96 - Toute sa vie

🪐

C'est le vent froid qui lui fait ouvrir les yeux. Eowyn découvre l'endroit où elle se trouve. Sur Ongarth.

Elle n'a jamais autant détesté sa planète que quand il y était, mais la revoir après plusieurs semaines d'absence lui fait un drôle d'effet. De la nostalgie, très certainement. Pourtant, cet astre lui en a fait voir de toutes les couleurs. Cela ne l'empêche pas pour autant d'avoir ce petit pincement en revoyant les pics rocheux et la neige.

Eowyn pense être dans un rêve, un rêve désespéré. Son inconscient essaie très certainement de la renvoyer vers quelque chose de familier pour compenser ses dernières mésaventures. La jeune femme fronce alors les sourcils en réalisant que ces "mésaventures" se résument à être retenue en otage par ce qu'il reste de l'Empire, ainsi que Grogu. Il faut que je me réveille.

Elle entend quelqu'un frapper à une porte, la forçant à se retourner. Elle découvre derrière elle une petite maison en tôle sale, encastrée dans la roche de la montagne, et cette saleté de Cloddogran qui frappe avec force, malgré ses petits poings, sur la porte de la maison. Ma maison.

— Ouvrez, citoyens ! C'est l'heure de la Collecte.

Après plusieurs secondes d'attente que Wartob n'a pas été capable de compter sans frapper de nouveau comme un bourrin sur la porte, celle-ci s'ouvre sur un homme blond aux yeux clairs dont la fatigue est perceptible rien que dans sa façon d'ouvrir une porte.

— Donnez-moi l'argent de la taxe, exige Wartob en ouvrant sa sacoche comme un mendiant le ferait dans les rues profondes de Coruscant.

— Vous savez, l'année a été difficile...

— Ce n'est pas mon problème.

La mâchoire d'Eowyn se contracte, c'est la seule chose qu'elle puisse faire. Tout son corps est bloqué, incapable de faire un quelconque mouvement. La neige continue de tomber autour d'elle et le vent ne cesse de balayer la rue dans laquelle ils se trouvent. Les flocons pénètrent même la maison à cause des bourrasques.

— Avec les inondations des mines ici et les champs qui ont été infestés par les abeilles sur Friodzia, ma femme et moi n'avons pas gagné assez d'argent pour pouvoir payer la taxe...

— Vous devez avoir l'argent. C'est ainsi chaque année, qu'elle soit bonne ou mauvaise.

Soudain, alors que le froid entrant doit désormais être omniprésent dans la demeure, des pleurs de bambins se font entendre jusqu'à l'entrée. Wartob se penche un peu sur le côté pour voir ce qui se trame. Eowyn sait ce qu'il regarde. Elle sait qu'il la voit.

— C'est votre enfant ? demande-t-il d'une voix presque trop empathique pour être réelle.

— Oui... nous utilisons tout l'argent que nous gagnons pour la nourrir.

— Je peux la voir ?

Eowyn voudrait lui crier de cesser cette ruse émotionnelle qu'elle lui connaît très bien, mais c'est trop tard. L'homme appelle sa femme qui les rejoint dans l'entrée, la petite dans ses bras qui continue de pleurer à chaudes larmes. Elle doit avoir entre quatre ou cinq ans.

— Qu'est-ce qui te fait pleurer, mon enfant ?

Wartob s'était rapproché et avait fait signe à la mère de s'accroupir pour être à sa hauteur. Dès lors, il pose une de ses mains pustuleuses sur sa tête et commence à caresser ses cheveux. Un haut-le-cœur aurait pris l'enfant si elle avait su ce qui l'attendait.

La petite se contente de serrer plus fort sa mère dans ses bras, malgré la différence de couleur de cheveux qui contraste énormément, ainsi que sa peau bien plus blanche que celle de ses parents. Puis Wartob propose une autre solution à leur problème.

— Je vais prendre l'enfant à la place de l'argent.

La femme blonde se relève à toute vitesse et fait un pas en arrière, horrifiée qu'il demande une telle chose.

— Vous ne pouvez pas...

— C'est ça ou je reviens avec les forces de police qui vous arrêteront et vous serez exécutés dans les quarante-huit heures.

