94 - Moff Gideon
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Le malaise est constant. Nausées, fatigue musculaire, mal de tête. La sensation de vertige est réelle bien qu'Eowyn sente le plan dur sous elle. Ses yeux sont d'une extrême lourdeur mais son ouïe se précise, elle perçoit des voix qui discutent et les pas de plusieurs personnes qui traînent des pieds. Elle essaie de s'étirer, de détendre ses muscles courbaturés mais quelque chose la retient. Des menottes de part et d'autre du support sur lequel elle est allongée.
— Moff Gideon. Elle émerge, fait une voix.
— Accélérez le processus, fait une seconde voix, plus grave.
Aussitôt demandé, Eowyn sent sa conscience s'éveiller, son attention s'édifier suffisamment pour que ses yeux s'ouvrent sans trop de difficultés. Mais la lumière est aveuglante, jusqu'à ce qu'une ombre vienne l'écarter, une silhouette qui se penche au-dessus d'elle. Un homme à la peau foncée, tout de noir vêtu, lui offre un sourire qui aurait été moins effrayant dans d'autres circonstances.
— Bonjour, jeune fille.
Se sentant récupérer ses forces progressivement, l'ancienne esclave a un regard pour son environnement. Une infirmerie ou un laboratoire, Eowyn ne saurait le dire. Tout ce qu'elle constate, c'est qu'il fait sombre en dehors de cette lumière de bloc opératoire au-dessus d'elle. C'est alors qu'elle commence à se débattre.
— C'est inutile, ce sont des menottes pour contenir des êtres sensibles à la Force. Elles sont parfaitement appropriées à la situation, n'est-ce pas ?
Eowyn ne se décourage pas pour autant, trop effrayée pour abandonner, trop en colère pour abdiquer.
— Une Sensitive puissante et téméraire, ce sont ceux que je préfère.
Irritée par son arrogance et son sadisme, la jeune femme redouble d'effort. Des menottes pour Sensitifs ? Jamais entendu parler. Il doit se payer ma tête.
— Où est Grogu ?
— Grogu ?
— OÙ EST-IL ?
Eowyn ne cesse de s'agiter, suffisamment pour avoir l'air d'une folle à lier. L'homme a un regard pour son personnel puis hoche la tête. Les deux hommes qui discutaient un peu plus tôt autour d'Eowyn s'éxécutent et injectent quelque chose dans son cathéter. Ses forces s'aménuisent progressivement, suffisamment pour qu'elle arrête de gigoter dans tous les sens.
— Où est-il... implore-t-elle désormais, dépitée à l'idée de ne pas être aussi forte que face à ces troopers, de succomber aux toxiques et aux médicaments.
— Il est dans une cellule, un peu plus loin dans l'aile est. Il ne faudrait pas que vous soyez trop proche l'un de l'autre. On ne sait jamais ce que deux Sensitifs peuvent faire ensemble.
— Je vais vous tuer... lâche-t-elle en consommant ses dernières forces.
— Ne t'en fais pas, nous allons veiller sur lui. Tu devrais plutôt te préoccuper de ce qu'il va t'arriver à toi.
— Vous ne vous en sortirez pas comme ça...
— Ah, merci d'aborder le sujet, j'ignorais comment le faire, s'amuse le Moff. Comment, toi, tu t'en es sortie ? C'est une question que je me pose sincèrement.
Eowyn commence à retrouver la même faculté à réagir à son environnement qu'à son réveil. Ses forces sont considérablement diminuées, elle a envie de dormir. Mais le Moff ne semble pas en avoir fini avec elle.
— Comment une Khaalist, qui devait être encore un bambin à l'époque, peut-elle avoir survécu au massacre de Jovak ? Le Seigneur Vador n'a épargné personne. Personne.
Il se penche à nouveau au-dessus d'elle. Eowyn lui cracherait bien au visage, mais ce n'est pas sa volonté qui est défaillante.
— Qui vous dit que je suis née sur Jovak ? marmonne-t-elle en espérant être aussi arrogante que lui, espérant que ça suffira à le faire redescendre.
Il lâche un rire amusé. Sa remarque n'a pas l'effet escompté mais la jeune femme est trop fatiguée pour se mettre en colère. Elle est à deux doigts de tourner de l'œil.
— Diminuez la sédation. Maintenez une dose suffisante pour qu'elle reste tranquille.
Une fois que ses hommes lui ont confirmé avoir exécuté ses instructions, il rapproche son visage du sien.
— La marque derrière ton oreille. Ce n'est pas une marque banale, c'est celle de la royauté Khaalist. Et les prétendants au trône naissent forcément sur leur planète natale. C'est ainsi que votre histoire est écrite.
Eowyn est complètement perdue. Entre les fluctuations rapprochées du produit qu'on lui injecte associées à ce qu'avance cet Impérial sur sa naissance, son peuple, Eowyn ne sait plus quoi penser, quoi croire. Il ment. Je suis née sur Ongarth. Plein d'espèces différentes naissent loin de leur planète natale.
