85 - Le festival
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Din a bien senti que quelque chose n'allait pas. Il se posait déjà des questions sur le chemin avant que le vaisseau ait besoin de faire escale, et voir Eowyn agir comme si de rien n'était l'a plus perturbé qu'il ne l'aurait imaginé. Il a de nouveau cogité, sur le trajet pour rejoindre le village qu'ils avaient survolé, suffisamment pour lui faire comprendre qu'elle ne s'ouvrirait pas à lui comme elle l'a fait sur Ongarth, ou sur cette lune de glaciers sur laquelle ils se sont crashés. Probablement est-ce plus profond en elle, peut-être ne sait-elle même pas mettre des mots sur ce qu'elle ressent. Après avoir découvert le funeste destin des Khaalists, cela a modifié sa manière de voir les choses, de les appréhender. Probablement que cela a même altéré l'entièreté ses réflexions, de ses principes, qui elle est. Le Mandalorien a donc été convaincu de la bonne marche à suivre quand il a découvert le village.
Un village enrobé de banderoles entre les habitations dans un camaïeu de rouge, les trottoirs sont agrémentés de diverses fleurs dans les mêmes tons et des guirlandes, en forme de fleurs ou de pétales, ornent les cadrans de portes qui sont toutes grandes ouvertes, comme une invitation innocente à entrer se rafraîchir. En effet, devant toute cette convivialité, les villageois étant tous aussi aimables que le laisse présager leur décoration, il s'en voulait d'avoir privé Eowyn et Grogu d'un tel spectacle. Et voir Eowyn marcher en traînant des pieds, les yeux tombants après une crise de larmes qui a laissé des traces sur son visage, Din est d'autant plus convaincu que cela lui fera du bien. Et il avait raison.
En voyant à peine les maisons de pierres apparaître entre les arbres, dont les branches pleurantes cisaillent les rayons du crépuscule, la jeune femme a déjà fait disparaître les stigmates de ses questionnements. Quand ils ont dépassé l'arche en bois faisant office d'entrée, ses yeux sont nouvellement illuminés. Désormais, un sourire d'excitation a pris place sur son visage. Grogu, toujours dans ses bras, semble lui aussi impressionné par tout ce décorum coloré. Ils viennent sans cesse observer les nouvelles fleurs qu'ils découvrent, les sentir, et n'hésitent pas à consommer les amuse-bouche que leur proposent gratuitement les villageois sur le pas de leur porte. Une population accueillante pour une jeune femme aussi fabuleuse, malgré sa manie de parler avant de réfléchir.
Devant un tel enjouement, Din sourit sous son casque. Elle ne le voit pas, elle ne perçoit que sa démarche imposante qui semble scanner le moindre recoin de la rue dans le cas où on chercherait à les attaquer.
— Ça te plaît ? lui demande-t-il finalement alors qu'elle est en train d'engloutir une plume en sucre que Grogu regarde avec gourmandise.
— Ché incroyable ! s'exclame-t-elle en postillonnant du sucre sur son beskar qu'elle s'empresse de dépoussiérer du bout de ses doigts. Décholée.
Entendre le rire de son sauveur a le don de la détendre d'autant plus. Ce n'est qu'une situation temporaire, mais cela fait du bien. Ils continuent leur avancée, Eowyn ne cherchant même pas à freiner sa gourmandise et sa curiosité débordante. Elle sait que le chemin du retour sera difficile. Je vais rouler jusqu'au Razor Crest, Din et Grogu seront obligés de me pousser.
Le trio finit par rejoindre la place centrale du village, pavée de multiples pierres bordeaux usées par les pas dansant des villageois, chaque année à la même période. De la musique vient chatouiller leurs oreilles quand ils découvrent des centaines de personnes dansant frénétiquement sur la place. Des cris de joie accompagnent la valse acrobatique, leurs tenues - semblant presque féériques avec leurs dizaines de rubans rouge virevoltant à chaque mouvement - rendent la scène si éclatante qu'elle a l'impression d'être dans la même euphorie.
Quand la danse se termine, les duos se penchent en avant pour se saluer, leurs sourires se propagent entre les rangs. Din, Eowyn et Grogu s'apprêtent à continuer leur visite quand trois femmes - une dame d'âge mûr et deux adolescentes - lui parlent dans une langue qui n'est pas le Basic et leur montrent leur stand. Un stand débordant de tissus et de rubans écarlates. Elles attrapent les mains pleines de sucre d'Eowyn et la tirent doucement vers leur établi, leur sourire suffisant à Eowyn pour ne pas s'enfuir malgré l'incertitude qui l'envahit. Elle a un regard pour Din qui les suit sans broncher, elle ne perçoit pas du tout son petit sourire amusé caché derrière son casque.