Non, ne faites pas ça ! Eowyn laisse couler les larmes quand elle voit ses parents tendre le bambin au Cloddogran. Elle laisse couler son désespoir quand elle le voit s'éloigner, la petite Eowyn dans les bras qui pleure toujours, alors que ses parents s'enlacent avec une honte si grande. Puis son blocage le lève. Ses muscles contractés, qui n'avaient pas prévu qu'ils seraient libres de cette manière, la font chuter en avant, le visage dans la neige. Cette sensation d'humidité glacée sur le visage ne lui a jamais paru aussi désagréable.

— Aller Eowyn, avance. Moi aussi j'ai des petites jambes et j'avance plus vite que toi.

L'affranchie se relève à l'entente de son nom pour découvrir à nouveau Wartob. Son cœur se met à battre plus vite quand elle remarque qu'il est en train de tirer les cheveux d'une petite fille pour qu'elle avance plus vite.

— Tu me fais mal ! lui crie-t-elle sans pour autant chercher à se débattre, la menace du fouet à la taille du Cloddogran étant suffisante pour annihiler toute rébellion.

— C'est dans la tête. Rappelle-toi qu'on a du travail et un délai pour le réaliser. Si tu avances plus vite, j'arrêterai de te tirer pour avancer.

— Mais je déteste voler les habitants... aïe.

Des larmes de douleur assaillissent ses paupières. Le cœur de la jeune femme se sert. Elle se rappelle parfaitement ce moment. Elle se rappelle parfaitement le précédent aussi, d'ailleurs. Elle réalise alors qu'ils sont devant une autre maison. Wartob pousse alors Eowyn vers la palissade nord de la maison où une fenêtre est ouverte et où de la condensation s'échappe telle de la fumée qui s'échappe d'un feu.

— Attend mon signal gamine.

— Je ne suis pas une gamine ! lui rappelle-t-elle en s'exécutant tout de même.

Une fois installée, Wartob frappe à la porte.

— Ouvrez, citoyens ! C'est l'heure de la Co...

La porte s'ouvre brusquement sur un homme d'une cinquantaine d'années qui ne paie pas de mine. Gros biceps, gros pectoraux, grosses cuisses et gros blaster. Wartob sait très bien qu'Eowyn est la seule à pouvoir le faire payer.

— Pas cette fois, Cloddogran.

Il sort de sa maison, faisant reculer Wartob qu'il surplombe de deux ou trois fois sa taille.

— Doucement, citoyen. Je ne fais que mon travail.

— Balivernes. On sait tous que les Cloddograns sont si cupides qu'ils récupèrent une partie des taxes pour eux-mêmes.

— Il faut bien que je sois payé pour mon travail ! se défend-il en levant les mains en l'air, signe pour Eowyn que c'est le moment pour elle d'entrer en jeu.

Ce jour-là, la petite Eowyn est entrée par la porte d'entrée au lieu de se faufiler par la fenêtre ouverte comme elle le fait à chaque fois. Il suffit désormais à Wartob de l'occuper suffisamment pour qu'elle ait le temps de ressortir avant que l'habitant ne se décide à rentrer.

— Vous savez très bien ce qui vous attend si vous ne payez pas. Je ne souhaite pas vous voir mourir.

— Comme si tu en avais quelque chose à faire.

— Eh bien, j'en ai quelque chose à faire. Si vous mourez, vous ne pouvez pas payer la taxe. Et si vous ne payez pas la taxe, le Grand Maître va prendre des mesures radicales et je ne serai pas payé. Ce seront des droïdes de sécurité qui viendront à ma place, et ils seront nettement moins sympas que moi !

— Au moins, ils ne feront pas de faux sentiments. Je les attends de pied ferme.

L'homme fait demi-tour et commence à rentrer chez lui, mais Eowyn n'est pas encore ressortie.

— Attendez ! On doit bien pouvoir s'arranger ! Peut-être pourriez-vous payer la moitié aujourd'hui et l'autre moitié dans six mois ? Je peux m'arranger pour qu'aucune sanction ne soit effective tant que vous n'avez pas payé la deuxième partie.

L'homme se retourne à toute vitesse et saisit le cou du Cloddogran.