— Vous ne savez absolument rien, crache-t-elle, ayant repris de la vigueur.
Malheureusement, elle non plus ne sait rien. Tout ce qu'elle veut, c'est qu'il la ferme.
— Tu as sûrement raison, je ne sais rien. Cela fait bien trop longtemps que Jovak a été ravagé et que ton peuple a péri. Je devrais sûrement passer à autre chose, me concentrer sur ce qui compte vraiment.
L'entendre continuer à déblatérer lui fait réaliser à quel point les hauts gradés de l'Empire aiment s'entendre parler. Elle voudrait se libérer de ses menottes, foutre une raclée aux trois cinglés dans la pièce et partir secourir Grogu. La suite du plan est simple : se faufiler jusqu'au hangar, ce qui ne sera pas une mince affaire, et voler un vaisseau. Elle ne sait pas piloter, mais elle sait que Grogu a énormément de valeur à leurs yeux, bien assez pour qu'ils ne tentent pas de les détruire en plein vide spatial. Sa seule mission sera de trouver comment enclencher l'hyperdrive. Mais avant même de pouvoir enchaîner toutes ces étapes, il faudrait qu'elle soit apte à rester éveillée.
— Grâce à toi, un vieux projet de l'Empire va peut-être pouvoir renaître.
— Je ne ferai rien pour vous.
— Je n'ai pas besoin de toi à proprement parler, j'ai besoin de ce qu'il y a dans ta tête.
Eowyn lâche un rire nerveux qui prend vite de l'ampleur, suffisamment pour qu'elle ait à nouveau l'air d'une folle à lier. Cela ne semble pas être la même affaire pour le Moff.
— Qu'est-ce qui te fait rire ?
— Je n'ai rien dans ma tête. Mon cerveau, c'est de la bouillie. Je sais juste réparer des vaisseaux et casser des mâchoires. Vous n'allez pas aller bien loin.
Cette fois, c'est le Moff qui laisse bruir un rire, bien loin d'être nerveux comme celui d'Eowyn. Au contraire, il a une telle assurance qu'Eowyn aimerait que ses nausées se transforment en vomissements qui le souilleraient pour lui arracher cet air suffisant.
— Toi, tu ne sais peut-être rien, mais ta mémoire, elle, le sait très bien. Il faut croire que je ne suis pas le seul à ne rien savoir, constate-t-il en attrapant la mâchoire d'Eowyn entre son pouce et son index.
Il commence à mobiliser sa tête selon une rotation droite-gauche et à soulever ses cheveux au niveau de ses tempes. Eowyn aimerait se débattre.
— Posez les électrodes ici, ordonne le Moff.
Il lâche sa mâchoire en s'écartant. Les deux hommes dans la pièce s'exécutent. Des gommettes blanches sont positionnées sur les tempes de la jeune femme.
— Pour ta gouverne, jeune fille, ton peuple possède - mes excuses, possédait - une mémoire collective. Elle faisait des Khaalists les personnes les plus éclairées des espèces intelligentes. Une transmission de connaissances sans déformation dans de multiples domaines, notamment la science, faisait de ton espèce l'une des plus respectées, et surtout les plus craintes après les Sensitifs. Et votre affiliation presque religieuse aux Jedi ne rassurait que les Républicains qui avaient la chance de vous compter parmi les plus fervents défenseurs de la démocratie. Il en aurait été autrement si les Khaalists avaient décidé que la puissance valait mieux que la générosité. Leur ingéniosité dans le domaine militaire, s'ils s'y étaient consacrés comme il se devait, leur aurait permis de gouverner la galaxie. Mais ils étaient trop faibles. L'Empire, lui, peut prétendre à un tel dessaim.
Nausées sur nausées, le mal-être d'Eowyn est total. Il ne l'empêche cependant pas d'être attentive à ce qui est dit. Elle est dépitée par tout ce qu'il sait de son peuple, et elle ne peut pas l'accuser de mentir. Ses propos sont trop élaborés pour qu'ils soient mensongers.
— Et s'il y a une chance que la marque derrière ton oreille ne soit pas juste un moyen de prétendre au trône de Jovak. S'il y a une chance que tu sois la fille du dernier roi et de dernière la reine en titre et qu'ils t'aient transmis leur mémoire collective, je me dois d'essayer. Pour l'Empire.
Eowyn arrive finalement à maintenir ses paupières ouvertes pour constater le regard solennel de l'Impérial en face d'elle. Elle voudrait que ses menottes tombent, que le médicament s'évapore d'un claquement de doigts et qu'elle se libère soudainement pour l'empêcher d'essayer. Quoi qu'il cherche, elle sait qu'elle doit l'en empêcher. Mais elle est impuissante, prisonnière.
— Lancez l'extraction.
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