— Din, aide-moi ?
— Tout va bien se passer, lui affirme-t-il dans un rire alors qu'il s'accoude à un poteau tenant les multiples draps du stand.
— Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? demande Eowyn aux dames qui rient à sa panique.
Grogu, dans ses bras, ne comprend pas non plus ce qui se passe. La femme âgée vient s'emparer de sa petite grenouille pour la poser dans les bras du Mandalorien. Rapidement, les dames traversent les draps et se retrouvent à l'abri des regards. Eowyn les voit s'activer autour d'elle, elles lui enlèvent sa veste et lui demandent de se déshabiller. La mécanicienne fait de gros yeux quand la plus jeune d'entre elles commence à passer une éponge d'eau glacée sur ses épaules pour laver la crasse.
— Ah, c'est froid !
Eowyn se tortille sous les coups d'éponge agile de cette jeune fille qui a l'air d'avoir l'habitude. Son pantalon, son débardeur et sa veste finissent dans un coin de la tente pendant que la plus âgée commence à prendre ses mesures. Tour de taille, tour de poitrine, longueur de ses jambes. Elle comprend alors ce qui lui arrive.
— Euh... mais je n'ai pas de quoi vous payer...
Les dames continuent de s'affairer, dans la joie et la bonne humeur que leur inspire cette soirée de festival. Une fois grossièrement lavée pour enlever la couche de saleté marron qui recouvre son corps, une première tunique est glissée sur sa tête et pendouille le long de son corps, rose pâle. Puis les trois couturières commencent à coudre les rubans, certains larges de quelques millimètres, d'autres de plusieurs centimètres. Et en moins de quinze minutes, elle est presque prête. La troisième femme s'attaque alors à ses cheveux et défait ses trois tresses lui arrivant dans le milieu du dos.
— Non, ne touchez pas à mes tresses s'il vous plaît.
Mais la coiffeuse tape sur ses mains, comme pour la punir, et marmonne quelque chose dans sa langue qu'elle ne comprend pas. Elle sent les doigts de cette femme coiffer ses cheveux et les relever sur le haut et l'arrière de son crâne. Finalement, la musique revenant chatouiller ses oreilles et l'odeur de nourriture enivrant ses narines, les trois femmes la placent devant un miroir. Ses cheveux sont retenus en chignon - Eowyn se demande d'ailleurs comment cela est possible puisqu'en dehors de ses trois tresses partant de la base de son crâne, le reste de ses cheveux sont courts à mi-hauteur de son cou - et elle est habillée de la même manière que tous les villageois qui dansaient un peu plus tôt.
La plus jeune écrase une baie entre ses doigts, comme celles qu'elle a mangées un peu plus tôt dans la journée avec Grogu, et vient passer son pouce sur les lèvres de la mécanicienne. Et c'est pour elle la touche supplémentaire qui la rend méconnaissable.
— Karabast, de quoi j'ai l'air.
Elle trouve l'ensemble sublime, mais savoir que c'est elle qui se trouve dedans enlaidit la chose. Elle se sent ridicule, c'est tellement loin de ce qu'elle est d'habitude. Mais les femmes lui sourient et la poussent à l'extérieur à toute vitesse, un sac en tissu contenant ses anciens habits atterrit dans ses bras. Avant même d'apercevoir le Mandalorien, elle voit voler un sac de crédit directement dans les mains de la plus âgée des stylistes. Elle hoche la tête avec un sourire puis retourne à l'intérieur de sa tente. Mais Eowyn se sent mal à l'aise, elle est droite comme un piquet dans sa robe qui laisse passer l'air entre ses jambes. Elle fixe le sol pourpre, incapable de lever le regard. Un doigt se pose sous son menton et lui relève la tête. Din apparaît devant elle.
— Tu es superbe.
Désormais rouge comme une tomate, son cœur s'accélère et son sang bat dans ses tempes, assourdissant la musique sur la place.
— C'est très joli mais je suis mal à l'aise, il y a trop d'air qui passe sous cet habit.
Din ricane une nouvelle fois et passe son bras sous celui d'Eowyn.
— Tu ne peux pas profiter de ce festival si tu ne t'essaies pas à leur coutume. N'est-ce pas ce que tu voulais ? Découvrir et te cultiver ?
Eowyn soupire. Il utilise mes rêves contre moi, c'est petit. Grogu la regarde avec insistance, comme si lui aussi ne la reconnaissait pas.
— Si mais...
— Allons boire quelque chose, la devance-t-il. Tu auras le droit de te plaindre quand on sera de retour au Razor Crest.
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