— Je ne compte rien payer du tout ! J'en ai assez que vous me preniez la moitié de mes revenus qui sont déjà maigres. La vie pourrait être belle sur Ongarth, mais pas quand des rapaces comme toi ou le Grand Maître se font de l'argent sur le dos de braves travailleurs. De l'argent utilisé pour développer uniquement l'exportation de firmna afin de vous enrichir encore plus. Ça suffit, tout simplement !

Sa gorge commençant à lui faire mal, il essaie de le faire lâcher un peu la pression. Puis la gamine sort enfin de la maison avec une bourse d'argent et retourne se cacher derrière l'angle de la maison.

— Très bien ! Je m'en vais, cède Wartob maintenant qu'il a récupéré ce qu'il voulait.

Eowyn a toujours été très efficace pour récupérer l'argent. Cela évite de faire appel à la police ou aux droïdes de sécurité où ça prend toujours énormément de temps pour que l'argent soit versé dans les caisses du Grand Maître, et dans ses poches.

— Que je ne te revois pas ici l'an prochain. Ni les autres années à venir.

Puis l'homme s'enferme dans sa maison. Wartob entreprend de se masser la gorge en rejoignant la petite.

— Tu as tout ?

— Oui.

— Bien, bien.

La gamine a le visage triste quand ils passent tous les deux à côté de l'ancienne esclave qui a observé la scène de loin, sans pouvoir faire quoi que ce soit que d'être témoin de ses souvenirs.

— Ne fais pas cette tête, il va vivre une année de plus grâce à toi.

— Une année de plus à travailler comme un malade pour se faire voler encore une fois.

— La vie est ainsi sur Ongarth.

— La vie est nulle sur Ongarth.

Le blocage se lève à nouveau quand elle est une nouvelle fois seule dans la rue. Ne sachant pas quoi faire pour se réveiller, constatant que même en ayant conscience d'être éveillée dans ses souvenirs, ça ne l'aide pas à revenir dans la réalité, elle se lance à la poursuite de Wartob et Eowyn. Elle descend la pente qui mène à la gare du village. Le problème est que les sensations d'être dans un rêve sont bien présentes : elle court au ralenti. Elle ne les rattrapera jamais. Puis Eowyn trébuche sur une racine qui semble être apparue pile au moment où elle relevait son pied pour continuer à avancer.

Son visage ne finit pas dans la neige cette fois. Elle rappe plutôt un sol dur, un sol qu'elle a trop bien connu ces six dernières années. Le tatami de la salle de combat sous la taverne. Eowyn entend un coup de fouet électrique qui lui hérisse les cheveux sur la tête.

— Espèce de petite menteuse ! beugle Wartob en faisant tournoyer son fouet. Je sais que tu as pris dans l'urne après le combat d'hier soir.

— Arrête Wartob ! l'implore la petite Wynnie qui reçoit un nouveau coup.

— Tu aimes tellement tes larmes de Tiga que tu serais prête à voler celui qui t'a sauvé la vie de la famine. Comment oses-tu être aussi ingrate !

— Je n'ai rien volé !

Mais ses mots sont vite neutralisés par un nouveau coup de fouet, à la base du cou cette fois. La jeune enfant, d'une dizaine d'années, à peine plus âgée que dans le précédent souvenir, s'effondre sur le sol et commence à sangloter. Son corps tout entier tremble et elle se recroqueville, fléchissant ses hanches et ses genoux pour les entourer de ses bras en attente du prochain coup.

— Si tu recommences à me voler, je te couperai un doigt ou deux la prochaine fois. C'est le sort qu'on réserve aux voleurs.

Wartob met fin à l'électrisation de son jouet et l'accroche à sa ceinture avant de remonter à l'étage pendant que son esclave est encore au sol, à retenir ses larmes en tremblant. La Eowyn qui n'a pu qu'observer voudrait pouvoir aller la serrer dans ses bras, lui expliquer que ça s'améliorera, qu'elle n'aura plus peur de lui dans quelques années quand elle le dépassera de plusieurs centimètres. Puis finalement, la jeune Eowyn se relève.

— Je n'ai rien volé, je ne suis pas une voleuse.

Un court instant, le regard des deux filles se croisent. Ou tout du moins, celui de la vieille croise celui de la jeune. Elle perçoit sa propre colère au sein de cette enfant, cette rage d'être si mal traitée et accusée à tort pour tout. Puis la jeune fille se met à courir pour rejoindre l'étage. Cette fois, les jambes de la plus âgée sont mobiles et lui permettent de la suivre. Je ne suis qu'un pantin, c'est une sensation tellement désagréable...

