera que silence et vide dans ton esprit.

Eowyn hoche une nouvelle fois la tête en regardant dans le vide. Elle médite sur tout ce que vient de lui apprendre ce marchand grognon et désagréable. Elle réalise que la Force n'a jamais voulu communiquer avec elle jusqu'à maintenant, en tout cas pas de manière spirituelle. Si elle communique déjà si peu avec elle, est-ce parce qu'elle n'essaie pas de la joindre ou parce qu'Eowyn ne sait pas écouter ? Où est-ce peut-être quelque chose de plus évident ? L'arrivée de ce vieux schnock et d'Ezra serait donc son œuvre ? Qu'a-t-elle en tête pour moi ? Une question à laquelle son nouveau maître n'aura pas de réponse mais qu'elle devra essayer de connaître par elle-même au fil du temps.

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