Pendant que ses jambes la portent dans le sillage de la petite, elle peut constater que la taverne n'a pas changé depuis toutes ces années, que la rue principale de Vogartha est toujours aussi boueuse et qu'elle déteste toujours autant la pluie. La petite Wynnie semble d'accord avec elle :

— Raaaah je déteste la pluie ! Je déteste cette planète !

Finalement, elle pénètre dans le garage. Il n'appartenait pas encore à Loria à ce moment-là de sa vie, mais elle se rappelle que c'était le seul endroit où elle pouvait se réfugier quand Wartob la cherchait, avant qu'il ne la fasse employer là-bas.

Les Eowyn se suivent de près et rejoignent bien vite le débarras du garage. C'est l'endroit où RK est sans arrêt laissé à l'abandon quand ses boulons sont desserrés, mais cette fois il n'a pas l'air d'avoir de problème.

— Je déteste Wartob ! Je déteste son fouet ! Je déteste son urne !

La jeune fille commence à piétiner le sol comme si c'était la seule chose qu'elle pouvait faire, puis donne un coup de pied dans une clé à molette qui traîne au sol, la faisant voler dans les étagères bien rangées du propriétaire des lieux. Elle trouve un tissu sale au sol et entreprend de le déchirer avec ses mains, ou tout du moins essayer, pour extérioriser sa colère. Puis quand elle réalise qu'elle ne peut taper sur rien sans se faire jeter dehors pour le désordre qu'elle aurait causé, ses jambes flanchent et elle se met à pleurer à chaudes larmes. Ses sanglots sont extrêmement bruyants et se réverbèrent sur les murs, probablement dans tout le garage. Un tel désespoir après avoir vécu seulement un dixième d'une vie...

— Qu'est-ce qui se passe ici ?

La petite relève la tête, ses yeux emplis de larmes et rougis par la colère. Elle découvre un jeune homme, adolescent, qui la regarde depuis le cadre de l'entrée. Elle l'a déjà vu travailler sur la motojet de Wartob.

— Pourquoi pleures-tu ? lui demande-t-il en venant doucement s'accroupir à côté d'elle.

Prise au dépourvu, n'ayant pas l'habitude qu'on lui demande son avis - ce qu'elle ressent, ce qu'elle veut - elle se remet à pleurer. La main qu'il pose sur son épaule pour la soutenir est la goutte de trop. Wynnie lâche prise. Elle vient enlacer le cou de ce garçon qu'elle connaît à peine mais qui a plus fait pour elle en quelques secondes que n'importe qui à ce jour.

— Tout va bien, tente-t-il de la rassurer en la serrant à son tour dans ses bras. Je reste avec toi.

Les secondes passent. Pas énormément. Face à tant de patience et de sollicitude d'un inconnu, les pleurs d'Eowyn se calment bien vite. La vieille Eowyn les regarde avec les larmes aux yeux. Mon cher Basile...

— Comment est-ce que tu t'appelles ? lui demande-t-il en venant essuyer les larmes sur les joues de cette enfant.

— Eowyn... répond-elle en reniflant bruyamment.

— Enchanté Eowyn, je suis Basile.

La petite regarde la main qu'il lui tend, lui donnant l'impression de ne plus être une enfant. De ses petits doigts, elle attrape son doigt et le serre.

— Enchantée.

Une voix grave, venant du centre de commande du garage, bruit sur les murs :

— Basile ! Où es-tu petit garnement ? Ton travail ne va pas se faire tout seul !

Basile lève un instant les yeux au ciel avant de se retourner vers sa petite protégée.

— Est-ce que tu veux te changer les idées ?

La fillette hoche la tête, le visage toujours aussi boursouflé.

— Très bien, on va aller voir l'intercepteur N-1 sur lequel je travaille.

— Qu'est-ce que c'est ? demande Eowyn en reniflant une nouvelle fois.

La jeune fille attrape immédiatement la main de Basile avant de se diriger vers la sortie du débarras.

— C'est un vaisseau des forces de sécurité de Naboo. Tu verras, il est très beau bien qu'un peu décoloré.

— Qu'est-ce que Naboo ?

Eowyn n'entend pas la suite de la conversation mais elle la connaît déjà. Il lui expliquera que Naboo est une planète de la Bordure Médiane et qu'il a déjà entendu des voyageurs en louer les paysages verts. Eowyn se sent un peu plus nostalgique. Si ses souvenirs les plus anciens sont parmi les plus tristes de sa petite existence, Basile a été le rayon de soleil dont elle avait besoin pour croire que la vie méritait d'être vécue et non d'être abrégée. Et le revoir avec tant de précision après plus de dix années est un rayon de soleil de plus qui s'ajoute à celui de Grogu et de Din. Bon ça suffit, il faut que je sorte de cet inconscient.

Eowyn entreprend de chercher quelque chose de coupant dans le débarras du garage. Son attention se porte même sur un soudeur. Ça fera l'affaire. Elle l'allume sans chercher à protéger son visage. Si je suis dans un rêve, mourir me réveillera...

La chaleur se fait ressentir quand elle approche le jet de feu jusqu'à sa gorge. Avant d'avoir pu toucher sa peau, toute lumière s'évapore, même celle du soudeur. Puis la voix de Basile retentit dans cette noirceur :

— Ne lâche pas ma main. Ne lâche surtout pas ma main.

Reconnaissant ces mots entre mille, le cœur d'Eowyn se met à battre encore plus vite que jusqu'à maintenant. Non, non, non ! Ses jambes se remettent à courir dans le noir sans se soucier de la direction ni même de la présence d'éventuels obstacles sur son chemin. Elle sait qu'elle va rejoindre ce moment de sa vie qui a été l'un des plus horribles, elle sait que le chemin sera sans encombre pour le revivre une nouvelle fois. Finalement, un point de lumière apparaît au loin et s'agrandit au fur et à mesure qu'elle s'en rapproche. Des ombres se dandinent devant la lumière. Deux silhouettes se tiennent la main.

— Dès qu'on aura atteint la lumière, ils ne pourront pas ne suivre dehors. Nous nous rendrons à Gerdyn pour te faire soigner, mais tu ne dois pas lâcher ma main.

— Basile...

— Les dragons Loweecri n'ont pas de morsure vénéneuse, Wynnie. Il faut juste tenir encore un peu. Accélère, je les entends derrière nous, ils vont nous rattraper.

Eowyn continue de courir dans leur direction. Elle doit les rattraper. Je peux peut-être empêcher ce qui va arriver. Je dois empêcher ce qui va arriver. Des cris transfixiants parviennent jusqu'à leurs oreilles, la petite Eowyn ressert sa main autour de celle de Basile en geignant de douleur et de peur. La vieille Eowyn perçoit enfin la traînée de sang noir dans les tunnels qui se sont enfin matérialisés.

— Là, Wynnie ! La lumière !

Les deux ombres dépassent enfin les limites sombres pour qu'enfin l'ancienne esclave puisse les reconnaître physiquement à la lumière du jour. Quand elle passe à son tour la sortie de la grotte, Eowyn a comme une impression de fatalité.

— Basile, elle... elle nous suit encore ! s'inquiète la petite fille en regardant Eowyn.

— Continue de courir, ne lâche pas ma main.

— Basile j'ai peur... Il faut que tu l'arrêtes !

La petite observe toujours la grande qui leur court après. Non Wynnie, cette fois je vais vous sauver, toi ainsi que Basile. Mais l'enfant, lâche la main de son ami, pointe du doigt le garçon et se met à hurler avec une telle force que le dragon-mère fait un bon impossible au-dessus de la plus âgée pour finir par atterrir sur l'adolescent qui s'effondre sous son poids. L'affranchie s'arrête de courir quand le dragon plante ses crocs dans le garçon. Non, ce n'est pas ce qui s'est passé. C'est impossible.

La petite, réalisant ce qu'elle vient de provoquer, hurle son chagrin et revoit la créature dans son trou par sa seule colère.

— Basile ! pleure la jeune enfant. Basile, je suis désolée...

— Va chercher de l'aide... lui intime-t-il d'une voix faible.

Eowyn observe cette scène qu'elle pensait connaître par cœur. Elle se termine comme elle s'en souvient, mais la manière dont se sont déroulées les choses sont différentes... C'est moi qui aie tué mon seul ami ?

Les larmes affluent leurs yeux, le chagrin coule dans leurs veines et les deux Eowyn tombent à genoux de chaque côté du corps de Basile. Elles prennent chacune la main de ce garçon qui ne deviendra jamais adulte, qui ne verra pas grandir sa protégée qui l'a trahi dans un excès de peur, de désespoir.

— Je suis désolée, mon cher Basile, s'excuse enfin la vieille Eowyn. J'ignorais que tout était ma faute...

Après quatre souvenirs imposés, Eowyn réalise quelque chose. Elle réalise qu'elle se souvient de tout. De chaque moment de sa vie, même alors que sa mémoire à long terme n'était pas encore parfaitement mûre. Elle se souvient parfaitement des paroles de Wartob quand il a annoncé à ses parents qu'il la prenait avec elle à la place de la taxe. Elle se souvient dans les moindres détails de comment elle a trouvé la bourse du citoyen récalcitrant, cachée sous une latte de plancher, pendant que Wartob l'occupait à l'extérieur de la maison. Eowyn se rappelle encore de la sensation du fouet électrique dans sa nuque, de ses cheveux qui se sont hérissés sur sa tête et de ses poils sur ses bras. Eowyn comprends que c'est grâce à cette mémoire parfaite qu'elle apprend tout si vite, qu'elle retient tout ce qu'on lui dit. Mais elle est comme n'importe quelle personne qui souffre. Des souvenirs peuvent être remplacés voire effacés complètement lorsqu'ils sont trop douloureux. Le déni est capable d'une telle chose.

Comme si la mort de Basile était l'élément scindant sa vie en deux, la suite des souvenirs s'enchaînent bien plus vite.

Eowyn se voit terminer son couteau papillon, plusieurs mois après la disparition de son mentor. Elle avait amorcé les croquis et le début de la construction avec lui, et elle sait qu'il aurait été fier d'elle de la voir achever son premier projet toute seule, à l'âge de onze ans.

Ensuite, Eowyn est à nouveau témoin de la médaille qu'elle a reçue pour avoir gagné la récolte des algues dobartans, sous une pluie torentielle. Ce fut la première fois de sa vie qu'elle ne détesta pas la pluie. Il pleut toujours les jours de récoltes, elle ne pouvait s'attendre à de la neige ou à un simple ciel gris. Elle l'avait accepté telle qu'elle était à cet instant.

Eowyn revoit Belowka la déposer dans une rue de Gerdyn après l'innondation des creux des montagnes. Elle revoit cette inquiétude inhabituelle sur le visage du Mandalorien, lui qui n'a eu de cesse de ne se préoccuper de sa pénitence au détriment de ses relations qui auraient pu être cordiales.

Eowyn revit sa rencontre avec Din et Grogu. Comment elle a eu ce mauvais pressentiment face à sa petite grenouille qui s'est avéré bien éronné. Elle revoit son passage à tabac par le Pyke qui a finalement été l'élément déclencheur de son affranchissement.

Eowyn ressent la terreur familière face au dragon Krayt de Tatooïne, la panique pendant son altercation avec les araignées des glaces, l'admiration lors de la rencontre avec la bande de Mandaloriens de Bo-Katan.

Eowyn redécouvre sa véritable histoire, celle de son peuple génocidé, auprès du droïde enseignant.

Les souvenirs s'enchaînent à une vitesse qui lui donne le tournis.

Sa discussion avec Ahsoka sur la potentielle absence de fatalité de la volonté de la Force, sa balade au sein du festival sur Noveli avec Din et Grogu, son combat avec les droïdes de l'Empire avant qu'ils ne l'amènent à bord du vaisseau impérial, sa dernière conversation avec le Moff qui cherche quelque chose dans sa mémoire. Une prétendue mémoire collective. Mais Eowyn ne revit que ce qu'elle-même à déjà vécu. Rien de nouveau, rien d'inconnu.

Puis tout recommence, comme si on avait appuyé sur un bouton replay. 

🪐

Coucouuuu

Je vous publie un deuxième chapitre car j'ai oublié de publier mercredi ... Je m'excuse.

Coeur sur vous 

Eléa <3

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